Chapitre 31
***
Mona se débattait bizarrement, son corps incliné comme si on l'agrippait par la gorge, et ses mains qui tenaient quelque chose d'invisible devant elle. J'ai ordonné à mes chevaliers de reculer, mais Eluard reste prêt à intervenir.
-{Mona ?}
Sans signes annonciateurs, Mona pousse un cri de douleur, avec des éclairs noirs qui s'échappent de son corps, partant dans le ciel avec un bruit assourdissant, comme si le tonnerre frappait juste à côté de nous.
Pour en ajouter une couche, un souffle nous empêche de nous rapprocher, suffisamment fort pour faire bouger ma cape et allant même jusqu'aux personnes de notre groupe les plus éloignés.
Après plusieurs secondes, le souffle se calme, et Mona est debout, la tête relevée, les bras pendouillant le long de son corps, et son épée qui glisse de ses doigts. Son corps commence à basculer sur le côté, ce qui fait immédiatement réagir Eluard, qui court vers elle pour la rattraper.
Je demande à mes chevaliers de rester sur leurs gardes, tout en demandant à Mei de vérifier son état. Aurore se dépêche de rejoindre Eluard, paniquée.
-Le maléfice est levé, mais elle est épuisée mentalement. Je suggère de l'emmener en lieu sûr pour qu'elle se repose, et sous surveillance. conclut la léporidée.
***
Nous avons rebroussé chemin pour déposer Mona, et j'ai accepté de guetter son réveil en compagnie de Aurore. Je suis assis sur une chaise en bois à côté du lit où la guerrière dort, nettoyant mon fusil posé sur mes genoux.
Au centre de la pièce, l'elfe marche en dessinant des cercles, une main inquiète devant sa bouche. Entendre ses bruits de pas en parallèle de mes coups de chiffons sur mon fusil, c'est quelque peu insupportable.
Cependant, à travers le reflet dans le métal de mon arme, je me remémore nos retrouvailles à la planque des pirates, et de ce qu'elle a révélée sur son épée et le pendentif. J'arrête les mouvements avec mon bout de tissu et relève la tête.
-Hé, Aurore.
L'interpellée stoppe ses pas et me regarde, confuse.
-Oui ?
-Est-ce que tu te souviens du cinquième membre de M.E.G.A, d'il y a trois ans ?
-Celui dont Mona parlait à la planque des pirates ? Qui a refusé de faire partie du groupe ?
-Exact. Est-ce que tu le connaissais ? Avant l'assaut du primitif terrestre.
Aurore baisse la tête un bref instant, gardant sa main au niveau de sa bouche mais dans une pose de réflexion.
-Non. En vérité, je vous ai tous connu quand le groupe s'est formé
Sa réponse me surprend un peu, tandis que je pose le fusil à côté de ma chaise.
-{Elle ne l'a pas rencontré...}
-Pourquoi cela ?
Je lui redonne mon attention.
-Je l'ai rencontré quelques années avant l'assaut de la calamité. C'était un épéiste assez reconnu et respecté, dans le temps. Une fois, il est venu dans mon école pour donner des conseils.
Je sors mes deux dagues pour commencer à les laver, tout en continuant mon récit.
-Je le prenais pour un beau parleur. On s'est affronté deux fois, et il m'a donné plusieurs conseils dans le feu de l'action. Encore aujourd'hui, je continue d'appliquer ces méthodes.
Un silence se pose entre nous. Je relève la tête, et Aurore est toujours dans la même position.
-Dans ma jeunesse, je passais beaucoup de temps dans les bois, à m'entraîner à la survie. Grâce à cela, j'ai pu développer ma magie sylvestre et ma maîtrise de l'arc, jusqu'à ignorer les médias et les rumeurs.
-Tu n'es jamais allé dans une école d'archerie ?
L'elfe secoue la tête, avec sa queue de cheval qui lui met un bref coup sur son nez.
-Je n'ai jamais apprécié être entourée de plusieurs personnes suivant la même voie que moi. J'ai fait de la nature ma maison et où ma seule expérience me permettrait de survivre.
-Et tes parents ?
Son expression faciale passe de la réflexion à la froideur, mais pas autant que Mona. Sa main levée s'abaisse, allongeant son bras droit contre son autre bras devant elle.
-Mes parents ? Ils m'ont incité à suivre le parcours des autres enfants plutôt que de m'encourager à poursuivre ma propre voie. Dès que j'ai pu, j'ai cessé de les considérer comme mes parents. Je suis née à Lumisade, mais on a déménagé à Crieji, sauf quelques membres de ma famille.
-La vie n'a vraiment pas été gentille avec vous. rétorquais-je en baissant la tête.
-C'est-à-dire ?
-J'ai encore mes parents, bien que mon travail m'empêche de les voir souvent. Je peux profiter de ma vocation et agir selon mes convictions. Ganymède, Mona et toi avez des contacts faibles, ou même inexistants avec vos géniteurs...
A la fin de ma phrase, Aurore laisse échapper un petit rire, plaquant le dos de sa main contre sa bouche et se penchant vers l'avant. Je relève la tête, l'air sérieux.
-Pourquoi tu rigoles ?
-Désolé, c'est que je ne te pensais pas comme cela.
Je repense aux mots que j'ai prononcés, et cela me percute, comme j'ai l'habitude de me montrer toujours sérieux. J'esquisse un sourire tout en secouant la tête.
-Je confirme.
Un nouveau silence se pose entre nous, mais se fait couper par un petit bruit. Je tourne la tête vers l'origine du son, et c'est Mona qui fronce les sourcils, faisant bouger ses doigts. Sa main droite se pose au-dessus de son visage, son buste se levant et elle se met en position assise, ses jambes allongées.
-Arh...
Je n'ai pas le temps de me lever, car Aurore se trouve déjà à côté de l'humaine, posant ses mains sur ses épaules.
-Ne bouge pas trop, Mona !
Pendant cette aide, j'en profite pour me relever, plaquant mon fusil contre mon épaule et me rapprochant. Mona se secoue la tête, conservant sa main contre son front. Après qu'elle ait repris ses esprits, la guerrière a raconté ce qu'elle a vécu et les difficultés rencontrées. Après cela, on a expliqué ce qu'il s'est passé dans le monde réel, jusqu'à actuellement.
A la fin de notre récit, Mona se cache les yeux avec sa main. Aurore s'est assise à côté d'elle, tandis que je reste debout.
-Ce Brandon... Il a fallu que ce soit un maître des attaques mentales, et qu'en plus ce soit moi la cible...
-Que cela soit toi ou une autre personne, le résultat aurait été le même. Cela dit, vu tout ce que ton double t'as balancé à la figure, et que malgré cela tu sois de retour avec nous, c'est que tu es relativement forte.
Mona baisse la tête sur le côté, gênée de mes mots. Je regarde un bref instant à travers la fenêtre qui mène vers le devant de l'habitation, en sachant que nous sommes à l'étage. Les forces d'Avillon sont postées à l'entrée, accompagnée par ces pirates. Je ne vois pas les soldats d'Isola, cependant, ni dans les angles.
-Nos alliés nous attendent ? s'interroge Mona.
-Oui. en répondant immédiatement.
***
Bien que je sois au milieu des chevaliers qui discutent entre eux, ma conscience est connectée aux Chroniques. Mu en face de moi, avec Itren représenté sous nos pieds, j'ai entamé des recherches sur Brandon et Solphi.
Le nécromancien est toujours à Isola, à la frontière Est précisément, là où se trouve la Salle de Veneto, communément appelé la demeure de la Présidente. Pour ce qui est de Solphi, elle est toujours à Dakkeon, dans le palais du roi de la nation.
Je me suis renseigné sur ce fameux roi, ainsi qu'une autre personne importante, et ils sont tous en vie. Cela dit, il semble que les rebelles voulant libérer Dakkeon soient en difficulté. Il faut se dépêcher.
Mais ce qui me dérange, c'est que Ganymède est introuvable. Au départ, avec seulement Mona, qui n'avait forgé aucun lien avec lui, c'était peine perdue. Mais là, avec Aurore et Eluard, le résultat est exactement le même.
-{Avec ces fantômes et ses larges attaques, Brandon laisse penser que c'est le plus puissant des généraux en force magique. Sauf qu'il excelle surtout en attaque psychologique, plutôt qu'en combat. Solphi est celle qui dépasse les autres généraux si une mêlée générale n'impliquait que la magie, avec son pouvoir de foudre.}
Je repense rapidement à Frédérick, à Varhya, lors de son affrontement avec Mona.
-{Frédérick n'a pas vraiment de magie propre, ne se basant que sur sa force brute... Quant au dernier, Ian...}
Mes pensées se font couper par mon manque d'informations. Ce type ne s'est pas dévoilé lors de notre premier assaut, ce qui nous empêche de connaître son style de combat. Quelqu'un pose une main sur mon épaule, et en tournant la tête, c'est Mei.
-Altesse, ils arrivent.
-Qui cela ?
Avec son visage, elle observe une direction, et je suis son regard. La porte de la demeure où nous avons laissé M.E.G.A s'ouvre, et ils en sortent tous les trois. Aurore est la première, suivie de Mona l'air perdue, et enfin Eluard qui ferme la porte derrière lui.
Du coin du regard, je peux observer les autres chevaliers qui ont vu leur retour. Je redonne mon attention à Mona, qui s'approche vers moi pour qu'il ne reste que trois pas entre nous. On se regarde quelques secondes, sans que l'une ose dire quelque chose. Finalement, je brise le silence.
-Tout va bien, Mona ?
Elle hoche la tête, mais son regard vide d'émotions et ses mains serrées m'empêchent de savoir ce qu'elle ressent actuellement.
-Je vais m'en sortir.
-...
A mon absence de réponse, elle se tourne pour partir sur le côté, l'air blasée. Aurore me lance un regard en hochant la tête, me faisant comprendre que tout va bien. Je mets une main au niveau de mon menton.
-{J'ai peut être une solution...}
***
Nous avons repris le chemin vers l'Est, traversant Lanaquila, Incona et Peloza, tout en repoussant les forces ennemies. Adelyne m'a recommandé de rester en retrait, avec Mikhail, Mei et Eluard. Aurore est en première ligne avec Fram, Johan, Schneider et Astrid.
Les pirates et les soldats d'Isola obéissent chacun à leur véritable chef. Quand j'observe la différence de commandement entre Ricardo, la monarque et la présidente, je comprends pourquoi on dit que chacun dirige à sa manière.
Cela dit, être en deuxième ligne me permet de réfléchir, bien que mes objectifs actuels soient clairs : Dans la seconde où je revois ce nécromancien, et selon les ordres de Adelyne, je porterai un coup qui l'empêchera de combattre, car je compte bien connaître ses intentions.
-{Nous ne sommes qu'à la moitié du chemin... Le combat va être long.}
-Arrêtez-vous, chevaliers ! s'exclame Adelyne.
J'abandonne mes pensées pour relever la tête, figeant mes pas sur le sol. Devant nous, des impériaux sont en formation, d'un nombre tout aussi grand que lors de la rencontre avec Brandon. Un cercle noir se dessine dans le sol, d'où s'échappe une fumée digne de la mort, afin d'en faire sortir ce satané nécromancien.
Le général adresse un regard énervé, par son unique œil visible à travers un monocle. Adelyne, Rosanna, Helga et Walther avancent en première ligne. Discrètement, je me rapproche un peu, en veillant à être à bonne distance de l'ennemi.
-Je n'aurai jamais dû t'obéir, car ils sont encore en vie... commence Brandon, agacé.
-{... ?}
-Brandon, je ne te le demande qu'une fois. Abandonne. s'exprime Rosanna, sérieuse.
-Tu penses que je vais t'écouter, présidente ? J'ai commis une erreur, et je compte bien vous arrêter dès maintenant.
Brandon invoque deux mains ténébreuses, ces dernières appelant plusieurs fantômes qui envahissent le corps des soldats impériaux. Ils émettent chacun un bref cri de douleur, avant de se calmer et se mettre en position de combat.
Adelyne tend son bras sur le côté, soulevant sa cape par la même occasion.
-Chevaliers, tenez-vous prêts ! Conservez la formation !
C'est au tour de Rosanna d'élever la voix à ses soldats.
-Guerriers d'Isola, regardez le drapeau impérial qui flotte sur le rempart extérieur ! Ils piétinent la liberté et l'histoire de notre nation ! Notre devoir est de les chasser pour préserver l'avenir d'Isola ! Chargez !
Ricardo conclut le coup de moral en s'adressant à ses pirates.
-Mes frères et sœurs ! Travaillez de concert avec nos camarades d'Isola et avec les chevaliers d'Avillon !
***
Une minute que le combat a duré, dont j'observe le déroulement depuis le toit de la salle de Veneto. Un bref sourire se dessine sur mes lèvres, en voyant Brandon se démener avec ses soldats contre les forces ennemies.
Mes pétales de fleurs se promènent autour de mon corps, et mon regard affiche un plaisir plus que grandissant.
-{Allez, Brandon. Continue de te démener alors que ta défaite est prévue dès le début. Si tu utilises ton sort de corruption sur la monarque ou la présidente, tu auras l'ascendant psychologique.}
Je bouge mon regard vers Mona, qui est en deuxième ligne d'attaque, soutenant ses amis en envoyant des projectiles électriques.
-{On va voir si tu pourras supporter la prochaine étape de ce voyage, Mona. Je t'ai préparé quelques surprises.}
Je me retourne, faisant brièvement bouger ma cape et m'éloignant du bord du toit. Je tire ma lame et effectue une coupe verticale, invoquant des fleurs qui forment un cercle suffisamment large pour m'engouffrer. Je range mon arme et passe dans l'amas de pétales.
-{Pour qu'enfin on se retrouve en face.}
***
-A toi de jouer, Mona ! s'exclame Adelyne.
Les forces impériales faiblissent face à la force des chevaliers d'Avillon, d'Isola et des pirates. Je tourne mon épée dans ma main pour la ranger dans le fourreau, afin d'entamer une course vers l'ennemi, passant la première ligne de nos alliés.
J'esquive les attaques ennemies, que ce soit physique ou distance. Les blindés de l'Empire, équipés d'une lourde armure, d'un boulet de piques dans leur main droite et des lances-missiles dans leur dos, ne sont pas un frein pour moi.
En bifurquant à droite et à gauche, les missiles tombent à côté de moi, et dont le souffle de leurs petites explosions me permettent de me rapprocher de Brandon, qui ne tarde pas à me remarquer. Depuis le sol, deux mains spectrales griffues se révèlent à côté de lui, me prenant en charge.
A ce moment précis, l'action classique serait de me déplacer sur les côtés ou de faire un saut dans les airs, mais cela nécessiterait d'utiliser ma magie. J'augmente ma vitesse de course en renforçant mes appuis au sol, arrivant à passer entre les deux mains, droit devant. Rapidement, j'ai pu sentir la mort et la fumée qui émanait de ses mains.
Je me retrouve à moins de cinq pas de lui, pour prendre une ultime impulsion en me tournant sur moi-même, lui claquant un coup de pied dans le buste. Il se fait repousser de quelques pas, toujours sur son trône, et une main là où je l'ai frappé, se cambrant vers l'avant.
-Petite peste...
Dès que mes pieds reposent le sol, j'aperçois l'œil de Brandon afficher un pentagramme. Je le reconnais, c'est cette technique qui m'a plongé dans les ténèbres, sauf que je sais comment la contrer.
Les ténèbres se dévoilent dans le dos de Brandon, engloutissant le décor autour de nous. Je ferme les yeux pour ne rien voir, et fermant mes pensées pour ne rien écouter, déployant ma magie dans l'obscurité.
-{J'ai accepté cette vérité !}
J'ouvre les yeux, ma magie rugissant pour tirer des faisceaux qui percent les ténèbres dans cette fausse réalité. En une seconde, je reviens dans le monde réel, face à Brandon, et sans que ma magie ne soit présente. Le visage du nécromancien se fige, choqué, son pentagramme s'effaçant.
-Tu... ?
Je ne laisse même pas terminer sa phrase, car je me retrouve en face de lui, à portée de mon bras droit, le poing fermé. Deux anneaux électriques recouvrent mon avant-bras, une boule d'énergie avalant mon poing.
Mes cheveux virent au doré, et mes yeux se mettent à briller. Une vague magique passe de mon poing pour recouvrir tout mon bras, allant au-delà de mon épaule. Les cercles magiques se mettent à tournoyer, projetant des lignes électriques dans toutes les directions, illuminant la région.
Je plante mon pied gauche dans le sol, libérant ma surface électrique pour la rediriger vers mon poing qui se noie dans cette accumulation de magie. Mon bras se retrouve entouré par une tornade d'éclairs qui rugissent, que je balance au visage du nécromancien.
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