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Chapitre 10 - Sol

Ma prison me recrache au crépuscule. Voici la centième fois, la millième fois peut-être que je m’en extirpe mais ce soir, l’air porte une senteur nouvelle. Épice d’orage, infime frémissement d’une monde qui se fend – il s’agit, je crois, du parfum de ma hâte.
Tout le jour, j’ai songé à ses yeux. Mes illusions se sont multipliées au point de grouiller dans la cage. Là encore, elles rampent dans ma trace, bruissantes comme des phalènes affolées : « Sera là, sera pas là ? Te verra, te verra pas ? Sol, tu es peut-être mais tu n’existe pas. »
La nuée se disperse soudain.
Arrêté sur la ligne des caféiers, le garçon me guette et son insistance ne laisse aucun doute. Il m’attendait.
La nuit roule entre ses vapeurs le cri des singes. Hurlent-ils pour nous ? Veulent-ils écorcher ce silence qui fige notre face à face ? Ma bouche brûle de mots estropiés comme des oiseaux sans aile. Que faut-il dire à un inconnu ? Trop de choses menacent de déborder. Des idées pêle-mêle et des suppliques en désordre, du futile et du banal, mais rien qui ne convienne.
Finalement, c’est lui qui rompt l’attente.
— Est-ce que tu me comprends ?
— Bien sûr.
— Ah. J’ai toujours pensé que les fantômes étaient sourds à ce monde.
— Je ne suis pas un fantôme, réfuté-je doucement.
Il avance. La lune tombe en biais sur son visage, nimbant sa froideur d’un trait d’argent. Il ne sourit pas ; sourcils froncés, lèvres étroites, je devine qu’il rumine l’information.
— Alors qu’es-tu, au juste ? Tu paraît trop beau pour un Malheur solitaire.
Je frémis. Si la situation s’y prêtais davantage, j’en rirais presque. Fallait-il que le seul homme capable de me décrire le fasse à coup de nébuleuse ? La beauté ne signifie rien. Elle n’a jamais peint  un regard ni évoqué un tout. Et le reste – Malheur ? Je ne comprends pas.
— Avant toi, j’étais invisible. Une conscience en parenthèse, un captif, peut-être un condamné. Je n’ai jamais su. Entre la cage le jour et les errances la nuit, ce n’était pas important.
— La cage ?
Je lui raconte le calvaire de l’aube, sa lueur qui se refuse et ses lueurs qui me contraignent à la réclusion. Je lui confie aussi mes nuits d’intangible, celles où ma gorge s’est fendue à force de cris muets… Toutes celles où j’ai griffé, frappé, crié, pour ne plus être un reflet.
— Tu n’as pas essayé de t’enfuir ?
Je secoue la tête :
— Cela ne sert à rien. Au crépuscule, je reviens toujours ici.
— Étrange que tia Tania ne t’ai jamais senti.
Le garçon ébouriffe ses boucles.
— Comme s’il n’y avait pas assez de mystères autour de cet endroit, soupire-t-il. Tu en rajoutes une couche.
Un nuage glisse sur le ciel ; sans son bouquet d’étoiles, nous devenons deux ombres enveloppées dans nos chuchotis. J’ai une impression de flou. D’ailleurs, comment expliquer, sinon, que l’autre soit si factuel tandis que moi, je lâche sans à propos ?
— Je m’appelle Sol.
— Sol comme soleil, quand tu ne connais que la nuit ?
— Non ; Sol comme solitude.
Il se rembrunit avant de lâcher :
— Rafael.
— Rafael.
Je savoure son poids sur ma langue. Quelque chose d’étrange mouille les syllabes – après tout, il s’agit du premier nom qu’on me confie et j’y cherche le goût d’une audace. Il faut au moins cela pour demander ce qui m’obsède. Rafael, associerai-je ton nom à ma délivrance ? Je vacille un peu puis m’élance, éhonté :
— Peux-tu me dire à quoi je ressemble ?
Son hésitation me tord : il se détourne comme si je l’avais piqué.
— Je ne suis pas doué pour regarder les autres.
— Pourquoi ?
— Toi, tu tuerais pour leur considération, mais moi, je voudrais être à l’abri pour toujours.
— Je ne comprends pas.
Ses yeux couvent une réticence à l’épreuve de ma curiosité ; plus je la cherche, plus sa rétine couve une noirceur insoluble. Il se dérobe une fois, deux, avant d’avouer à mi-voix.
— Depuis dix ans je n’ai dévisagé personne en face. Je capture des détails, des morceaux, des arrachés… Pas plus. Si je m’attarde trop, les Malheurs me rattrapent.
Encore cette évocation dont je ne saisis pas le sens ! Je ne parviens plus à feindre le désintérêt.
— « Les Malheurs », est-ce le nom de ta malédiction ?
Rafael ricane.
— On peut dire ça. Merde, après dix ans sans en parler, je me retrouve à confesser ça au premier fantôme venu.
— Je ne suis pas un fantôme, répété-je. Ni un Malheur, apparemment.
Son silence ressemble à une hésitation.
— Non… Non, eux ils forment un amas de fumée, ils ne sont jamais si bien définis. Toi, tu es plus comme un reflet de lune.
— Et le reste ?
— C’est étrange, parce que la vie a laissé des traces en toi. Tu as une petite cicatrice au-dessus de la lèvre, comme un coin de sourire, et un vieux coup de soleil sur les joues.
Je n’ose plus sourire.
— Après toutes ces nuits vagabondes, je dois paraître vieux, n’est-ce pas ?
Un jour d’ennui, l’idée était venue accompagner mes angoisses. « Tu es flétri, Sol, de trop d’attente et d’espoirs étriqués. Tu es flétri par l’âge avant même d’avoir vécu. » Cela devait être vrai : ces éternités dans la cage m’ont desséché jusqu’à la moelle. 
Mais Rafael secoue la tête :
— Pas plus que moi – la vingtaine au maximum. Tes yeux, par contre, paraissent éternels.
— Et leur couleur ?
Si le vent se levait à cet instant, si l’île relâchait son souffle sur mon être frémissant, sans doute en dissoudrait-il les contours. Rien ne relie plus mes atomes entre eux… Rien, sinon l’appétit d’une nuance en devenir.
Rafael risque une œillade éclair. Furtive, sa noirceur fuse et affleure le frisson qui couve sous mon âme.
— Vert. Le même vert que la jungle d’Ometepe.

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