Chapitre 31
Hello, je reprends plus tôt que prévu les publications, le festival d'Angoulême étant reporté à cause du Covid.
Le rythme ne sera pas régulier, mais je ferai mon possible pour publier un chapitre par semaine (sauf grosse contrainte), cette ff me demandant pas mal de re-travail.
Sinon, échauffez vos esprits, on monte en pression...
(Petit) TW sang et psychologie dans ce chapitre.
— Monte avec les sacs, je vais garer la voiture plus loin, lance Taehyung. Je ne veux pas la laisser trop près de l'hôtel, même si c'est une location, on ne sait jamais.
Jungkook acquiesce et pénètre avec ses commissions dans le hall. Un réceptionniste moustachu l'interpelle.
— Jeune homme, vous ne pouvez pas rentrer avec de l'alimentation dans votre chambre !
— Ah ? Moi, je crois que si. Vous n'avez qu'à demander à celui qui a réservé pour nous.
— Veuillez rester ici, je vous prie ! s'agace l'employé.
— Appelez-le, allez. Dites-lui que son beau-frère se plaint de vos services. Vous l'avez déjà dans votre répertoire, j'en suis sûr... se réjouit sournoisement Jungkook.
— Ha ! Et qui est ce monsieur ? persiffle l'agent, hautain.
— Wang Yibo.
L'autre enfile ses ridicules lunettes rondes et se penche sur son ordi... jusqu'à ce que l'information atteigne enfin son cerveau.
— Wang Yi...
Un sourire mielleux l'irradie aussitôt jusqu'aux oreilles.
— Passez un agréable séjour, cher monsieur ! bafouille-t-il. N'hésitez pas à nous contacter si besoin, même en pleine nuit !
Amusé – et fier –, Jungkook gravit les marches jusqu'au premier, réjoui d'entretenir une relation comme celle-ci. Le Lion D'acier vaut tous les présidents du monde, finalement. Être proche d'un homme puissant comme lui peut avoir du bon.
En réalisant qu'il n'a pas ses clefs, il décide d'abandonner un moment ses sacs pour rejoindre son ami dehors. La tension ne tarde pas à poindre. Il n'aura bientôt plus de batterie et se trouve dans un endroit inconnu, seul. Tout d'une insécurité qu'il ne peut supporter.
Il expire un bon coup et pousse les portes de la grande entrée pour gorger ses poumons d'air frais. Un silence de plomb règne. Ce quartier est calme, le long du fleuve Han.
Les minutes se succèdent. Lentes. Plus le temps défile, plus l'angoisse croît. Ses pensées fusent, incontenables. Naissance de la crise. Le sentiment d'abandon et de crainte dans un lieu où il est livré à lui-même devient de moins en moins tolérable. Son estomac se tord. Au sommet de sa fragilité, Kookie se ronge les sangs.
Jungkook passe une main dans ses cheveux, dents serrées, et les tire presque à la douleur. Quarante-sixième allée venue devant l'entrée et Taehyung n'est toujours pas revenu. La nuit noire, sa quiétude et son néant l'angoissent. Elle est oppressante. Sa respiration se raccourcit. Sans rire, quel genre d'être vivant sur Terre peut-il être effrayé par la nuit ? Une phobie absurde.
Après dix minutes et alors que son téléphone n'a plus que quelques pour cent de vie, il décide de les utiliser pour l'appeler. La tonalité, puis la sonnerie.
La sonnerie ?
En entendant la mélodie du smartphone de Taehyung, perceptible de loin, son cœur s'emballe. Tout va bien, donc, il se trouve tout près. Pourtant, plus Jungkook s'en rapproche en arpentant les coins de rues, plus la musique s'éloigne – jamais atteignable. Après quelques appels, le téléphone le renvoie instantanément au répondeur. Quelque chose cloche. Et pour couronner le tout, sa batterie s'éteint.
L'obscurité pèse comme si la voûte céleste lui tombait sur la tête ; il en viendrait à sentir son poids écrasant dans sa cage thoracique, tant elle est comprimée. Son rythme cardiaque s'accélère. Errant sur la grande avenue, le long du fleuve, il retrouve le smartphone de Taehyung, brisé au sol en mille morceaux. Son souffle se coupe. Un frisson lui parcourt l'échine. Partagé entre effroi et désarroi, il se fige devant l'appareil, incapable de faire le moindre mouvement.
Un rire nerveux le fait trembler. La nuit accentue l'asphyxie. La réflexion se fraye un chemin difficile à travers la toile de ses émotions exacerbées. Ses pensées frappent son esprit, compressé dans un étau. La pression grandit. Grandit.
Le flux bouillonne.
Désemparé, Jungkook divague sur le trottoir, hurlant le nom de son amour à s'en déchirer les cordes vocales. Vagabond maudit au cerveau malade, il dérive vers un espace parallèle. Empoisonné. Ce monde sombre et inquiétant, tant redouté. La perte de son doux remède devient obsession. Le condamne.
Déséquilibre ; effervescence ; implosion.
Le flux déborde.
Sa tête bourdonne. Les mains pressées aux tempes, il suffoque. Le gouffre ouvre sa gueule béante.
Il s'appuie sur la rambarde d'un pont, mi-rieur, mi-larmoyant. Pantin dont les membres ne répondent déjà plus, bientôt possédé. Il le sait. Car sa conscience ne le quitte jamais. Et en ce moment, la démence l'emporte.
Sa tête craque. Les commandes lui sont ôtées.
Son moi se décale, happé vers l'arrière. Il recule ; ou plutôt, ses pieds décident de reculer. Sa tête bouge, incontrôlable, en mouvements circulaires désordonnés. Le silence qui s'installe l'instant d'après dans son esprit lui parvient comme une radio criarde soudain privée de vie – presque effrayante. Seule la bise nocturne murmure sa fraîcheur marine au creux de ses oreilles. Son corps s'agite par soubresauts. Clown fou et suicidaire se trouvant sur un pont. Cette idée lui tire un rire. Elle est terrifiante.
Ses jambes désarticulées le mènent au bout de la pente métallique, le guident jusqu'au quai. Peut-être est-ce par facilité pour sauter ?
Taehyung. Taehyung.
Les larmes restent bloquées dans sa gorge nouée à sa pensée ; la douleur est sourde.
Au fil des mètres, ses pieds le dirigent vers une faible agitation que son conscient ne percevait pas jusqu'alors. C'est là qu'un petit groupe d'individus se révèle, que Taehyung apparaît, étendu sur les dalles humides, près de l'eau.
Sa tête tressaille. Il rit. L'un des inconnus l'entend et se retourne. Sa démarche d'ivrogne pousse d'abord les hommes à se désintéresser de lui, mais sa proximité finit par les interpeller. Dans les mains de l'un d'entre eux, une dague. Pas un vulgaire Jungle cranté de militaire, non. Plutôt un long poignard au double tranchant étincelant, à la lame aussi belle et affutée qu'un magnifique et grand couteau à viande. Son acier miroitant l'hypnotise.
Ligoté sur le sol humide, Taehyung l'aperçoit et hurle son nom à travers son bâillon. Jungkook le voit également, mais ce qui le captive en cet instant se trouve entre les doigts de cet individu qu'il distingue à peine. Son être cher, réduit au silence, n'évoque plus la moindre émotion.
Sans hésitation, il se dirige à bras ballants vers l'homme au crâne lisse. Ce dernier brandit son arme pour le décourager de s'approcher, mais ne réussit qu'à attiser davantage son envie. Les trois autres secouent la tête, riant de ce jeune inconscient sous l'emprise quelconques substances.
Jungkook tend les mains vers l'objet de sa convoitise, quémandant le rasoir de ce précieux, obsédant.
— Non mais t'as vu ce gosse ? Il veut se trancher les coudes avec mon couteau ou quoi ? Sans déconner...
— Un drogué. Tous des barjos. Ignore-le.
Les chevilles bientôt liées après ses poignets dans le dos, Taehyung fixe son amour, les yeux emplis de larmes. Il laisse retomber sa tête sur le béton et éclate en sanglots. Jungkook n'est pas là. La dernière vision qu'il emportera de lui sera celle de sa folie. Une démence qui, par son inoffensive faiblesse, lui épargnera le danger que représentent ces hommes.
Le chauve lève les yeux au ciel en soupirant et range son couteau à sa ceinture. Jungkook se plante devant lui avec un regard mi-clos, serein. L'appel du sang. Un petit gloussement, puis ses doigts habiles dérobent l'objet. Le criminel proteste, tente de reprendre son arme, mais les autres l'en dissuadent. Après tout, si cet enfant veut se donner la mort, qu'il le fasse. Ils n'auront qu'à récupérer la pièce à conviction et laisser son cadavre écorché sur le bitume.
Le clown étire un immense sourire. Satisfaction. Il s'accroupit et lâche un rire fou, obnubilé par son acquisition. Son trésor. La pulpe de ses doigts se promène sur le plat doux du métal aiguisé, scintillant.
— Ce gosse est complètement frapp...
Un hurlement brise le silence. Le crâne rasé s'écroule au sol, les tendons d'Achilles sectionnés par sa propre dague. Par l'"enfant".
Le sang. Enfin. Délivrance. Jungkook sourit de toutes ses dents. La jouissance implose dans son cœur.
Une main l'attrape brutalement par le col de son dos pour le remettre sur pieds. L'arme glisse entre ses doigts habiles. Dès les premiers beuglements de celui qui le harponne, il se retourne et plante les quinze centimètres de lame dans sa cuisse droite. L'homme s'écroule.
Jungkook lance un regard illuminé à leurs deux collègues – littéralement effarés – et se mord la lèvre. Extase. À l'instant où ils fondent vers lui, il enfonce à plusieurs reprises le poignard dans les deux quadriceps de son second blessé, hurlant à mort. Un rire hystérique le secoue à chaque giclée. Merveilleux.
Les deux autres, sous le choc, se stoppent à deux mètres, les yeux exorbités. Le large sourire fantomatique que Jungkook leur renvoie depuis un regard bas, les pousse à hésiter.
— Tirez-lui dessus ! vocifère le premier aux tendons sectionnés.
— On peut pas, on doit pas...
Incertitude fatale.
Jungkook s'élance dans les tibias de l'un d'entre deux et a déjà tranché ses ischiojambiers avant même que son corps ne touche le sol. Le quatrième le retourne face à lui, sort son couteau cranté et le vise à l'abdomen. Souple et dénué de peur, le fou évite le coup mortel en roulant sur lui-même et s'écarte de quelques bonds agiles sur le côté. Une sensation froide. Le sang coule de son avant-bras. Son sang. Magnifique, plus attirant encore que les étrangers. Moins jouissif, en revanche. Ceux des autres reflètent le délice ultime des chairs ouvertes.
Au premier mouvement de son attaquant, il se met à courir sur le quai en gloussant, euphorique. Son poursuivant le hèle, manque de l'érafler plus d'une fois. Mais le jeu devient vite ennuyant. Trancher et plus amusant que fuir. Il se stoppe et contourne subitement son agresseur, pris au dépourvu par son instabilité. Véritable continuité de son propre bras, la lame se fiche entre les deux omoplates de sa victime. L'homme pousse un cri terrible. Tel un félin féroce agrippé à un arbre, Jungkook lacère son dos en son long. Le poignard coulisse, progresse dans ses muscles dorsaux jusqu'à s'en retirer de lui-même au moment où le corps s'effondre.
Le clown se lèche les lèvres, délecté. Leurs chairs à vif, frétillantes, attisent ses élans sanguinaires, mais le vermeil qui teinte la dague l'émerveille avant tout. Il glisse son index dessus et prend le temps d'en savourer la chaude texture entre deux doigts. Les voix de ses cibles souffrantes perturbent toutefois sa béatitude. Les jeux vivants, une fois utilisés, sont insipides ; c'est presque s'il en perdrait sa joie. Tout en essuyant la lame son tee-shirt gris, il articule machinalement quelques sonorités tirées d'un lointain passé.
— Tic tac... Tic tac...
Le rouge. Le rouge le macule. Beau. Seyant. Il l'habille à la perfection.
Son reflet est à nouveau visible dans la blancheur fantastique du schlass acéré. Il ricane, pantin guilleret. Des larmes étouffées, non liées à la souffrance physique, finissent par attirer son attention. Non liées à la souffrance ? vraiment ? Y-a-t-il encore du vivant dans lequel son précieux objet ne s'est toujours pas planté ?
Sur la dernière dalle humide qui le sépare de la noyade, Taehyung frémit dès que le regard livide de son ami rencontre le sien. La tête de Jungkook fait un cercle mou tandis qu'il s'approche du captif avec une moue blasée. Il s'accroupit devant le ligoté, l'air absent mais intrigué. Ainsi ficelée, cette proie-là ne peut s'échapper, n'est-ce pas ? En somme, le martyre idéal. Les yeux égarés dans un vide qui n'appartient qu'à son monde, il contemple ce prisonnier larmoyant, transi de peur. La peur. Quel sentiment étrange. Pourquoi être effrayé lorsque le visage de la mort nous est sympathique ?
— Tu es un jouet magnifique, articule-t-il, fasciné.
En plein cauchemar, Taehyung se tortille, tente de retirer son bâillon, en vain. Jungkook parcourt la peau nue de ses bras du bout de sa lame, la glisse sous son tee-shirt à la découverte de son ventre fragile. Son impuissante offerte exalte la flamme du sang. Mais l'envie de savourer la tendresse de son corps par un véritable toucher se fait plus forte. Il se rapproche de sa nouvelle attraction puis, de sa main libre, caresse son flanc dénudé en suivant le chemin jusqu'à son cou, sous son vêtement. Les traits de son expression lunaire se crispent soudain. Ce qui émerge des tréfonds de son âme se mêle au présent, le happe dans les abysses de sa mémoire. Son enfer enseveli délivre ses mots, gravés au fer rouge.
— Pourquoi tu pleures ? Il faut pas pleurer, ça fait du bien...
Sa main se raidit, la lame pique son jouet à l'épaule. Tae sursaute, larmoyant.
La voix rieuse de Jungkook se met à trembloter, vibrant d'un nouveau timbre.
— Regarde comme ça fait du bien, petit frère...
Sa tête bouge par soubresauts ; il frissonne.
— Espèce de fils de pute ! aboie l'homme au dos balafré.
Par la lenteur de sa démarche, Jungkook ne se fait pas surprendre. Il fait volte-face et plante sa dague dans son abdomen ; l'agresseur s'effondre. Mais cette fois, le sang n'est accueilli par aucun sourire.
S'adressant à l'invisible de son néant, il articule avec une voix autoritaire et féminine.
— Respecte-moi... ! Pourquoi tu ne me respectes pas, putain...
À travers son bâillon, Taehyung s'horrifie. Son cri étranglé parvient aux oreilles de Jungkook qui se retourne vers lui. Durant un instant, il se reconnaît en ce garçon. Un instant ancien, hors du présent.
Il décide d'ôter le tissu blanc de sa bouche. Là, Taehyung hurle au désespoir.
— Jungkook ! Pitié, reviens ! Kookie ! le supplie Tae en utilisant volontairement le surnom de son frère.
Kookie.
Le sang qui coule le long de son bras, non loin d'une artère, le chatouille pour la première fois. Une fine douleur naît avec sa fraîcheur, commence à l'atteindre.
Il contemple la plaie, en pleine confusion. Sa tête bouge.
— Jungkook, écoute ma voix ! sanglote Tae. Souviens-toi de nous deux, souviens-toi de quand je t'embrasse !
— Quand je t'embrasse...
— Oui ! C'est ça ! Embrasse-moi, s'il te plaît, embrasse-moi... !
Le regard de Jungkook se pose sur cette victime qui l'affecte de plus en plus. Belle et délicate. Particulière. Ses lèvres, il les veut. Appétissantes. Plus que le sang.
Il se penche vers lui, charmé, mais s'arrête avant d'avoir effleuré sa bouche. Ses yeux s'agrandissent, son expression se transforme à nouveau. Ce parfum... Sa saveur caresse son conscient.
Son parfum.
Son cœur éclate.
— Mon dieu...
Le précieux objet qu'il serre entre ses doigts devient soudain indésirable. Effrayant. L'obsession s'envole. Il lâche le poignard et se laisse tomber au sol, la main tremblante. Son regard affolé dévie lentement sur son amour sanglotant. Horreur.
— Non... Hyung ! Je... je suis désolé ! s'écrie-t-il en le délivrant de ses liens. Dis-moi que tu n'as rien, je t'en prie !
Il redresse son compagnon et l'étreint avec force. La culpabilité inonde ses yeux. Au creux de son menton, Taehyung fond en larmes. Dans son esprit, il était déjà mort deux fois, torturé ou noyé dans le fleuve, comme son destin le lui jurait. Il s'agrippe au vêtement maculé de son homme, grelottant tant de froid que de son immense frayeur.
Sans bien réaliser encore la gravité de ce qu'il vient de se produire, Jungkook le berce contre lui, l'œil rivé sur les mutilés en fuite. Ils doivent tous deux s'en aller, maintenant. Ou les renforts se chargeront de les faire disparaître pour de bon.
N/A
Vos impressions sur cette partie ? Je suis curieuse... Vous pouvez me poser vos questions en commentaires !
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