Les jours qui suivirent la venue de Harry et Ron, Hermione eut du mal à être sereine. Elle n'était pas contrariée, ni triste, mais quelque chose la dérangeait. Les deux garçons avaient été ses meilleurs amis, presque des frères, pendant les six dernières années, et du jour au lendemain ils coupaient les ponts avec elle parce que des forces supérieures et mystérieuses avaient décidé qu'elle ferait sa septième année à Serpentard. C'était une chose difficile à avaler, surtout que la jeune femme savait qu'il était tout à fait possible d'être ami avec des membres d'une autre maison que la sienne, la preuve, ils avaient toujours été amis avec Luna Lovegood qui était à Serdaigle...

Relevant le nez de ses cahiers, Hermione regarda la salle de classe. Ils étaient en train de passer un petit examen écrit en Potions. Tournant la tête vers Rogue qui travaillait à corriger des copies, Hermione savait que compagnon ou pas, il n'allait pas l'épargner. Depuis quelques jours, elle réfléchissait au fait qu'elle allait vraisemblablement finir sa scolarité à Serpentard et qu'elle allait passer ses ASPICs et de ce fait valider les sept années au total à Serpentard. Cela lui mettrait sans aucun doute un dur coup au moral, ainsi qu'à tous les Gryffondors, mais si elle n'avait pas le choix, elle l'accepterait. Tout cela pour l'amener au fait que la fin de l'année était dans quatre mois et qu'elle avait encore le temps de se faire pardonner les derniers mois à bouder en faisant baisser la moyenne générale de sa classe...
Elle avait eu une longue conversation avec Daphné, quelques jours en arrière, qui avait tenté par tous les moyens de lui faire comprendre qu'elle pénalisait l'ensemble des Serpentards en agissant ainsi et que si Malefoy avait payé sa stupidité, les autres Serpentards ne le méritaient pas. Ils avaient été indulgents avec elle jusqu'à Noël, mais désormais, elle allait devoir prendre une décision. Si elle continuait à refuser de faire bénéficier les verts et argent de ses connaissances, ils allaient devoir demander à leur Directeur qu'elle soit tout simplement exclue des cours.
La perspective d'être mise au rebut avait effrayé Hermione qui n'en avait pas dormi pendant des jours avant qu'elle ne parvienne à relativiser. Après tout, elle était une Serpentarde depuis maintenant sept mois et elle s'était faite à sa nouvelle vie même si le confort de la Salle Commune de Gryffondor lui manquait. Et Ron et Harry.

Regardant son devoir, Hermione grimaça. Elle sentit alors un regard sur elle et elle croisa les yeux froids et sombres de son compagnon. Elle esquissa un mince sourire, juste un mouvement de la commissure droite de sa bouche, et il hocha la tête en retour.
Saisissant son crayon, Hermione se pencha alors sur sa copie et sa plume vola. Elle termina quelques minutes plus tard, se leva sans un bruit et alla déposer la copie devant Rogue.

— Terminé, Miss Granger ? demanda-t-il de son ton blasé habituel.
— Oui, Monsieur. Puis-je sortir ?

Rogue agita la main en prenant la copie et Hermione fila dans le couloir. Elle resta cependant à portée de vue de la classe, le regard rivé sur Rogue qui lisait sa copie. Elle put alors le voir changer de couleur au fur et à mesure de sa lecture et quand il la regarda, elle plissa le nez et lui décocha un sourire : elle avait pris la décision de répondre juste à toutes les questions et ainsi de faire bénéficier Serpentard de ses connaissances. Le fait que Malefoy ne soit plus présent l'avait encouragée, ainsi elle ne risquait plus rien à prendre la place du meilleur élève de sa maison.

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— Granger, Rogue veut te voir.

Le cours de Potion venait de se terminer et Hermione avait attendu dans le couloir que la cloche sonne. Quand la porte s'était ouverte sur Blaise lui faisant signe de rentrer, elle avait été surprise.

— Tu sais pourquoi ? demanda-t-elle en se levant.
 — Du tout.

La brunette opina et retourna dans la classe alors qu'elle se vidait des Gryffondors. Harry et Ron passèrent près d'elle en discutant et la jeune femme sentit quelque chose lui pincer l'estomac ; ils ne l'avaient même pas calculée !
Se reprenant, Hermione remonta l'allée et s'approcha du bureau. Quand le dernier élève fut sorti en fermant la porte de la salle, Rogue se tourna vers sa compagne et lui tendit sa copie.

— Un O, dit-elle avec un sourire un peu pincé.
— Cela ne te plaît pas ?
— Si, mais...
— Tu as décidé de ne plus pénaliser les Serpentards, tu es en train d'accepter ce qui t'arrives, c'est une bonne chose, et je te promets que nous n'abandonnerons pas les recherches pour savoir qui joue avec la magie. Serpentard, Gryffondor, Serdaigle, Pouffsouffle, ce ne sont des dortoirs, des maisons, des idéaux, qui ne sont légion qu'à Poudlard, Hermione. Alors certes, cela forge notre caractère, mais une fois adultes, nous changeons.
— Je sais bien, mais Ron et Harry me manquent, quelque chose s'est brisé entre eux et moi, je sais que ça ne sera plus jamais comme avant, même si on fait tous les trois des efforts pour revenir ensemble.

Rogue soupira puis se leva et contourna son bureau.

— Quand j'ai appris que la seule amie que je n'avais jamais eue était une sorcière, j'étais le petit garçon le plus heureux du monde, dit-il. Jusqu'à ce que le Choipeau hurle "Gryffondor" quand le professeur Dumbledore l'a posé sur sa tête, et "Serpentard" quand il l'a posé sur la mienne. A ce moment-là, je n'ai pas bien compris ce que cela impliquait, elle non plus, et nous sommes restés amis malgré tout, l'animosité entre nos deux maisons n'était pas encore à son paroxysme, Voldemort n'était pas encore, nous n'étions que des élèves rivaux qui visaient la première place à la fin de l'année, tous des sorciers, peu importe nos origines.
— Et James Potter est entré dans la partie, grimaça Hermione.
— James, Sirius, Remus, Peter... Ils étaient les Quatre Mousquetaires, les Maraudeurs comme ils aimaient d'appeler... Jamais séparés, toujours là à préparer un mauvais coup dont j'étais la cible... Quand Potter a commencé à s'intéresser à Lily, j'ai compris que les choses allaient mal tourner. Lorsqu'elle s'est détournée de moi pour ne plus demeurer qu'entre Gryffondors, mon cœur a été brisé et j'ai perdu ma seule et unique amie.
— Ron et Harry ne sont pas jaloux de toi, répondit Hermione en lui prenant la main. Ils ne savent pas que nous sommes ensemble. Heureusement ! Non, c'est cette "magie", cette colère que Salazar Serpentard a éprouvée pour Godric Gryffondor qui nous sépare et c'est comme... hurler à travers une vitre insonorisée. J'ai beau penser que je veux les revoir, que je veux leur sauter au cou, que je veux retourner manger avec eux, retourner en vacances chez les Weasley, une fois que je suis face à eux, il n'y a plus rien, mon cœur se ferme et mon esprit demeure vide et sans émotion.

Rogue pinça la bouche puis tendit le bras et la jeune femme se serra un moment contre lui avant de reculer.

— Quoi qu'il en soit, je suis content que tu aies pris la décision de ne plus bouder ta maison, dit-il. J'accorde cent points à Serpentard rien que pour cela. Tâche de ne pas les reperdre. Cette fois-ci, ils ne te le pardonneront pas.

Hermione esquissa un sourire. Elle réclama ensuite un baiser puis quitta la salle de classe et tomba sur Daphné dans le couloir. Elle lui sourit après un moment de surprise puis lui montra son devoir et Daphné poussa un cri de surprise puis de joie.

— Je suis contente ! s'exclama-t-elle.
— Bordel ! On a gagné cent points ! s'exclama alors quelqu'un dans le couloir.
— C'est toi ? demanda Daphné en regardant Hermione.
— Oui, Rogue m'a... Nous a accordé cent points de maison pour m'encourager à continuer comme ça.

La brunette nota alors que des Serpentards s'approchaient, intrigués. Elle les regarda.

— Je sais que je n'ai pas été la meilleure des camarades de classe, cette année, dit-elle. Je vous ai fait perdre énormément de points, j'ai volontairement handicapé cette maison parce que je n'étais pas prête à renoncer à Gryffondor, je voulais que ma vie redevienne comme avant, retrouver Harry et Ron, et...

Elle inspira et une larme glissa sur sa joue. Daphné lui serra le bras et elle la regarda.

— J'ai décidé qu'à partir de maintenant, je serais une Serpentarde, reprit-elle. McGonagall et d'autres grands sorciers font tout ce qu'ils peuvent pour trouver qui s'amuser avec la magie, mais tout ce qu'ils trouvent est déjà froid et plus le temps passe et moins j'ai d'espoir. Donc j'ai pris la décision de me résigner. A partir de maintenant, attendez-vous à faire péter les points de maison !

Elle sourit et les Serpentards se regardèrent, d'abord surpris, avant de se mettre à rire. Soudain, des bras submergèrent la jeune femme et ce fut, à sa grande surprise, un câlin général au beau milieu du couloir menant aux cachots.
Du coin de l'œil, Hermione repéra son compagnon, appuyé de l'épaule à la porte de sa classe, les bras croisés. Elle lui sourit et quand il inclina la tête, elle sentit son cœur exploser. Quelque chose se brisa en elle, mais elle ne pleura pas et préféra resserrer ses bras autour des Serpentards qui l'enlaçaient en chantant et riant.