Mâchons le sable
Mâchons le sable sur l'étendue immense des dunes brûlantes !
Nos pieds sont sûrs, là où tout autre s'enliserait, proie égarée de la fournaise sans fond. Nous sommes partis il y a sept jours du Caire, à destination de la ville sainte. Depuis sept jours, nous cheminons au rythme de nos chants. À nous, se joint la mélopée sinueuse des hommes. Car nous mâchons le sable, subsistant de rien, vivant de tout. Les hommes ont choisi les plus vaillants d'entre nous, pour former la caravane. Alors, notre longue traînée cameline s'est ébrouée dans les brumes brûlantes de l'Orient. Je suis l'une de ces bêtes, un chameau d'Arabie, dont la blancheur de la robe doit annoncer la bonne fortune du voyage. Car ces hommes sont pèlerins ; leur regard, toujours, à l'étoile Polaire, substitue La Mecque. Et nous allons sans fin, dans cette immensité désertique si vaste que de ma place je ne vois que sable, une terre ocre et aride que le semoun fait tournoyer en colonnes aveuglantes de poussière.
Mâchons le sable sur l'étendue immense des dunes brillantes !
Nous faisons parfois halte. Alors, nous cherchons fourrage et repos, pendant que les hommes traient nos chamelles. Les pèlerins prient Allah de les guider. Ils s'exclament et s'agitent, pour éloigner les démons, comme si cet éclat de fête, que prenait la steppe, pouvait assouvir leur soif ou amoindrir leur souffrance. Nous, chameaux, harnachés et chargés, ne partageons pas cette effervescence qui fait soudain ressusciter des êtres à moitié morts, pour cet obscur rite à vocation salutaire. Nous, créatures d'Arabie, nous resserrons en troupeaux et attendons, immobiles sur nos jambes, que la caravane reparte. Peu à peu, la gaieté cesse d'animer les cœurs. Les hommes viennent à nos pieds, pour qu'encore nous les soutenions.
Mâchons le sable sur l'étendue immense des dunes blessantes !
Nous repartons. Toujours, nous marchons ! Le mirage nous accompagne. Et c'est moi, qui en tête, guide la caravane. Où se trouve l'oasis ? Serait-ce cette crevasse, que nous apercevons, au loin, surmontée d'une cime de palmiers dattiers ? Peut-être. Prudence, l'ensablement est traître, puisque même les plus sûrs coursiers s'égarent. Ce crâne lisse et blanc, que nous dépassons, est celui de l'un des nôtres, un malheureux chameau qui a péri lors d'une précédente traversée. Ces brindilles ne sont pas végétales, mais animales, ce sont des osselets.
Mâchons le sable sur l'étendue immense des dunes bêlantes !
Voyez, le soir tombe ! L'orage tonne. L'air fraîchit. Le miracle se produit. Des dattes sèches se mêlent au sable. Il est temps. L'oasis est toute proche. Des bêlements rassurants se font entendre. Ce sont des Bédouins et leurs chèvres. Leur présence tiendra à distance le cavalier errant. De ses doigts décharnés, il mènera sa monture ailleurs pour la nuit.
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