Chapitre 3
Maman,
On ne s'est pas toujours entendues toutes les deux. J'ai mal lu le mode d'emploi. Tu ne me l'as pas fourni quand je suis née. On est passées à côté l'une de l'autre sans vraiment se comprendre. Trop différentes ou mêmes défauts ? Nous étions trop ou pas assez. Trop entières, trop têtues. Que de conflits ont émaillé notre relation. J'en ai souffert surtout plus jeune. Aujourd'hui il y a prescription. Je regarde cela comme une spectatrice.
Tu refuses que j'aborde ce sujet avec toi alors je me dis qu'avec une lettre ce sera plus facile.
J'ai décidé d'arrêter les traitements que je suis depuis vingt mois. Ils me rendent plus malade et ne changeront rien à l'issue du combat. Je me dégrade de plus en plus. Tenir un stylo, respirer, manger tout devient de plus en plus difficile. Quelle issue me reste-t-il ? Je ne veux pas finir ainsi. Je veux mettre de l'ordre dans mes affaires tant que c'est possible. Je n'ai plus le temps de ressasser.
Je veux rester paisible le plus possible chez moi auprès de ma famille. Je veux partir le coeur rempli de bons souvenirs. Je prends juste de l'avance sur le voyage et me réjouis de revoir Papi et Mamie. J'aimerais que tu restes sur une note positive toi aussi. Je te laisse veiller sur mes enfants et leur raconter qui j'étais. A toi les albums photos et les confitures avec eux. Thierry est un merveilleux père et il les élèvera bien. Essaie de bien t'entendre avec lui. C'est un gentil garçon. Vous aurez besoin les uns des autres. Je vous en supplie, construisez une bulle protectrice autour des enfants. Maman, je sais que tu es entière comme moi mais que tu feras ce qui est juste. De cela je n'en ai jamais douté.
Avec toute mon affection,
Pauline
Thierry,
Mes derniers mots seront pour toi. Tu m'as donné deux beaux enfants. Je les aime par-dessus tout. J'aurais aimé les voir grandir. Tu es un papa formidable. Je sais que tu t'en sortiras très bien et qu'ils ne manqueront de rien. J'ai toute confiance en toi. J'aurais aimé tenir ta main un peu plus longtemps ...
Mes mains tremblent. J'ai du mal à dessiner le coeur à la fin. Mes larmes coulent sur le papier. Je suis incapable de continuer. Mon écriture serrée et déformée trahit mon état. Je te regarde dormir. Je sais que tu as eu du mal à comprendre ma décision au début.
Je repense aux lettres dans ma capsule avec émotion. Le bilan d'une vie. J'ai donné la capsule au notaire avec des consignes précises. Elle sera remise à mes enfants à leurs vingt et dix-huit ans, âge symbolique.
La douleur me tord en deux à nouveau, insupportable. Les nausées surgissent. Stop.
Docteur Roussel,
Aujourd'hui c'est le grand saut. Je vous remercie pour votre accompagnement et d'avoir facilité mes démarches pour la Suisse. J'ai apprécié d'avoir croisé votre chemin. C'est bête de dire ça à son médecin. Votre humanité m'a aidée à tenir.
Dites à mes proches que nous sommes allés au bout de ce qui était possible, qu'ils ne culpabilisent pas. Je ne supportais plus l'idée de devenir un poids pour eux. A quoi bon s'acharner ? Dites leur que c'était ma décision en pleine conscience. Une dernière preuve d'amour.
Cordialement,
Pauline Lantier
***
A tous ceux qui me connaissaient,
Aujourd'hui j'aurais eu 45 ans. Ma dernière volonté était que vous vous réunissiez ce jour-là pour fêter ce qui aurait dû être la moitié de ma vie.
Ne soyez pas tristes, trinquez à ma santé. Restez fidèles à ce que j'étais. J'espère que vous vous êtes soudés autour de Gabriel et Elsa.
Dites leur que leur maman les aime, qu'elle veille sur eux. Je suis contente d'avoir croisé votre route.
Je vous aime et vous souhaite d'être heureux.
Pauline
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