Brisé par les éclats de lune, mon reflet danse au ras de flots
Il renvoie l’esquisse d’un garçon trop pâle, trop seul, trop triste peut-être ; l’éphémère portrait d’un garçon qui disparaîtra à l’aube. Se pencher sur la rive ne change rien : mon visage reste une tâche claire diluée par les vagues. Mes yeux ? Mangés par l’insondable. Mon sourire ? Entravé par les algues. Les eaux m’avalent.
Je me suis cherché partout ailleurs. Dans les vitres et les rétros, dans les miroirs et les flaques, dans les lames de couteaux – et puis dans l’œil des gens. En vain. Ce que je sais de moi, mes mains me l’ont appris. Le reste, le lac l’a illustré de flou.
— Je voudrais qu’on me regarde.
— Ça viendra, chuchote le vent.
— Ça viendra, promet le ciel.
Ils mentent. L’un est trop lointain, l’autre trop instable. Que savent-ils du garçon tissé d’invisible ?
La réponse m’échappe encore comme une femme apparaît, trébuchant sur le ponton où je cultive ma solitude. Son rire perce la nuit.
— Cariño, tu es sûr qu’il n’y a personne ?
Un homme ébouriffé de désir la suit. Ils s’attrapent, se fuient, dérivent mais toujours se reviennent. Leur hâte semble explosive. S’ils s’embrassaient là, maintenant, ils enfanteraient des éclairs et moi, épinglé au vol, je m’effilocherai avec les bribes du ciel.
— On pourrait nous apercevoir...
— Aucun risque. Au-delà, il n’y a que la jungle, et ses ombres n’ont pas d’yeux.
S’ils savaient ! Combien d’étreintes ai-je recueillies, de promesses, de larmes écorchées ? Combien de confidences habillent mes souvenirs ! Ces fragments d’éternité me bouleversent ; je les  collectionne au lieu de les vivre. Ce soir pourtant, la pudeur l’emporte. Je m’éclipse vers les terres, passant palmiers, lianes et orchidées comme s’ils se constituaient de brume – mais c’est moi, l’intangible qu’aucune épine ne retient.
— Je voudrais qu’on me touche.
— Ça viendra, jurent les étoiles.
— Ou pas, grince l’amère aurore, dont les doigts griffent l’horizon.
Je sais ce que ses lueurs présagent. Il faut regagner l’oubli, flétrir, attendre, me replier et prier encore. Je me demande si je pourrais jamais jouir du soleil. L’aurore persifle :
— Rêve toujours, mon pauvre Sol, tu appartiens à la nuit. Demain, dans un an ou dans cent, rien n’aura changé. Tu resteras un esprit à la dérive.

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Je suis la pire, je respecte même pas la cadence de post que je m'étais fixée... au bout du second post à peine 😬
Les chapitres du point de vue de Sol sont toujours les plus courts, mais ils sont de loin ceux que je préfère écrire. Comment avez vous vécu cette première rencontre avec ce pauvre Sol ? Dites moi tout 😊