***

Rouin m'a fait visiter le château et la citadelle, en ayant au préalable rencontré des personnes importantes. Cependant, je voulais redécouvrir la ville, pour voir si elle avait changé en 3 ans.

Je descends les marches qui relient l'entrée de la citadelle et la ville, profitant de la vue qui m'est offerte sur la ville en globalité, qui semble avoir pas mal grandi. Mais en vérité, mon esprit est perturbé par une seule question : où sont les autres héros ?

Mes souvenirs sont clairs : Aurore a été la première personne à tomber dans l'eau, avant que ce soit au tour du sale gosse, puis à mon tour, avec le monstre des mers qui allait droit vers moi

-{Est-ce qu'on se serait dispersés à travers les 3 continents ? Ce qui voudrait dire qu'il y aurait deux personnes sur un seul... Mais il semblerait que je sois la seule à m'être échouée à côté d'Avillon, les autres n'ont pas eu cette chance.}

En vérité, la chance a joué un rôle trop grand pour moi, et je le sais. Tomber à proximité d'une des frontières d'Avillon, avoir pu obtenir des informations grâce aux impériaux, et être sauvé par la monarque...

Mais si les autres n'avaient pas eu cette chance ? Si en vérité je suis l'unique survivante du naufrage, et que tout allait se reposer sur moi ? Comment je peux faire, alors que je ne suis qu'une personne habitée par une colère silencieuse et dévastatrice.

En sortant de mes pensées, je remarque que j'étais déjà dans la ville,me promenant dans les rues où les habitants font leur vie, sans même se soucier un seul instant de ce qui se passe au niveau de leurs frontières... Comment peuvent-ils rester aussi indifférents ?

-{Aurore... Eluard... Où êtes-vous ?}

-Dame Mona ? venant d'une petite voix à ma droite.

Je quitte une nouvelle fois mes pensées pour regarder là d'où provenait la voix. Des oreilles au-dessus de la tête qui sont celles d'un lapin, de courts cheveux noirs dégradés avec des pointes blanches, un teint de visage assez clair pour un œil droit gris et l'autre rouge, où leur seule particularité est un losange servant de pupilles.

Elle est vêtue d'une tenue assez spéciale qui peut laisser penser à un kimono, mais uniquement teinté de noir et de blanc. Une ceinture d 'un orange pur ainsi qu'un vif symbole, concluant sur de longues chaussures. Au niveau de sa taille, en incluant les oreilles, elle fait dans les 1m34.

Je me souviens de cette personne, appartenant à la race des léporidés. La chamane Mei Ling, que j'ai eu l'occasion de rencontrer il y a 7 ans, lors de ma première visite à Avillon, et une seconde fois il y a 3 ans.

-Chamane Mei ?

En écoutant son prénom, la léporidée se voit rassurée que je me souvienne de son nom, et s'approche de moi.

-Cela fait longtemps, Dame Mona. J'ai eu vent de ce qui vous est arrivé hier, mais je ne pensais pas vous retrouver dans les rues de la ville.

Je baisse la tête, soupirant en baissant la tête sur le côté.

-J'avais besoin de changer d'air et de réfléchir... je relève la tête. Et vous, comment allez- vous depuis la dernière fois ?

-Je me porte bien, j'ai pu beaucoup voyager avant que le chaos envahisse Itren.

Mei Ling est une des rares personnes capables d'apaiser légèrement ma colère rien qu'en discutant. Je m'apprêtais à parler de ces voyages, mais la fin de la phrase prononcée fit taire ses envies.

-Itren est à ce point dans le chaos ?!

Mei abaisse ses oreilles et amène ses mains devant son petit corps.

-Le continent central n'a plus que la nation d'Isola pour tenir contre l'Empire, mais l'Occident est tout autant dans le chaos. Les tribus des terres sauvages de Varhya sont soumises à l'esclavage de l'Empire. Rhodon également, et la nation de Lumisade, la terre des elfes, est attaquée par une calamité.

Avec cette réponse, je fus prise par plusieurs émotions qui se sont enchaînées avant même d'atteindre le maximum.

Le fait que le continent central soit presque asservi, était déjà un coup de panique pour l'avenir de ce grand continent, et une preuve de la force de l'Empire.

Le nom de Varhya me fait réveiller le souvenir le plus douloureux que je possède, à tel point que mon cœur s'est resserré et fissuré, tout en me provoquant un léger pic de colère que j'essaye au mieux d'enfouir.

Mais en écoutant le nom de Lumisade, c'est le choc qui me gagne, et avec une vive lueur d'espoir. Aurore, l'elfe des Héros, a de la famille à Lumisade, elle en avait déjà parlé par le passé... Peut-être s'est-elle rendue là-bas ?

Sauf que le clou de la réponse de Mei suscite encore plus d'interrogations. Une calamité ? Le même type de créature qui avait attaqué Crieji par le passé, et qui a failli tout détruire si Avillon n'était pas venu en renfort ?

Je plaque ma main contre mes yeux, ne sachant même pas par quelle réaction commencer face à tout cela.

-{Bordel...}

-"Mei Ling ?" venant d'un appareil électronique.

Je retire ma main de mes yeux, arrivant à reconnaître cette voix que j'ai déjà entendue par le gadget de l'administrateur. Mei sort de sa poche un communicateur et l'amène devant sa bouche.

-Altesse ? Que se passe-t-il ?

-"Les forces de Rhodon s'affaiblissent à la frontière nord, je compte lancer une charge jusqu'à leur camp de rassemblement avec les chevaliers, j'aimerai que tu viennes nous rejoindre."

-A vos ordres ma souveraine... D'ailleurs, il y a quelque chose que je dois vous dire.

-"Mh ?"

Mei me regarde un bref instant, où je dévoile mon regard de confiance et une envie de partir rejoindre le combat.

-Dame Mona est avec moi. Peut-elle vous rejoindre ?

***

En écoutant le nom de Mona, je reste silencieuse, regardant mon communicateur. A quoi bon retarder le moment où je la reverrai après 3 ans, vu que cela va de toute façon arriver et que je devrais faire face à son regard et sa colère ?

Je regarde mes chevaliers, qui semblent prêts à partir pour la charge. Fram, Johan, Mikhail et Charlotte sont préparés, les autres soldats prennent un peu de repos.

Après quelques réflexions, et une vive douleur dans ma poitrine, je ramène mon communicateur vers ma bouche.

-Guide-là jusqu'à nous, on reste sur place. Elle vient avec les chevaliers.

-"A vos ordres, Altesse."

Je coupe le gadget et le range dans une de mes poches, avant de baisser la tête sur le côté.

-{Lui parler ici sera mieux qu'à Avillon... Mais je dois vraiment faire attention à mes mots...}

-Altesse.

Je relève la tête, apercevant Fram qui me fait face, avec une de ses mains qui frotte l'arrière de sa tête.

-Tu penses que tout se passera bien avec Mona ?

-Il faut essayer. Si le combat lui permet de s'occuper l'esprit pour ne pas trop se préoccuper de ce qui la dérange, je pourrai plus facilement lui parler.

-Alors pourquoi avoir refusé la première fois ?

Je plaque une main sur mon visage, et affiche une mine triste.

-J'étais prise de court par son réveil, et je n'ai pas assez réfléchi, mais... Si je dois la revoir après tout ce temps, autant que ce soit ici même.

-Tu continues de t'inquiéter pour des choses dont tu n'es pas responsable ?

-C'est différent... C'est complètement de ma faute.

Un léger silence s'installe, mais il se fait couper aussi vite qu'il était apparu.

-Hé ! renchérit Fram en élevant la voix.

Je relève subitement la tête, surprise que Fram, une de mes chevalières les plus dévouées, se mette à élever la voix vers moi. Ce n'est pas la première fois qu'elle le fait, et elle a toujours eu une bonne raison de le faire les autres fois.

-Rouin m'a expliqué ce qui s'est passé. Mu avait vu juste, et c'est arrivé. Tu as fait ce que tu devais faire, c'est tout ! Les conséquences ne sont plus de ton ressort désormais ! Tu ne peux pas être responsable de tous les problèmes qui ont lieu dans ton entourage !

Suite à cette vérité qui m'a souvent été faite, sur ma personnalité a toujours m'inquiéter que tout soit ma faute, je baisse la tête de honte.

-Désolé... sur un ton faible.

-Ne t'excuse pas auprès de moi, c'est auprès de Mona que tu devras le faire. Parle-lui à cœur ouvert, quand vous serez seules.

-...

Voyant ma réaction, Fram amène une main vers sa bouche pour réfléchir à ce qu'elle a dit.

-Le mieux serait que tu l'emmènes derrière la citadelle.

Je me mets à réfléchir, et il n'y a qu'une seule chose qui se trouve là-bas...

-Tu veux dire... ?

-Oui. Là-bas, elle pourra pleinement exprimer ses émotions, et tes excuses auront un impact plus grand. Si elle ne te pardonne pas, ce n'est pas grave, car toutes les excuses ne sont pas suivies d'un pardon.

-...

Une nouvelle fois, je baisse la tête.

-Je prendrai le temps qu'il faudra. Pour l'instant, concentrons-nous sur ce qu'on doit faire.

Fram se met à sourire, puis retourne voir les autres chevaliers. Je commence à réfléchir sur ce fameux moment, en envisageant les différents scénarios et peser chacun des mots. Cependant, la situation actuelle est concentrée sur Rhodon.

-{Même si nous parvenons à libérer les Bois de Nibelon, affronter Rhodon sera compliqué... J'espère que Jac va bien.}

Des bruits de pas frénétiques et irréguliers se font entendre derrière moi. Je tourne la tête, et aperçois Mei Ling accompagnée de Mona. Les deux filles s'arrêtent, la chamane reprend son souffle, alors que je fais face à l'héroïne de Crieji. On ne se dit pas un seul mot, avec une humeur de marbre sur nos visages respectifs.

Les chevaliers voient cette scène, comme si chacune des deux attendait que l'autre parle la première, et cela donne une atmosphère assez pesante actuellement.

-Monarque d'Avillon... commence Mona pour briser le silence.

-Mona Olkelda... en continuant après elle.

Sous le regard fermé de Mona, je peux très clairement voir dans son âme, et cette tristesse infinie cachée sous une haine profonde et abyssale. Mona lève sa main droite pour me la tendre, pour faire une poignée de main que j'accepte.

-J'aurai aimé que les circonstances soient meilleures pour des retrouvailles après 3 années. continuent la guerrière.

Je ne réplique pas, car le ton que Mona a employé est relativement fermé et sec. D'un mouvement de main, je fais signe à mes chevaliers de venir nous rejoindre, et ils arrivent tous les 4.

-Je dois d'abord te présenter aux autres chevaliers.

Charlotte est la première, pliant légèrement les genoux et baissant ses bras pour faire une révérence.

-Charlotte Grace, chevalière d'Avillon et spirimantienne.

C'est au tour de Fram, qui plaque son poing contre son armure au niveau de sa poitrine.

-Fram Berge, chevalière d'Avillon.

Johan ramène son bras droit vers le devant de son corps et plaque son poing contre son buste.

-Johan Talede, chevalier d'Avillon.

Enfin, Mikhail est le dernier à se présenter, faisant la même salutation que Johan.

-Mikhail Blake, rôdeur d'Avillon.

En réponse à ses salutations, Mona plaque son poing contre son cœur.

-Mona Olkelda, chevalière de Crieji.

Les présentations faites, j'explique le plan.

-Mei Ling va rester près de notre frontière pour la protéger. Pendant ce temps, nous partirons poursuivre les impériaux et les soldats de Rhodon jusqu'à leur camp arrière afin de leur porter un coup au moral. Si on le peut, on capturera un de leurs haut-gradés. Les autres soldats, vous pouvez les éliminer.

Tous les chevaliers acquiescent, et ils commencent à se mettre en route, avec moi pour les guider.

***

Depuis qu'on a pris le chemin, je suis restée en retrait avec Charlotte, pour que je puisse voir comment cela se passe, quand la monarque donne des ordres et le travail d'équipe des chevaliers.

Contre les armes des chevaliers, c'est même relativement étonnant qu'ils arrivent à vaincre les soldats de l'Empire avec des armes qui se disent "arcaniques", là où ceux de Rhodon utilisent des lances et de longues épées.

Mais le plus étonnant, est le talent de la monarque à commander ces chevaliers. Il n'y a pas une once d'hésitation dans sa voix, et c'est comme si elle pouvait savoir ce qui allait arriver suite à cela.

La force des chevaliers est aussi incroyable. Johan a pu vaincre 3 soldats en même temps, où MIkhail arrive à effectuer des tirs très précis à très longues distances, même si c'est un adversaire où un de ses alliés est sur la trajectoire.

Cela fait déjà trois groupes de soldats ennemis qu'on a vaincu. La plupart ont été tués, mais d'autres sont uniquement inconscients car ils n'ont pas pu résister à la force des coups. 25 minutes se sont écoulées depuis que nous sommes partis de la frontière nord.

-{Des personnes aussi fortes sous les ordres d'une seule personne, monarque d'une nation qui a formé une alliance avec les autres nations d'Itren contre un unique Empire mais où leur assaut n'a pas réussi... M.E.G.A peut-il vraiment être un tournant dans cette bataille ?}

-Mona ?

Je donne mon attention à la personne qui m'a appelé, et c'est Adelyne.

-Rejoins Johan en deuxième ligne. Fram occupera seule la première ligne et Mikhail et Charlotte seront en arrière. Tant que tu suis mes ordres, tu peux montrer tout ton potentiel contre les ennemis.

-...

Sans rien dire, je rejoins l'épéiste blond aux deux grosses épées, et j'accepte de se faire une poignée de main en signe de camaraderie, mais mon expression fermée et méfiante à son égard est toujours en place.

Avec notre nouvelle formation, on reprend la traque des ennemis en remontant le chemin par lequel ils sont arrivés.

Derrière moi, je peux entendre Charlotte et Mikhail discuter avec Son Altesse, comme de bons amis. Fram a reculé pour discuter avec Johan, et je fais au mieux pour ne pas écouter ce qui ne me concerne pas, restant plongée dans mes pensées.

-{Si ce type vient de l'Empire...}

-Mona ? venant de Johan.

Je donne mon attention au jeune homme à lunettes.

-Mh ?

-Ton épée est assignée à la magie de lumière, alors que ton élément est la foudre. Tu n'as jamais eu d'épée avec ton élément ?

Cette question me fait raviver le même souvenir douloureux que quand Mei s'était mise à me parler de Varhya un peu plus tôt dans la journée... Je fais de mon mieux pour cacher ma tristesse, posant une main contre le haut de ma poitrine en effleurant le collier.

-Elle s'est brisée lors d'un affrontement. Je n'ai jamais cherché à en avoir une autre liée à mon élément.

-Alors où as-tu eu cette épée ?

Je m'arrête d'un coup, mon regard prenant un vide absent d'émotions, et ma main sur le dessus de ma poitrine se ferme. Je ferme les yeux pour contenir mes émotions intérieures, et surtout ma colère pendant que ces violents souvenirs me harcèlent.

-Mona ? renchérit Johan.

-Johan. N'insiste pas, je te prie. venant de la monarque.

Entendre cela me rappelle un vieux souvenir d'enfance, la toute première fois où j'ai senti que je pouvais faire confiance à quelqu'un... Je rouvre les yeux et lance un regard interrogatif et absent d'émotions à la monarque, avant que ma main finisse par redescendre, et que je me remette à regarder droit devant.

-Continuons. pour briser le silence.

Sans attendre de réponses, elle continue sa marche, tandis que les autres chevaliers restent encore immobiles, mais la monarque donne le même ordre.

-J'ai crû pendant un instant qu'elle allait avoué avoir tué quelqu'un pour lui prendre son épée. réplique Charlotte sur un ton inquiet.

A peine cette phrase atteint mes oreilles, ma corde sensible se fait violemment frapper et ma colère enfouie s'enflamme d'un coup. Je me retourne en tapant violemment du pied contre le sol et lance un regard encore plus énervé que d'habitude vers la soigneuse.

-Qu'est-ce que t'as dit ?!

Charlotte est choquée de ma réaction, mais la monarque place son bras devant la petite. Mikhail et Fram dégainent leurs armes et me font face, alors que Johan se place devant moi, les mains devant lui.

-Wow, wow, du calme ! Charlotte devait sûrement plaisanter !

Ma colère me monte à la tête, à tel point que ce n'est plus uniquement envers Charlotte, mais envers tous ceux présents que je suis énervée. Je tire légèrement ma lame, révélant une lumière pure mélangée à des éclairs, alors que mon regard est dirigé vers Johan et Charlotte.

-Dégage, Johan.

-Mona. renchérit la monarque sur un ton légèrement autoritaire.

Je commence à respirer fortement, les lèvres ouvertes et les dents écartées, écartant peu à peu les doigts du manche de mon épée en fermant les yeux. Peu à peu, j'abandonne ma posture de combat pour me remettre totalement debout, les genoux droits, et baissant mon bras droit.

Sauf qu'une seule seconde après, j'ouvre les yeux de surprise, et je dégaine ma lame pour produire une lumière très pure tout en projetant une lame d'énergie blanche et électrique.