Chapitre 5
— Laisse ça, je le ferais tout à l'heure.
— Oh, je t'en prie, je ne suis pas en sucre, j'ai l'habitude.
Mouché, Gaston releva le menton et abdiqua. Il s'éloigna en jetant sa hache sur son épaule. Belle esquissa un sourire et déposa le seau de bois rempli de grains pour les poules.
— Il est tellement prévenant avec vous.
Belle pivota et esquissa un sourire pour Ana.
— Ça n'a pas toujours été le cas, répondit-elle. Vous l'auriez connu il y a un mois, vous l'auriez sans aucun doute giflé. Je me demande pourquoi je ne l'ai pas fait, d'ailleurs...
— Il nous a raconté un peu son histoire, dit alors Ana. Je pense qu'il est sincère quand il dit vouloir se faire pardonner. Allez-vous lui donner une chance ?
— Je ne sais pas encore, répondit Belle. Je ne suis ici que depuis deux jours et même si je suis surprise de son comportement, j'ai du mal à le reconnaître, je suis quelqu'un qui n'oublie pas facilement. Gaston a été très grossier avec moi, odieux avec mon père et ses actes concernant la bête sont inacceptables et impardonnables.
— Oui, je comprends, je suis comme vous, je ne pardonne pas rapidement, mais la vie est trop courte, Mademoiselle Belle, dit Ana avec un mince sourire. Parfois, il faut faire des sacrifices, et même si je sais que vos pensées et votre cœur sont tournés vers le prince Adam en ce moment, Gaston ne mérite sans doute pas d'être ignoré.
— Si j'avais voulu l'ignorer, Madame Ana, je ne serais pas venue ici, répondit Belle.
Ana hocha lentement la tête et s'excusa. Elle s'éloigna avec son seau plein de lait et Belle baissa le nez. Elle tourna la tête vers Gaston qui coupait du bois à quelques mètres de là, puis elle souffla et alla ouvrir aux poules.
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Malgré sa présence chez Ana et Ernest, Belle n'oubliait pas le prince Adam pour autant, ainsi, quand un marchand apporta une lettre à la jeune femme, celle-ci crut qu'il allait bientôt être temps pour elle de rentrer. Or, il n'en était rien.
Assise sur le banc dans la pièce à vivre, Belle était pâle. Elle lisait la lettre envoyée par son père, qui lui relatait les derniers événements de la ville, ainsi que ceux du château. La porte de la maison s'ouvrit alors et Gaston entra en sifflotant, une pile de bûches sur l'épaule. Il les lâcha dans le grand bac en bois près de la cheminée et regarda alors Belle.
— Tout va bien ? demanda-t-il.
Belle sursauta et lui jeta un regard un peu hagard.
— Belle ? Qu'est-ce qui se passe, c'est le vieux Maurice, il est malade ?
— Oh... non, non il va bien, il...
Belle souffla et se mordit les lèvres avant de tendre la lettre à Gaston qui fronça les sourcils. Il la lut rapidement avant de jurer.
— Oh, le cochon !
— J'ai pensé plus méchamment, avoua Belle doucement.
— Je croyais que vous étiez fiancés...
— Je le croyais aussi. Je dois rentrer, dit alors la jeune femme en se levant. Je dois avoir le fin mot de l'histoire. Heureusement, ce bal est organisé dans plusieurs semaines, Madame Samovar a très bien fait de prévenir mon père, je...
Une lueur bleue illumina alors la chambre de la jeune femme qui se jeta sur la commode.
— Belle ! Oh ma chère, enfin !
— Madame Samovar ! Je viens d'avoir la lettre de mon père, qu'est-ce que c'est que cette histoire de bal ?
Gaston s'approcha prudemment tout en restant en dehors du champ de vision du miroir magique.
— Belle, c'est terrible, le prince pense que tu l'as abandonné, il est furieux et il a décidé d'organiser un grand bal pour se trouver une épouse qui soit digne de lui. Il est très remonté après toi, tu ne dois pas rentrer.
— Quoi ? Non ! Je dois rentrer, Madame Samovar, je l'aime, je n'ai pas tout sacrifié pour rien ! Je pars demain matin et je fais aussi vite que je peux !
Belle jeta le miroir sur le lit et quitta la chambre. Madame Samovar l'appela et Gaston saisit le bras de la jeune femme quand elle passa près de lui.
— Il est hors de question que tu partes seule, dit-il.
— Gaston, je t'en prie... ! supplia la jeune femme.
— Belle, c'est ma faute si tu es dans cette histoire, c'est à moi de régler les choses avec ce prince de pacotille !
Relâchant le bras de Belle, Gaston saisit le miroir et le porta à hauteur de son visage.
— Oh, Seigneur tout puissant ! Vous ! s'exclama Madame Samovar.
— Madame Samovar, allez dire à votre maître que j'ai survécu à la chute du toit du château et que je suis en route pour lui faire comprendre la vie ! gronda Gaston, mauvais. Belle est une femme qu'on ne traite pas comme un torchon sale et il va l'apprendre !
— Je ne lui dirait rien, espèce de traître ! siffla Madame Samovar.
— Parfait, la surprise sera encore meilleure quand je lui mettrais mon poing dans la figure !
Gaston jeta le miroir sur le lit et il se coupa. Il tourna alors les talons et quitta la maison. Belle bondit à sa suite et le saisit par le coude en s'y suspendant.
— Gaston, je t'en prie, ne fait pas ça !
— Arrête, femme ! s'exclama le jeune homme en lui faisant lâcher prise. Ce monstre n'a rien compris à sa punition ! Tu as tout sacrifié pour briser la malédiction et il te remercie en te traitant comme un vêtement sale ! Ce gamin est un crétin de premier ordre, et quand on connaît l'histoire de son père, on comprend tout de suite !
Belle se figea.
— Quoi ? demanda-t-elle d'une voix blanche. Gaston, qu'est-ce que...
Gaston râla et s'éloigna, mais Belle le suivit et lui prit le poignet. Il s'arrêta, se redressa et inspira, mâchoires serrées. La jeune femme lui fit alors face et il baissa les yeux vers elle.
— Je t'aime, Belle, avoua-t-il alors sans une once d'hésitation. Et ce gosse, là-haut, dans sa tour d'ivoire, il ne te mérite pas ! Son père était comme lui, les femmes n'étaient que des jouets, il en a eu quatre et elles sont toutes mortes, soit d'un accident, soit en couches, soit elles se sont suicidées.
Belle porta une main à sa bouche, surprise.
— Gaston, qu'est-ce que tu racontes ?
— C'est la vérité, mon petit...
Belle se tourna vers Ernest qui s'approcha, les mains dans le dos.
— Mais... ?
— Va couper un peu de bois, Gaston, dit alors le vieil homme. Tu es trop en colère.
Le ton autrefois si formel était devenu soudain familier et Gaston obéit sans broncher. Belle le regarda partir avant de se tourner vers Ernest qui tendit le bras pour l'inviter à s'asseoir sur un banc de bois posé devant la maison. Il entreprit alors de lui raconter l'histoire du Roi Georges et de ses quatre femmes, de leurs histoires à elles, de leurs peines, et de leurs tragiques fins.
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— La pomme ne tombe jamais loin de l'arbre, acheva Ernest. Le prince Adam était un bon garçon jusqu'à la mort de sa mère, et là, il est devenu le mal incarné. La punition de la fée n'a rien fait. Nous le pensions, nous pensions vraiment que tu avais réussi à chasser toute la noirceur de son cœur, mais apparemment, ton amour pour lui n'était pas suffisant...
En larmes, Belle hoqueta et passa ses mains sur son visage. Ernest lui tendit son mouchoir et la jeune femme le remercia en s'essuyant les yeux.
— Je l'aime, dit-elle alors. Je l'aime vraiment, Monsieur Ernest...
— Oh, je n'en doute pas, et il t'aime aussi puisque la malédiction a été brisée, mais au fond de toi, mon petit, c'est la bête que tu aimes, pas l'homme...
— Vous croyez ? renifla Belle.
Elle se moucha discrètement et Ernest posa une main sur son bras.
— Et lui ? demanda-t-il en montrant Gaston qui passait ses nerfs sur les bûches de bois. Ne penses-tu pas que tout serait plus simple si tu devenais Madame Gaston ?
Belle observa le jeune homme puis baissa les yeux. Ernest lui frotta le dos.
— Parfois, le destin est un vrai saligaud, dit-il avec un mince sourire en se redressant. Il nous oblige à regarder des choses que nous n'aurions jamais regardées autrement.
Belle le regarda puis soupira.
— Le bal est dans deux mois, dit-elle alors.
— Rentrez, Gaston et toi, dit Ernest. Rentrez et laisse Gaston faire comprendre au prince comment on traite une femme dont on est censé en être amoureux.
— Il va le plier en quatre... ! gémit Belle.
— La magie n'a rien donné, peut-être que la force brute y fera quelque chose, répondit Ernest avec un haussement d'épaules. Parfois, une bonne paire de claques valent mieux qu'un long discours.
Belle esquissa un sourire puis quitta le banc et rejoignit Gaston qui baissa aussitôt sa hache. Ernest les observa discuter un moment et quand Gaston posa sa main sur la joue de la jeune femme qui ferma les yeux, il secoua la tête.
— T'es un sacré cochon, le destin, tu sais ça ? dit-il en regardant le ciel.
Il marmonna ensuite et retourna à ses affaires abandonnées quand il avait entendu Gaston et Belle se disputer.
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Le duo quitta Erfest deux jours plus tard en promettant à leurs vieux hôtes de revenir les voir. Belle leur laissa cependant le miroir magique en leur disant bien qu'ils ne pourraient pas forcément se parler, mais qu'ils pourraient au moins avoir des nouvelles.
Le voyage de retour leur prit deux jours et une nuit entière. Tous deux juchés sur le solide Philibert, ils remontèrent la falaise et traversèrent la Forêt Noire sans presque faire de pauses, mais en arrivant en vue du château, Belle demanda à ce qu'ils s'arrêtent.
— Nous y sommes presque, Belle, protesta Gaston.
— Justement, répondit la jeune femme. Philibert, on s'arrête.
Obéissant à sa jeune maîtresse, le cheval de trait planta ses sabots et refusa ensuite de bouger un cil. Gaston grogna et finit par abdiquer. Belle glissa alors sur le sol et s'éloigna en marchant pour se dérouiller les jambes.
— Descends, dit-elle en revenant vers le cheval.
— Belle...
— Gaston, descend de cheval sinon je demande à Philibert de te mettre en bas.
Le cheval tendit les oreilles et soudain, baissa la croupe. Gaston eut un sursaut et marmonna.
— Ce canasson est trop intelligent, maugréa-t-il en mettant pied à terre.
Il poussa un cri très viril quand les dents de Philibert claquèrent à deux centimètres de sa fesse droite, puis le cheval s'éloigna pour aller brouter un peu d'herbe sèche. Belle se tourna alors vers Gaston.
— Hé... s'il te plaît, dit-elle en posant ses mains sur ses poignets. J'apprécie cette nouvelle version de toi, c'est pour ça que je ne veux pas que tu ailles démolir le visage d'Adam.
— Belle, il t'a trahie...
— Je sais. Mais c'est ma faute, je suis rentrée chez mon père depuis près de deux semaines maintenant... Il est en droit de penser que je ne veux plus l'épouser.
— Sans annonce officielle, non, répliqua Gaston.
Il se détourna et Belle se mordit la lèvre. Elle serra les mains sur ses gants de cuir et le jeune homme crispa les mâchoires avant de la regarder.
— Si je n'avais pas été aussi idiot, Belle, m'aurais-tu épousé ? demanda-t-il.
— Hm... La réponse à cette question est difficile.
— J'attends juste oui ou non, tu sais...
Belle esquissa un sourire et secoua la tête.
— Non, parce que tu es un chasseur, que tu aimes tuer les animaux pour ton plaisir, et que tu n'as que faire des gens cérébraux, dit-elle.
— Je vois...
— Et oui parce que malgré tes grands airs, tu as un cœur et que je sais au fond de moi qu'avec le temps j'aurais pu faire quelque chose de cette grande gueule qui te sers de bouche.
— Ouch... C'était mérité.
Gaston plissa le nez et Belle souffla. Elle regarda alors le château du prince Adam qui brillait de toute sa splendeur dans le soleil déclinant.
— Tu veux vraiment lui mettre ton poing dans la figure ? demanda la jeune femme en grimaçant.
— Seulement si c'est nécessaire.
Belle se mordit la joue. Elle s'éloigna en agitant les pans de sa cape pour les remettre d'aplomb et Gaston l'observa un moment. Elle était en proie à ses sentiments, il le savait parfaitement, et elle souffrait de devoir prendre une décision.
— Je n'aurais pas dû t'écrire, dit-il alors. Sans ma lettre, tu serais déjà rentrée auprès du prince et le mariage aurait été célébré...
— Non.
Gaston haussa un sourcil.
— Non ?
Belle se tourna vers lui, les mains sur les hanches.
— J'avais pris la décision, en partant te rejoindre, de faire annuler le mariage, dit-elle. Je suis retournée chez mon père pour réfléchir à tout cela, parce que cela faisait un mois à ce moment-là, et que j'avais eu largement le temps de me rendre compte qu'Adam n'avait rien appris. Je ne voulais pas l'accepter, c'est aussi simple que ça. Aujourd'hui, c'est le cas.
— Oh, Belle...
Sans réfléchir, Gaston prit la jeune femme dans ses bras quand il vit les larmes rouler sur ses joues pâles. Elle posa son front contre le large torse et laissa échapper un sanglot.
— Pourquoi ? demanda-t-elle. Pourquoi n'est-il pas resté la bête... !
Gaston serra les mâchoires et regarda le château. Il prit alors Belle par les épaules et la jeune femme le regarda avec surprise.
— Rentre au village, dit-il. Rentre avec Philibert. Je vais aller régler son compte au prince.
— Q-quoi ? Non, Gaston !
Belle saisit le jeune homme par sa cape et glissa dans la neige. Elle tomba sur les fesses et se releva aussitôt.
— Gaston, non, s'il te plait, il ne l'a pas mérité...
— Il t'a fait du mal ! répliqua Gaston. Et ça je ne peux pas l'accepter !
Belle sursauta et rentra la tête dans les épaules. Elle rouvrit les yeux et le regarda. Il avait fait demi-tour pour lui rugir dessus. Un épais silence s'installa alors et ils se sondèrent un moment du regard avant que Gaston ne se détourne. Il y eut soudain une vive lumière et il se protégea de ses bras, aveuglé, avant de tomber sur le sol, surpris par un déplacement d'air. Belle s'agenouilla dans son dos, effrayée.
— La Fée ! s'exclama-t-elle alors. Vous êtes la fée qui a maudit le prince Adam !
Quand la lumière se fut estompée, une femme blonde vêtue d'une robe verte, baguette à la main, les regarda.
— Et toi, tu es la jeune femme qui a brisé ma malédiction, dit-elle ensuite.
Sa voix fit frissonner Belle.
— J'observe le prince depuis des années, dit alors la fée en se tournant vers le château. J'ai été très contente quand tu es arrivée dans sa vie, ma fille, et quand tu as brisé ma malédiction, je me suis dit qu'il avait compris, mais je vois que ce n'est pas le cas, et cela te déchire le cœur. Entre autres choses.
Belle avala sa salive en silence. Agenouillée dans la neige près de Gaston, elle regarda le château, puis la fée.
— Pouvez-vous arranger les choses ? demanda-t-elle alors.
La fée pencha la tête sur le côté.
— Tu n'y crois plus, dit-elle doucement. Ton amour pour le monstre qu'il était s'est estompé, tu tiens encore à lui, mais ce n'est plus pareil depuis qu'il a été libéré de la malédiction, je le sens dans ton cœur.
Belle baissa les yeux. Elle repensa aux paroles d'Ernest. Il avait raison, elle était tombée amoureuse de la bête, pas d'Adam...
— Belle, ma chérie... Tu n'as qu'un mot à dire pour que je retransforme le prince en bête, dit alors la fée. Sinon, tu peux choisir l'autre option...
Belle haussa les sourcils et croisa le regard de Gaston.
— Oui, cette option-là, souffla la fée avec un sourire.
— Mais le prince... ?
— Oh, la mémoire et les souvenirs sont tellement fragiles, mon enfant... Un simple petit souffle et ils... disparaissent.
Belle se sentit pâlir.
— Vous... Vous pouvez effacer la mémoire ?
La fée regarda alors Gaston qui rentra le menton.
— Non seulement je peux effacer les mémoires, mais je peux également modifier les souvenirs des gens... dit-elle. Je peux... faire oublier une personne, ou ses malversations, ou bien, faire croire aux gens qu'une personne a toujours existé alors qu'elle vient d'arriver... ou bien encore qu'elle n'a jamais existé alors qu'elle a toujours été là.
— C'est... un mensonge, dit Gaston.
— Parfois, la vie nécessite que des mensonges soient proférés, pour le bien des autres, ou le sien, répondit la fée en fronçant les sourcils. Bien sûr, avec la magie, il y a toujours un prix à payer, et en général, ce prix est que la personne qui me demande une faveur n'en fasse pas partie.
Belle avala sa salive et se releva alors. Gaston tenta de la retenir, mais la jeune femme s'approcha de la fée. Gaston se releva alors.
— Belle, ne sois pas stupide, dit-il en la prenant par le bras. Si personne ne se souvient de rien et que toi si, tu seras encore plus malheureuse et... je ne pourrais rien y faire !
— Je...
Gaston se redressa et regarda la fée.
— Je serais le demandeur de faveur, dit-il.
— En es-tu sûr ?
— Je peux vivre avec ce que j'ai fait, dit-il. J'ai été un abruti et je veux me repentir, c'est la meilleure des punitions que de devoir conserver mes souvenirs de mes actes alors que tous les auront oubliés.
— Gaston, non... tenta Belle.
— Arrête !
Belle recula d'un pas, surprise. Une larme glissa sur sa joue et la fée croisa son regard. Elle observa ensuite Gaston.
— Fée, écoute-moi bien. Je veux que le prince Adam oublie Belle, de même que tous les serviteurs du château. Je veux que tout ce qui est arrivé il y a un mois soit effacé et que rien ne persiste dans leurs mémoires. Si tu le peux, remonte le temps jusqu'au jour où j'ai demandé Belle en mariage.
— Dois-je effacer la malédiction aussi ? demanda la fée. Et sa libération ?
— Non.
Gaston regarda Belle qui fronça les sourcils.
— Adam doit se souvenir des années de calvaire qu'il a endurées, dit-elle. Sinon, tout cela n'aura servi à rien. Il ne comprendra sans doute pas pourquoi la malédiction a été brisée alors qu'il n'a personne près de lui, mais...
— Je peux modifier cela, mais l'issue sera tragique afin qu'Adam ne cherche pas une femme qui n'existe pas, répondit la fée.
— Ce serait cruel... commença Belle.
— Aussi cruel que de te faire croire qu'il t'aime pour ensuite redevenir le petit con qu'il a toujours été ? gronda Gaston.
La fée remua la tête.
— Je n'aurais pas dit cela ainsi, mais l'idée est là... souffla-t-elle.
Belle se mordit la lèvre.
— Gaston... tenta-t-elle.
— Oh, je sais ce que tu veux faire, mais ça ne marchera pas. Tu me connais, Belle, je veux bien faire des concessions pour toi, mais pas ça.
Belle baissa les yeux et souffla par le nez.
— Très bien, dit-elle. Ce sera toujours moins douloureux qu'un coup de poing sur le nez...
La fée sourit doucement et releva alors le menton. Elle leva sa baguette et l'agita doucement. Un filet doré s'en échappa et se dirigea vers le château comme si une brise le portait. Quand il l'atteignit, Belle grogna. Gaston l'entoura de son bras et elle se serra contre lui.
— Ce n'est pas douloureux, assura la fée.
Gaston hocha la tête. Le filet doré disparut alors et Belle se redressa. Elle fit face à la fée qui lui caressa la joue.
— Tout ira bien, à présent, ma chérie, dit-elle. Ne t'en fais pas.
— De quoi parlez-vous ? Où je suis ?
La jeune femme découvrit alors Gaston près d'elle et recula d'un pas.
— Gaston ? Mais qu'est-ce que... ? Qu'est-ce qu'on fait dans la forêt ? On devait aller en ville... ! Nous allons être en retard !
Gaston haussa un sourcil et regarda la fée. Belle avisa Philibert et le rejoignit.
— Que sait-elle à mon propos ? demanda Gaston.
— Comme vous l'avez demandé, pour les habitants de votre village et pour Belle, vous n'avez jamais tenté de faire enfermer le vieux Maurice pour folie, ni conduit un cortège de gens furieux jusqu'au château de la bête, répondit la fée. Vous n'avez jamais disparu pendant un mois, et suite à votre rencontre avec Belle, le jour où vous l'avez demandée en mariage si maladroitement, vous avez commencé à vous fréquenter, au grand dam de votre ami LeFou qui pense que cette jeune personne n'est pas pour vous.
Gaston haussa les sourcils.
— Comment... ?
— Elle s'est rendue à l'évidence après une longue discussion avec son père, répondit la fée. Elle n'était pas ravie, elle a tempêté, mais elle a réussi à vous arracher une promesse, celle de ne jamais lui interdire de lire.
Gaston secoua la tête.
— Je... je n'en avais jamais eu l'intention, dit-il. Je ne suis pas un bon lecteur, mais...
— Elle le sait, ne vous en faites pas. Vous vous fréquentez depuis un mois, Gaston, elle vous apprécie beaucoup, et à cela je n'ai rien changé, ces sentiments étaient déjà présents dans son cœur, mais vos actions de fier-à-bras envers elle avaient plutôt tendance à la faire reculer...
— Est-ce que nous allons... nous marier ?
— Le futur en décidera, répondit la fée. Mon travail est désormais terminé. Prenez soin de Belle, et sachez que je veille sur elle. Blessez-la et vous aurez affaire à moi.
Gaston opina. La fée lui sourit alors doucement puis disparut dans une pluie de paillettes.
— Gaston ! appela alors Belle. Pouvons-nous repartir ? Nous allons être en retard !
Gaston regarda Belle qui câlinait Philibert. Il hocha la tête et la rejoignit. Sans prévenir, il la saisit par la taille et la hissa sur le dos du cheval. La jeune femme poussa un cri de surprise puis se mit à rire et il monta derrière elle.
— Papa a eu raison d'insister, dit-elle alors comme il récupérait les rennes.
— À quel sujet ?
— Toi. Tu as été un abruti toute ta vie, mais aujourd'hui, je me rends compte que j'avais des œillères parce que tu n'es pas si mauvais que je le pensais.
— Mauvais ? Ah d'accord...
Gaston lui souffla alors quelque chose à l'oreille et Belle s'exclama en rougissant. Elle lui tapa le bras et il rigola.
— Tu es un cochon, Gaston LeGume, dit-elle en croisant les bras, gênée.
— Mais tu ne m'en veux pas et c'est pour ça que je t'aime, Belle, répliqua le jeune homme en l'embrassant sur l'épaule.
Belle grimaça un rictus contrarié puis soupira et s'appuya contre le large torse dans son dos. Son regard se posa alors sur le château du prince Adam.
— On ira au bal ? demanda-t-elle.
— Pourquoi pas ? Si toutefois les gens des villages alentours sont invités.
— Hm, nous verrons bien. Allez, Philibert ! Rentrons à la maison !
Le cheval hennit et s'élança au trot presque joyeusement, les oreilles bien en avant.
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