Chapitre 8 - Sol
La cage, encore.
Avec elle me parvient la perception d’un jour interdit, là, juste là, de l’autre côté, qui étale sur ma prison une chaleur poisseuse. Ses rumeurs morcellent mon silence ; elles appartiennent à d’autres vies, à d’autres rêves.
Je sens le monde vibrer dehors. Il se laisse capturer par petites touches lointaines, douloureuses par ce qu’elle révèlent de sa fièvre, salvatrices par ce qu’elles exaltent de mon imaginaire. Entre ces parois, j’ai déjà vécu mille fantasmes. J’ai été visible aux yeux de mes chimères, ami, frère ou âme-sœur. J’ai été l’absolu, non pas pour tous, mais pour quelqu’un.
Aujourd’hui pourtant, aucune illusion ne m’emporte.
Comment pourrais-je me satisfaire d’irréel quand son regard me hante encore ? J’hésite entre euphorie et déraison.
— Je ne suis plus ma seule vérité, je suis la sienne aussi. Exister pour soi ne suffit pas. Moi, on m’a fait naître. On m’a vu.
Un rire tremble sur ma bouche. Je le ravale de justesse, car il se serait brisé net contre mes barreaux. Je préfère qu’il germe en moi. Qu’il gonfle ! Qu’il croisse ! Il se libérera au crépuscule pour, d’un frisson, allumer les étoiles.
— Et si ce soir, le garçon ne te voyait plus ?
Dans un coin de la cage, un papillon s’ébat. Il est petit, brun, laid, égaré ; il cogne, encore et encore, contre les mêmes écueils, triste reflet de mon infortune. M’en soucié-je vraiment ? Non. Il a toujours été là, et la solitude lui prête parfois la voix de mes démons.
— Il me verra.
— Mais s’il ne le désirait plus ?
— Alors je n’aurais que ma mémoire pour vivre.
— Tu gardes mal les souvenirs.
— Je chérirai celui-là. Ce sursaut du monde, cette impression que tout s’achève… Crois-tu que je l’oublierais un jour ?
— Ce n’est pas ce que ton cœur souhaite. Tu ne veux pas d’une cicatrice, sinon la brûlure toujours ardente d’un œil contre le tien.
Ma main fuse vers le papillon. Stupide réflexe ! Même empli de toute ma volonté, je reste aussi impalpable qu’un soupir : l’insecte me traverse et ma violence s’évapore. C’est ainsi – se débattre ne m’a jamais servi. Ma peau peut bien ignorer la caresse des choses, mon visage appartenir à un seul être et mon âme à la nuit, je peux bien être esclave du temps, de mes folies ou de l’ennui, je sais quelle force m’anime. Je ne suis pas de ceux qui se battent. Je suis de ceux qui prient.
— Il me verra.
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