IV Reck
Bonjour bonsoir, enfin un chapitre ce n'est point de refus, disons-le nous. Comme vous l'avez sûrement deviné, le temps me manque en ce moment pour écrire (BTS design d'espace coucou t'es chronophage), mais j'espère que vous arriverez toujours à suivre même si je n'ai pas posté depuis un moment. Je compte garder le même planning que j'ai mis en place précédemment, mais les chapitres sortiront quand ils sortiront (merci Kori) et pas un par semaine comme j'aimerais.
Merci de lire mes histoires, et bonne lecture !
Le ciel de Hopis était rosé quand Reck Giordan se réveilla et qu'il observa la ville par la fenêtre. Les couleurs matinales se reflétaient dans les immeubles et s'étiraient à l'infini, comme si on avait renversé du sirop de grenadine sur la skyline de la capitale. En contrebas, dans le jardin de l'Eclat, des agents municipaux accompagnés de techniciens s'affairaient à mettre en place les derniers câbles derrière les écrans géants, ceux qui retransmettraient en direct le discours. Reck suivit le passage formé par les barrières de sécurité et son regard se posa sur le portail principal du jardin, déjà pris d'assaut par les citoyens alors que l'évènement n'aurait lieu que dans quatre heures. Les gens sont fous... pensa-t-il.
Son téléphone vibra sur la table de chevet et il déverrouilla l'engin. Un live de Direct 1 était en direct depuis l'entrée des jardins, et une femme emmitouflée dans trois écharpes était en train de dire qu'elle attendait là depuis la veille.
- Vraiment fous, corrigea-t-il à voix haute.
Mais il continua de regarder le live, jusqu'à ce que le visage de la reporter apparaisse à l'écran. Une jeune blonde de trente ans dont les formes feraient rougir n'importe quelle adolescente.
- Carole Blake, cracha-t-il en balançant l'appareil sur le lit.
Les derniers sons du live se perdirent alors que Reck ruminait. Carole Blake était sa plus grande rivale, voire sa plus grande ennemie, depuis l'école d'audiovisuelle dont ils avaient été tous deux diplômés en même temps et majors de surcroit, une première à Aethernia. Il la trouvait prétentieuse, charismatique et belle, et il détestait ça. Depuis qu'ils travaillaient pour Direct 1, ils n'avaient de cesse de se mettre mutuellement des bâtons dans les roues, à coups de fausses déclarations aux directeurs de la chaîne ou de simples renversements de cafés sur l'autre avant un direct crucial. Finalement, leurs positions s'étaient stabilisées quand Reck était devenu le présentateur officiel de la Réunion Matinale des Régents et du Journal du soir, et que Carole était passée première reporter de la chaîne. A travail égal, salaire égal. Mais...
- C'est moi qui ai gagné la guerre du meilleur présentateur... souffla Reck.
Car aujourd'hui, il allait briller bien plus fort que la première reporter. Il allait être au point culminant, non, au firmament de sa carrière.
Aujourd'hui, Reck Giordan allait faire l'ouverture du discours de la Reine.
- YES ! S'écria-t-il soudain.
Et remonté à bloc, satisfait d'avoir enfin dépassé sa rivale, son ennemie de toujours, il alla prendre une douche. Il en avait déjà pris trois la veille au soir, mais on n'a jamais assez de douches avant un évènement aussi important que celui-là.
Quelques minutes après, Reck entra dans le dressing et contempla comme chaque matin les centaines de costumes qui s'offraient à lui. Il se sentait comme chez lui dans cette pièce, même si le vrai chez-lui était à quarante minutes en train, bien loin de cet appartement de fonction qu'on lui laissait dix mois sur douze et qui était juste en-dessous des studios d'enregistrement. Un luxe dont il était plus que ravi, même si celui de Carole n'était qu'à quelques portes du sien.
Il farfouilla quelques minutes dans les costumes colorés en tout genre et en extirpa une simple tenue noire et blanche. Reck ne voulait pas jouer dans l'excentricité, c'est pour ça qu'il posa une perruque brune sur son crâne rasé, bien loin de sa crète « orange coucher de soleil » dont il avait l'habitude. Il enfila le reste de ses vêtements et s'observa dans un des six miroirs du dressing.
- Pas mal, marmonna-t-il.
Satisfait, son petit déjeuner fut avalé en vitesse et Reck monta aux studios.
***
Sept heures.
Les mocassins neufs grinçaient sur le sol vitrifié du couloir. La marche de Reck était rythmée, rapide, sûre. Le présentateur saluait machinalement les gens qui passaient, étonnés de le voir dans un accoutrement si sérieux. Peut-être même que certains ne le reconnurent pas, mais Reck était trop concentré pour remarquer ce genre de chose.
Il avait réglé son cerveau en automatique, comme une machine, afin de perdre le moins de temps possible dans son organisation de la matinée ; aller chercher son speech, s'enfermer dans la loge jusqu'à neuf heures pour le lire, se faire maquiller, et présenter à dix heures le discours le plus important de sa carrière.
- Je viens chercher mon script, annonça-t-il à Linda en débarquant dans le hall des plateaux de tournage.
Derrière son comptoir, la secrétaire se gratta le front et plissa les yeux.
- Oh, Reck ! S'exclama-t-elle. Je ne vous avais pas reconnu. Le script de... ?
Le présentateur râla et se demanda comment Linda pouvait être aussi bête. Elle avait beau avoir la cinquantaine passée, Alzheimer n'était pas censé l'attendre au tournant de si tôt.
- Le discours, avant celui de la Reine ! S'agita-t-il en tentant de garder son calme.
- Ah oui ! Euh à propos de ça...
Linda recula dans son siège, plissa encore les yeux (plus fort qu'avant, là, on ne les voyait presque plus), et se jeta presque en avant.
- Ça me revient ! Lâcha-t-elle enfin. Monsieur le Directeur est passé hier soir, juste avant la fin de mon service, vous imaginez ?
- Franchement je m'en fous, avoua-t-il sans gêne.
- Ah... Eh bien il m'a dit de vous dire d'aller le voir dans son bureau avant toute chose ce matin.
Reck soupira et tourna les talons.
- Merci de me faire perdre mon temps.
Il était agacé, son planning était tout chamboulé. La meilleure journée de sa vie commençait mal. Mais non ça ira, se reprit-il en entrant dans l'ascenseur. Tout va bien se passer. Il tâcha de se calmer le temps que la cabine monte de trois étages.
Le bureau du directeur était forcément au bout d'un long couloir inutile, c'est pourquoi Reck était tout essoufflé quand il tapa à la porte en chêne.
- Entrez.
Le présentateur ne se fit pas prier et obtempéra.
- Ah, Reck ! Lança un homme aux cheveux poivre-et-sel en se levant de son siège. Je t'attendais, assieds-toi.
Il obéit une fois de plus et serra la main qui se tendait à lui.
- Linda m'a dit que tu voulais me voir, Steve ?
Cela faisait un moment que Reck tutoyait et appelait le directeur de Direct 1 par son prénom, mais cela lui sembla étrangement déplacé ce matin-là.
- Ah oui, fit Steve d'un air désolé. Tu sais, tous les ans, les gars de la sécurité refont un check-up des enregistrements des caméras de nos étages, et ils ont trouvé quelque chose de pas très cool à ton sujet...
- Ils m'ont vu imprimer mes fesses sur la photocopieuse de la salle de réunion ? Plaisanta Reck en forçant un rire.
Mais à l'intérieur, son humeur était encore descendue. En plus de l'agacement, il stressait.
- Ahah, non, malheureusement, répondit le directeur. Mais je crois qu'une vidéo vaut tous les discours.
Sans un mot de plus, il déplia l'écran de l'ordinateur portable posé devant lui et le tourna vers Reck. Un couloir vide était affiché à l'écran, ainsi qu'une date. 02/09/286. C'était il y a moins d'un an. Sans laisser durer le suspense plus longtemps, Steve démarra la lecture.
Rien n'apparut de nouveau dans le couloir pendant quelques secondes, mais au bout d'un moment, Reck se vit marcher dans le couloir, sa crinière orange bien en évidence. Il reconnut en même temps le couloir de la vidéo, qu'il empruntait de temps en temps dans les studios. Puis, une crinière blonde déboula à son tour du côté opposé, et il murmura :
- Mégane...
La suite était simple ; on voyait Reck et la fille de Tony Lumen discuter quelques secondes de manière amicale, puis les deux personnages continuaient leur chemin.
- Voilà, lâcha le directeur en stoppant l'enregistrement.
Reck demeura silencieux un moment puis finit par lâcher :
- Quoi, c'est tout ? Je ne vois pas ce qu'il y a de ma-
- Ne fais pas l'innocent, le coupa Steve. Tu n'as pas vu tous les avis de recherches dans les journaux ? Mégane Lumen est une fugitive, une traîtresse, et tu le sais très bien.
- Et alors ? Je n'étais pas au courant de ça à ce moment-là !
Le directeur souffla d'un air dédaigneux.
- Vraiment ?
- Evidemment !
- Tu te souviens de ce que tu lui avais dit, pendant cette discussion ?
Reck prit une seconde pour se remémorer et raconta.
- Elle venait d'arriver à Hopis pour le Concours. Elle voulait voir son père et je lui ai indiqué le chemin jusqu'à l'ascenseur qui mène aux bureaux des Régents.
- Mmh.
Le directeur reprit l'ordinateur et pianota quelques secondes sur le clavier. Il tourna de nouveau l'écran vers Reck ; une pièce circulaire était affichée à l'écran.
- Qu'est-ce que c'est ?
- La pièce où on accède aux bureaux des Régents, justement.
Il lança la vidéo d'un air satisfait.
Reck vit Mégane Lumen sortir d'un ascenseur au centre de la pièce et se diriger vers la porte en face d'elle. La qualité de l'enregistrement n'était pas aussi bon que dans le précédent, et l'image coupait parfois, mais le présentateur aperçut sans mal la jeune fille invoquer trois épées et les lancer sur la porte. Elle s'approcha ensuite et observa à travers le sort qu'elle avait lancé ce qu'il se passait de l'autre côté. Reck ne put voir quoi, mais il vit l'air apeuré de Mégane qui détalla et sauta dans l'ascenseur quelque secondes plus tard.
C'est à ce moment que Steve coupa l'enregistrement.
- Prise en plein espionnage, dit-il.
- Et qu'est-ce que ça à voir avec moi ? Se défendit Reck.
- C'est toi qui lui as indiqué le chemin...
- Et c'est suffisant pour prouver que je suis complice de leur Révolution à la con ?!
- Ecoute...
Le directeur prit un ton complaisant qui ne lui plut pas du tout.
- Tout le monde sait que tu t'es toujours bien entendue avec la famille Lumen... Malheureusement, elle est majoritairement composée de traîtres. Les nouvelles vont vite, et si cet enregistrement se retrouve aux yeux de la population, les retombées seront mauvaises, très mauvaises. Pour toi, et pour la chaîne, et ce même si tu n'as rien à voir avec toute cette histoire. C'est pourquoi tu vas rentrer chez toi dès aujourd'hui.
- T'es en train de me dire que je suis viré ?
- Tu devrais me remercier de n'être que licencié. Imagine si les gars de la sécurité avaient livré l'enregistrement directement aux Régents... Tu serais peut-être déjà en prison à l'heure qu'il est.
Reck fut incapable de répondre.
- Rentre chez toi, enchaîna Steve. Des déménageurs sont déjà passés dans ton appartement récupérer ce qui t'appartenait, les cartons sont en routes pour ton quartier. Ah, et tu peux garder ce costume.
Comme l'autre ne réagissait toujours pas, le directeur posa une main sur son poignet et continua.
- Je fais ça pour ton bien, tu sais ?
- Lâche-moi !
Furieux, Reck sortit du bureau et claqua derrière lui. Mais il réouvrit bien vite et demanda :
- Qui va faire l'introduction du discours de la Reine ?
Steve, surpris de le revoir si vite, prit un temps avant de répondre.
- Carole Blake, qui d'autre ?
***
Le soleil était totalement levé quand le train s'arrêta au terminus. Reck fut le seul à descendre et à fouler les carrés de pierre délavée par les intempéries, où trainaient en nombres chewing-gums et autres emballages en plastique. Il était neuf heures et les salarymen bossant au centre-ville avaient déjà quitté les quartiers de banlieue, laissant la gare vide et triste sous un ciel qui grisonnait à vue d'œil.
Reck quitta les lieux et traversa les vieilles rues bordées par de hauts immeubles aux façades noircissantes pendant de longues minutes, ne croisant que très peu de voitures et encore moins de riverains, tous calfeutrés chez eux pour éviter de circuler dans une zone que les médias considéraient « à risque ». Le présentateur, l'ex-présentateur n'avait jamais eu de soucis ici, mais ce n'était pas étonnant vu le peu de temps qu'il y passait.
Il s'arrêta enfin devant un énième mur de briques rouges qu'il contempla un instant. Il habitait au deuxième étage de l'immeuble, dans un studio qu'il louait depuis sa première année à l'école d'audiovisuelle. Bien qu'originaire d'une famille aisée de Grand-Bord, ce taudis était le seul endroit où il pouvait se permettre de loger à la capitale. Depuis, son salaire lui permettait sans mal de se trouver quelque chose plus près du centre mais il ne s'était jamais vraiment attelé à cette recherche, étant donné qu'il préférait son logement de fonction le long de l'année et qu'il dormait souvent chez des amis durant l'été.
- Je crois qu'il est temps de déménager... souffla-t-il.
Reck finit par rentrer et monta l'escalier avec lassitude jusque devant son appartement. Un carton était posé au pied de la porte, sur lequel était inscrit « Effets personnels de Reck Giordan ». Il eut l'impression qu'il était mort et que la petite boîte contenait ses dernières affaires. Et après réflexion, il se rendit compte qu'au final, il y avait très peu de lui dans sa suite de la Tour de l'Eclat.
- Temps de changer de vie, même, réalisa-t-il.
Il souleva le léger carton et déverrouilla la porte grâce au scanner rétinien. L'entrée débouchait directement sur l'espace cuisine-salle à manger ouvert sur un petit salon. Reck posa ses affaires sur la table, où stagnait une fine couche de poussière. Il ouvrit ensuite les rideaux derrière le canapé et zyeuta en contre-bas sur la cour intérieur. L'étroit espace vert dont s'occupait sa vieille voisine était complétement en friche, alors il se dit qu'elle devait être maintenant trop fatiguée pour en prendre soin.
Ou bien qu'elle était morte.
Après avoir regardé ses manches et son pantalon hérités de son feu dressing, il se dit qu'il faisait tâche dans cet environnement dans lequel il ne se reconnaissait plus et se déshabilla au milieu de la pièce. Il se rendit dans sa minuscule chambre en caleçon et y ouvrit un placard accolé au lit. A l'intérieur, quelques tenues qui ne devaient probablement plus lui aller et qui lui donnèrent envie d'éternuer quand il les observa de plus près. Finalement, il prit un t-shirt taille XXL qu'il enfila au-dessus de ses sous-vêtements ; il n'avait aucune raison de bien s'habiller et il commençait à faire chaud à l'intérieur.
De retour dans le salon, un homme était assis confortablement dans son canapé. Reck le salua machinalement d'un coup de tête avant de réaliser.
Un homme était assis confortablement dans son canapé.
- Qu-qu-qu'est-ce que vous faîtes ici ?!
Il glissa en reculant et s'étala sur le parquet.
- Enfin là, dit l'homme en se levant, j'ai bien cru que vous ne rentreriez jamais chez vous.
L'homme en question devait avoir une trentaine d'années. Il avait les cheveux en batailles et portait une étrange combinaison noire qui serrait son corps fin. Reck crut à un cambrioleur et recula jusqu'à heurter le bar de la cuisine.
- Que voulez-vous ?! Cria-t-il. Si c'est de l'argent, je n'ai pas de liquide, mais je peux vous passer ma carte bancaire si vous voulez !
Il voyait déjà les titres dans les journaux. « Ancien présentateur TV cambriolé le jour de son licenciement ». Il y aurait un reportage et Carole Blake le présenterait.
- Je ne veux pas d'argent, lâcha l'homme.
Son ton paraissait sincère mais Reck ne voulait pas se fier à un inconnu entré par effraction dans son appartement. Mais était-il réellement rentré par effraction ? Il n'avait pas entendu le verrou magnétique sauter ou une vitre se briser.
- Je m'appelle Stéphane Greeley, fit l'homme en s'accroupissant devant lui. Enchanté.
Il tendit sa main que Reck serra avec hésitation. Il était loin d'être rassuré mais c'était toujours mieux que de se faire tabasser.
- Que voulez-vous ? Répéta-t-il.
- Tenez, mettez ça.
Il décrocha de sa ceinture un appareil circulaire que Reck reconnut. C'était un vieux système de communication développé il y a quinze ou vingt ans, qui avait fait un flop commercial. Le système s'accrochait autour de la tête et scannait le visage de la personne. La même opération se passait à l'autre bout du « fil » et les gens discutaient comme en vrai, d'après la publicité. Mais l'appareil donnait apparemment rapidement mal à la tête.
- Ce truc va pas vous griller le cerveau, promis, assura Stéphane.
Pas très enjoué, Reck enfila l'appareil sur sa perruque qui manqua de glisser.
- A qui vous voulez que je parle ? Vous voulez demander une rançon à la chaîne en m'enlevant ? Pas la peine, je viens de me faire virer.
- Si on avait voulu vous enlever, je vous aurais menacé avec un flingue ou quelque chose. Vous allez parler avec quelqu'un que vous connaissez, quelqu'un de confiance.
Reck voulut protester qu'il n'avait plus grand monde en qui avoir confiance, mais Stéphane appuya sur un bouton et des milliards de points minuscules réalisèrent un mapping 3D de son visage en moins d'une seconde. Il plissa les yeux sous la lumière bleue et l'inconnu lui dit :
- Sentez vous libre de dire ce que vous voulez pendant l'appel. L'appareil a été modifié pour passer outre les filets des services de renseignement d'Aethernia, donc aucun risque d'aller en prison pour ce que vous déclarerez.
- Les services de renseignements ? Répéta Reck.
Stéphane hocha la tête et s'apprêta à répondre, mais un hologramme apparut soudain entre les deux hommes ; l'hologramme de quelqu'un qu'il connaissait bien.
- Reck ! Contente de te revoir après tout ce temps.
L'interlocutrice avait les cheveux plus courts que la dernière fois qu'ils s'étaient vu, mais il l'aurait toujours reconnue entre mille. Reck resta bouche-bée, incapable de dire quoi que ce soit.
- Je sais que tu ne dois pas comprendre tout ce qu'il se passe, mais tu dois me faire confiance... On n'a pas beaucoup de temps alo-
- Te faire confiance ?!
Sa langue s'était enfin déliée.
- J'ai été viré à cause de toi et de votre révolution à la con ! Hurla-t-il.
- Calme-toi... Tenta l'hologramme de Mégane Lumen.
- Calmez-vous, renchérit Stéphane en posant une main sur son épaule.
- Comment vous voulez que je me calme ? La personne pour laquelle j'ai perdu mon boulot, et qui est un traître par-dessus le marché vient me parler comme si de rien n'était.
Reck scruta les yeux virtuels de Mégane puis ceux, bien réels, de Stéphane Greeley.
- J'ai compris... murmura-t-il. Vous saviez que je me ferais virer car je m'entendais bien avec ces sales traîtres, alors vous tentez de me faire rejoindre votre cause. Mais ça ne marchera pas !
- Calmez-vous, répéta Stéphane.
- Je ne me calmerai pas !
- Si, vous allez vous calmer sinon-
- Je ne me calmerai p-
- Silence !
Bien qu'elle n'émanât que du casque, la voix de Mégane résonna dans tout l'appartement. Reck, qui transpirait beaucoup, se tut sous le ton impérieux qu'elle avait hérité de son père. Même si elle était une traîtresse, il ne pouvait oublier que quelques mois plus tôt, elle était l'une des femmes les plus puissantes d'Aethernia.
- Nous ne te demandons pas d'adhérer à notre cause juste parce que tu t'es fait virer... Lâcha-t-elle. Nous ne pensions pas qu'ils te licencieraient, toi, le présentateur le plus populaire du pays.
- Ça c'est sûr... marmonna Reck. Moi non plus.
- Si nous t'avons contacté, poursuivit Mégane, c'est parce que nous te faisons confiance. Enfin, parce que je te fais confiance et que je suis parvenue à convaincre mes supérieurs de te faire confiance.
Reck haussa les sourcils.
- Le plan de base était simple, poursuivit Stéphane. Vous faire comprendre les raisons qui poussent la Révolution à agir pour que vous puissiez les transmettre au peuple à travers vos émissions. Mais on dirait que ce ne sera plus possible dorénavant...
L'ex-présentateur sourit.
- Eh ben voilà, lâcha-t-il. C'est plus possible. Fin de la pièce, descendez le rideau et lâchez-moi les basques. Je ne vous suis plus utile alors vous allez me laisser tranquille. Je vais m'acheter un appart en centre-ville et vous, vous allez continuer à vous terrer dans le trou paumé où vous vous cachez. Tout le monde sera heureux.
- Je ne crois pas, non, fit Mégane d'un air sérieux. Tu es plus intelligent que ça, et je sais que tu comprendras pourquoi il faut arrêter les Régents.
- Pff... souffla Reck. Qu'est-ce qu'ont bien pu commencer les Régents pour qu'on puisse vouloir les arrêter ?
- Vous le saurez en lisant les documents que je vous ai déposé sur la table, à côté du carton contenant vos affaires, dit Stéphane désinvolte.
Mégane reprit la parole :
- Il y a bien quelque chose que tu peux faire, Reck. Mais tu n'accepteras qu'après avoir pris connaissance de la vérité, je le comprends parfaitement.
- On dirait que vous essayez de me faire rejoindre une secte.
- Y'a peut-être un peu de ça.
La jeune femme rigola et pendant un instant, il eut l'impression que son cœur se réchauffait.
- Il faut se dépêcher, dit-elle plus sérieusement. Réfléchis bien, et fais le bon choix. Je te fais confiance.
La communication coupa brutalement et Reck se sentit désorienté quelques instants. Il finit par enlever le casque et sa perruque tomba en même temps. Stéphane reluqua son crâne chauve plusieurs secondes mais ne releva pas ; il se contenta de récupérer l'appareil et de dire :
- Tout à l'heure, ils ne se sont pas contentés de déposer le carton devant la porte. Plusieurs hommes ont déverrouillé l'entrée et sont venus posés de très petites caméras un peu partout dans l'appart. Ce sont des modèles seulement activables à distance, alors si on suppose que leur QG est proche du centre-ville, il doit rester environ vingt minutes avant qu'ils n'aillent les mettre en route. Vous pensez que ce sera suffisant pour consulter les documents ?
- Comment vous savez tout ça ?
- Pour les caméras, je suis un peu le pro de la technologie avec mon jumeau, dans la Révolution. Pour le reste...
Il leva son doigt au ciel. Reck regarda le faux-plafond, qu'il avait fait poser deux ans après son arrivée ici. Un dégât des eaux avait eu lieu à l'étage supérieur et avait noirci une bonne partie du plafond. Le faux-plafond avait été la façon la plus économique de camoufler la misère, même si les dalles en placo n'étaient pas du plus bel effet.
- Je me cache là-dedans depuis trois jours, je commençais à croire que vous ne rentreriez jamais chez vous... Une chance qu'ils ne soient pas venu mettre des caméras là-haut. D'ailleurs, vous pourrez cacher les documents là-haut. Si vous avez besoin de les consulter, prenez une liasse de billet avec vous ; ceux qui vous surveillent penseront que c'est là où vous cachez de l'argent liquide et n'iront pas fourrer leur nez là-bas.
Reck hocha la tête machinalement, même s'il ne réalisait toujours pas tout ce qui venait de lui arriver.
- Je vais devoir y aller, poursuivit Stéphane. Dépêchez vous de lire les documents et prenez une décision. Mégane a confiance en vous, et elle risque gros en prenant l'initiative de vous confier cette tâche. Vous pourriez nous trahir et foutre l'avenir de l'humanité en l'air si vous le vouliez, alors prouvez-nous que vous êtes quelqu'un de bien.
Il acquiesça de nouveau et suivit du regard l'étrange homme quitter son appartement.
Il resta un moment dans cette position, face au canapé, à regarder le vide. Comme si tout ce qui venait de se passer n'était jamais arrivé. Comme s'il était juste un simple licencié. Puis la réalisation arriva enfin à son cerveau et une immense envie d'aller tout balancer au premier Régent venu lui vint à l'esprit.
Pourtant, il se retint et se contenta de marcher jusqu'à la cuisine.
Sur la table, une pile de papier était bien là, à côté de son carton et d'une mystérieuse clé USB d'un rouge vif. Reck tira une chaise, s'assit et prit les documents entre ses doigts.
Il commença à lire alors que les yeux du monde étaient rivés sur Carole Blake, qui annonçait que le discours de la Reine commencerait dans quelques instants.
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