Chapitre 8
Après leur « altercation », les choses redevinrent paisibles entre Belle et Gaston, et bientôt, le bal organisé par le prince Adam ne fut plus une discussion lointaine et le village commença à s'agiter. Les tailleurs firent venir des chariots de rouleaux de tissus tous plus beaux les uns que les autres ; les chapeliers se mirent à sortir des pièces uniques et magnifiques, et le cordonnier se surpassa.
— Papa, je peux avoir une nouvelle robe pour le bal ? demanda Belle un matin, à une semaine du bal.
— Belle, je n'ai pas les moyens, se désola Maurice. Et si tu demandais à Gaston ?
— Oh, je... Oui, pourquoi pas ?
— Quand vous serez mariés, c'est à lui que tu devras demander pour obtenir des choses, répondit Maurice. Crois-moi, la fourrure, ça rapporte bien tout le temps.
Belle plissa le nez. Elle aimait tellement les animaux que voir leur fourrure ou leur peau chez le tailleur ou le chapelier lui donnait la nausée. Elle ne portait aucun vêtement issu d'un animal, sinon ses bottines, et Gaston savait pertinemment qu'elle détestait quand il parlait de ses prouesses à la chasse.
— Va lui demander, ça ne coûte rien, dit Maurice avec un sourire.
Belle hocha la tête et regarda l'heure. Elle récupéra son panier et annonça qu'elle allait faire quelques courses pour le déjeuner. Son père ne répondit rien. Sans sa fille, il oublierait très certainement de manger, et cela l'inquiétait un peu pour le jour où elle quittera la maison pour vivre avec son mari...
.
— Bonjour, Belle !
— Bonjour, Monsieur ! Je voudrais une douzaine de gros œufs, mes poules n'ont rien donné ce matin.
— Oh ! Remarque, j'ai entendu dire qu'un renard se promènerait dans les environs. Gaston va en faire son affaire !
Belle plissa le nez.
— Désolé, ma fille, sourit le marchand. Faudra t'y faire ! Tiens, voilà tes œufs.
Belle le remercia puis s'en alla et se dirigea vers le grand stand des légumes. On la saisit soudain par la taille et elle poussa un cri en se retournant. Gaston l'embrassa vivement et elle le repoussa.
— Évite ça, par pitié ! dit-elle.
— Oh, tu n'as pas le cœur fragile, va, répondit le jeune homme. Sinon tu n'aurais pas survécu à la bête, grrr !
Il montra les dents et Belle lui plaqua sa main sur le visage en se détournant.
— Abruti...
— Merci, ma chérie. Alors, on mange quoi de bon, à midi ?
— Aucune idée, répondit la jeune femme. Papa est occupé dans son atelier, et moi je n'ai que le bal en tête. D'ailleurs, à ce propos...
Gaston haussa un sourcil et grimaça.
— Tu veux une robe, je parie !
— Touché !
Gaston leva les yeux au ciel puis les plissa et un sourire étrange se dessina sur son visage. Belle le regarda d'un air sceptique.
— Toi, tu viens d'avoir une idée... dit-elle.
— Je ne vais pas t'acheter de robe pour le bal, annonça Gaston.
Belle perdit son sourire et Gaston ajouta :
— Parce que tu vas mettre celle que tu avais quand tu as quitté le château pour venir te reposer chez ton papa, il y a trois mois...
— La robe... ? Mais oui ! Oh, Gaston je n'y pensais plus !
— Où est-elle ?
— Dans mon armoire, soigneusement rangée... J'espère juste que je rentre encore dedans.
Gaston jeta un regard blasé à sa compagne. Il lui pinça la hanche et Belle lui frappa la main.
— D'accord, d'accord, dit-elle. Je la sortirai tout à l'heure en disant à mon père que c'est toi qui me l'as offerte, que tu m'as fait une surprise.
— J'aime faire des surprises à ma femme sans débourser un seul penny... ronronna le jeune homme.
Belle lui tira la langue. Il sourit et l'embrassa. Elle le repoussa rapidement et reprit son marché avant qu'ils ne se dirigent tous deux vers la sortie de la ville où Maurice avait sa maison.
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— Belle...
— Oui, Gaston, je sais.
— Chérie, écoute, le Prince...
Belle baissa le nez et posa sa main sur le torse du jeune homme.
— Je sais que je vais souffrir de voir Adam, mais ça fait trois mois et j'ai eu tout le temps de guérir de lui, surtout que tu ne m'as pas laissé une minute pour penser à lui.
Gaston esquissa un sourire et lui releva le menton. Elle le regarda, un peu triste, et il lui caressa la mâchoire de son pouce.
— En fait, quand je repense à mon attitude envers toi avant que tu ne rencontres la bête, je me rends compte que j'étais vraiment un sombre idiot, dit-il en passant son bras autour de ses épaules.
— Moi aussi, dans un sens, répondit la jeune femme. J'étais encore innocente et persuadée que le monde était comme dans mes romans. Je voulais rencontrer le prince charmant, avoir une vie parfaite, idéale, des enfants bien élevés, des amis géniaux...
— Je ne suis pas le prince charmant, mais tu peux quand même avoir tout ça, tu sais ? Frôler la mort m'a fait changer d'avis sur beaucoup de chose et j'ai décidé que j'avais assez fait l'andouille et le vantard. J'ai vingt-cinq ans, Belle, il est grand temps que je songe à mon avenir.
Belle esquissa un sourire.
— Pourquoi moi ? demanda-t-elle. Je suis la fille d'un inventeur fou dont la femme est morte de froid sous la pluie quand j'étais bébé... Je veux dire, il y a d'autres filles dans le village, dont les triplées et...
— Les triplées ? Tu me surestimes... répondit Gaston.
La jeune femme rigola et le bouscula alors. Il fit un écart en souriant puis ils s'arrêtèrent sur le seuil de la maison.
— Je t'aime, Belle, dit alors Gaston en redevenant sérieux. Et je suis vraiment content que tu aies décidé malgré tout de ne pas épouser le prince. Je ne pourrais pas t'offrir la même vie que celle qui t'étais promise là-bas, mais je ferais de mon mieux.
— Et c'est déjà beaucoup venant de toi, Gaston, répondit la jeune femme. Tu fais des efforts pour me plaire et ça, je ne peux pas l'ignorer.
Elle sourit et l'embrassa doucement avant de reculer.
— Tu veux rester déjeuner ? demanda-t-elle en posant son panier sur la table.
— C'est tentant, mais il paraît qu'il y a un renard qui traîne dans les environs...
Belle grimaça.
— C'est mon boulot, chérie ! répondit Gaston en haussant les épaules. À plus tard ?
La jeune femme hocha la tête puis Gaston s'en alla en sifflotant et Maurice apparut alors.
— Je ne sais pas quel pouvoir tu as sur lui, ma chérie, mais je n'avais vu Gaston aussi joyeux de toute sa vie !
— Oh, papa, je t'en prie, il est juste amoureux et heureux de pouvoir l'exprimer.
— Et c'est ce qui bien ! répliqua Maurice. Tu as accepté d'apprendre à le connaître malgré sa goujaterie évidente et je suis très fier de toi, tu sais ? Tu as grandi, Belle, dans ta tête, et tu es devenue une vraie femme en quelques semaines et j'en suis très fier.
Belle sourit doucement. Maurice lui demanda ensuite de l'appeler quand le repas sera près de Belle hocha la tête en déposant les légumes dans l'évier. Elle actionna la pompe et soupira. Elle avait tellement peur de sombrer quand elle allait revoir le prince, lors du bal ! Et s'il la reconnaissait malgré le sortilège de la fée ? Et si elle, elle se sentait pousser des ailes et qu'elle en oubliait Gaston ? Nul doute qu'il allait très mal le prendre et faire comprendre sa douleur au prince.
— Non, je n'ai pas le droit de lui faire ça, répondit la jeune femme en détournant son regard d'une des tours du château qu'elle voyait depuis la fenêtre de la cuisine. Gaston a changé, pour moi. Il a compris qu'il avait frôlé la mort et qu'on lui avait donné une seconde chance, et il a changé.
Belle hocha la tête et entreprit de rincer les légumes. Elle les coupa ensuite rapidement et entreprit de préparer quelque chose pour le déjeuner, mais son esprit ne cessait de divaguer tant et si bien que le morceau de viande grilla un tout petit trop et que les légumes brunirent.
— C'est le bal qui te met dans tous tes états comme ça ? demanda Maurice en observant un morceau de courgette un peu bronzé.
— Je crois bien... Gaston m'a offert une robe, tu sais ? répondit Belle.
— Ah bon ? Déjà ?
— En fait, il avait prévu son coup depuis plusieurs jours, mais il attendait que je demande...
Maurice esquissa un sourire.
— Elle est dans ma chambre, reprit la jeune femme. Mais j'ai peur d'aller au château.
— Pourquoi ? Le prince ne te fera pas d'avances quand il te verra au bras de Gaston, tu sais ? On dit que c'est un gringalet imbu de sa personne et je lui souhaite du mal à trouver la femme qui pourra le supporter pour le reste de sa vie.
— Papa ! s'offusqua aussitôt Belle. Tu devrais avoir honte de dire ça.
— Je ne dis que la vérité. Après tout, la fille qui a brisé la malédiction est portée disparue, peut-être même morte, va savoir ! répliqua Maurice, les sourcils froncés.
— On n'en sais rien de ça, répondit Belle en se servant à manger.
— Oui, admit son opère. On n'en sait rien, mais si elle l'aimait assez pour briser cette malédiction, alors elle serait restée avec lui, tu ne crois pas ?
Belle baissa le nez.
— Si, sans doute, répondit-elle. Sauf si elle avait déjà un autre compagnon qui l'attendait.
— Mouais.
Pas convaincu, Maurice observa son déjeuner un peu cramé, mais mangea sans se plaindre avant de retourner dans la cave pour bricoler. Belle resta ensuite seule à table devant la tarte aux pommes qu'elle avait fait la veille et soupira en posant son menton sur ses mains jointes.
Certains jours, elle regrettait d'avoir recouvré ses souvenirs, d'autres fois, de les avoir perdus la première fois, et parfois, elle aimerait à nouveau ne plus savoir, mais ce n'était pas possible car Gaston savait et elle l'aimait, et elle ne pouvait pas le laisser souffrir seul.
Finissant sa part de tarte, Belle rangea la cuisine, fit un peu de ménage, puis alla sortir la robe qu'elle avait emportée avec elle en revenant chez son père, lassée que le prince Adam l'ignore.
C'était une belle robe verte en taffetas brillant qui bruissait joliment à l'oreille. Elle était décolletée sur la poitrine et les épaules et de la dentelle froufroutait pour souligner la ligne des épaules. De fines manches de mousseline couvraient les bras en s'évasant jusqu'aux mains et sous la jupe, pas moins de quatre jupons étaient assemblés.
Suspendant la robe à sa penderie, Belle s'assit sur son lit et l'observa. Officiellement, c'était Gaston qui la lui avait offerte. Il avait très certainement les moyens de faire coudre une telle beauté, mais Belle en doutait quand même. Elle décida donc de faire un peu de couture, à la fois pour rendre la robe moins coûteuse, mais aussi pour la modifier car elle lui rappelait trop de souvenirs.
Son nécessaire à couture sous le bras, elle s'installa donc à la table de cuisine et commença par retirer les manches ainsi que la dentelle du décolleté. Elle utilisa l'une des manches pour créer un col qui couvrirait son décolleté, se fermant dans le dos avec un petit ruban de satin vert. Elle retira également deux jupons qu'elle conserva pour les installer sous deux de ses robes d'été qui avaient besoin d'une épaisseur supplémentaire, car de trop piètre fabrication.
Sa couture terminée, elle retourna dans sa chambre pour essayer la robe et nota avec un plaisir non feint que, non seulement elle rentrait dedans, mais qu'en plus, elle avait gagné deux centimètres à reprendre à la taille. Elle récupéra donc la deuxième manche et coupa une ceinture dedans qu'elle plissa et cousit à la taille.
— Parfait !
— Cette robe est splendide.
Belle sursauta et sourit à son père qui s'approcha.
— Gaston a de très bons goûts, elle te va très bien, ma fille, dit-il.
— Je trouve aussi. J'ai juste rajouté ce ruban à la taille, c'est plus joli, non ?
— Oui... Sans doute.
— Je sais, tu n'y connais rien en robes ! sourit Belle. Bon, allez ! Ouste, papa, je dois me changer et aller m'occuper des animaux.
— Je vais le faire, va plutôt en ville, j'ai besoin de clous, de boulons et ma commande chez Gustave devrait être prête.
— Gustave ? Qu'est-ce que tu lui as commandé ?
— Un cadeau pour toi, répondit Maurice.
— Quoi ? Papa...
— Ne t'en fais pas, c'est pour le bal. C'est Gaston qui m'a soufflé que tu aurais bien aimé un petit quelque chose en plus pour ce grand jour. Après tout, c'est la première fois que tu vas aller à un bal, et c'est le premier que le prince Adam organise depuis sa malédiction. C'est un grand jour.
Belle sourit doucement. Non, ce n'était pas le premier bal que Adam organisait depuis la fin de la malédiction, mais ça personne ne s'en souvenait, et le Prince encore moins. Maurice laissa ensuite sa fille se changer et elle enfila rapidement son habituelle robe bleue et son tablier blanc avant de quitter la maison.
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