Chapitre IX
Ce fut le jeune Autrichien qui se réveilla en premier, ouvrant un œil avant d'entrapercevoir la silhouette de son ami sur la chaise. Haussant un sourcil, il décida néanmoins de rester un petit moment au lit, le temps de bien émerger. Le prodige de Salzbourg finit par se lever et secoua son comparse pour qu'il se réveille. Après tout, ils retournaient à Vienne. Antonio eut du mal à revenir du pays des songes, ouvrant péniblement les yeux. Il regarda autour de lui, semblant d'abord chercher ses repères avant de croiser le regard de Wolfgang. Ce dernier lui accorda un sourire à tomber.
« Eh bien, maestro, tu n'apprécies pas être tiré ainsi de ton sommeil ?
-Ne te moque pas, j'ai eu du mal à trouver le sommeil...
-Tu le rattraperas lors du trajet, nous rentrons à Vienne.
-Vienne.. ? Les courtisans.. Rosenberg !! »
En se levant aussi brusquement, Salieri eut l'air d'un pauvre hystérique mais sa haine se lisait dans ses yeux au point que son comparse prit peur. Le blond posa une main sur la sienne pour qu'il reste calme mais cela n'eut aucun effet. Le plus âgé voulut se laver mais constata avec tristesse que la bassine d'eau était froide. Grognant, il se déshabilla et y pénétra en jurant intérieurement. C'est qu'il était de mauvais poil de bon matin, le musicien. Levant les yeux au ciel, Mozart rassembla les partitions avant de les ranger dans le porte-document en cuir de son aîné. Ce dernier mit deux petites minutes à se laver avant de réclamer à son ami des vêtements. Le plus jeune rangeait leurs affaires et lui lança en vrac des bas, une chemise et un veston avant de lui dire de se débrouiller et accessoirement de se calmer. Antonio ne tarda pas à se vêtir avant d'aider son ami à rassembler leurs affaires. Sans s'en apercevoir, il laissa sa veste en velours pailleté à Wolfgang, prenant celle en coton qu'il avait porté la veille pour sortir et retrouver cet imbécile de Rosenberg. Il n'avait certainement pas oublié le coup de l'empoisonnement et saurait le lui faire payer. Bien sûr, la douceur et la tendresse du châtiment du blond la veille ne se retrouveraient certainement pas dans la longue et terrible douleur qu'allait subir le Comte. Celui-ci se trouva bientôt dans le champ de vision de l'Italien qui s'approcha de lui à grands pas avant de le saisir par le poignet, le tirant dans un couloir pour le plaquer violemment contre un mur.
« Salieri, c'est vous ?!
-Surpris de me voir en vie ? Cracha le concerné avec un regard sombre
-De quoi parlez-vous enfin ?
-Et la belladone, ça vous dit quelque chose ?
-Mais quelle belladone ? Je n'ai jamais eu de belladone, enfin !
-Ne jouez pas les innocents. Je sais que c'est vous qui avez demandé à ce que l'on m'empoisonne. Et je vous ai entendu discuter avec un cuisiner à propos d'un empoisonnement pour Mozart. Je vous préviens, si vous un seul de ses cheveux, vous le regretterez amèrement.
-Vous seriez-vous pris d'affection pour ce..cet écervelé ?!
-Cela ne vous regarde pas. En attendant, laissez-moi vous faire payer ce que vous m'avez fait et que vous refusez d'avouer. »
Le brun saisit l'intendant par la gorge, la serrant sans vraiment forcer. Un couinement échappa à la voix nasillarde de Rosenberg alors qu'il tentait de se débattre pour échapper à la forte poigne du maestro. À ce moment-là, alors que le noble semblait suffoquer, quelqu'un attrapa Salieri par le bras et le tira vers l'arrière pour qu'il lâche ce traitre. Wolfgang venait de sauver la peau de son pire ennemi, juste pour éviter que son ami ne commette un meurtre. Celui-ci lança un regard meurtrier au Comte avant de s'en aller avec son comparse, fulminant. Le blond lâcha un soupir avant de se tourner vers son aîné, l'air à la fois triste et compatissant.
« Tu n'as pas l'air de vouloir immédiatement retourner à Vienne...
-Bien sûr que si, je dois continuer d'assurer la formation d'Alarich et il me reste des choses à faire chez moi.
-Mais ?
-Mais je n'ai pas envie de recroiser ces lèche-bottes de courtisans, eux qui sont si hypocrites et qui, contrairement à leur souverain, ne connaissent rien à la musique.
-Nous ne rentrerons pas à Vienne dans ce cas.
-Où veux-tu que l'on aille ?
-Partons à Salzbourg ! Il y a six jours de trajet et je dois rendre visite à ma famille. Ce sera l'occasion de te présenter mon père et ma sœur !
-Wolfgang, j'ai du travail, je n'ai pas à perdre du temps là-bas.
-S'il te plait, Antonio ! L'air de la campagne nous fera du bien. Et puis...Je pensais que tu pourrais m'aider..à me réconcilier avec mon père... Nous nous sommes quitté en de très mauvais termes et je regrette profondément...
-Je suis la pire personne qui puisse t'aider sur ce terrain-là.. Je t'ai dit que je haïssais la mienne, comment veux-tu que je t'aide avec ta famille ?
-Je ne sais pas mais nous trouverons bien un moyen ! Accepte, s'il te plait, accepte ! Je...Je ne veux pas y aller seul... »
L'Autrichien lui fit des yeux de chien battu, lui serrant doucement la main, le suppliant de venir. Le brun soupira et finit par accepter sa proposition, sans enthousiasme. Le jeune homme, ravi, lui offrit un sourire adorable et partit en direction de leur calèche, portant les valises. Le plus vieux prit la sienne, afin de soulager le cadet d'un poids. Ils arrivèrent devant le véhicule à l'arrière duquel ils posèrent leurs bagages avant de retrouver leur souverain. Les deux maestros s'inclinèrent face à Joseph II.
« Votre Majesté, je viens vous annoncer que le Maestro Salieri et moi-même partons pour Salzbourg. J'ignore dans combien de temps reviendrons nous.
-Vous allez à Salzbourg ? Moi qui espérais que vous seriez là pour accueillir deux nouveaux compositeurs à la Cour. Mais allez-y, je sens que vous avez tout deux besoin de repos, je ne voudrais pas vous retenir.
-Merci, Votre Majesté. »
Ils s'en allèrent alors, montant dans la calèche qui fila en direction de Salzbourg. Antonio enleva veste et veston, entrouvrit sa chemise en défaisant les trois premiers boutons avant de soupirer longuement, un peu plus à l'aise. Pendant ce temps, Wolfgang restait emmitouflé dans la veste en velours de son comparse, le nez dans le col et les yeux clos. Inclinant la tête sur le côté, l'Italien le regarda faire, curieux. A vrai dire, il ignorait pourquoi l'homme à la crinière blonde paraissait si concentré sur le col de sa veste qui, pourtant, n'avait aucun défaut. Finalement, après de longues minutes, le petit génie de Salzbourg rouvrit les yeux en soupirant doucement, un sourire aux lèvres. Cillant, le brun haussa un sourcil, n'y comprenant toujours rien.
« Y a-t-il un problème avec ma veste ? Demanda-t-il, quelque peu curieux
-Hm ? Non non, pas du tout ! Je me disais juste qu'elle sentait bon... »
Papillonnant des cils à nouveau, le Maître de Chapelle secoua légèrement la tête, le trouvant à la fois enfantin et quelque peu désespérant. Le blond finit par se débarrasser de ce qui l'encombrait le plus, se retrouvant dans le même état vestimentaire que son comparse. Encore une fois, ils n'échangèrent aucun mot et restèrent ainsi, l'un à côté de l'autre sans pour autant essayer de se rapprocher ni même de se toucher. Wolfgang l'avait bien compris. Il fallait qu'il choisisse ses moments pour toucher Antonio, ne pas le coller à longueur de journée, il devait apprendre à le laisser tranquille. L'Italien ne tarda d'ailleurs pas à rejoindre les bras de Morphée qui lui avaient tant manqué la nuit passée. L'homme avait la tête inclinée sur le côté, une main sur les cuisses alors que son torse se soulevait régulièrement sous sa respiration lente et profonde. Le musicien aux cheveux d'or le regarda dormir avec un léger sourire, constatant avec joie que son aîné paraissait beaucoup plus paisible lorsqu'il dormait, lui qui arborait toujours un air triste ou plus tourmenté lorsqu'il laissait tomber son masque d'impassibilité habituelle. Rares étaient les fois où certaines personnes l'avaient vu avec un sourire franc et heureux. Ses parents avant qu'ils ne le rejettent, Gassmann lorsque le brun avait composé son premier concerto et enfin bien plus récemment l'Autrichien lorsque son ami avait achevé leur duo piano-voix. Généralement, tout ce qui touchait à la musique rendait Salieri heureux mais il en fallait énormément pour le voir sourire. D'ordinaire, il se contentait d'un visage calme ou quelques fois d'un rictus moqueur ou sadique.
Wolfgang se rapprocha un peu de son comparse, passant lentement un bras autour de sa taille pour le coller contre lui avant de lui faire poser sa tête sur ses cuisses, allongeant son buste. Doucement, il lui caressa les cheveux, entortillant quelques mèches autour de ses doigts fins avant de les lâcher puis de les reprendre, s'amusant pendant plusieurs minutes avec. Il finit néanmoins par laisser sa chevelure en paix, ne désirant nullement le déranger pendant son sommeil.
A la nuit tombée, la calèche s'arrêta devant une auberge pour le cocher, les deux hommes décidant de dormir dans le transport. Enfin, le cadet avait choisi pour eux, l'Italien sortant à peine de son sommeil réparateur. Il se redressa légèrement pour faire face au blond qui lui sourit avant de se décaler pour le laisser respirer.
« Je...t'ai dormi dessus.. ?
-C'est moi qui t'ai fait t'allonger sur mes cuisses, je me suis dit que ce serait plus confortable que de dormir assis, comme tu l'as fait sur la chaise. »
Le brun hocha simplement la tête, se passant une main dans les cheveux pour les remettre à peu près en ordre, plusieurs petites mèches tombant devant ses yeux. Le compositeur germanique ne sut quoi faire de plus pour lui et finit par s'endormir dans son coin. Antonio resta éveillé une partie de la nuit, ayant trop dormi pour pouvoir à nouveau rejoindre le pays des songes.
Le trajet dura encore cinq jours avant que les deux maestros n'arrivent à Salzbourg. Ils prirent leurs bagages et laissèrent la calèche ainsi que le cocher avant de se diriger vers la maison des Mozart. Wolfgang marchait avec hâte malgré son évidente appréhension. Antonio ne faisait rien pour le rassurer, ne sachant que dire dans ce genre de situation. Bien trop tôt ils aperçurent la demeure où le cadet avait passé enfance et adolescence. Le brun ne connaissait pas Salzbourg. En réalité, il ne connaissait pas l'Autriche, il n'avait visité que Vienne et ses alentours. N'étant pas un grand adepte des voyages, l'Italien ne se déplaçait que très peu et son emploi du temps chargé ne lui permettait pas non plus des écarts. C'était un miracle de pouvoir accompagner son ami ici.
Arrivé devant le palier, le blond hésita longuement, comme s'il ne se sentait plus le bienvenu. Il se tourna vers son comparse, se mordillant nerveusement la lèvre.
« Je ne sais pas si...si je peux entrer...
-Tu nous as trainés ici, à toi d'avoir le courage de te mesurer à ta famille. Répliqua l'aîné d'un ton détaché
-Frappe à ma place, s'il-te-plait !
-C'est ta famille, pas la mienne. C'est à toi de régler cela, si tu as des choses à te reprocher, ce n'est pas de ma faute. Maintenant frappe à cette porte avant que l'on rebrousse chemin.
-Antonio !
-C'est non. Dépêche-toi. »
Dépité du manque de soutien du latin, un soupir échappa à Mozart qui, timidement, presque craintivement, frappa à la porte. Quelques secondes interminables s'écoulèrent avant que la lourde plaque de chêne ne fusse tirée. Nannerl apparut sur le palier avant de sourire en voyant son frère. Elle lui sauta dans les bras, le faisant tanguer. Antonio le rattrapa afin qu'il ne tombe pas, le faisant se remettre sur ses pieds. La jeune femme finit par se détacher de son cadet, lui adressant un sourire chaleureux.
« Cela me fait si plaisir de te voir, Wolfgang !
-Moi aussi, Nannerl. Papa est là.. ?
-Oui, il se repose dans le salon. Mais tu..as un invité ?
-Oh, oui ! Nannerl, je te présente Antonio Salieri, il est compositeur à la Cour de Vienne, c'est un musicien et un chanteur hors pair ! Antonio, voici ma sœur aînée, Nannerl.
-Enchantée, Monsieur Salieri !
-De même. »
La musicienne fit entrer les deux hommes qui déposèrent leurs bagages à l'entrée. Elle les guida jusqu'au salon où un homme d'une cinquantaine d'années lisait un livre. Entendant des pas, le patriarche des Mozart tourna la tête sans un sourire pour son enfant prodige. Ce dernier détourna le regard, déglutissant péniblement. Lassé du comportement de légume de son ami, le compositeur de la Cour le poussa légèrement en avant comme pour l'encourager à prendre la parole. Le plus jeune couina légèrement avant d'enfin oser poser les yeux sur son paternel.
« Bonjour, Papa.
-Pourquoi es-tu là ? Me semblait-il que Vienne t'intéressait plus que Salzbourg, que tu y gagnerais gloire et reconnaissance, aurais-tu lamentablement échoué, comme à chaque fois ?
-Nullement, je... Je suis venu réparer mes erreurs ! Je voulais renouer avec toi, tu...tu es mon père, après tout ! Je..Je m'en veux pour ce que j'ai dit, ce que j'ai fait ! Je n'ai jamais voulu briser nos relations, jamais !
-Ce ne sont pas tes vaines excuses qui ramèneront ta mère.
-Je n'y suis pour rien, je n'ai rien pu faire !
-C'est bien cela que je te reproche ! Tu n'as rien fait pour la sauver, elle qui t'a tout donné, qui t'a porté, qui t'a aimé ! Que lui as-tu offert en retour ? La mort !
-Mais Papa ! Il était trop tard pour que je puisse faire quoi que ce soit, je ne suis pas médecin... Et c'est toi qui m'as envoyé à Paris, si nous étions restés à Mannheim, jamais Maman ne serait pas morte ! Et même si elle était tombée malade, j'aurais travaillé avec Aloysia et j'aurais eu l'argent pour payer les soins. Tu as aussi ta part de responsabilité, je ne suis pas le seul fautif ! Ne me blâme pas pour tes erreurs...
-Ma plus grande erreur a été d'avoir un fils. Ta sœur au moins sait se tenir à carreaux. »
Le cœur du jeune Autrichien rata un battement alors que des larmes commençaient à naître dans ses yeux. N'appréciant pas la pique lancée au prodige de la ville, Antonio plissa les yeux vers le père du blond.
« C'est à cause de ce genre de comportements absurdes que certaines familles se brisent. Je doute que vous imaginiez à quel point vous venez de blesser votre fils. Comment dans un pays aussi civilisé peut-on encore faire autant de mal à son enfant ? Je ne comprends pas, que cherchez-vous à faire en le blessant ainsi ? Le faire culpabiliser ? Très bien. Et ensuite ? À quoi cela vous avance-t-il ? À vous défouler ? Sachez qu'un enfant n'est pas un défouloir.
-Mais pour qui vous prenez vous ?! Et qui êtes-vous pour critiquer ce que je fais à mon fils ?!
-Je suis Antonio Salieri, je travaille à la Cour de Vienne. Wolfgang est un ami, je ne tolèrerai pas que vous le blessiez alors qu'il fait des efforts pour venir vous voir et tenter de se réconcilier avec vous. Wolfgang tient à vous mais vu votre comportement, vous ne méritez pas certainement pas qu'il fasse tant d'efforts. »
Voyant rouge, Léopold se leva et décolla une gifle au compositeur Italien. Sous la puissance du coup, l'homme tourna la tête en fermant les yeux, serrant les dents. Le blond regarda son père avec de grands yeux puis se tourna vers son ami.
« Antonio ! Est-ce que ça va ??
-Hm. Ne t'en fais pas pour moi, j'ai subi pire douleur. »
L'Autrichien fit un quart de tour pour porter un regard triste et lourd de jugement sur son paternel. Secouant doucement la tête, il recula avec crainte en emportant son aîné avec lui.
« Tu n'es plus le père que j'ai connu. Jamais tu n'aurais frappé quelqu'un, même si tu ne connais pas cette personne... La perte de Maman t'a changé en monstre ! Si c'est ainsi que tu comptes rester, alors je ne veux pas être ton fils plus longtemps ! »
Antonio écarquilla les yeux en l'entendant avant de prendre le visage du petit génie d'une main, ancrant son regard noisette attristé dans le sien.
« Non, Wolfgang, ne dis pas des choses pareilles. Tu ne le penses pas, tu le dis sous le coup de la colère. Crois-moi, tu ne veux pas ne plus avoir de famille.
-Tu n'en as plus, tu n'as aucune leçon à me donner !
-C'est justement pour ça que je te dis de revenir sur tes paroles. Tu n'imagines pas ce que ça fait d'être seul, de ne plus avoir de famille sur qui compter. Je t'en prie, Wolfgang, réfléchis. »
Ils parlaient à voix basse, pour le plus âgé du moins afin que Léopold n'entende pas les conseils de l'Italien. Le virtuose osait à peine affronter le regard expressif du brun, un regard à la fois compatissant, triste et douloureux. Mozart voyait de la douleur dans les yeux de son ami, chose à laquelle il n'avait jamais fait attention. Il se rendit alors compte que malgré sa haine, le Maître de Chapelle souffrait encore de ce que ses parents lui avaient fait et le suppliait tacitement de ne pas faire la même erreur. Baissant les yeux, le prodige Salzbourgeois se défit en douceur de la légère emprise de son vis-à-vis. Ce dernier recula légèrement, estimant qu'il en avait fait assez pour la famille de musiciens, les laissant s'expliquer. Il s'éclipsa pour prendre les valises et demanda à Nannerl où dormait Wolfgang lorsqu'il vivait encore ici. La jeune femme guida le compositeur jusqu'à la chambre d'enfance de l'homme à la crinière dorée. Antonio fut extrêmement tenté en voyant le lit deux places mais préféra laisser la chambre à son ami, déposant la valise de ce dernier. Inclinant la tête sur le côté, l'aînée de la famille s'avança vers le musicien.
« Vous ne restez pas ? Nous n'avons que trois chambres, vous dormiriez avec Wolfgang ?
-Je préfère qu'il soit seul ici, j'irai dormir à l'auberge.
-Vous avez l'air proches pourtant, tous les deux. Wolfy ne supporte pas la solitude, ne le laissez pas. Vous venez de l'aider après tout !
-Écoutez, c'est juste parce que je ne veux pas qu'il soit totalement perdu dans ce monde que je l'ai aidé. Les courtisans le détestent, il n'a presque pas d'amis à Vienne, sa famille est son seul point d'ancrage, son seul refuge en cas de problème majeur.
-Mais... Et vous ? Qu'êtes-vous pour lui ?
-Je ne suis que de passage, nos routes se sépareront sans doute dans peu de temps.
-J'en doute. Il vous a présenté comme un ami, il ne voudra pas se séparer de vous de sitôt ! Vous avez vous-même dit qu'il n'avait que peu d'amis à Vienne, si vous êtes l'un des rares à supporter ses extravagances et qu'il vous apprécie, ne le laissez pas seul. »
Ils entendirent tout à coup des cris en bas, les deux hommes de la famille Mozart semblaient se disputer et le bruit d'un verre cassé ne tarda pas à les inquiéter. L'Italien descendit les escaliers et fut soulagé de voir qu'aucun des deux n'était blessé. Un soupir lui échappa alors qu'il s'approchait d'eux pour savoir ce qui s'était passé. Wolfgang passa derrière lui, apparemment apeuré. Visiblement, son père avait tenté de lui lancer un verre dessus pour une raison inconnue du brun. Il resta derrière Antonio qui avait la carrure nécessaire pour le protéger mais celui-ci n'avait nullement envie de se faire charcuter.
«Wolfgang, cesse de faire l'enfant et dis-moi ce qu'il se passe.
-Rentrons à Vienne, s'il te plait... Je ne veux pas rester ici, j'en ai marre, il ne veut rien entendre !
-Reste calme, d'accord ? Je...On va trouver une solution.
-Tu n'étais pas resté calme, toi ! Répliqua le blondinet
-Les circonstances étaient différentes et je n'avais pas vingt ans, j'avais tout juste quatorze ans. Alors par pitié, ne fais pas de bêtises. Tu le regretterais.
-Que veux-tu que je fasse de toute façon ? Mon père est sourd comme un pot, il refuse de me laisser lui expliquer.
-Je vais t'aider, puisqu'il semblerait que sans moi nous resterions une décennie ici avant de pouvoir retourner à Vienne. »
Le Maître de Chapelle se tourna vers Léopold avec calme et détermination.
« Monsieur, j'aimerais que nous discutions avec calme pour résoudre votre différent. Est-ce que ce serait possible ?
-Pourquoi désirez-vous nous aider ? Cela nous vous concerne en rien.
-En effet, mais je n'apprécierai guère de voir le meilleur compositeur de la Cour brisé à jamais par son propre sang. Alors, s'il vous plait, laissez-moi vous aider. »
Le patriarche grogna et se rassit sur le canapé, laissant son fils et son ami prendre place en face de lui. Son enfant semblait rester craintif, demeurant le plus proche possible de l'Italien. Ce dernier s'installa sur un fauteuil à place unique, laissant son égal s'assoir sur l'accoudoir. Se passant une main dans les cheveux pour calmer sa gêne et sa nervosité, le brun demanda à ce que les deux Mozart lui expliquent le problème.
« C'est pourtant simple : Je ne veux pas d'un assassin sous mon toit. Un meurtrier doublé d'un fils indigne et désobéissant.
-C'est la meilleure ! Je ne suis pas un assassin !
-Si c'était le cas, croyez moi que Wolfgang ne resterait pas aussi calme, aussi serein et aussi joyeux qu'à présent. Je doute qu'il ait réellement voulu la mort de votre femme. Bien évidemment, je comprends votre douleur mais si je ne m'abuse, cela fait trois ans. Il serait peut-être temps de passer à autre chose, vous ne pensez pas ? Wolfgang n'y est pour rien, n'est-ce pas ?
-Bien sûr que non ! J'ai autant souffert que Papa ! J'aimais Maman, c'était une femme bien, attentionnée qui a tout fait pour m'aider à réaliser mes rêves ! J'ai longtemps été endeuillé et seule mon arrivée à Vienne a réussi à me remettre plus ou moins d'aplomb. Papa, je t'en prie, crois-moi !
-Alors il t'a suffi de visiter une nouvelle ville pour ne plus penser au décès de ta mère ?! Tu devrais avoir honte !
-Ce n'est pas ce que j'ai dit. Changer d'air et rencontrer du monde m'a fait du bien, composer m'aide à régler mes problèmes, à évacuer ce que je ressens. Je..J'ai même composé une sonate pour piano pour Maman... »
La musique. Voilà bien un point qui reliait toute la famille Mozart, qui les touchait infiniment. Wolfgang adressa un regard suppliant à son père, lui transmettant toute sa sincérité. Le visage de Léopold s'était légèrement débridé bien qu'il se montre toujours peu confiant.
« Joue moi cette pièce, ainsi je verrai si tu es sincère dans tes propos. »
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