Chapitre 3
Deux ans plus tard
Savannah
Je m'assois sur la valise et je jure tout bas quand je vois qu'elle ne se ferme toujours pas. En désespoir de cause, je m'allonge complètement dessus, lorsqu'une paire de baskets apparaît devant mes yeux.
— Qu'est-ce que tu fais ?
Je me redresse soudainement et lance un sourire gêné à Zach qui se tient devant moi les bras croisés et un petit sourire taquin sur les lèvres.
— J'essaie de fermer cette fichue valise, je lui dis et il s'approche du bagage et le ferme en un claquement de doigts.
— Ce n'est pas juste ! Je me plains et il rit.
— Tu es sûr que c'est une bonne idée ? Je demande en pensant au voyage qui nous attend.
—De quoi ?
— De partir en vacances chez ton frère. Tu ne l'as pas vu depuis si longtemps et...j'ai peur qu'il y ait une mauvaise ambiance.
Même si ce n'est pas vraiment pour cela que je ne veux pas y aller mais plutôt à cause de ce qu'il s'est passé il y a deux ans.
—Tu me tannes toute l'année pour que je t'emmène à la mer et maintenant qu'on y va tu n'es pas contente ? Me taquine-t-il ne se doutant de rien.
— Ce n'est pas ça...c'est juste que ça me gêne de m'imposer chez lui.
— Ne t'en fais pas ! Quand je lui ai demandé, il a tout de suite accepté et puis, se faire loger gratuitement, ça ne se refuse pas !
Que dire de plus ? Je n'ai aucune envie d'aller chez Luis. Je ne l'ai pas revu depuis le mariage de Valeria il y a deux ans. Zach n'est pas au courant de ce qu'il s'est passé là-bas. J'ai pris la décision de ne rien lui dire de peur de le perdre et je fais tout depuis pour qu'il ne le découvre pas. Jusqu'à simuler une maladie pour éviter un repas de famille chez les Hernández sachant qu'il serait présent. Mais une fois là-bas, j'ai peur que ce dernier fasse des allusions et que Zach ne découvre le pot aux roses. Je donnerais cher pour effacer ce baiser échangé alors qu'on était tous les deux bourrés et qu'on ne savait clairement pas ce qu'on faisait. J'étais jeune encore et je n'étais pas avec Zach depuis si longtemps. Même si ça n'excuse absolument rien !
J'observe la bague surmontée d'un diamant qui orne mon annulaire gauche. Je ne referai plus jamais la même erreur.
Zach attrape la valise pour la mettre debout en équilibre sur ses roulettes.
— C'est parti pour des vacances bien méritées !
Je sens l'anxiété monter mais tente de ne rien laisser paraître. Je jette un regard autour de nous pour vérifier qu'on n'a rien oublié d'important.
— Tu as bien coupé l'eau et l'électricité ? je questionne Zach et il répond par un hochement de tête positif.
Ce genre de questions me fait vraiment prendre conscience qu'avec chaque jour qui passe j'entre un peu plus dans le monde adulte. Nous nous sommes installés ensemble cette année. Mes parents n'ont pas émis d'objection lorsque je leur ai annoncé que d'une, j'allais louer un appartement avec mon copain et que de deux, ce n'était plus seulement mon copain mais mon fiancé. Ils avaient, au contraire, l'air plutôt heureux que je prenne mes responsabilités aussi jeune. Et même s'ils nous donnent chaque mois une petite somme pour nous aider à payer le loyer, c'est la bourse de Zach et les cours de soutien que je donne après le lycée qui en financent la plus grande partie. Et l'année prochaine je commence mes cours à la fac donc mes horaires seront plus souples et je compte bien travailler dans un restaurant pour gagner plus et devenir indépendante.
Zack me sort de mes pensées en me disant qu'il faut absolument y aller pour ne pas rater notre avion. Et nous quittons l'appartement quelques minutes plus tard. En route pour la Floride!
****
— Je ne sens plus mes jambes, je me plains lorsque l'avion se pose enfin. Par les hublots, j'ai pu apercevoir lors de l'atterrissage les lumières de la ville et la plage en contrebas, et ça a l'air vraiment cool. Je suis pressée de découvrir cette ville que je ne connais pas et qui va être un vrai bol d'air frais comparée à New York.
— Moi non plus, me répond un Zach ensommeillé.
Le signal lumineux de la ceinture s'éteint et Zach se précipite pour récupérer notre sac. Étant déjà partie en vacances avec lui, je sais à quel point il déteste rester dans l'avion. Il s'arrange toujours pour prendre les places le plus devant possible et nous sommes toujours les premiers à en descendre.
— Dépêche-toi Ava, il faut qu'on aille récupérer les valises. Luis nous attend, me presse-t-il lorsqu'il me voit toujours assise sur mon siège.
Je me lève et je le suis hors de l'avion. Il nous entraîne sans hésitation vers le tapis roulant délivrant les bagages, comme s'il était un habitué de la chose. Son sens de l'orientation ne cessera de m'impressionner !
— Pourquoi ton frère est venu habiter à Miami déjà ? je demande à Zach une fois qu'il a récupéré toutes les valises et qu'on attend dans une file pour récupérer un taxi.
— Depuis que son groupe s'est installé ici, il a eu un coup de cœur pour la ville, surtout pour la mer. Et pour la musique c'est plus simple pour lui, me répond-il. Surtout que je crois qu'ils commencent à être vraiment connus dans le coin...
Je hoche la tête, ça ne m'étonne pas qu'ils aient du succès. Moi qui ne suis pas une grande connaisseuse en rock, j'avais beaucoup aimé leur performance au mariage de Valeria. Je me sens de plus en plus mal au sujet de Luis et j'appréhende vraiment les retrouvailles. Pour ma part, je vais faire comme si de rien n'était et être la plus joviale possible. Avec un peu d'espoir il aura complètement oublié cette histoire.
Nous nous engouffrons enfin dans un taxi. Par la fenêtre, je peux voir que la ville est très animée : elle grouille de monde malgré l'heure tardive. Contrairement à New York, les gens ne semblent pas marcher tête baissée, le regard rivé sur leur téléphone. La majorité des personnes sont des jeunes qui sortent ou entrent dans les bars qui longent la route. On entend leurs rires et la musique à travers la fenêtre ouverte du conducteur. Les rues sont bordées de palmiers et on peut apercevoir la mer entre chaque bâtiment.
Le chauffeur quitte bientôt la rue principale pour zigzaguer dans une zone résidentielle et plus vite que je ne l'aurais cru, il s'arrête à notre destination. Zack s'occupe de payer la course tandis que je sors du véhicule. La chaleur presque tropicale, alors que la nuit est déjà bien tombée, me surprend. Le ciel est dégagé, laissant voir les étoiles et je me mets à sourire comme une idiote parce que je n'en pouvais vraiment plus du ciel constamment gris de New York.
Je lève la tête et observe les étages du grand bâtiment devant moi. Ca semble être une résidence pour personnes plutôt aisées si j'en crois l'imposante entrée derrière laquelle un hall est éclairé par un grand lustre. Le groupe de Luis doit effectivement bien marcher ! Zach me rejoint et sort son téléphone pour chercher le code d'entrée. Mon cœur se met à battre plus vite lorsque nous prenons l'ascenseur. Plus que quelques secondes avant que je ne me retrouve devant l'homme qui est à l'origine de ma culpabilité. Ma respiration se bloque lorsque l'ascenseur s'ouvre dans un « ding » retentissant sur le troisième étage. Zach sonne à la première porte à gauche et j'entends des bruits de pas qui se rapprochent.
Trois secondes. Deux secondes. Une sec...
— Salut les Newyorkais! J'ai cru que vous n'arriveriez jamais ! Je vous attendais pour aller me coucher, je suis épuisé !
Deux fossettes nous accueillent. Sa voix est toujours la même, grave et un peu rauque, ses cheveux bruns sont un peu plus longs que dans mon souvenir et bouclent légèrement sur le dessus. Il a toujours son visage de mannequin.
Je ne me suis jamais sentie aussi angoissée.
— Désolé, l'avion a eu un peu de retard, répond Zach.
—Merci de nous accueillir, je dis les yeux rivés sur mes mains. J'ai l'impression que ma voix sonne bizarre.
Luis s'écarte pour nous laisser entrer. Je n'ai toujours pas croisé son regard. Je baisse la tête quand je passe à côté de lui et je me colle le plus possible au mur pour ne pas avoir à le toucher. Je crois entendre un petit rire mais je pense l'avoir imaginé quand Luis, le plus sérieux du monde, nous indique la chambre dans laquelle nous allons dormir.
— Les murs sont bien insonorisés, précise-t-il à Zach dans un clin d'œil et je vire au rouge pivoine quand je comprends l'allusion.
Zach ne fait que rire, insouciant. Je me racle la gorge.
— Et la salle de bain? je demande à Luis en faisant un gros effort pour lever les yeux vers lui.
Je toussote lorsque je surprends l'intensité de ses yeux bleus presque gris.
— Au fond du couloir à droite. Par contre, c'est une salle de bain commune.
Il ne me lâche pas des yeux lorsqu'il dit ça et je hoche la tête mal à l'aise.
— Ok pas de soucis.
Il va falloir que je me reprenne et vite. Je ne peux pas me laisser dominer !
— On va aller se coucher nous ! Merci de nous avoir attendus, finit par dire Zach en souriant à son frère.
J'arrive à regarder Luis lorsque je lui souhaite bonne nuit et alors qu'il s'éloigne, je ferme la porte de la chambre pour préserver notre intimité.
Intérieurement, je fais le point sur la situation. Ces retrouvailles ont été moins difficiles que ce à quoi je m'attendais. Je m'imaginais quoi en même temps ? Qu'il allait m'insulter et tout avouer d'un bloc ? Après deux ans de silence où il lui aurait suffi d'un coup de fil pour alerter Zach?
— Je suis crevé, soupire ce dernier en laissant les valises dans un coin et s'asseyant sur le lit pour retirer ses chaussures.
C'est une chambre d'une taille tout à fait correcte, sans aucune décoration. La vue est assez banale : une simple rue avec un parc en contrebas. C'est par là que nous sommes arrivés.
Je n'ai pas l'énergie de prendre mon pyjama dans la valise, donc je décide de me déshabiller et de dormir en sous-vêtements. De toute façon, Luis ne risque pas de débarquer.
Zach me regarde avec désir lorsque je passe mon haut par-dessus la tête et il ne peut s'empêcher d'effleurer la courbure de ma poitrine sous mon soutien-gorge. Je lui fais un sourire fatigué pour qu'il comprenne que je n'ai pas très envie ce soir. Me connaissant par cœur et respectant à chaque fois mon choix, il se contente d'embrasser mon front. Une fois sous la couette, je me colle à lui pour profiter de sa chaleur et je m'endors bien vite, épuisée.
****
Je plaque le coussin contre mon oreille, énervée par l'horrible bruit d'origine encore indéterminée qui me casse les oreilles. J'ouvre un œil et regarde autour de moi sans reconnaître la chambre. Il me faut quelques minutes pour comprendre que je suis en Floride et que le bruit provient d'un marteau-piqueur. Ils font des travaux à cette heure-ci ? Je tapote à côté de moi mais constate que le lit est vide. Avec un effort surhumain, je me lève et attrape un haut et un short dans la valise. J'ouvre la porte et j'entends la voix de Zach dans le salon. Je me dirige à l'oreille et découvre les deux frères assis à table en train de prendre leur petit déjeuner. Ils semblent heureux et ont l'air d'avoir plein de trucs à se raconter.
— Salut, je dis timidement en m'asseyant à côté de mon fiancé, gênée de les interrompre.
— Bonjour toi, me dit-il doucement en déposant un baiser sur mes lèvres. Je lui souris, il est tellement adorable quand il veut !
— Salut Ava ! Je me retourne pour faire face à Luis, tout sourire.
Je hoche la tête dans sa direction et baisse les yeux. Quand est-ce que je cesserai d'être mal à l'aise en sa présence ? Ma terrible erreur remonte à deux ans et d'ailleurs il ne doit même plus s'en souvenir. Mais l'entendre m'appeler par mon surnom me déstabilise.
— Tu veux manger quoi ? Poursuit-il, il y a des pancakes et des céréales mais si tu préfères du salé, j'ai aussi.
— Non c'est très bien, merci. Je ne suis pas une grande adepte des œufs-bacon le matin.
— Comme je ne travaille pas en début d'après-midi, je peux vous emmener faire un tour. Il n'y a pas grand-chose à faire ici à part la plage, reprend Luis.
— Rien que la plage pendant deux mois, ça me plaît ! je m'exclame en tentant un sourire. Il faut que je me comporte normalement !
— Super alors, dit-il en soutenant mon regard de ses yeux bleus glacés.
Je me racle la gorge et commence à manger mettant un point d'honneur à éviter son regard.
— Le groupe marche toujours aussi bien ? demande Zach.
— Ouais, il y a de plus en plus de gens qui viennent nous voir, le public adore notre musique ! On fait mêmes des concerts dans des grandes salles maintenant, sa mine s'éclaire immédiatement. On voit que la musique est vraiment sa passion.
— On passera sûrement vous voir jouer alors, dit Zach et je hausse les sourcils.
Lui qui déteste ça ? Je sais à quel point il va devoir faire un effort pour supporter de rester dans une salle de concert ou un bar plus de cinq minutes.
— Ouais ça me ferait plaisir, répond Luis.
Je me verse un verre de jus tandis que les deux continuent leur conversation. J'écoute d'une oreille distraite car ils parlent de sport et que je ne comprends pas. Zach a beau essayer de m'expliquer à chaque fois les règles du football, les différentes équipes et tournois, il n'y a rien à faire. Ça ne rentre pas. Le vocabulaire est bien trop spécifique pour moi et je dois avouer que regarder un match à la télé m'ennuie profondément. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis endormie, bercée par la voix des commentateurs, au plus grand désespoir de mon fiancé!
Je regarde un peu autour de moi, la table à manger est dans un salon plutôt moderne. Il n'y a pas de tableaux au mur, ni de photo, la décoration reste très sobre. Un canapé d'angle en cuir noir prend une grande partie de l'espace et fait face à un très grand écran plasma. Et c'est là que je remarque la vue derrière. Le salon n'est pas exposé du même côté que la chambre d'amis. Une immense baie vitrée donne une vue impressionnante sur la mer. C'est à couper le souffle.
— A quelle heure on va à la plage ? je demande à Luis en me détachant du magnifique paysage, une fois que le sujet favori de mon fiancé est clos.
— Je ne sais pas. Vers quinze heures, ça vous irait ? Comme ça vous profitez de la matinée pour vous reposer.
J'acquiesce, je ne suis vraiment pas contre l'idée de commencer la journée tranquillement. S'il n'y avait pas eu ces travaux ce matin je serais sûrement encore au fond de mon lit car je suis une grande dormeuse. Luis pointe son doigt sur moi puis sur Zach à tour de rôle avant de nous dire :
— Par contre, je vais appeler ma copine. Hors de question que je tienne la chandelle tout l'après-midi.
Je manque de soupirer, soulagée. Il a une copine ? Tant mieux ! J'ai donc mal interprété ses regards trop insistants.
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