Je me réveille difficilement. J'ouvre les yeux subitement mais en voyant que je ne peux voir que du noir, les larmes me montent aux yeux. C'est comme ça à chaque matin. Je me réveille à chaque fois en espérant que tout ceci ne sois qu'un mauvais rêve mais évidemment, ce n'est pas un rêve ou plutôt, un cauchemar. Je suis bel et bien aveugle et je suis bel et bien handicapée.

Je me lève paresseusement de mon lit et me dépêche d'entrer dans la salle de bain. Je sais pertinemment que si Georges n'entend pas l'eau couler, il va entrer dans ma chambre. J'enjambe avec précaution le bord de la baignoire puis fais couler l'eau. Je tâte les murs en essayant de trouver mon shampoing. Je finis pas le trouver. Je recommence ma recherche pour le revitalisant et le savon.

J'en ai marre. C'est tout le temps le même manège et j'en ai assez.

Je sors de la douche et m'enroule d'une serviette. Je vérifie si Georges n'est pas dans ma chambre avant d'y entrer pour m'habiller, je n'ai pas envie qu'il me surprenne nue quand même.

***
Je sors de ma chambre une heure après. J'ai mis beaucoup de temps à trouver ma poignée de porte de chambre. Ben quoi? Je suis aveugle ok? C'est difficile de se repérer!

Je me dirige vers la cuisine en me repérant grâce à l'odeur des crêpes qui s'en dégage. Je fonce dans quelque chose. Je tâte cet objet quelques secondes avant de réaliser que cette chose, c'est Georges. Je me recule en m'excusant. Je crois que c'est une des pires choses qu'apporte mon handicap. Je suis incapable de me repérer. Même dans ma propre maison j'ai de la difficulté à me repérer. J'ai de la misère à trouver mon savon quand je suis dans la douche donc je me vois mal sortir dans les rues où il y a plein de gens et de voitures...
-mademoiselle?
-mmh? Dis-je d'une voix absente
-je ne sais pas si vous vous rappelez mais ce soir nous allons...
-me chercher un chien et le dresser oui je sais Georges. Merci de me le rappeler pour la 6e fois depuis hier, dis-je d'un ton agacé.
Georges ne répond pas. Je mange en silence puis enfile mon sac de cours. Je tâte mon visage à la recherche de mes lunettes. Voyant qu'elles ne sont pas présentes sur mon nez, je me précipite vers ma chambre. Je tâte mon bureau et finis par les trouver. Je les enfile en vitesse et marche de nouveau vers l'entrée. Bien que je n'ai pas besoin de lunettes, je les met quand même. Mes lunettes bleues-pâles que je voulais tant. Cela peut sembler ridicule d'un certain point de vue mais c'est particulièrement significatif puisque je voulais tant porter des lunettes et il s'est avéré que je n'en aurai jamais besoin. Je les porte parce que non seulement ces lunettes font ressortir mes yeux et les mettent en valeur, mais elles cachent aussi une grande partie de mon visage et ça me donne l'impression d'être invisible lorsque je les porte.

J'embarque dans la voiture avec l'aide de Georges. J'en ai marre de tout le temps avoir besoin d'aide et de ne pas pouvoir faire les choses par moi-même. J'aimerais juste pourvoir cuisiner un gâteau au chocolat par moi-même comme avant... Mais non, je dois soit être supervisée et aidée par Georges pour cuisiner, soit le laisser tout faire seul. Je n'ai jamais aimé qu'on m'aide. J'ai toujours voulu être indépendante et voler de mes propres ailes et voilà qu'on me les brûle mes ailes... Je n'en peux tout simplement plus...