Chapitre 12
Rogue rumina sa discussion avec Hermione tout le reste de la journée. Au dîner, il était perdu dans ses pensées et quand le professeur Flitwick lui donna involontairement un coup dans le bras alors qu'il parlait à Hagrid, de l'autre côté de lui, le sombre professeur sursauta. Il regarda ensuite les élèves massés dans la Grande Salle, en train de se repaître gaiement, sans s'occuper des états d'âme de leurs professeurs. Il réalisa alors brutalement que tout le monde se fichait éperdument de sa souffrance... sauf Hermione.
Rogue termina de dîner en ne parvenant pas à chasser de son esprit tourmenté les paroles de la Gryffondor et, après le repas, il se rendit dans sa salle de classe dans l'espoir de continuer à préparer ses cours du surlendemain mais plus les heures passaient, et moins il était concentré. Il finit par jeter sa plume et il s'enfonça dans le dossier de son fauteuil en soupirant, se frottant le visage de ses grandes mains.
— Merlin... soupira-t-il. Pourquoi elle ?
Personne ne lui répondit, bien évidemment, et il se redressa, posa les coudes sur ses livres et regarda sa salle de classe vide et sombre. Soudain, il consulta sa montre, se leva, récupéra sa cape et quitta la vaste salle voûtée.
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Ce soir-là, Hermione avait décidé de faire du rangement. Peu après le dîner, McGonagall était venue la trouver pour lui dire qu'un de ses contacts avait peut-être une piste la concernant et cela lui avait mis du baume au cœur. Rien n'était sûr, mais apparemment, un phénomène similaire s'était produit dans une autre école de magie, en Allemagne, provoquant la panique chez plusieurs élèves qui avaient été brusquement changés de maison après une explosion magique, sans que personne ne sache pourquoi ou ne soit en cause.
La jeune femme fut surprise quand on toqua contre sa porte. Quand elle regarda la pendule, elle fronça les sourcils et, un chemisier dans une main, elle alla ouvrir. Rogue entra dans l'appartement sans attendre qu'elle lui en donne l'autorisation et se planta au milieu de la pièce.
— Quelle entrée... dit la jeune femme, surprise. Qu'est-ce qui vous amène aussi tard ? Il est plus de vingt-deux heures...
Rogue tourna la tête vers elle et pivota.
— Vous voulez savoir pourquoi je n'ai pas continué à vivre après la mort de Lily ? demanda-t-il.
— Seulement si vous voulez m'en parler, répondit Hermione en rentrant le menton. Je ne vous oblige à rien, Monsieur.
Le sombre professeur serra les mâchoires et retira alors sa cape. Il la déposa sur le dossier d'une chaise sur laquelle il s'assit en soupirant. Hermione alla ranger le chemisier qu'elle avait dans la main, puis revint et sortit une bouteille de Firewhisky et deux grands verres.
— On innove ? demanda Rogue.
— Je suis majeure maintenant, répondit la jeune femme avec un sourire en coin. Et puis, je n'ai jamais aimé le Xérès...
Elle servit un fond d'alcool dans les deux verres puis s'assit et attendit. Elle connaissait déjà la réponse à la question que Rogue lui avait posée, mais s'il devait en passer par-là pour comprendre que souffrir pendant quinze ans, ce n'était pas utile, alors elle devait le laisser faire.
Et elle le laissa faire, elle le laissa avaler verre sur verre tout en racontant sa jeunesse au sein d'une famille pauvre et mentalement instable, au père Moldu colérique, à la mère sorcière soumise et, du moins début, surprotectrice envers son unique fils. L'ambiance était cependant rapidement devenue infernale à cause de son père le battant pour un rien et sa mère devenue ignorante de toute cela, et le jeune Severus Rogue avait eu tôt fait de filer pour échapper à cette maison de fous. Quand il avait rencontré Lily Evans, qui vivait non loin de leur maison de l'Impasse du Tisseur, il en était immédiatement tombé sous le charme. Ils avaient sept ou huit ans, à l'époque, et leur amitié était rapidement devenue indéfectible. Jusqu'à ce que Lily découvre être une sorcière en recevant sa lettre pour Poudlard et que Rogue lui avoue en être un de naissance.
— La seule consolation de Lily, à l'époque, était de savoir que nous allions tous les deux nous retrouver à Poudlard, dit Rogue en se servant un nouveau fond de whisky. Elle était contente d'apprendre que la magie existait réellement, mais en même temps, elle était terrifiée. Ses parents étaient, quant à eux, très mitigés sur le sujet, et Pétunia, elle... elle me haïssait cordialement, maladivement jalouse de ma relation avec sa sœur. Quand Lily a reçu sa lettre, je ne vous explique même la réaction de Pity...
Hermione haussa un sourcil et esquissa un sourire amusé en entendant le surnom de la tante de Harry. Rogue ne releva pas, ayant visiblement encore quelques rancœurs vis-à-vis de Pétunia...
— Nous étions tous très pauvres à l'époque, dit alors Rogue. Peu à peu, l'idée que l'une de leurs deux filles puisse avoir une vie meilleure que la leur a fait son chemin dans l'esprit des Evans, en dépit des paroles de Pétunia qui avait toujours quelque chose à redire, bien entendu. Ce qui est toujours le cas, si j'en crois les histoires que Potter raconte régulièrement...
Hermione rigola en hochant la tête.
— Comme moi, répondit-elle alors. Mes parents n'étaient pas d'accord, au début, quand j'ai reçu ma lettre d'admission, puis j'ai réussi à les convaincre et je me suis renseignée un peu partout jusqu'à découvrir le Chaudron Baveur et son accès pour le Chemin de Traverse. Aujourd'hui, ils sont toujours un peu méfiants quand ils viennent avec moi faire des emplettes, mais avec les années, je pense qu'ils s'y feront.
Rogue opina puis soupira.
— Les choses se sont corsées quand la Cérémonie de la Répartition nous a séparés, reprit-il. Lily était effondrée, elle ne comprenait pas pourquoi nous nous retrouvions dans deux maisons différentes alors que nous étions si proches depuis des années... Moi je savais pourquoi j'avais atterri à Serpentard. Ma mère y avait été élève, et son esprit retors et sombre avait déteint sur moi, sans même avoir besoin d'y ajouter les maltraitances de mon Moldu de père...
Hermione serra les lèvres.
— Les moqueries des Maraudeurs n'ont pas du aider à votre amitié avec Lily, je me trompe ? demanda-t-elle alors. Oui, je sais que le père de Harry n'était pas un modèle de sainteté et qu'il s'en prenait régulièrement à vous, avec l'aide précieuse de Sirius Black...
— Au début, je n'y faisais pas attention, puisque Lily ne leur portait aucun intérêt, répondit Rogue en plissant le nez. Puis elle a commencé à me défendre contre eux, et là, ils s'en sont pris à elle. Quand j'ai tenté de la défendre à mon tour, leurs inimitiés ont redoublé contre moi et peu à peu, j'ai commencé à sentir Lily s'éloigner de moi. Elle a commencé à parler de Potter, à lui reconnaître certaines qualités que je n'avais pas, notamment au Quidditch, et...
Rogue avala le fond de son verre. Quand il tendit la main vers la bouteille, Hermione posa la sienne dessus. Il soupira et s'appuya contre son dossier.
— Les choses ont dépassé les bornes quand, après les examens des BUSEs, James et Sirius s'en sont pris physiquement à moi, reprit-il. L'épisode a été très humiliant, je ne peux pas vous le raconter, mais je pense que vous imaginez ma honte après cela et ma fureur envers les Maraudeurs...
— Je sais ce que c'est de se faire humilier en public, répondit la jeune femme. N'oubliez pas Malefoy avec ce sortilège qui m'a donné des dents de lapin...
— Hum, oui, exact...
Rogue soupira profondément et Hermione pencha la tête.
— Si c'est trop difficile, dit-elle. On peut...
— Ne vous en faite pas, je suis passé par pire que ça ; je n'y avais pas repensé depuis longtemps et ce sont des souvenirs pénibles, alors...
Hermione opina lentement et poussa la bouteille d'alcool vers Rogue qui esquissa l'ombre d'un sourire en secouant la tête. Il lui expliqua alors que lorsque Sirius et James s'en étaient pris à lui, après les BUSEs, à coups de sortilèges, Lily était intervenue pour leur demander d'arrêter, comme souvent, mais cette fois-ci, les choses avaient atteint le point de non-retour, et Rogue lui avait répondu, furieux, qu'il n'avait pas besoin d'une Sang-de-Bourbe pour se défendre. L'effet avait été immédiat, Lily lui avait tourné le dos, choquée, et était partie avec James et Sirius...
— Le soir même, j'ai essayé de me faire pardonner, j'ai tenté de lui expliquer que je n'avais pas réfléchi, que j'avais dit ça sous le coup de la colère, de la honte... dit Rogue. Mais Lily était têtue et elle n'a rien voulu entendre. Elle m'a répondu qu'à mes yeux, tous les Nés-Moldus étaient des Sang-de-Bourbe, alors pourquoi est-ce qu'elle serait différente d'eux, elle la Née-Moldue...
Rogue baissa le nez en grimaçant.
— J'ai tenté de lui avouer mon amour à ce moment-là, très mauvais timing, dit-il. Je n'y suis pas arrivé et elle est partie... Les deux dernières années de ma scolarité ont alors été un vrai calvaire. J'avais perdu ma meilleure amie sur une bêtise et elle ne voulait plus rien savoir de moi, alors je me suis abimé dans les études, plus particulièrement les potions. J'ai découvert de nombreux sortilèges, corrigé plusieurs anciennes recettes en les améliorant, puis nous avons passé nos ASPICs et nous avons quitté Poudlard...
— Vous n'avez plus jamais revu Lily après cet incident malheureux ? demanda Hermione.
— Non... Elle a épousé James en soixante-dix-neuf, en juillet de l'année suivante, leur fils venait au monde, une année après, James et Lily se faisaient assassiner par celui qui était devenu mon Maître entre temps, Maître à qui j'avais donné les clefs de ce meurtre, en lui rapportant fièrement le début de la Prophétie concernant deux enfants nés lorsque le septième mois mourra... J'ai espionné, pour le compte du Lord, un entretien entre Dumbledore et Trelawney, au début de l'année quatre-vingt. En entendant cette prophétie, je me suis dépêché d'aller la rapporter à Voldemort. Il a choisi de tuer Harry Potter, j'ignore pourquoi, alors que Neville Longdubat est né un jour avant lui...
Il haussa les épaules et se tut un moment.
— La dernière fois que j'ai vu Lily, elle était morte depuis plusieurs heures... reprit-il. Je l'ai prise dans mes bras et je suis resté assis sur le sol, au milieu de la chambre dévastée de son fils qui hurlait à pleins poumons, terrorisé, mais j'étais sourd à ses cris... J'étais dévasté, j'avais perdu ma meilleure amie, la femme de ma vie et c'était entièrement ma faute, je...
Rogue se tut et détourna la tête. Hermione se mordit la lèvre. Elle regarda l'heure et soupira. Rogue se redressa soudain et quitta sa chaise.
— Non, restez, dit alors Hermione en se levant à son tour. Passez la nuit ici, professeur...
— Miss Granger...
— Je sais, mais je ne veux pas vous savoir tout seul après avoir fait une telle plongée dans vos souvenirs, répondit la jeune femme.
Rogue remua les mâchoires.
— Pourquoi ? demanda-t-il. Pourquoi vous souciez-vous de moi ainsi ? Je ne vous ai pas assez malmenée pendant toutes ces années ?
— Si, et je n'oublie pas tout ça, mais aujourd'hui, et malgré ce que j'en pense, je suis Serpentard et vous êtes mon Directeur, et comme je suis une fille, je ne supporte pas quand quelqu'un est triste, surtout si c'est ma faute, et je...
— Taisez-vous, la coupa Rogue en soupirant.
Hermione sourit en se mordant les lèvres. Rogue la regarda alors d'en haut puis baissa le nez en souriant. Il secoua la tête et attrapa son verre pour le finir.
— Vous êtes infernale, Miss Granger, dit-il. Et après, vous me demandez pourquoi je n'ai jamais désiré me marier et avoir des enfants.
Hermione se mit à rire. Elle posa une main sur le bras de Rogue et secoua la tête. Elle lui indiqua ensuite qu'il pouvait dormir dans le canapé et elle se rendit dans la salle de bains pour se changer.
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