≍ 36. Mont Fuji - Partie 2 ≍
Kana avait passé une bonne partie de la journée dans la forêt, aux aguets, avec Amaya. Les nombreuses rumeurs rendaient l'endroit encore plus terrifiants. La lumière du soleil ne passait presque pas à travers les hautes branches des arbres. À vrai dire elle n'était même pas sûre qu'elle passait à travers les nuages sombres.
Il y avait eu une averse, qui s'était finie quelques minutes plus tôt. Kana n'aimait pas ça. Elle était trempée jusqu'aux os, ses pieds étaient gelés, tout comme le reste de son corps, et Amaya ne semblait pas être prête à rentrer. L'espace d'un instant, l'adolescente à la chevelure de jaie regretta d'être venue. À cet instant précis, elle voulait juste être chez elle, sous sa couverture, à écouter les paroles stupides que sa jeune soeur déblaterait quand elle rentrait certains week-end.
Aina Ando était au collège. Elle avait douze ans et pensait déjà tout savoir du monde. La ressemblance entre les deux soeurs étaient flagrantes. Elles avaient la même chevelure, les mêmes yeux, la même façon de hausser la voix lorsqu'elles étaient énervées.
— Kana ? Tu m'écoutes ? fit soudainement la voix de Starwood derrière elle.
La jeune fille se retourna brusquement, prise sur le fait. Elle était en train de rêvasser.
— Désolée...
— Donc je disais qu'on allait rentrer. J'ai reçu un appel du poste, ils ont des infos sur la fille que j'ai retrouvé y'a quatre ou cinq jours.
Il n'en fallut pas plus à Kana pour se sentir mieux. Elle allait enfin quitter cette forêt qui lui faisait froid dans le dos. Rien que le fait d'imaginer qu'une ou plusieurs personnes aient pu se suicider à quelques mètres de l'endroit où elle se trouvait la faisait frissonner. Mais c'était encore pire en imaginant les meurtres sur lesquelles elles travaillaient.
Amaya semblait avoir pris l'habitude de tout ça. Comme si un autre mort, un autre cadavre ne lui faisait ni chaud ni froid.
— Amaya !
La femme se retourna vers Kana, alors qu'elle était déjà partie en direction de la voiture. Ses longs cheveux coiffés de tresses voletèrent autour de sa tête, tout comme les fins voilés de sa tenue qui flottaient autour de son corps.
— Oui ?
— Comment tu fais pour... Kana fit une pause pour chercher ses mots. Elle ne voulait pas vexer ou blesser son maitre de stage avec ses paroles. Elle avait fait assez de mal autour d'elle pour en rajouter une couche. Comment est ce que tu as appris à ne pas te laisser atteindre par tout ça ? Les morts, les meurtres, cette forêt tellement glauque...
Le silence se fit alors que Kana regardait le sol, attendant une réponse de Starwood. C'est alors que le rire d'Amaya parvint à ses oreilles. Kana leva les yeux, les sourcils haussés de surprise.
— Ne te fais pas d'idée. Ce genre de travail, ça laisse des marques. Même si je ne le montre pas, je suis profondément touchée par la détresse de toutes ces personnes qui viennent ici pour mettre fin à leurs jours. Mais il faut faire la part des choses. Mon travail, c'est d'attraper les vilains. Je ne suis pas psychologue, je ne peux pas aider ceux qui en ont besoin. Je fais ce que je peux avec mes moyens.
— Pourtant, t'as l'air d'une psy avec moi, remarqua Kana en chuchotant.
— C'est pas pareil. Toi, tu as besoin d'aide. Tu le sais, et tu l'acceptes. Même si je ne peux sûrement pas y faire grand chose, je veux essayer de t'aider. Avec mes moyens.
— Merci...
Amaya se remit en marche, et Kana la suivit, quelques mètres derrière. Soudain, un mouvement attira son attention. Comme si une silhouette vêtue de blanc venait de se cacher derrière l'un des milliers de tronc d'Aokigahara.
Kana s'arrêta net pour fixer l'endroit où elle avait cru voir quelque chose. Il n'y avait rien. Avait-elle rêvé ? Ou la peur que provoquait ces voix en elle avait créé une hallucination ?
— Kana, tu viens ? Ils nous attendent.
— Oui, j'arrive.
Elle avait sûrement rêvé.
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Amaya gara la voiture au même endroit qu'elle l'avait fait dans la matinée. Les deux femmes sortirent du véhicule pour entrer dans le commissariat. L'humidité extérieure rebutait Kana.
C'est avec plaisir qu'elle accepta le verre en carton que lui tendait Amaya. Le café brûlant qui s'y trouvait brûlait ses doigts, et elle utilisa les manches du pull vert émeraude de son maître de stage comme protection contre la chaleur.
Assise devant le bureau, aux côtés d'Amaya, Kana écoutait les dires du policier qui travaillait sur l'affaire.
— La première victime est Ai Takashi. Elle habitait dans les environs. La deuxième, Kumi Inoue, était de passage dans la région, avant d'être retrouvée. Et la femme que tu as trouvé il y a quelques jours, Mumei Kogami, habitait aussi pas très loin.
Kana fixait les trois photos des trois victimes. Leur visage la perturbait énormément. Toutes les trois possédaient des longs cheveux clairs. Elles avaient un visage rond, des yeux pétillants. Leur poids et leur taille étaient indiqués sur la fiche de présentation. Minces, elles avoisinaient le mètre soixante. Et malgré les quelques années de différences, elles ressemblaient énormément à Maiko.
Kana sentait son coeur se pincer. Est ce que, si Maiko passait aussi par là, le tueur s'en prendrait à elle ? Parce que c'était évident. Cette personne avait un problème sur le physique. Deux fois, ça pouvait être une coïncidence. Mais trois fois, c'était vraiment bizarre. Il y avait quelque chose.
— Il faut faire une recherche sur toutes les femmes possédant un physique à peu près identique à elles. C'est sûrement un tueur en série qui commet des meurtres de passions. Il doit être obsédé par quelqu'un comme elles. Il faut aussi chercher si il n'y a pas déjà eu d'autres cas auparavant.
Amaya énumérait toutes les pensées de Kana.
— Il faut aussi qu'un de tes collègues aillent voir la famille de la dernière victime. Peut-être qu'elle était suivie ou traquée, et que quelqu'un était au courant.
— Amaya, calme toi. J'ai déjà commencé tout ça. Enfin, j'ai pas eu le temps de dire à quelqu'un d'aller voir la famille, je t'ai appelé directement après avoir eu mes résultats... Tu sais, tu devrais quitter ton job de héros et devenir enquêtrice. Tu ferais un carton.
Starwood roula ses yeux avant de s'adosser sur sa chaise, les bras croisés sous sa poitrine.
Kana sentit ses lèvres s'étirer. Il était vrai qu'Amaya savait y faire. Elle réfléchissait à toute allure, donnait ses conclusions et ordonnait presque à la police d'agir selon ses pensées. Elle était si... sûre d'elle.
Soudain, le téléphone sonna. Le policier décrocha immédiatement, et son regard se planta dans celui de Starwood. Au vu de son visage crispé, les deux femmes comportent tout de suite ce qu'il venait de se passer. Un autre corps avait été retrouvé.
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Le reste de la journée s'était déroulé à la fois terriblement vite et terriblement lentement. Aussitôt après l'appel, Amaya, Kana et le policier s'étaient précipités sur les lieux.
Kana était restée à l'écart cependant. Rien qu'au souvenir des photos, elle s'était dégonflée. Elle n'était pas capable d'aller voir ça en vrai. C'était trop dur. Trop horrible.
Quand elle apprenait ce qu'elle faisait quand elle n'avait plus le contrôle sur son corps, elle avait l'impression qu'on arrachait son cœur de sa poitrine pour le poignarder devant ses yeux. Et elle était incapable de réagir. Parce que c'était à chaque fois trop tard.
La nuit était tombée, Kana était couchée dans son lit, enroulée comme un sushi dans sa couverture. Elle mourait de froid. Elle était frigorifiée. Cette première journée était beaucoup trop intense. Elle ne s'y attendait pas. Elle avait voulu penser à autre chose et elle avait été servie.
Dans le salon, Amaya cherchait parmi des tonnes de documents un indice. La fatigue était détruite par la caféine. Sa tasse fumante à sa droite, elle feuilletait les rapports de police qui parlaient d'une présence inconnue dans les funèbres bois d'Aokigahara.
Elle soupira. Elle ne trouvait rien. Elle jeta un coup d'oeil à l'heure sur son téléphone portable. Minuit était passée de trois heures. Il fallait qu'elle dorme. Quelques heures de sommeil l'aideraient peut-être à y voir plus clair. À voir tout court. La fatigue brouillait son regard. Elle se leva, abandonnant ses rapports sur la table. Une fois dans sa chambre, elle s'écroula dans son lit, et s'endormit.
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Kana se leva pour aller boire. Malgré l'humidité, sa gorge était sèche. Elle sortit de sa chambre et passa dans le salon pour aller trouver le frigo. Elle se servit un verre d'eau minérale avant d'aller s'asseoir à la table du salon.
Elle avait allumé la lumière pour y voir plus clair, et ne pas se casser la figure. Son regard fut aussitôt attiré par des photos.
Une silhouette blanche se distinguait entre les arbres. Elle ressemblait presque à un fantôme. Kana déglutit. Alors, elle n'avait pas rêvé ! Elle avait vu cette silhouette. Elle en parlerait avec Amaya au réveil.
Puis, sur une autre photo, un homme attira son attention. Il était derrière les policiers qui retenaient les gens trop curieux. Il avait ses mains dans ses poches, et un sourire moqueur. Ses cheveux noirs étaient ébouriffés. Il dépassait les petits vieux d'une tête facilement. Et malgré les scarifications qui se trouvaient sous ses yeux et le long de sa mâchoire, ce n'était pas ça qui captivait son regard. Ses yeux étaient si bleus et si froids qu'ils semblaient la transpercer comme une flèche. Elle le connaissait.
Pourquoi est ce qu'un vilain faisant parti du groupe qui avait fait chuter All Might de sa première place se trouvait à des kilomètres de Tokyo, sur une photo d'une enquête pour meurtre ?
Soudain, Kana se rappela son alter. Crématorium. Le feu. Les cadavres carbonisés. C'était lui le coupable ?
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