Alec se réveilla le premier par un bruit suspect à quelques mètres de lui. Il ouvrit les yeux, et fut surpris de voir un petit troupeau d'animaux qui ressemblaient étrangement aux bisons. Il y avait bien quelques différences, dont un troisième œil. Leurs pelages étaient d'une couleur flamboyante et ils flottaient au vent à la moindre petite brise. Il s'agissait du genre de pelage dont on avait le goût d'y passer notre main tellement sa texture semblait douce et soyeuse.

Alec les observa pendant un quart d'heure environ. Les animaux, qui s'abreuvaient à la rivière, étaient constamment houspillées par d'autres petites bêtes qui ressemblaient plutôt à des singes aux jambes très courtes et au visage plat. Quelques oiseaux qui flottaient sur la rivière étaient assez téméraires pour se promener au travers de leurs immenses gueules.

Son inspection terminée, il détermina que les bisons n'étaient pas une menace puisqu'ils broutaient tranquillement l'herbe sans se soucier du reste des animaux présents.

Il se leva sans faire de bruit, pour ne pas réveiller Magnus ni apeurer la faune, puis il prit la direction de la camionnette.

Arrivé à destination, il plongea sa main dans la remorque et en ressortit avec un arc et des flèches. Tout aussi discrètement, il reprit le chemin inverse et repéra un bison qui s'était un peu éloigné.

Alec prit une bonne inspiration avant de bander son arc. À ce moment, l'animal releva la tête, mais ne bougea pas. Il était clair qu'il n'avait pas l'habitude d'être chassé. Il mâchait calmement lorsqu'Alec lâcha sa flèche en expirant longuement.

Il fit mouche du premier coup et la cible fut atteinte en plein centre de la tête, directement dans son troisième œil. L'animal s'effondra avec fracas au sol, laissant voler une poussière violette partout autour de lui. Les autres bisons figèrent un instant, mais ne semblèrent pas le moins du monde effrayés.

Magnus fut réveillé par l'énorme bruit et se releva immédiatement.

— Mais qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il sur ses gardes.

Au son de sa voix, les autres animaux déguerpirent dans le sens opposé alors que les oiseaux se réfugièrent sur l'eau. Il analysa la scène, et quand il comprit qu'il n'était pas en danger, il rejoignit Alec qui se penchait pour attraper les pattes avant du bison.

— Ça c'est mon chasseur ! Nous aurons de la bonne viande fraîche au menu de ce soir. Parfait !

Il claqua des mains pour appuyer son affirmation lorsque deux oisillons sortirent du pelage du bison. Les petits piaillaient et coururent vers Magnus pour se jucher sur chacun de ses pieds.

— Oh ! Regarde comme ils sont mignons, clama Magnus en suppliant Alec du regard.

Il les prit dans ses mains pour mieux les regarder. Ils avaient un plumage aux multiples teintes rosées. Le rose fuschia était la couleur principale, mais des taches plus pâles parsemaient le reste de leurs corps. Ils avaient aussi de petits becs aplatis et des pattes palmées.

— Non ! Non, non, non.

— Mais je n'ai encore rien dit !

— Non, nous ne les gardons pas. Leurs parents doivent les chercher.

— Hennn ! Regarde les, avec leurs grands yeux. Ils sont de petits toutous duveteux.

Alec ne s'en préoccupa pas, trop occupé à attacher les pattes du bison. Magnus déposa les oisillons en poussant un soupir de déception, mais il lui vint une idée.

— Je sais ! Ils doivent avoir faim. Je vais chercher notre déjeuner. Ils aiment peut-être le pain.

Il courut vers le véhicule et les oisillons le suivirent du mieux qu'ils le purent.

Il ouvrit le sac et sortit un sandwich qu'il défit en petites bouchées. Les oisillons avalèrent goulûment pendant que Magnus les attiraient vers la rivière.

Voyant Alec se démener pour tirer le bison, Magnus jeta son sac un peu plus loin pour aller l'aider. Les petites boules rosées s'attaquèrent au sandwich resté à l'intérieur.

— Je vais t'aider chéri. Ils avaient très faim. As-tu vu ? Ils ont englouti le sandwich entier en quelques secondes.

Il prononçait ses paroles en tirant laborieusement sur l'animal au sol, avec succès. À deux, cela s'avéra beaucoup plus facile. Le corps avançait lentement lorsque quelque chose de rose attira l'attention du milliardaire. À l'endroit où se situait le bison quelques secondes plus tôt, se trouvaient, deux oiseaux adultes aplatis par le poids du mastodonte. Le bovin les avait certainement écrasés en s'effondrant au sol.

Les bébés coururent vers les cadavres et piaillèrent de plus belle.

— C'est trop triste, murmura Magnus. Il s'agissait probablement de leurs parents.

Alec, qui n'avait rien remarqué, se releva et regarda la scène. Sans un mot, il retourna vers le véhicule. Magnus, surpris du comportement de son partenaire, resta bouche bée. Au bout d'un moment il revint vers lui, une couverture à la main et une cage dans l'autre. Il déroula la couverture et sortit son propre sandwich. En quelques secondes, les oisillons oublièrent leurs parents et se jetèrent sur Alec afin d'obtenir les miettes qu'il leur offrait.

— On ne peut pas laisser de pauvres orphelins seuls ici, commenta Alec avec un sourire sur le visage.

Magnus était sans voix. Alec lui disait qu'il pouvait les garder. Il avait décidément gagné le gros lot le jour où il avait rencontré cet homme. Autant il pouvait chasser un mammouth s'il le fallait, autant il prenait les petites boules de plumes comme des objets très précieux.

Il cria sa joie en sautillant de bonheur, les yeux remplis d'amour pour son fiancé, mais aussi pour les deux petits êtres dans ses bras. Après cela, il le prit par le cou et l'embrassa avec enthousiasme.

— Tu es un amour. Les enfants vont les adorer.

— Je sais, mais je le fais aussi pour toi.

— Aaahhh ! Merci ! Merci ! Merci !

Ils placèrent les oiseaux dans la cage et les posèrent sur le banc arrière. Ensuite, ils transportèrent le bison jusqu'à la remorque. Il était temps de faire demi-tour et d'apporter des victuailles pour ce soir-la.