Chapitre 1 : Réveil en fanfare
Le bruit strident de son réveil-matin tira la jeune fille de son sommeil. Elle se redressa et s'étira en baillant. Elle rabattit ses couvertures avant de jeter un regard à la psyché lui faisant face. Le miroir renvoyait l'image d'une adorable adolescente, au visage couleur de pêche bien mûre, encadré par une épaisse tignasse d'ébène ; mais son regard bleu, aussi limpide que l'eau, paraissait triste, comme privé de la moindre étincelle de vie...
Mizu replia ses genoux sous son menton et songea à son rêve de la nuit passée. Ses rêves se ressemblaient tous, se rapportant toujours à la même personne... Un long frisson lui parcourut l'échine. Elle était hantée par une seule image, celle d'un homme au regard de fauve. Un homme qui, tel un esprit malfaisant, peuplait chacun de ses cauchemars, se tapissait dans l'ombre de ses rêves, prêt à bondir sur elle.
Parfois, lorsqu'elle était plongée dans ses pensées, elle croyait entendre sa voix si particulière, semblable au grognement d'un félin, se couler vicieusement dans son oreille. Elle redressa la tête et jeta un regard terrifié à son propre reflet. Cet homme, bien qu'issu de son passé, elle ne pouvait y échapper ! Bien que loin de lui, elle lui appartenait toujours...
D'un geste machinal, elle caressa son poignet droit. On lui disait d'aller de l'avant, d'oublier son passé... mais elle n'y parvenait pas.
Elle se leva et se dirigea vers son armoire. Au passage, elle lança sa couverture sur le miroir afin d'échapper à son double de verre. L'être humain avait toujours le droit à une seconde chance, tout le monde pouvait changer, mais elle, elle ne pourrait jamais rien changer. Elle était condamnée à rester une éternelle poupée de fragile porcelaine.
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Lorsque Mizu descendit au salon, elle y trouva sa cousine, agenouillée devant la table basse, la tête reposant entre quelques cadavres de bouteilles.
— Aisu, soupira l'adolescente, tu es pathétique...
L'interpellée releva la tête en massant son crâne endolori.
— Je crois que j'ai encore un peu trop forcé sur la dose... murmura-t-elle d'une voix pâteuse.
La jeune fille leva les yeux au ciel en signe d'exaspération : malgré ses vingt-cinq ans bien sonnés, Aisu Kamiaku se comportait encore comme une adolescente. D'ailleurs, elle-même se définissait comme étant : « une immature égoïste, sournoise, dépravée, fumeuse invétérée et surtout, alcoolique notoire ». Les parents d'Aisu se désespéraient de la voir un jour mariée et mère de famille ; leur écrivaillon de fille s'en moquait, tentait de les consoler en leur disant que jamais un homme sain d'esprit n'accepterait de prendre pour épouse, un écrivain qui s'habillait comme un homme et qui plus est, doté d'un esprit légèrement pervers...
Mizu détaillait avec attention son aînée, elle ne comprenait pas la vie qu'elle menait. Aisu était plutôt jolie et n'était pas aussi idiote qu'elle le laissait croire. Quelques hommes avaient tenté de la dompter, mais elle s'était très vite débarrassée de ses prétendants potentiels afin de retourner dans cette vie d'éternelle adolescente qu'elle affectionnait tant. Pourtant, elle aurait fait une charmante épouse ! Bien que de petite taille, Aisu était une femme ravissante aux grands yeux couleur de glace et aux longs cheveux bruns qu'elle laissait vagabonder en toute liberté sur ses épaules. Il se dégageait d'elle, un charme étrange, auquel aucun individu de sexe masculin ne pouvait résister. S'habillant, parlant et adoptant le comportement d'un homme, Aisu les fascinait tous.
Afin d'échapper à ce spectacle des plus pitoyables, qui se répétait chaque matin, Mizu sortit de la demeure pour accomplir sa corvée habituelle avant de partir pour le lycée. Tout en se dirigeant vers le petit cabanon en bois situé tout au fond du jardin, elle songeait à sa famille : Aisu était l'un des rare membres de sa famille que l'adolescente appréciait, en dépit de sa dépravation. La jeune fille ne put réprimer un triste sourire : même si l'adolescente n'approuvait pas la vie dissolue d'Aisu, elle enviait sa liberté. Ellevavait réussi à se soustraire au clan Kamiaku pour vivre une existence presque normale.
Arrivée devant la cabane en bois, la jeune fille eut un mouvement de recul : la porte du cabanon était ouverte ! Ce n'était pas une erreur d'inattention car c'était elle qui avait eu la veille, le soin de la refermer. Bien qu'un peu effrayée mais mue par un accès de curiosité, la jeune fille pénétra dans la cabane. Lorsqu'elle aperçut la masse étalée sur le sol, recouvert d'un long manteau noir, elle s'empara d'une pelle se trouvant à sa portée, la leva et s'arrêta net. Le visiteur nocturne venait de se tourner sur le dos en grommelant dans son sommeil. L'adolescente abaissa son arme, le visage en feu et détailla avec attention les traits harmonieux de l'endormi.
— Mizu !
La jeune fille sursauta en entendant cette voix reconnaissable entre mille. Elle se retourna et décrocha un regard furieux à sa cousine. Aisu, appuyée contre la porte, tentait tant bien que mal de franchir le seuil de la cabane.
— Mizu chérie, commença-t-elle, aurais-tu l'obligeance de...
Son regard vitreux se posa sur le bel inconnu.
— C'est qui ce type !? s'écria-t-elle, avec un sifflement d'admiration.
Une curieuse lueur, que l'on pourrait qualifier de perverse, traversa ses yeux clairs.
— Il est sexy ! Pourquoi ne pas en profiter pendant qu'il est endormi ?
Mizu lui coula un regard autoritaire.
— Tu ne pourrais pas te conduire en adulte responsable pour une fois !?
— Responsable, ce mot ne fait absolument pas partie de mon vocabulaire!
Le jeune homme tiré de son sommeil par le début de querelle des cousines Kamiaku, reprit peu à peu connaissance. Il battit des paupières et passa une main tremblante sur son front encore fiévreux. Il jeta un regard inquiet à son nouvel environnement: où se trouvait-il donc ?
— Comment te sens-tu ? lui demanda alors une petite voix.
Il se redressa avec peine. Lentement, sa vue s'accrut, il distingua alors, une jeune fille lui faisant face. Celle-ci lui adressa un timide sourire et répéta sa question, d'un ton aussi agréable que son charmant minois. Mizu remarqua alors la lueur de méfiance traversant le regard noir du bel adolescent.
— Où suis-je ? grogna-t-il d'un ton quelque peu agressif.
Mizu s'apprêtait à lui répondre lorsque Aisu, qui jusque là était restée muette, s'avança, bouscula sa cousine et se planta devant le visiteur nocturne.
— Dans ma cabane à outils, sur ma propriété ! répondit-elle d'un air faussement autoritaire, peu crédible au vu de ses yeux pétillant de malice. Normalement, je devrais appeler la police, mais tu es tellement mignon que je ne le ferais pas... conclut-elle, un sourire carnassier accroché aux lèvres.
L'adolescent eut un mouvement d'effroi : Ce regard brillant de convoitise, comme celui d'un prédateur venant de trouver une proie à son goût, ne lui inspirait guère confiance ! Il voulut esquisser un mouvement, mais en vain. Une toux s'empara de son corps amaigri.
Un crachat de sang gicla de ses lèvres.
— Tu es malade !? s'enquit une Mizu un brin effrayée.
L'adolescent lui adressa un regard qui se voulait rassurant.
— Ce n'est rien... je...
Un long frisson lui glissa le long de l'échine : La fièvre qui le tenaillait depuis sa fuite ne l'avait pas encore quittée... Il devait trouver une solution pour s'éclipser d'ici au plus vite ! Il ne désirait pas s'attarder davantage et à expliquer à ces femmes, ce qu'il faisait dans leur cabane ! Rassemblant ses dernières forces, il se releva avec peine.
— Excusez-moi, bredouilla-t-il d'une voix confuse. Pardon pour le dérangement... je...
Il ne put achever sa phrase,une violente douleur s'empara de lui. Il eut un gémissement de souffrance avant de sombrer dans l'inconscience.
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