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Chapitre 7 - Rafael

J'ouvre les yeux sur la chambre où mes songes ont fanés cette nuit. Meublée par nécessité plus que par goût, elle referme un lit, une chaise et sa propre obscurité. Quelque chose exsude des murs... Une pellicule de faux-semblants, cloquée par l'humidité et la cendre. Les ombres frémissent. Les Malheurs guettent. Comment ai-je pu seulement m'y assoupir ?


Le sommeil aura au moins ordonné mes troubles. Je me lève avec trois questions tatouées au corps, celles dont tia Tania devra répondre dès ce matin. Trois idées cultivées à la sueur de mes cauchemars, mûries sous l'œil des volcans ; trois propos éclos à l'aube, pas un de plus, pour apaiser ma soif.


- Trois questions seulement... Jamais vu quelqu'un d'aussi bizarre, pesté-je en me dépêtrant des draps. Elle est presque pire que moi.


L'amertume résonne mal dans la chambre. Ma voix s'absorbe dans la pénombre, aspirée par ce qu'il s'y cache. J'ai l'impression de les nourrir, aussi revêts-je le mutisme en premier lieu, m'habille en second, puis quitte la pièce.


Tia Tania s'affaire dans la cuisine. Les fenêtres diffractent une lueur grise ; l'aube pointe ses doigts de brume. De longues plaintes transpercent cette ambiance feutrée : des singes hurleurs - je ne les ai jamais entendus si près.


- Bonjour, baille ma tante. Tes fantômes t'ont-ils épargné quelques heures ?


- Il semblerait.


- Bien.


Les banalités ne prennent pas entre nous. Tia Tania frisonne de sommeil, et moi, pataud, j'hésite sur la conduite à tenir. Feindre la patience ou lui déverser ma hâte en face ?


Une pestilence soudaine dissipe mes doutes. Sur la gazinière bouillonne une casserole au contenu hérissé de pustules, dont la seule vue me fait bondir. Quelle horreur !


- Qu'est-ce que c'est ?


- Le petit déjeuner. Gallo pinto.


- Désolée, tia, mais je ne distingue ni riz, ni haricot là-dedans.


Tia Tania soupire. Comme elle est loin, la chamane d'hier soir ! J'affronte une petite bonne femme encore revêtue de sa nuit, qui tâtonne en direction de sa tasse.


- Tes critiques attendront. Il me manque un litre - ou deux - de café pour ça.


- Pardonne-moi, je m'inquiète seulement de ma survie.


Elle hausse les épaules.


- Je connais les subtilités du monde spirituel, l'autre visage des esprits. Je joue avec les venins et les plantes, lève les malédictions dont les hommes s'accablent eux-mêmes. Mais cuisiner... Non.


Les singes prennent le relais de la conversation. Ils emplissent la cuisine d'échos torturés ; j'entends presque leurs griffes sur la charpente. À moins qu'il ne s'agisse d'autre chose, d'autres fantômes à l'odeur de brûlures... Un frisson me dévale l'échine. Afin d'y couper court, je m'empare d'une poêle.


- Voyons voir.


Mes doigts ripent sur le manche.


Ils portent le souvenir d'une époque pas si lointaine où ma mère me couvait encore de sa foi. « Cuisine avec moi, tout ira bien. » Combien de fois avons-nous tenté de survivre ainsi, l'œil rivé sur le fourneau plutôt que sur nos fêlures ? Je m'emplissais d'elle, de sa présence derrière mon oreille, de ses rires comme des pincées de sel. Je ne la regardais pas, mais je la vivais. Quand avons-nous abandonné ce rituel ? Ma mémoire trébuche. Je repense à ces jours de malheurs vivaces et l'esquive contrite de ma mère. « Non, Rafael. Il vaut mieux que tu restes dans ta chambre maintenant. »


- Il y a des œufs dans le réfrigérateur, indique mollement Tia Tania.


Je m'ébroue. Les gestes me reviennent. Rompre la coquille, battre le mélange, poivrer l'ensemble. Ma brouillade n'aura rien d'exceptionnel, sinon d'être comestible et de dissiper ma mélancolie.


Escorté des heurts de vaisselle, je m'éclaircis la gorge :


- Tia, mes trois questions sont prêtes.


- Elles ne patienteront guère plus longtemps, n'est-ce pas ?


- Non.


J'ose un regard vers elle. Derrière sa nuque, son malheur ondoie. Il reste un amas sans visage, mais ses sursauts nuancent l'apathie de ma tante - sous ses airs nonchalants, la chamane veille.


- Voilà, annoncé-je sans ambages, qu'allons-nous faire ?


- Faire quoi ?


J'englobe la cuisine, son désordre, les fenêtres embuées ; je pointe sa solitude rompue et nous deux, étrangers sans plus l'être, en équilibre au milieu.


- Pour vivre ici.


Elle rit.


- Il suffit de bâtir un nouveau quotidien. Pour commencer, je te délègue volontiers toute tâche culinaire.


- Cela vaudrait mieux, en effet..., grincé-je.


- Quant au reste, j'ai souvent besoin d'aide au jardin, ou pour livrer mes remèdes sur l'île. Le statut d'assistant te conviendrait ?


J'ignore quoi répondre. Jusqu'à ce jour, mes seules obligations consistaient à m'oublier. Exister sans bruit, sans rêve ; vivre à demi, faute de disparaître. Moi, libre ? Être rendu au monde m'effraie. Les Malheurs en ricanent déjà. Cela m'amène à la seconde question, si naïve, si pleine d'espoirs contenus que je la lui jette au visage :


- Vas-tu m'aider à maîtriser mes pouvoirs ?


Son hésitation résonne comme un glas.


- Tu n'es pas chaman, Rafael. Tu n'es pas comme moi.


- Je peux apprendre.


- Je crains que non.


- Pourquoi ?


- Que t'enseignerais-je ? Je soigne les âmes et toi, tu collectionne leurs cicatrices. Je pourrais peut-être limiter ta souffrance, mais toi seul sauras l'apprivoiser.


La solitude, encore. Bien sûr. Qu'espérais-je d'autre ? La déception m'étrangle. Il s'agit d'une étreinte mille fois éprouvée, une étoffe similaire à celle des malheurs, rêche et perverse, qui m'asphyxie avec persistance. Je la connais bien : elle gangrène chacun de mes espoirs. Il n'y a que le cynisme que je puisse lui opposer, en piètre esquive contre l'aigreur.


- De toute façon, j'aurais été trop mauvais élève.


Tia Tania sourit. Elle verse le café, je sers les œufs et nous nous attablons côte à côte.


Mon regard dérive du côté des ouvertures. La chaleur dissipe déjà le gris, rendant à Ometepe son habit de lumière. Sur le chemin bordé de manguiers, les toucans s'ébattent ; plus loin, le lac accueille les premiers pêcheurs, dont les barques fuient l'ombre projetée des volcans. Tout le cœur de l'île frémit là au-dehors. Pourquoi ai-je l'impression que le mien bat à contretemps ?


La troisième question pointe, plus sèche que je ne l'aurais souhaité.


- Tia, si je dois rester, je dois savoir ce qu'il s'est passé ici.


- La maison a brûlé.


Le dépit me vole une grimace. Cela, je l'avais deviné avant même de franchir le seuil ! Si ses dons me gardent désormais des évanouissements, ils ne me préservent pas du reste. Ni des murs qui noircissent à la périphérie de mon regard, ni de leurs cicatrices d'incandescence, ni même des brandons fumant dans l'ombre des meubles. Et ce fantôme entr'aperçu hier soir... hante-t-il son propre cimetière ? J'ai déjà vécu l'incendie. Je veux comprendre son origine, sa portée, ses non-dits. Il y a des morts enfouis sous la cendre.


- Elle a brûlé toute entière, répète-t-elle comme une sentence.


- Et avec elle quelques cadavres, non ?


Ma tante ne bronche pas.


Son malheur, lui, explose.


Au-dessus de sa silhouette immobile, la souffrance se déchaîne. Elle mêle dans sa fureur des images que je ne comprends pas : des visages, monstres ou humains ? Des mains, griffes ou caresses ? Et des regrets, et des rêves salis, et des cris ravalés, et des scènes englouties, échos multiples d'une même atrocité. La tourmente balaie tout.


- Tia, je suis désolé. Je ne voulais pas...


Mes excusent fanent dans l'instant. Les mots ne serviront à rien : ils alimentent les malheurs mais ne les entravent jamais. Ici seul règne le gris, dont les vagues amères râpent les murs. Si je reste, elles m'engloutiront. Elles me fouaillent déjà de leurs lanières aux mille ronces. Chacune me grave au fer ses promesses d'impudeur.


- Allez, regarde. Tu l'a voulu. Regarde-la bien. Écartèle-la, dissèque-la, dépèce ses secrets. Tu voulais la connaître ? Repaît-toi donc de sa fange.


J'oscille sur le fil de la raison. Le Malheur m'entraîne. Plus il s'étale, plus il attise mon avidité - je feints le dégoût mais au fond, ses murmures ne me révéleraient-ils pas tout ce que je souhaite ? Il suffirait d'un regard bien en face, sans ciller, sans fuir, sans même penser, pour connaître le goût des cendres.


- Va-t-en.


Tania tremble. Une larme souligne la clarté de ses yeux ; son éclat me rend un brin de lucidité.


- Va-t-en !


Je ne demande pas mon reste. Avec l'impression de m'arracher la chair, je m'extirpe de son Malheur.


- Dommage, raillent les ombres.


Une dernière œillade - pour qui ? Un dernier remord - pourquoi ? Tout est joué. Je m'échappe sans qu'elle me retienne, lacéré par son indifférence.


Par la fenêtre, son Malheur me souffle un baiser d'adieu.


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