Chapitre 25
Déjà un nouveau chapitre, eh oui ! Il était prêt, autant vous l'offrir pour votre week-end :)
Cœurs et chocolats <3
La soirée avance, l'angoisse progresse au fil de la nuit. Chaque fois qu'il longe les tables du coin VIP, Jungkook perd ses moyens. Et chaque passage près de la six lui vaut une main au fessier. Pour Taehyung, est-il vraiment prêt à en supporter autant ? Ses yeux brillent aux moments les plus pénibles. Kookie tente de s'exprimer lorsque les émotions débordent, mais Jungkook tait sa fragilité au plus profond de l'esprit.
La vérité est que J-Kay n'a fait qu'empirer sa vie.
L'accusé se vexe, en son fond. Qu'aurait fait Jungkook, brisé comme il était, si, lui, n'était pas apparu pour prendre les choses en main et ne leur avait pas créé une vie afin d'en retirer un revenu ? S'il ne l'avait pas soulagé et protégé des agressions extérieures en imposant le respect ? Sans lui pour le remplacer lorsqu'il ne pouvait en supporter davantage, il serait cloîtré à l'appartement, sous calmants, incapable d'affronter la réalité. Et leur hyung aurait dû l'assumer seul.
— J-Kay ! Amène ça pour l'anniversaire de Madame Cho, table douze, et fais-leur ton petit show, lance une collègue.
— Tu... tu peux y aller pour moi, s'il te plaît ?
— Hein ? C'est Madame Cho. C'est toi qu'elle veut toujours.
— Ouais, je sais...
A contre-cœur, il s'empare du seau de champagne rempli de glaçon, déjà honteux à l'idée de se donner en spectacle. Il a l'impression de jouer un mauvais rôle.
Depuis la baie vitrée panoramique de son bureau, Tae repère quelques personnes au comportement anormal, furetant un peu partout de manière étrange. Ces maudits vampires se seraient-ils lancés à sa recherche ? ou serait-ce la police ? L'un ou l'autre, qu'importe ; Séoul est gangréné. La silhouette de son barman, en train d'aguicher la plus riche cliente du club, attire son regard. Il pince une cigarette entre ses lèvres, l'allume et recrache sa première bouffée vers le haut, songeur. Avoir dans son équipe un garçon tel que Jungkook est une chance incroyable. Peu sont les personnes qui seraient aptes à vendre de cette façon – bien qu'il ne voie pas ce genre d'attitude d'un bon œil, au fond. Cela l'a toujours agacé. Il n'a jamais aimé ce type de frivolité.
Son téléphone vibre, message reçu de Yibo. À sa lecture, il en perd presque sa cigarette. La bijouterie, La tentative d'enlèvement de Zhan. Il passe une main nerveuse dans sa chevelure et la laisse se rabattre en épis sur son front. Lorsqu'il se rapproche de la vitre, il constate qu'il a égaré ses suspects.
Jungkook. Il doit le trouver. Le prévenir que, cette nuit, il rentrera seul à l'hôtel. Même si, à choisir, il préfèrerait le garder à dormir chez lui.
À peine son bar retrouvé...
— Table six, J-Kay !
— Non...
— Non ? Non quoi ?
— Allez-y, je ne veux pas y aller, marmonne le concerné en se glissant derrière le comptoir, l'oreille basse.
— Eh, chéri ! Si tu veux pas faire de tune, va en parler au boss, braille l'ancienne en lui calant trois litres de Poliakov glacée entre les bras. L'autre con dépense son fric uniquement pour que tu reviennes le voir. Pendant que nous on bosse comme des malades, toi t'as juste à chauffer les pervers et les pintades de service pour faire couler l'argent. Alors, arrête de te plaindre et colle-toi au boulot – si on peut appeler ça du boulot...
Corrigé et humilié comme jamais, Jungkook se résigne et reprend le chemin inverse, tel un condamné. Le trajet vers cette maudite table est bien trop court à son goût, malgré la longue distance qui la sépare de son bar. Dès que le vigile retire le cordon, il reconnaît leurs éclats de voix. De rire. En plus de se faire tripoter, certains se moquent à présent de lui.
— Bichon, t'en as encore mis du temps. Allez, viens voir papa, siffle Cheongwoo en tapotant ses cuisses.
Avant que son objet de désir ne s'échappe, il l'attrape d'une poigne ferme et l'installe à nouveau à genoux sur ses jambes. Finalement, étant à l'unique place où il est payé pour être, la seule où tout le monde souhaite le savoir, Jungkook abdique. Son esprit filtre les déclarations indécentes que le vicieux lui susurre à l'oreille, oublie son intégrité pour faire ce qu'on attend de lui. S'il doit en passer par là pour retrouver son équilibre mental et garder son emploi, soit.
La main de Cheongwoo se faufile dans son pantalon, sous son caleçon, pour palper à pleine paume la tendresse de ses fesses nues. Jungkook se crispe sur ses épaules. Il n'a pas souvenir que J-Kay n'ait jamais laissé quelqu'un le toucher jusque-là.
— Eh, n'abuse pas... !
— Hein ? Moi, j'abuse ? C'est la meilleure ! Tu me chauffes depuis tout ce temps à faire ta salope, pis tu viens là, comme une jeune fille chaste, et tu me demandes de rester sage ?
Hilarité de la table. Le pervers s'infiltre davantage encore, prend ses aises bien trop près de sa zone la plus intime. Jungkook le repousse et lui jette un regard noir.
— Ah ! O.K., j'ai compris, t'as juste changé de fantasmes, sourit le pervers. Bien, la résistance, ça me plaît...
Du bout des doigts, il frôle sa chair, le faisant frémir de dégoût. Jungkook tend le cou pour lui échapper mais ne réussit qu'à attiser le feu de sa bouche avide sur sa gorge. Cheongwoo plaque une main dans son dos pour l'empêcher de s'évader.
Panique totale.
Puis, Taehyung passe à quelques mètres de là, sur le point de quitter le carré VIP.
— Taehyung !
Sa voix se fond dans le vacarme ambiant.
— Taehyung !
La deuxième fois, ce n'est pas son cri, mais son air affolé qui interpelle le vigile. Ce dernier tapote l'épaule de son jeune supérieur afin de l'inviter à se retourner. L'horreur dans le regard de son serveur le pousse à se rendre à la table. En découvrant la main de leur client entièrement nichée dans ses fesses, Taehyung accélère le pas. Sa mâchoire se serre.
— Jin Cheongwoo, tu t'amuses bien ?
— Ton barman est un petit tordu ! Et comment que je m'amuse !
— En revanche, je n'ai pas l'impression que lui apprécie beaucoup.
Les yeux de Jungkook perlent de larmes, suppliant son unique secours de ne pas l'abandonner entre les griffes de cet homme.
— Aish ! Il est venu de lui-même, pas vrai les gars ?
Tous acquiescent. Bien entendu, la parole de la clientèle vaudra toujours mieux que celle d'un employé habitué à faire de l'argent grâce à son corps. Mais cette expression de désespoir, cette peur, Tae la connaît bien, elle est celle qu'il a lui-même vécue. Et il ne l'ignorera pas.
En un battement de cil, toute amabilité quitte son visage pour revêtir sa plus hostile froideur.
— Jungkook, tu es d'accord avec ça ? dit-il sur un ton que ce dernier perçoit comme un reproche.
N'osant pas répliquer, le concerné se mord la lèvre et baisse la tête. Les larmes roulent maintenant sur ses joues. Réponse indirecte amplement suffisante pour Taehyung. Sa main se referme sur le poignet du pervers pour mettre fin à ses attouchements. Celui-ci le fixe, ébahi.
— Le consentement, Jin Cheongwoo. Ce soir, Jungkook n'est pas consentant.
— Pardon ?!
Jungkook profite de ce moment pour lui filer entre les pattes.
— Sans déconner, Kim Taehyung ! Cette salope chauffe tout le club et maintenant tu fais comme si c'était un mec normal et respectable ?
Le regard de Tae se rembrunit encore – foudre de haine dont lui seul a le secret. Il saisit son serveur par le bras et l'écarte de la table d'un geste brusque.
— Tu es prié de traiter mon personnel avec considération. Je ne fais pas dans la prostitution et je ne tolère pas le harcèlement. Est-ce que c'est bien clair ou on va devoir s'expliquer autrement, toi et moi ?
Dans son dos, Jungkook se fait tout petit. Le groupe ne reviendra plus, c'est certain, et lui, sera bientôt mis à la porte. Cheongwoo leur lance à tous les deux un œil mauvais mais, chérissant tout de même son night-club favori, il finit par balayer l'histoire d'un revers de main et se resserre un verre comme si rien ne venait de se produire. Soulagement.
Près du vigile, Tae constate que son barman peine à reprendre sa contenance.
— Va souffler là-haut.
— Non, je dois...
— Yah ! Tu veux vraiment que je m'énerve ?
Jungkook se pince les lèvres. Penaud, il grimpe au second jusqu'à l'appartement, son patron sur les talons.
Le calme du loft retrouvé, toutes ses pensées se bousculent. Que doit-il faire ? Que peut-il faire ? Qui a-t-il le droit d'être ? Il s'enlace lui-même en grimaçant. Tout ce qu'il souhaiterait serait de se réfugier dans son cocon, de se lover dans les bras réconfortants de son grand frère.
— Bon, explique-toi.
— Expliquer quoi...
— J-Kay !
— C'est pas J-Kay !
— Et tu es qui, bordel ?!
— Jungkook ! Jeon Jungkook ! Il n'y en a qu'un ! J-Kay c'est pas moi !
Ses poings se serrent, ses nerfs craquent. Peu importe qui est en face, le mal doit s'extérioriser. Maintenant.
— Je veux plus être lui ! s'écrie-t-il en se prenant la tête dans les mains. Cette vie, c'est pas moi ! Ce mec n'est pas moi !
— Alors, pourquoi tu fais semblant d'être un autre ?
— Je n'ai jamais fait semblant !
Sa voix tremble des sanglots qui s'étranglent dans sa gorge.
— J'avais besoin de J-Kay ! Il m'a... il m'a sauvé ! La vérité, c'est que je ne suis qu'un lâche. Je l'ai accusé, lui, de me faire subir tout ça, alors qu'il m'a simplement protégé...
Tae nage en pleine confusion.
— Si je comprends bien, J-Kay est un masque, c'est ça ?
Jungkook lâche un ricanement nerveux. Un masque. Les gens normaux n'ont que ce mot à la bouche, car tout le monde en porte un, en société. Un bienséant pour le travail, parfois même un autre pour la famille ou avec les amis. Rares sont ceux qui ne se sont pas déjà caché un jour. Les masques sont les routinières défenses du commun des mortels. Et il aurait aimé faire partie de ce commun, si logique et facile à vivre ; à comprendre. Le premier pigeon dans la rue en porte un. J-Kay n'est pas un masque. L'amertume se grave sur ses traits. S'il est souvent en conflit avec son protecteur, il ne supporte pas pour autant de le voir dévalorisé par la simple ignorance d'un humain ordinaire. J-Kay l'a sauvé du monde. J-Kay est son repos, son rempart. Son bouclier. Invincible.
— Ou tu es une sorte de...
— Pitié, ne me sors pas le mot « schyzophrène », ça n'a aucun foutu rapport, grommèle Jungkook.
— Pardon de ne pas m'y connaître autant que toi, Jeon Jungkook. J'essaye de te comprendre, mais plus je te fréquente, moins j'y vois clair et plus tu me parais bizarre !
Les yeux de Jungkook révèlent sa douleur en transperçant les siens. Venant de la part de celui qu'il pensait différent, ces mots le flagellent, identiques à ceux qu'il a entendu un nombre incalculable de fois. La solitude pèse soudain de tout son poids. Sa tête retombe, aussi lourde que son cœur.
— C'est pour ça qu'il vaut mieux rester loin de moi. C'est pour ça aussi que je n'ai pas d'amis, que je n'ai pas été foutu de garder une famille et que je n'ai jamais su intégrer mon véritable moi à ce monde.
Une profonde culpabilité s'empare de Taehyung.
— Reste loin de moi. Ne cherche pas à me connaître. Je trouverai un travail qu'un handicapé social dans mon genre pourra faire sans avoir à faire appel à J-Kay. Parce qu'il ne doit plus venir, il ne faut plus, dit-il en repensant au gouffre avec effroi. Pour ma santé physique et mentale.
Il se frotte les bras, le menton rentré. Sera-t-il seulement capable de se débrouiller, de se défendre contre le monde ? Son hyung ne sera pas toujours là, il le faudra bien. Car le gouffre est impitoyable. L'étau se resserre. Et l'appréhension de ce qu'il lui reste à endurer est forte. Un frisson lui parcourt l'échine. Les mains du pervers grouillent encore sur son corps.
— Je ne veux plus revivre ce genre d'humiliation, murmure-t-il.
Tae s'installe à ses côtés et l'attire sous son bras.
— Je suis le mieux placé pour comprendre ça...
Il soupire, coupable.
— Je suis désolé de t'avoir blessé dans mes mots, lui chuchote-t-il à l'oreille en l'enlaçant. Et je suis surtout désolé de ne pas avoir réagi plus tôt. Si tu veux partir, pars. Mais sache que si tu restes ici, car tu es un excellent serveur, tu n'auras plus à faire quoique ce soit de dégradant. Et si tu ne veux plus aller voir certaines tables, personne ne t'y forcera.
La respiration de Jungkook s'apaise. La tête au creux de son épaule, le parfum suave et poudré de son ami lui embaume les narines. Son nez effleure la peau tendre de son cou, sa chaleur le berce. Le calme revient. Une paix qu'il reconnaît bien, car elle est celle qu'il n'a jamais ressentie qu'auprès de son frère.
Il se redresse lentement et fixe Tae avec un air illuminé que ce dernier ne saisit pas. Mais en ce qui le concerne, tout s'éclaire enfin. Il y a là plus qu'une fraternité. Ce n'est pas ce genre de choses que l'on ressent en présence d'un ami, c'est le genre que l'on éprouve lorsque le feu de l'âme s'embrase, que toutes nos pensées convergent vers une même profondeur. Un seul être, unique.
Il sourit, réchauffé par la révélation de son affection. Une fenêtre vient de s'ouvrir dans son cœur. Espoir précieux. La naissance d'une flamme merveilleuse nommée Amour.
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