Chapitre 18 : Duel sous la neige
Au moment de quitter la maison, les trois adolescents constatèrent avec surprise que le paysage était entièrement recouvert de neige. Juuki éternua et remonta le col de son blouson de cuir en jetant un regard à ses semelles enneigées.
— Je hais cette foutue neige ! grommela-t-elle avant d'accélérer le pas, visiblement pressée de rejoindre le lycée et les salles de classe chauffées.
Mizu montra à Kijin comment former une boule de neige et une fois leurs minutions prêtes, s'empressèrent d'en bombarder une Juuki qui ne manqua de riposter !
♠️♠️♠️
Après le départ de ses trois protégés, Aisu se réfugia dans le salon afin de mettre un point final à son cinquième chapitre. Accoudée au kotatsu, une bouteille à portée de mains, elle contemplait d'un œil pensif, la neige recouvrant le jardin. Enfant, elle adorait la neige, mais aujourd'hui, celle-ci lui rappelait de bien douloureux souvenirs.
Des larmes apparurent au coin de ses paupières. La jeune femme envoya ses brouillons valser au sol avant de se redresser. Pieds nus, elle traversa la pièce et alla ouvrir la baie vitrée. Un courant glacial s'engouffra dans la pièce et vint caresser sa joue. Aisu ferma les yeux pour mieux savourer le froid contact contre sa peau. Ses narines se mirent à palpiter, tel le museau d'un animal aux aguets. Pour elle, la neige possédait une odeur particulière, lui rappelant le parfum qu'elle avait chéri le plus au monde avant même celui de Raiu...
Indifférente au froid mordant, elle s'aventura sur la terrasse enneigée et se pencha pour recueillir un peu de neige au creux de ses paumes. Elle forma une petite boule, semblable au visage d'un nourrisson, qu'elle porta à ses lèvres et y déposa un baiser. Un tendre sourire se dessina sur ses lèvres. Elle appuya la boule enneigée contre sa joue et tout en la berçant, se mit à chantonner d'une voix douce :
L'Enfant Neige est né
Fils du Soleil et de la Glace,
L'Enfant Neige est né...
— Arrête ce petit jeu immédiatement, lui ordonna une voix autoritaire qu'elle ne reconnut que trop bien.
Elle se retourna.
— Raiu, quelle bonne surprise ! persifla-t-elle d'un ton aigre. Que me vaut l'honneur d'une si désagréable visite ?
Raiu ne répondit pas à cette pique, préférant à l'attaque, un attitude mutique. Il croisa les bras sur sa poitrine en signe de défense. Nulle émotion ne traversait son visage, en revanche, un coup de tonnerre se fit entendre à l'horizon. Aisu avait toujours eu les orages en horreur et dut se faire violence pour dominer sa peur.
— Toi, tu es venu m'annoncer une mauvaise nouvelle... sais-tu mon cher Raiu, que dans l'Antiquité, les porteurs de mauvaises nouvelles étaient mis à mort ?
Raiu se décida enfin à parler. Sa voix était encore plus grave qu'à l'accoutumée :
— J'aimerais que ce soit le cas encore à notre époque, cela m'éviterait de servir de pigeon voyageur entre toi et notre Maître.
Aisu lui adressa un sourire des plus retors.
— En y réfléchissant bien, il aurait mieux fait de te tuer plutôt que de te laisser borgne ! Mort, tu ne serais pas obligé de venir chez moi !
Aisu eut un frisson d'horreur et se plaqua la main contre la bouche, comme pour effacer ce qu'elle venait de dire. Elle était horrifiée par ses propres mots ! Comment pouvait-elle être aussi abjecte!? Certes, il l'avait trahie de la plus cruelle des façons, mais était-ce une raison pour s'acharner ainsi sur lui, de le punir en lui rappelant des mauvais souvenirs dont elle était en grande partie, responsable ?
— Raiu... commença-t-elle à bredouiller d'une voix penaude. Je suis désolée... je ne voulais pas...
Elle ne sut trouver les mots justes pour exprimer ses regrets et excuser ses propos acerbes. Face à cet homme, elle ne serait à jamais qu'une petite fille idiote. Une petite fille faible qui ne savait comment lui dire tout ce qu'elle ressentait pour lui, tout l'amour et la haine qu'elle lui portait.
Raiu voulut faire un geste vers elle, comme pour lui faire comprendre que ses mots n'avaient finalement que très peu d'importance. Quand il la voyait aussi désemparée, il devait se faire violence pour ne pas succomber à la tentation qu'elle lui inspirait !
— Je suis venu pour te porter un message de la part de Taiyou, reprit le médecin d'un ton moins assuré. Ta présence, ainsi que celle de Juuki et Mizu, est requise pour la fête du Nouvel An.
— Comme chaque année, murmura la jeune femme.
Aisu redressa la tête et posa son regard sur le visage mutilé de son ancien ami.
— Je n'irai pas. Quant à Juuki et Mizu, je les laisse libres de leur choix. Taiyou doit comprendre que je ne suis plus sa petite chose, sa petite maudite, et les filles ont le droit de mener la vie qu'elles veulent, tu ne crois pas ?
— Tu es folle ! As-tu songé aux conséquences ! Tu te comportes comme une enfant égoïste !
— Et toi, comme un chien-chien fidèle à son maître !
La jeune femme resserra ses doigts autour de la boule de neige qui commençait à fondre, avant de la jeter au visage de son cousin.
— La voilà ma réponse ! Tu n'as plus qu'à la rapporter à ton cher Taiyou !
— Très bien, je transmettrai, répliqua Raiu avant de tourner les talons.
Des nuages avaient obscurci ce qui s'annonçait comme une calme matinée d'hiver.
Aisu posa son regard sur la silhouette de Raiu s'éloignant d'elle à grandes enjambées. Ses pas crissaient sur le manteau immaculé, comme s'il cherchait à écraser la neige de ses pieds, afin de la faire disparaître à jamais. Aisu le regarda partir, sans chercher à le retenir, seule, perdue au milieu de la neige. Une seule larme glissa le long de sa joue, se changeant en un fin cristal de glace lorsqu'elle atteignit la commissure de ses lèvres.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro