Je me mets à marcher vers le roi de Crieji, avec mon regard le plus sérieux que je peux faire.

-Roi de Crieji, j'aimerai être transféré officiellement à Avillon.

Les membres de mon groupe sont surpris, mais le roi reste impassible.

-Tu demandes donc un changement de pays de résidence... Es-tu certaine ?

-Oui. J'ai beaucoup réfléchi, ces derniers jours. J'ai pesé le pour et le contre. En restant à Avillon, je mènerai une nouvelle vie, exclue de M.E.G.A et de Crieji, mais c'est ma décision.

Le roi ferme les yeux, puis les rouvre après quelques secondes, à l'attention d'Adelyne.

-Monarque d'Avillon, quel est votre avis ?

Je tourne la tête vers la monarque qui commençait déjà à se rapprocher..

-Au cours de cette guerre, j'ai pu découvrir la guerrière Mona sous plusieurs facettes. Je suis prête à l'accueillir au sein de mon pays. On peut régler la paperasse aujourd'hui, s'il faut.

Une nouvelle fois, le roi me redonne son attention.

-Si possible, dame Mona...

-Oui, Souverain ?

-Etant donné que tu perdras ton identité au sein de l'équipe M.E.G.A, il serait profitable pour nos deux nations que tu deviennes un chevalier honoraire de Crieji.

Je commence à réfléchir, car je n'ai jamais entendu parler de ce titre de chevalier honoraire.

-Quels sont les droits ?

-Cela n'entravera pas tes devoirs au sein de ton quotidien. Simplement, il faudrait que tu passes nous voir de temps en temps, et que tu participes aux discussions importantes de Crieji envers les autres nations.

-{...}

Indirectement, cela signifie que je garderai un lien avec ma nation d'origine, mais que je pourrai quand même profiter pleinement de ma nouvelle vie. J'affiche un faible sourire à l'attention du Roi.

-J'accepte.

Je donne mon attention à Adelyne, en posant mon poing vers mon cœur.

-Monarque d'Avillon, je suis prête à vous servir.

Face à ma réplique, elle affiche un grand sourire.

-On fera une cérémonie d'intronisation.

Le Roi annonce un changement de programme, et les deux souverains partent à la citadelle d'Avillon, escortés, pour régler la faible paperasse du transfert. Je profite de ce moment pour dire mes derniers mots à M.EG.A, car je ne les reverrai plus aussi souvent.

***

Voilà une semaine que le roi de Crieji est parti, et que je fais partie intégrante des habitants d'Avillon, sous la protection de la monarque. Je suis aux pieds des escaliers qui mènent à la salle d'audience, où va avoir lieu ma cérémonie pour être nommée en tant que chevalier. En vérité, je serai même la "Lame d'Avillon", comme le bras droit de la monarque, suite à un vote unanime par les autres chevaliers.

Johan et Fram sont avec moi, m'expliquant rapidement comment se passera la cérémonie, bien qu'elle ne dure pas plus de trois minutes. J'ai également mémorisé la phrase à prononcer quand je ferai face à la monarque.

Je me sens quand même un peu stressée. Et si je faisais quelque chose qui gâcherait l'ambiance de la cérémonie par laquelle tous les autres sont passés ? Rien que d'imaginer certains scénarios, cela m'angoisse, mais Johan me rassure en souriant.

-On est tous passés par cette phase de stress, mais reste toi-même avant tout.

La façon dont il a prononcé ses mots me procure un certain réconfort, tandis que les trompettes annonçant la cérémonie se font entendre. Je ferme les yeux et prends une longue inspiration. Fram me tapote l'épaule, avec un sourire.

-T'inquiète, fais juste ce que tu dois faire.

En rouvrant les yeux, je lui souris.

-C'est quelque chose que je sais faire.

Je lève la tête vers les escaliers à ma droite, puis je commence à les monter, suivie par les deux chevaliers. Arrivée au sommet, plusieurs soldats sont alignés sur les deux côtés du tapis rouge menant au trône, faisant face au chemin et se regardant deux par deux.

Sur le long du mur, des deux côtés, les autres chevaliers qui ont participé à la guerre sont présents. Il y a même Mu et Lyn, de présent. Je prends une nouvelle inspiration et commence à avancer, avec le bruit des trompettes menées par d'autres soldats plus éloignés.

J'avance dans une démarche assurée, où à chaque fois que je passais devant un duo de soldats, ces derniers tiraient leurs épées pour la lever devant eux, comme un signe d'honneur. La monarque est sur son trône, me regardant arrivée, une jambe par-dessus l'autre.

Le dernier duo de soldats passé, je me prosterne en posant mon genou gauche au sol et en plaquant mon poing contre mon cœur, baissant la tête. J'aperçois les pieds de la monarque se poser, et son ombre confirme qu'elle se lève, et c'était le signal.

-Je suis le bouclier qui protège le peuple et l'épée qui tue les ennemis ! Je jure une loyauté sans faille au peuple et je laisse mon cœur pour les gens ! tel est le discours.

-Nous sommes le bouclier qui protégeons le peuple et l'épée qui tuons nos ennemis ! Nous jurons loyauté au peuple et laissons notre cœur pour les gens ! répètent les soldats en rang.

La monarque tire son épée cérémonielle, à en juger par le bruit émis, puis la lame se pose sur mon épaule.

-Mona Olkelda, je te nomme la Lame d'Avillon !

-{Ça y est...}

***

Le soir même, dans mon bureau, il me reste encore à écrire une lettre pour le roi de Crieji, au milieu de ma pile de paperasse qui n'a fait qu'augmenter. Je récupère une feuille vierge ainsi qu'une plume que je trempe dans un pot d'encre.

"Roi de Crieji."

"Par le biais de cette lettre, je vous confirme que la cérémonie d'intronisation de Mona Olkelda a eu lieu et qu'elle a été nommée "Lame d'Avillon", parallèlement à son titre de chevalier honoraire de Crieji."

"J'aimerai aussi vous exprimer mes plus sincères remerciements d'avoir autorisé le transfert définitif de Mona au sein de ma nation. J'aimerai que vous donniez mes encouragements à l'équipe M.E.G.A."

"Adelyne, Monarque d'Avillon."

Je plie la feuille et la range dans une lettre que je scelle en y plaçant le sceau de ma nation. Je la laisse sur le côté en haut à droite de mon bureau, là où j'ai l'habitude de laisser ce que Rouin peut récupérer.

Je baille une dernière fois avant de me lever, rangeant les choses à leurs places.

-{C'était une sacrée journée...}

Une fois mon rangement terminé, je quitte mon bureau en verrouillant la porte.

***

Aux environs de 11h, j'ai demandé à la monarque de m'accompagner au cimetière pour que j'enterre ma vie d'avant. Contrairement à d'habitude, l'épée que j'ai au niveau de ma ceinture n'est pas celle d'Evan, mais la fameuse épée de foudre que la monarque avait commandée, que j'ai récupéré le jour où le roi de Crieji est arrivé.

Dans mes mains, je porte le fourreau et l'épée de mon amant défunt, pour lui rendre mon dernier hommage. Même s'il m'a donné ce collier, il est de mon devoir de le lui rendre. On arrive devant sa tombe, où une pelle avait déjà été posée plus tôt.

Je confie l'épée de lumière à la monarque pour que je récupère la pelle, afin de commencer à creuser à côté de sa tombe. Alors que j'enlève peu à peu de la terre, une sensation étrange me parcourt, comme un sentiment qui se nourrit et s'agrandit.

Cela dit, je n'ai pas creusé énormément, juste suffisamment pour ensevelir l'arme. Après une vingtaine de coups de pelles, j'atteins la profondeur que je veux. Je dépose la pelle sur le côté, et Adelyne me rend l'épée.

Lentement, je m'agenouille devant le trou que j'ai creusé, le fourreau tenu par mes deux mains à plat, l'arme allongée.

-Je te fais don de ce qui t'a toujours appartenu, et de ce qui m'a permis de survivre sur ce continent.

Je dépose délicatement l'épée dans le fond, puis me relève.

-Si tu m'entends, j'espère que tu es heureux, là où t'es.

Je récupère la pelle pour remettre la terre par-dessus la lame. Adelyne m'a rassuré en me disant que les épées forgées ici ne peuvent pas être rouillées avec le temps, grâce à la magie à l'intérieur.

J'effectue un dernier salut face à la tombe de mon ancien compagnon, tout comme la monarque d'Avillon, qui a certes beaucoup moins connu mon ami, mais qui l'a quand même enterré à son endroit de naissance.

Alors que la monarque fait un pas d'avance vers le chemin que l'on a emprunté, je reste encore un peu devant la tombe.

-Allez, repose-toi...

Je souris une nouvelle fois, avec une petite idée en tête.

-Jusqu'à ce que je revienne te voir.

C'est la tête vidée de mes pensées noires, mon cœur abaissé et un poids en moins sur les épaules que je rejoins la monarque, quittant le cimetière ensemble.

[FIN]