Squirrel, les mains posées sur l'îlot blanc, le dos légèrement vouté, pose son regard sur le centre de l'îlot. Pendant quelques secondes elle reste silencieuse. Je ne sais pas quoi faire et n'ose à peine bouger le petit doigt. 

"-Bien, fit-elle, regarde et surtout réfléchit avant de poser des questions. Si tu en as vraiment, tu pourras me les poser à la fin. Tu dois savoir que seule cette partie de la pièce est accessible à tous.

- Bien Madame"

Elle ne prête pas attention à ma réponse, et se redresse comme un piquet. Elle prend une tablette, qu'elle avait apporté de son bureau, et ouvre une page bleue. Elle appuye sur de nombreux boutons, je suis fascinée, scotchée sur son écran. 

Puis, d'un simple coup de pouce sur un bouton situé sous l'îlot, Squirrel met en route un énorme écran bleu translucide, qui s'affiche au milieu de l'étendue blanche de l'îlot. Emerveillée par tant de technologies, je n'arrive plus à parler. Squirrel, elle, continue tranquillement sa présentation. Au fur et à mesure, des visages, accompagnés chacun d'un code de mission et d'une petite présentation, apparaissent.

"- MULTAY Christophe, homme d'affaire français qui a fait fortune aux Etats-Unis, il y a de ça 15 ans, dit Squirrel en agrandissant l'un des visages. Bear s'est occupé de lui. 

- Pourquoi ? 

- Il détournait de grosses sommes d'argent qui provenaient des comptes de sa femme, dans le but de financer son réseau de trafic d'animaux exotiques, récita Squirrel, le regard rivé sur l'écran.

- Comment son trafic a été découvert ? 

- La sœur de Madame MULTAY a contacté un avocat quand elle est tombée sur un article à propos de ce trafic, dans lequel elle a tout de suite reconnu le tatouage de son beau-frère, puisque sur la photo on ne voyait que son bras. Elle a vu l'article grâce à une publicité qui défilait pendant qu'elle jouait sur son téléphone. Etant connue comme l'une des personnes les plus engagées contre le trafic animalier, l'article l'a intrigué et elle l'a lu. Monsieur MULTAY avait mal choisi sa belle famille... 

- Sa sœur ne lui en a pas voulu d'avoir dénoncé son mari ? 

- Non.

- Et comment l'information est passée de l'avocat à vous ? 

- Tu découvriras cela pendant tes 10 jours de formation, répondit-elle. Comme tu l'auras compris, ce panneau tactile, que l'on appelle "La Source", comporte des informations sur nos différentes missions. Pendant une mission, il est obligatoire de régulièrement faire une synthèse des avancées de celle-ci. En rouge, en haut à droite de chaque fiche de mission, est indiqué le nom de la personne qui s'occupe du cas. Si tu veux consulter la synthèse d'une affaire, il te suffit de cliquer sur la touche "synthèse", laquelle apparaîtra, et dans laquelle les observations sont classées par date, lesquelles comportent un titre qui indique ce qui se trouve à cette date. Tout le monde ici y a accès car il peut arriver que deux affaires soient en lien. Si tu as repéré un lien avec une autre affaire, tu dois obligatoirement en informé le responsable de l'autre affaire ainsi que moi-même.

- Entendu", dis-je.

Squirrel finit sa phrase rapidement avant de cliquer sur de nouveaux boutons de sa tablette. Alors, un grand relief bleu s'affiche de la manière que les fiches d'identité l'avaient fait, tandis que ces dernières disparaissent. Ma nouvelle patronne fait tourner le relief, à l'aide de son doigt sur l'écran de sa tablette. Quand, d'un seul coup, elle s'arrête, puis zoome sur un petit village perdu entre des récifs montagneux. Tout apparait sous forme très précise, et un quadrillage recouvre le tout, comme pour dissocier les zones. 

"- C'est le village où nous vivons, déclara-t-elle. Nous avons accès, grâce à La Source, à un plan du monde entier aussi détaillé que celui ci. Il peut servir si, avant de partir en mission, tu veux faire des repérages, ou si pendant la mission tu en as besoin. Si tu cliques sur n'importe quelle case du quadrillage, toutes les informations de cette zone te seront détaillées dans un écrit, où nous avons recensé tout ce que nous en savons. Par exemple, la composition du sol, si il y a des souterrains, etc... Nous n'avons pas recensé tous les souterrains qui existent, mais ce que nous connaissons. Si un jour tu découvres quelque chose, tu dois absolument rajouter les informations que tu as, en cliquant sur "modifier"."

Je regarde attentivement tous ses faits et gestes. 

"- Sur la colonne à droite, au niveau de la tablette, et sur les écrans virtuels de l'îlot, tu peux choisir de plus afficher telle ou telle chose, dit-elle. Par exemple, si tu veux te concentrer sur les arbres, tu appuies sur la touche correspondante et les données satellites se modifient en fonction de cela. Enfin, je vais te montrer la dernière chose que tu puisses faire à l'aide de l'îlot."

Squirrel tapote encore sur la tablette et  fait apparaître un tableau de 5 cases sur 8. Dans chaque case, un type de véhicule est représenté sous forme de dessin graphique et numérique. Il y a donc un choix de 40 véhicules. 

"- Ici te sont proposés tous les véhicules que nous avons à disposition. Ils sont entreposés dans divers lieux, mais tu auras plus d'informations là-dessus lors de tes 10 prochains jours de formation. Chaque véhicule a une plaque d'immatriculation faussée, c'est-à-dire que toutes les plaques contiennent des voyelles, lettres qui normalement sont interdites sur les plaques d'immatriculation, m'informe-t-elle. Grâce à cette application, tu peux choisir ton véhicule en fonction de ses critères donnés. Pour voir leurs fonctions, tu peux cliquer sur le véhicule, et si tu le veux, il te suffit d'appuyer sur "emprunter", et j'en serai directement informée."

D'un seul coup, Squirrel éteint l'écran bleu qui disparaît aussi rapidement qu'il était apparu. L'îlot paraît alors vide, sans âme. Puis, elle m'amène vers une porte qui se trouve face à nous. A l'ouverture de la porte, je découvre une pièce qui fait office de hall. Il y a face à nous 5 couloirs, avec chacun une plaque placée au-dessus. On peut ainsi distinguer 5 zones : chimie, physique, armes, corps et âmes, zoologie. Je me demande quelle taille peut bien faire les sous-sols de la base, pour qu'il y ait autant de salles. 

"-Nous entrons ici dans la partie la plus sécurisée, et c'est donc ici que tu es obligée de me demander pour entrer. 

-Bien, fis-je

- je ne te détaille aucune de ces pièces car tu auras l'occasion de les découvrir lors des 10 prochains jours."

Tout en finissant sa phrase, Squirrel nous fait ressortir du hall, puis nous ramène dans le couloir. Après quelques pas dans le long couloir noir, elle ouvre une porte et nous nous retrouvons de nouveau dans son bureau. Puis, elle regarde sa montre :

"- Il est 18h45. Tu as quartier libre, du moment que tu restes dans ta chambre. Eagle vient de m'informer que le courant est revenu."

Je n'ai pas le temps de répondre que Bear entre dans le bureau pour me raccompagner dans ma chambre. Nous faisons le trajet dans un grand silence. La lumière étant revenue, je me rends compte que ma chambre n'est pas aussi loin du bureau de Squirrel que ce que je le pensais. Je découvre par la même occasion que les murs sont peints en blanc, mais on devine encore, sous la fine couche de peinture, les briques qui ont servi à la construction des sous-sols. 

"-Voilà, nous sommes arrivés, dit-il

-Merci", répondis-je en le voyant faire chemin arrière, après m'avoir donné les clés. 

"-Au fait, lance-t-il en se retournant, je viens te chercher à 19h30 pour le repas"

Je le regarde s'éloigner dans le couloir, s'arrêter, et ouvrir une porte. Une forte lumière bleue s'échappe de la pièce dans laquelle il pénètre.  Je suis sans doute un peu trop curieuse, mais je décide de m'approcher de la porte que Bear vient de fermer. Il n'y a aucun bruit. Après quelques secondes, qui paraissent éternelles, un bruit sort de la pièce, comme si une chaise venait d'être trainée sur le sol. Un gémissement féminin s'en suit. Je décide que je n'ai plus rien à faire ici, et je me dirige vers ma chambre, transpirante. Lorsque je m'enferme dans la pièce, un cri glaçant venant du couloir vient s'engouffrer dans ma chambre.

"Nooon .... s'il-vous-plaît ... laissez-moi ..."