Chapitre XIII
Antonio finit néanmoins par se lever pour commencer à faire leurs valises, rangeant leurs vêtements et son porte-document. Son cadet se redressa, le regardant faire en soupirant doucement. Visiblement, il n'avait pas envie de retrouver Vienne et ses courtisans. Sentant venir la mauvaise humeur de son ami, le brun s'approcha et l'enlaça doucement, caressant son dos avec tendresse.
« Allez, ne boude pas... C'est notre travail, Wolfgang... Nous n'avons pas le choix...
-Mais je n'ai aucun opéra de prêt ! Je vais être moqué par ces maudits courtisans !
-Wolfgang... Je t'aiderai si tu veux mais nous devons rentrer à Vienne. Et puis, l'Empereur a dit que deux nouveaux compositeurs devraient arriver, les courtisans auront un autre bouc-émissaire.
-Hm... Tu me laisses pas seul là-bas, hein ?
-Hormis lors de mon jour de repos.
-Même lors de ton jour de repos ! S'il-te-plait, je n'ai aucune envie de subir leurs brimades !
-D'accord, d'accord. »
Un soupir échappa au latin qui poursuivit ses caresses avant de se lever et de porter les valises jusqu'à la calèche. Une fois les malles solidement attachées, il retourna dans la demeure. Nannerl et son père discutaient calmement d'un mariage arrangé pour la jeune femme qui semblait vouloir rester seule et rencontrer un homme et l'aimer avant de se marier. Lui n'aurait jamais ce problème, au moins. Il partit chercher son comparse qui ne voulait définitivement pas sortir du lit. Se plantant devant lui, le plus âgé croisa ses bras sur son torse, l'air agacé et mécontent. Il tira le blond à lui en grognant, le forçant ainsi à sortir du lit. Une protestation échappa à l'Autrichien qui se débattit vainement. Les nerfs et la patience du brun étaient mis à rude épreuve et il se retenait d'assommer son ami pour l'embarquer.
« Il suffit, Wolfgang !
-Encore juste une journée, je t'en supplie ! Laisse-moi encore une toute petite journée !
-Non. J'ai besoin de retourner à Vienne. Je dois continuer l'apprentissage d'Alarich, il ne lui reste pas grand-chose avant de pouvoir prendre son envol.
-Alarich ! Alarich ! Il est toujours question de lui ! Et moi tu y penses ??
-Je le connais depuis huit ans !
-Mais tu es plus proche de moi que de lui ! Pourquoi tu te préoccupes aussi peu de moi ??
-Tu me fais une crise de jalousie, c'est ça ? Wolfgang, tu es un ami très proche, trop proche parfois, mais Alarich, c'est mon élève, comme un frère cadet. Il me donne envie de prendre soin de lui, de lui apprendre tout ce que je sais. Il est tellement discret, il me ressemble. Toi et moi sommes complètement opposés mais complémentaires. Je ne peux pas choisir entre toi et Alarich. J'ai réussi à choisir entre Alarich et mon deuxième élève, ne me demande pas de choisir entre Alarich et toi. J'en serai complètement incapable.
-Je veux pas être recalé au même rang que lui, je veux plus ! Antonio, je veux pas être un Alarich numéro deux !
-Tu as déjà plus... Wolfgang, tu n'as aucune raison d'être aussi jaloux. Tu es bien plus. Je te l'ai dit, il est comme un frère pour moi. Crois-tu vraiment que j'aurais pu être aussi familier avec lui ? Crois-tu vraiment que je lui ai fait des suçons dans le cou ? Ce que je t'ai fait en Prusse, je ne l'ai jamais fait avec lui ni avec qui que ce soit d'autre. Si cela ne te suffit pas comme preuve que je tiens à toi et que tu es quelqu'un de très cher et de spécial à mes yeux, alors je ne sais pas ce qu'il te faut. Maintenant dépêche-toi, nous avons une calèche qui nous attend.
-Antonio... »
Wolfgang baissa les yeux et décida de se lever, ne désirant pas le contrarier plus que nécessaire. Ils quittèrent la chambre, passèrent dire au revoir à la famille du plus jeune avant de prendre place dans la calèche. Le brun se laissa tomber sur la banquette, soupirant légèrement. Commençant à mettre de la distance, l'Autrichien s'assit en face de lui, croisant les jambes en regardant dehors. Le plus âgé sentit qu'il avait jeté un froid entre eux mais ne sut quoi faire pour réchauffer un peu cette atmosphère désagréablement tendue. N'ayant aucune idée, l'homme ne lui adressa pas la parole avant la nuit, disant simplement qu'il voulait dormir dans la calèche. Libre à Mozart d'aller dormir à l'auberge à laquelle ils s'étaient arrêté pour changer les chevaux, éreintés des précédents trajets. Le blond hocha simplement la tête mais resta dormir sur la banquette. Ainsi se déroula le trajet : Dans un silence de mort où aucun des deux hommes ne put parler, effrayés à l'idée d'aggraver la situation.
Antonio ne dormit pas très bien durant les deux nuits, ne se reposant réellement que deux heures chaque soir. Ses cernes se creusaient davantage et il semblait plus fatigué qu'à la normale. Des pensées sombres occupaient ses nuits, des pensées tournées vers son avenir proche et sa relation perturbée avec le prodige de Salzbourg. Celui-ci avait un sommeil de plomb : S'endormant tôt, se réveillant lorsque le soleil était à son zénith. L'Italien enviait cette insouciance mais pour rien au monde il ne voulait la lui retirer. Pour l'heure, il pensait simplement au devenir de leur relation.
Arrivés à Vienne, ils sortirent de la calèche et s'en allèrent sans s'échanger un regard ni une parole. Inutile de se dire au revoir, ils se reverraient dans quelques heures au palais pour rencontrer les deux nouveaux compositeurs que leur Empereur avait dégoté. Le latin rentra chez lui et eut un étrange sentiment de satisfaction en entrant. Dante manqua de lui sauter au cou, se retenant tout de même en voyant l'expression fatiguée de son Maître. Ce dernier partit défaire sa valise et demanda à ce qu'il lui prépare un bain. Le domestique obéit alors, partant préparer la bassine d'eau chaude pendant que le brun rangeait ses affaires et mettait dans une panière ses vêtements sales. Une fois sa valise vide, il prit un bain en soupirant d'aise, se réchauffant. Dante lui ramena ses vêtements puis le laissa tranquille. Le compositeur ne tarda pas à sortir de l'eau, se séchant avant de s'habiller. Une fois cela fait, il mit de l'ordre dans sa chevelure avant de se chausser et de partir en direction du palais. L'Italien constata avec étonnement que son ami l'avait attendu à la porte principale de l'édifice. Wolfgang lui adressa un sourire dépourvu du moindre éclat de joie, ce qui ne manqua pas d'inquiéter le plus âgé.
« Quelque chose ne va pas.. ? Demanda-t-il doucement
-J'ai peur..
-Peur de quoi ?
-D'être viré.. Imagine que ces compositeurs soient meilleurs que moi !
-Wolfgang, ne t'inquiète pas pour ça. Tu ne seras certainement pas renvoyé. Tu es bien trop talentueux pour ça.
-Hm...
-Allons-y, ne les faisons pas patienter plus longtemps. »
Les deux hommes rentrèrent dans l'immense palais et se dirigèrent vers l'un des salons où se trouvaient justement l'Empereur et les deux nouveaux compositeurs. En voyant Salieri et Mozart, il se leva pour les saluer tandis que ceux-ci s'inclinaient.
« Messieurs, je vous présente vos deux nouveaux collègues, tâchez de bien vous entendre. Voici Joseph Haydn, sa musique est vraiment sublime, tout est parfaitement calculé et... »
Antonio ne l'écoutait déjà plus, figé. Serrant et desserrant les poings, son regard se fit extrêmement dur à l'encontre du deuxième compositeur qui le fixait avec un air méprisant. Le brun prit son air le plus hautain alors que Joseph II désignait l'autre musicien.
« Et voici, L...
-Ludwig Van Beethoven. Nous nous connaissons déjà. L'interrompit Salieri avec un air mauvais
-Vraiment ? Demanda le monarque, surpris
-Eh bien, maestro Salieri, vous semblez bien surpris de me voir. Le charia Beethoven avec un sourire en coin
-Je pensais que sans moi tu aurais arrêté la musique. Je me suis visiblement trompé.
-Quelle prétention. Comment se porte cet avorton ? Je veux dire.. Vous savez, votre cher élève, votre soi-disant prodige !
-Je ne te permets pas de l'insulter. Il ne t'a rien fait de mal, il a simplement été meilleur que toi lorsqu'il a fallu vous départager. Son apprentissage arrive à son terme et je lui promets un avenir brillant, contrairement au tien.
-C'est ce que nous verrons bien.
-Que la guerre commence. » Répondit simplement le plus vieux
Dans un geste magistral, il lui tourna le dos, faisant voler les pans de sa veste avant de s'en aller à son bureau pour composer. Inquiet, son ami le suivit et lui attrapa la main au détour d'un couloir, le faisant s'arrêter.
« Antonio, est-ce que...est-ce que ça va ?
-J'ai envie de disparaitre. Ou de le tuer. Je ne sais pas ce qui est le mieux.
-Je comprends que tu sois en colère mais calme-toi, je t'en prie.
-...Je vais devoir demander de l'aide à ce traitre de Rosenberg, il m'en coute de le faire après le coup bas qu'il m'a fait mais je n'ai pas le choix. Je vais couler Beethoven, je vais faire en sorte de lui donner un peu d'espoir à chaque fois puis de le couler immédiatement par la suite. Son calvaire durera autant de temps que nécessaire.
-Est-ce vraiment une bonne idée ? C'est ta place que tu remets en cause, Antonio.. Laisse le faire ce qu'il veut, ça n'a pas d'importance...
-Je ne peux pas risquer que cette menace reste plus longtemps ici. Je le déteste, tu n'imagines pas à quel point.
-Je vois bien que tu le hais mais ne fais rien de trop dangereux, s'il-te-plait.
-D'accord, d'accord... » Soupira-t-il
Il ne put s'empêcher d'étreindre le blond, passant un bras autour de sa taille, montant une main à ses cheveux qu'il caressa, puis posa ses lèvres sur son front, dans le but de le rassurer. L'Autrichien se blottit contre lui, la tête dans son cou, frottant tout doucement son crâne contre les doigts de son ami. Entendant des pas, Salieri ne tarda pas à briser leur étreinte. Il prit son poignet et l'emmena jusqu'à son bureau, ne désirant pas réellement qu'on le voit en compagnie de son ancien rival dans un moment de proximité. Une fois seuls, il étreignit de nouveau le compositeur germanique, se laissant lourdement tomber sur son canapé. Wolfgang s'assit sur lui, relevant son visage pour regarder son ami droit dans les yeux. Le contact visuel dura un moment et Antonio sentit bientôt une main monter doucement à sa joue, le pouce décrivant de lents mouvements circulaires sur sa peau. Il se laissa aller à ce contact simple mais si plaisant, fermant doucement les yeux en soupirant d'aise. Le blond poursuivit ses caresses avant de venir poser son front contre le sien, souriant doucement. Leurs souffles se confondaient, se mêlaient l'un à l'autre. Leurs lèvres étaient si proches, la tentation croissait. Et puis...Le latin avait les yeux clos... Pourtant, le petit génie réfréna ses pulsions, se disant qu'il n'avait pas le droit de faire cela à son ami, qu'il ne pouvait pas se jouer de lui et l'embrasser avec la même frivolité qu'il le faisait avec les femmes.
Le brun finit par rouvrir les yeux, posant son regard noisette sur le visage hésitant de son comparse. Mozart se recula doucement et fixa le canapé pour tourner son attention vers autre chose que les lèvres de son aîné. Ce dernier remarqua bien vite que quelque chose le tracassait et se redressa avant de prendre doucement son menton, le forçant à le regarder.
« Wolfgang... Quelque chose te préoccupe ?
-Ce n'est rien, ne t'en fais pas ! Et si on travaillait, maintenant ? Nous sommes là pour ça après tout ! »
Le cadet était un excité mais cette agitation nerveuse ne lui ressemblait en rien. Fronçant les sourcils, l'Italien le retint de s'évader, le faisant retomber sur le canapé à la seconde où il s'en était levé. Il fit se rassoir son ami sur lui, faisant attention à chacun de ses gestes, chacune de ses mimiques. Antonio avait bien remarqué que son ami était tendu, crispé voir mal à l'aise mais n'en comprenait pas la raison.
« Qu'est-ce que tu as ? Je vois bien que ça ne va pas.
-Je...C'est juste que...je..j'ai eu envie de... C'est tellement gênant, bon sang...
-Envie de quoi... ?
-Envie de t'embrasser ! J'ai eu envie de t'embrasser... Avoua-t-il, écarlate, le cœur battant la chamade
-Au point où on en est... »
Le latin posa ses lèvres sur celles de son vis-à-vis qui ne se priva pas pour lui rendre son baiser, passant ses bras autour de son cou. Ils se retrouvèrent bientôt collés l'un à l'autre. Les doigts du blond se perdaient dans la chevelure soyeuse du Maître de Chapelle qui avait posé ses mains sur les hanches du cadet. Leurs lèvres se mouvaient avec tendresse, sans chercher la domination, partageant simplement un doux et précieux moment. Les deux maestros ne se séparèrent qu'une fois à court d'air mais gardèrent un contact visuel. Le plus jeune se mordilla nerveusement la lèvre inférieure, tout gêné. La main du brun vint doucement caresser sa joue alors qu'un léger sourire étirait ses lèvres fines qui vinrent reprendre possession de celles de son vis-à-vis. L'échange fut bien plus fougueux que le précédent, leurs mains ne savaient plus aller, pressées de découvrir des parcelles de peau encore inexplorées. Antonio se retrouva bientôt avec la chemise à moitié ouverte alors que les lèvres de son cadet quittaient les siennes pour venir butiner sa peau avec douceur. L'Italien sentit plusieurs frissons le parcourir, fermant les yeux.
« Wolfgang...
-Antonio...
-On avait dit...qu'on ne devait pas... s'emporter..
-Je sais mais...j'en ai envie...
-On ne devrait pas..
-Tu réfléchis trop... Ce genre de choses ne se pensent pas, ça se fait, ou ça ne se fait pas..
-Et l'après.. ? Ça se réfléchit, Wolfgang... Si on s'engage là-dedans, que se passera-t-il dans quelques semaines, dans quelques mois.. ?
-Arrête de penser au futur, profite de l'instant présent... On y pensera après...
-Ne me fais pas regretter.»
Le blond sourit contre sa peau, poursuivant ses baisers. Antonio frissonnait doucement, lâchant quelques soupirs. Il passait un bras au creux des reins de son ami avant de se redresser légèrement, le fixant pendant qu'il sentait sa peau être aspirée, le haut de son torse couvert de suçons. Sa deuxième main vint caresser la chevelure ébouriffée de l'Autrichien qui reporta son attention sur le dominé de position. Ce dernier inversa la dominance, s'allongeant sur lui avant d'embrasser son front.
« Ne brusque pas tout, nous avons du temps devant nous...mais surtout du travail.
-Tu as le don de gâcher des moments romantiques, c'est incroyable !
-Je sais, on me le dit souvent.
-Sérieusement ?
-Absolument pas. »
Le brun se leva du canapé et retourna s'assoir à son bureau avant de chercher de l'inspiration pour composer. Rien ne venait, il ne savait pas quoi faire de sa plume et de ses partitions.
J'ai besoin de prendre l'air...
Le latin sortit du bureau, bientôt suivi par son comparse qui fronça les sourcils en le voyant si contrarié. Il effleura son bras avec douceur mais Antonio lui fit savoir avec froideur qu'il avait besoin d'être seul. Écarquillant les yeux, le cadet déglutit péniblement et partit à son propre bureau où il trouva plusieurs articles de presse qui parlaient de son opéra dont la première avait eu lieu juste avant son départ pour Postdam. Les critiques étaient mauvaises et son public avait complètement rejeté Don Juan. Lâchant un soupir, le jeune homme soupira et s'affala dans son siège, regardant le plafond.
Salieri s'était rendu aux jardins impériaux, déambulant dans les allées, cherchant des idées. Le soleil chaleureux du printemps rayonnait et sa lumière filtrait à travers les feuilles des arbres. L'homme s'adossa au tronc d'un arbre, croisant une jambe par-dessus l'autre. Il ne savait pas quoi composer, n'avait aucun livret à sa disposition, devait peaufiner sa symphonie mais l'inspiration ne venait pas. Le brun se laissa tomber sur l'herbe tendre en soufflant bruyamment, balançant la tête en arrière. Plusieurs courtisans passèrent devant lui et l'un d'eux vint le voir. L'Italien se releva donc pour saluer le noble, contenant un soupir.
« Maestro Salieri ! Cela faisait quelques semaines que nous ne vous avions vu ! Avez-vous un opéra de prêt ? Celui de Mozart était une vraie catastrophe !
-Je travaille sur une symphonie, pas d'opéra pour le moment. J'en suis désolé.
-Vous n'avez pas l'air de tant travailler que cela. Railla Beethoven en arrivant derrière les courtisans
-Je prends l'air, ça m'aide à me remettre les idées en place.
-Peut-être que c'est ce que vous auriez dû faire il y a quatre ans.
-Inutile de me cracher ton venin, tu ne me feras pas regretter mon choix.
-Je suis certain que vous regrettez déjà, Maestro.
-Au contraire. Je serai ravi de le voir connaître la gloire qu'il mérite pendant que tu couleras sous les mauvaises critiques.
-Vous ne ferez pas de moi un second Mozart.
-Non en effet. Mozart est un génie, pas toi. Il a su gagner mon admiration, tu ne l'auras jamais.
-Jamais l'Histoire ne retiendra votre nom, vous êtes le pire compositeur de la Cour, entouré de génies et de musiciens hors-pair, alors que vous, qu'avez-vous ? Que faites-vous ? Vos opéras traînent, on ne passe que Mozart, vous sortez un concerto tous les ans, un opéra tous les six mois, et vous êtes Maître de la Chapelle Impériale en plus d'être le compositeur officiel de la Cour ?!
-À défaut de sortir un minable opéra tous les deux mois, je sors des pièces de qualité avec, certes, moins de régularité que vous mais bien plus de qualité. Au moins, je soigne mon travail. »
Le regard noir de Ludwig lui fit étirer ses lèvres en un fin rictus moqueur. Il avait touché la corde sensible, et savait parfaitement se jouer des faiblesses des autres. Le brun tourna autour de son ancien élève comme un requin tournant autour de sa proie, son regard en disait long sur ses pensées.
« Tu le sais, tu sais que c'est grâce à moi que tu as découvert la composition mais au fond, tu m'envies. Tous les élèves envient leur maître. C'est normal.
-Que cherchez-vous en me disant cela ? Vous cherchez de la reconnaissance, n'est-ce pas ? Demanda l'ancien élève en reculant
-Nullement. Je te montre à quel point tu as été stupide à l'époque, que tu l'es encore d'ailleurs. Tu ne me surpasseras pas, ta médiocrité te perdra. Et si jamais, si par malheur, tu étais bon, crois-moi, j'ai des amis à la Cour qui te feront couler. Il est si facile de manipuler l'opinion lorsqu'on connait des gens haut placés.
-Vos méthodes me dégoutent.
-Ta trahison m'a dégouté. Nous aurions pu faire beaucoup de choses ensemble, mais tu as préféré te montrer jaloux et tu m'as contraint à choisir.
-Si vous vouliez tant que nous collaborions, vous m'auriez choisi moi, pas cet avorton.
-Alarich est un million de fois plus doué que toi. Ce qu'il fait, tu es incapable de le faire. Attends de le voir lors de ma prochaine symphonie, tu verras à quel point tu lui es inférieur.
-J'en doute fort. Vérifiez bien vos arrières, un malheur est si vite arrivé. »
Les yeux du plus âgé se firent plus sombres alors qu'il fronçait les sourcils. Antonio saisit violemment son ancien élève par le col de la chemise, les dents serrées.
« Si jamais tu oses lui faire le moindre mal, je te ferai subir mille et une tortures.
-Je n'ai pas peur.
-Tu devrais. »
Le Maître de Chapelle s'en alla, n'ayant aucune idée de quoi faire. Il finit par rejoindre Wolfgang à son bureau, frappant à la porte avant d'entrer. Le brun découvrit son comparse assis sur son siège, les yeux rivés au plafond, des larmes ravinant ses joues. Fronçant les sourcils, le plus vieux s'approcha de lui et s'assit sur l'accoudoir.
« Wolfgang.. ? Quelque chose ne va pas.. ?
-Je...Don Juan a été un vrai échec... Je ne sais pas quoi faire de plus... Deux opéras... Vienne a rejeté mes deux opéras... ça veut bien dire quelque chose, hein ? Ça veut dire que je n'ai pas ma place ici...
-Da Ponte m'a apporté un livret mais le sujet ne m'inspire pas, c'est quelque chose que je n'ai pas connu. Ça s'appelle La Flute Enchantée, c'est sur le bonheur. Tu veux que je te l'amène ?
-Hm...Je veux oublier mes échecs...Tu parlais des fumeries d'opium, non.. ? Tu veux pas m'y emmener ?
-Je ne veux pas que tu y deviennes accros, Wolfgang.
-Mais...S'il-te-plait, j'ai besoin de me détendre...
-Tu m'as fait la morale lorsque je t'ai dit que je fumais pour me détendre et qu'il valait mieux que je compose ou que je joue quelque chose que de me faire du mal là-bas.
-Antonio...
-Ne tombe pas là-dedans. Viens, on va chez moi, j'y ai laissé la plupart de mes partitions. Peut-être qu'aller dans un endroit où la musique est reine t'aidera à trouver de l'inspiration.
-D'accord... »
Le blond se leva péniblement de son siège et prit son matériel de composition avant de sortir avec Antonio. Le cadet ferma à clé son bureau et les deux maestros quittèrent le palais avec calme. Ils marchèrent un long moment dans les rues de Vienne avant de parvenir à la maison du plus âgé qui lui ouvrit la porte, le laissant entrer. Les domestiques les débarrassèrent de leurs vestes puis les laissèrent tranquille. Le brun l'emmena à sa chambre où se trouvait son piano avant de s'installer à son bureau juste à côté, reportant son regard sur sa symphonie. Il acheva le troisième mouvement avant de tout remettre en ordre, pendant que son ami se familiarisait avec son piano, un peu plus grand que la normale.
« Il va falloir que je les fasses copier... Soupira-t-il en se passant une main dans les cheveux
-Combien d'instruments ?
-Trente. C'est une symphonie après tout.
-Il va falloir copier les partitions trente fois du coup...
-Exactement. Autant te dire que je n'ai pas du tout envie. Et puis, il va falloir que j'assure les répétitions et rien ne se passera comme je le désirerai.
-Pourquoi es-tu si pessimiste ?
-Parce que c'est ce qu'il se passe à chaque fois que je fais répéter mes morceaux. « Maestro, c'est bien trop rapide ! Nous n'y arriverons pas ! » « Maestro, il y a trop de notes à jouer en même temps ! » « Maestro, je ne peux pas chanter aussi haut ! ». Les répétitions m'agacent. Ils ne peuvent pas se contenter de jouer les partitions comme je leur demande ? Ce n'est pourtant pas si compliqué ! À croire que je suis le pire chef d'orchestre qui existe.
-C'est vraiment si terrible que cela de diriger un orchestre pour toi ?
-La pire des tortures que tu puisses m'infliger.
-Ah... »
Les deux hommes se turent, retournant chacun à leur activité. Wolfgang se mit à jouer un air totalement au hasard pendant que l'Italien rangeait ses partitions. Il ouvrit son armoire et commença à faire du tri dans ses nombreux. Certains vestons lui allaient trop petit, certaines chemises n'étaient plus à son goût, des bas s'étaient filés... Néanmoins, la virtuosité de son comparse le fit s'arrêter dans ses mouvements et il se contenta de s'assoir sur le lit pour l'écouter. Aucune partition sous les yeux, aucune indication et aucune preuve de l'existence du morceau : L'Autrichien jouait à l'instinct. Le Maître de Chapelle reconnaissait le talent de son ami depuis plusieurs semaines déjà mais ne cessait de s'étonner devant la dextérité du plus jeune et par conséquent de se remettre en question. Pendant dix longues minutes, le jeune homme fit danser ses doigts sur le clavier, captivant son aîné qui en oublia parfois de respirer.
Antonio attendit qu'il finisse son morceau pour s'approcher de lui, posant une main sur son épaule.
«C'était magnifique.
-Merci...
-Pourquoi n'écris-tu pas les notes ?
-...Tu me crois si je te dis que je ne me souviens plus de ce que je viens de jouer ?
-Sérieusement ?
-Oui...
-Alors que tu as joué la sonate pour ta mère de tête ?
-Oui.. Antonio, j'ai une très mauvaise mémoire instantanée, les notes me reviendront plus tard et je les noterai à ce moment-là.
-Fais à ta guise.
-J'ai toujours fonctionné ainsi, je ne changerai pas maintenant. »
Le brun se contenta d'un hochement de tête, retournant à ses vêtements. Il se demandait quoi faire du tas de linge qu'il ne porterait plus, soupirant légèrement. Finalement, il se dit qu'il allait les vendre à une boutique qui saurait sûrement quoi en faire. Il se laissa tomber sur son lit, les yeux rivés vers le plafond. Plusieurs heures passèrent et Wolfgang finit par se lever pour partir. Il embrassa le front de son aîné, lui dit au revoir et s'en alla. Antonio le regarda partir avant de s'enfouir sous les draps, essayant de s'endormir, sans succès.
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