Une promesse faite à lui-même, voilà ce qui l'unissait à cette frêle créature. Une promesse faite à ce petit bout de femme qu'il connaissait depuis l'enfance. Bien que plus âgé qu'elle, il avait su, adolescent, apprivoiser la petite louve sauvage qu'elle était enfant. Depuis que son regard de jeune homme s'était accroché au sien, empli de larmes et de douleurs, il avait compris que jamais plus, il ne pourrait s'en détacher.

Dans le Manoir endormi, malgré l'heure tardive, Ishi Kamiaku veillait encore sur une Tsuki allongée à même le sol, sa tête reposant sur les genoux du jeune homme. Ishi tendit la main et la déposa sur la joue de la créature qu'il caressa avec tendresse. Alors que son état depuis quelques jours s'était amélioré, la santé de la fragile maudite s'était de nouveau dégradée. Ses cris de rage et ses sanglots hystériques ne rythmaient plus la vie de l'imposante demeure. Elle ne s'emportait plus contre Raiu et lui, même les domestiques profitaient de ce état de grâce !

Tsuki avait changé : l'adolescente immature et colérique, s'était muée en une petite femme au visage grave. Elle pouvait se tenir des heures entières sur la terrasse, à fixer l'horizon d'un œil vide, sans songer à se nourrir ou à dormir comme  espérant la venue de quelque chose ou de quelqu'un...

Ishi secoua la tête : c'était une idée parfaitement ridicule ! À part le souvenir de sa mère, lui et Raiu, Tsuki ne tenait à personne. Elle avait toujours été seule.  Isolée parmi les autres maudits. Seule parce que plus faible que les autres. Seule, parce que telle était la destinée de la plus damnée des Douze.

— Shi-chan, murmura doucement la jeune fille dans son sommeil, j'ai froid.

Le jeune homme ramena la couverture sur les épaules frissonnantes de la créature. Tsuki se blottit davantage contre lui. Ishi ferma les yeux pour mieux s'imprégner de sa respiration si fragile. Cette vie ne tenait plus qu'à un fil. Il frissonna à cette simple pensée : il avait déjà perdu sa sœur, Chii, il se refusait à perdre Tsuki ! Cette idée lui était intolérable ! Il laissa ses doigts glisser sur le visage endormi : mais que pouvait-il bien faire lui, pour la protéger ? Il releva la tête et se mit à scruter la lune se reflétant dans la baie vitrée, croyant y dénicher une réponse qui ne vint pas.