Nous avons finalement appris que je pouvais guérir de cette maladie. Il me fallait seulement subir une chirurgie pour éliminer les cellules cancéreuses et ensuite me mettre des gouttes spéciales dans les yeux pendant deux à trois mois. J'étais soulagée. Je n'allais pas être aveugle finalement! Pourtant, j'ai vu mes chances s'envoler quand mon père a demandé le coût de tous ces soins. J'ai perdu tout espoir quand l'optométriste a répondu à mon père que les traitements coûteraient à peu près 8000$. Mon père était un homme extrêmement avare. Il est PDG d'une énorme compagnie et pourtant, nous habitons dans un petit appartement miteux qui n'est presque pas chauffé et nous avons à peine de quoi manger. Pourtant, je sais qu'il est riche. J'ai bien vu que son entreprise est celle qui gagne le plus d'argent dans tout le pays et j'ai bien vu que son compte de banque contient un chiffre avec de nombreux 0... De quoi payer à manger pour l'Afrique au grand complet pendant plusieurs mois... Je ne savais pas pourquoi mon père gardais tout cet argent caché au lieu de nous offrir une vie confortable... Je ne le sais toujours pas d'ailleurs...

En entendant le chiffre que le docteur venait d'énoncer, j'ai vu les yeux de mon père devenir grand comme des soucoupes et sortir de leur orbites. Je n'ai pas pour autant abandonné tout espoir. J'avais un petit espoir, au fond de moi qui me disait qu'il accepterait de me payer les soins dont j'avais besoin pour guérir. Cet espoir me disait qu'il m'aimait plus que son argent et qu'il serait prêt à faire des sacrifices pour moi, parce qu'il m'aime. Malheureusement, mon père n'a pas eu pitié de moi et a refusé de payer. «Elle guérira sans tous ces traitements» avait-il dit. Je l'avais cru, étant une petite enfant, je ne savais pas que ce qu'il disait n'était que des conneries. Je l'ai appris plus tard. J'ai appris que mon père était aveugle et égoïste.

C'est ironique le fait que mon père ne voulait pas payer 8000$ pour me faire soigner car dorénavant, il en paye plus d'un million pour tous les soins que j'ai besoin. Nouvel arrangement de l'appartement, aide, soutient pour l'école, école de rétablissement, etc... Tout cela n'est pas gratuit...

Pourtant, quand je suis devenue aveugle, mon père, n'ayant toujours pas appris sa leçon, avait refusé de me transférer dans une école pour aveugle. Il trouvait que c'était beaucoup trop cher. Il a insisté pour que je reste dans mon école. "Pas besoin de pouvoir voir pour apprendre, tu as juste besoin d'écouter" avait-il dit.

Cela m'arrangeait qu'il insiste pour que je reste dans mon école de toute façon. Tous mes amis s'y trouvaient et je ne voulais certainement pas les quitter. Il y avait aussi mon petit copain que je ne voulais en aucun cas quitter. Il l'ont fait à ma place... En apprenant mon nouvel handicap, mes amis sont partis au pas de course. Il ne me restait plus que mon copain pour me remonter le moral. Il est parti lui aussi, me laissant seule et handicapée puisque c'est ce que j'étais, une handicapée. Je ne voyais désormais plus et je n'avais personne vers qui me tourner, personne vers qui m'appuyer. Bref, j'étais devenue la loser de l'école. Celle qui avait la poisse. Celle que personne ne voulait approcher de peur d'attraper sa malchance. J'étais devenue un espèce de monstre. Une bête de foire que personne ne voulait s'approcher de peur de devenir aveugle à leur tour. Tout le monde se moquait de moi et de ma situation. Mes amis et mon copain les premiers. Tout mon monde semblait s'être écroulé...