Chapitre 25
[3 jours plus tard, 10h]
S'il y a bien une chose qui n'a pas été simple, cela a été de convaincre Charles de nous prêter un de ces navires marchands capable de stocker nos provisions et aussi d'emmener les chevaliers.
Charlotte, Mikhail, Fram, Johan, Schneider, Mei, Astrid, Aurore et Mona. Tous mes chevaliers que j'emmène hors d'Avillon sont présents. J'ai donné le rôle de sécurité de la nation à Oswald, car il ne supporte pas le mal de mer. La plupart de mes tâches administratives ont été légués à mon administrateur, et Mu guette la citadelle. J'ai aussi demandé à quelques soldats de venir avec nous, pour ajouter un soutien.
Rouin m'a prêté un communicateur pour que l'on puisse discuter à distance, pendant notre voyage dans le continent central. En sortant de la cabine, j'aperçois Fram et Johan discuter entre eux vers le côté droit du pont central, profitant de la vue marine.
Un peu plus loin, Charlotte, Mei, Astrid et Aurore discutent entre elles. Au-dessus de moi, sur le pont avant, Schneider semble détendu. En haut du mât, Mikhail est assis, guettant les environs.
Cependant, je remarque que Mona n'est pas sur le pont principal, mais au bout du pont arrière, perdue dans ses pensées. Depuis les derniers événements, je ne peux plus la voir comme celle que j'ai connu par le passé, ni comme la guerrière que l'on a sauvé aux Bois de Nibelon.
***
Mes bras sont couchés sur la barrière aux limites du pont inférieur, où mon regard se perd dans cet océan infini, le bruit des vagues atteignant mes oreilles et mes cheveux qui se balancent avec la brise.
Je n'arrête pas de réfléchir à ce qu'il s'est passé dans le désert, après que j'ai porté secours à Aurore et en ayant tué ce "Frédérick". Je ne voulais clairement pas lui ôter la vie, mais je n'avais pas l'information sur son armure qui le maintenait en vie.
Quand je m'étais réveillé, Mei m'a donné un avertissement pour mon "déchaînement", comme j'ai coutume de l'appeler, car c'est approximativement cela. Elle m'a mis en garde sur les possibilités de cette technique, et que si je veux l'utiliser, mon corps ne peut tenir que pendant quinze secondes.
Son avertissement m'arrange, car cela m'évitera de m'en servir à tort et à travers. Je ne me souviens même plus de la dernière fois que j'ai eu recours à cela, mais c'était il y a si longtemps que je ne m'en rappelle pas. C'est en ayant été au-delà de mes larmes et pour sauver Aurore que j'ai laissé mon imagination faire, et qui a réveillé ce pouvoir enfoui.
-Mona ?
Je tourne la tête d'un air nonchalant vers la voix qui m'appelle, et c'est Adelyne qui ravit les marches pour me rejoindre vers la balustrade. Je bouge un peu mon corps pour lui faire face, en gardant une main sur la barrière.
-Altesse.
-Tout va bien ? Tu donnes l'impression d'être complètement perdue, depuis Varhya.
Je baisse la tête en prenant un air déprimé, sans répondre immédiatement. Le silence que je laisse paraître se fait rapidement couper par le bruit des vagues.
-Je le suis.
Je retire ma main de la barrière pour aller vers le bout du pont, avec le bruit des pas de Adelyne qui semble me suivre.
-Au départ, je n'étais venu que pour être certaine que Ian soit encore en vie pour me venger...
J'aplatis mes bras sur la balustrade qui protège de l'arrière du pont, et Adelyne se met à ma droite.
-Mais au fil de nos rencontres, de mes retrouvailles avec Aurore, et de ce qui s'est passé à Varhya... Je me suis rendu compte que je n'étais pas prête à revenir ici pour la troisième fois.
A ma phrase, Adelyne n'ose pas répliquer. Après un bref silence et un passage de deux mouettes dans le ciel, je continue.
-Je suis trop faible d'esprit. Je me suis laissé aveugler par ma haine sans penser aux conséquences de mon entourage, et ai ignoré vos mises en gardes, ce qui vous a compliqué certaines choses, notamment à Rhodon...
-Le principal est que nous ayons chassé l'Empire.
La main de la monarque se pose sur mon épaule, et je plonge mon regard dans le sien. Son air est sérieux, mais aussi compatissant.
-On ne peut pas rationaliser la guerre. Elle bouleverse toujours plus de vie que ce que l'on peut imaginer, et peu importe nos actes, on ne peut pas empêcher le fait qu'il y ait des victimes. Voilà le monde dans lequel on se bat.
Cela me fait bizarre d'entendre la monarque parler de cette façon, et cela a un côté assez réconfortant. Je baisse la tête, car j'ai une question à lui poser, et je ne peux pas la regarder en face.
-Dîtes, est-ce que vous me trouvez faible ?
Un silence assez gênant se pose, et suffisamment longtemps pour que le bruit de six vagues caresse la coque du bâteau.
-Tu es sans aucun doute une guerrière bien plus forte que mes chevaliers, quand il s'agit d'être sur le champ de bataille. Mais ta force est limitée par ton mental fragile et ton instabilité émotionnelle, ce qui te fait rapidement perdre le contrôle.
-...
-Qui plus est, ce n'est pas ton épée.
Sa remarque me fait serrer ma main droite, et une larme s'échappe de mon œil droit que je me dépêche de dégager d'un revers de main.
-Oui...
-Où est passé ta vraie épée ?
-Elle a été détruite ce jour-là...
Bien que mon cœur me fait mal dans ma poitrine, je n'ai plus cette envie de pleurer pendant plusieurs minutes. Est-ce que c'est car j'arrive à mieux supporter mon traumatisme, ou parce que je suis en face de la personne qui en sait le plus sur mon passé ?
-{Est-ce que ce n'est pas de cette présence dont j'ai besoin, au final ?}
Une nouvelle fois, la main de Adelyne se pose sur mon épaule,et je relève la tête.
-Mona. La vie va te mettre face à des épreuves de plus en plus dures, et à n'importe quel moment. Tu n'es pas obligé de garder tes problèmes pour toi, car les chevaliers se traitent comme une famille.
-...
Au fond de moi, je peux sentir un certain réconfort, suite à ces mots. Je ne comprends pas comment une monarque peut me parler d'égal à égal. Sans prévenir, Mikhail arrive par les airs, comme s'il venait de plonger du haut du mât, et s'agenouille pour faire face à la monarque qui lui donne son attention.
-Altesse, deux navires sont amarrés vers l'Est. En vue de leur type de construction et de leur nombre de voiles différents, cela doit être un conflit entre l'Empire et Isola.
La monarque tend son bras sur le côté, levant sa cape.
-Ordonne un cap vers les deux navires à l'officier qui guide le bateau !
-A vos ordres !
Mikhail se dirige d'un pas rapide vers la cabine du capitaine, où se trouve le gouvernail et celui qui s'occupe de diriger le navire. Avec Adelyne, on descend sur le pont central, et les chevaliers se rassemblent.
-Chevaliers, nous allons venir aux aides aux combattants d'Isola ! Faites attention à ne pas les blesser et restez sur vos gardes !
***
-Capitaine Ricardo, derrière vous !
Avec mes deux sabres, je les guide dans mon dos en les plaçant pour former une croix qui bloque un coup d'épée magique d'un impérial. Je me retourne d'un coup et lui tranche la gorge avant de le balancer par-dessus bord d'un coup de pied. Mes yeux lancent un regard vers Pippin, celui qui m'a averti.
-Merci, camarade !
Mes oreilles humaines et félidés perçoivent différents sons, mais ce n'est que les impériaux qui étaient restés sur leur navire qui décident à grimper sur le nôtre. Je lève un de mes sabres pour pointer le second vers les impériaux, alors que mes pirates se regroupent derrière moi
-Vous voulez toujours en découdre, Empire de Gallus ?! Allez, approchez !
Alors que l'affrontement allait commencer, un bruit d'animal inconnu se fait entendre, résonnant tout autour de nous. Une grande ombre passe sur le bateau, et en levant la tête, c'est un griffon avec un corps astral qui se présente dans les airs.
Cependant, il porte sur son dos quelqu'un, et cette personne ne tarde pas à sauter de sa monture. Rapidement, une aura jaune enveloppe le corps de celle qui est descendu, et qui n'a besoin que d'une seconde pour frapper violemment le navire des impériaux amarrés à côté du nôtre.
L'impact est d'une violence extrême, avec deux gros éclairs qui surgissent du ciel pour frapper de plein fouet le navire. Le souffle est si violent que mes pirates manquent de perdre l'équilibre, même ceux qui sont les plus éloignés.
La plupart des impériaux tombent au sol, d'autres se prenant des petits éclairs qui s'étaient échappés du point d'impact. Rapidement, de grandes flammes se révèlent sur le navire, provoquées par cette attaque fulgurante.
-{C'était quoi... ?}
Dans l'amas de fumée et entre les flammes, une silhouette se relève. De longs cheveux qui descendent jusqu'en bas de sa nuque, une robe blanche qui finit en demi-voile pour cacher une seule jambe, et une épée en main.
Cette personne se relève et commence à marcher hors de la brume dans notre direction, avec un rythme et une allure menaçante qui donnent un côté spectaculaire avec les flammes. Je ressens un bref frisson dans le corps, car elle me rappelle clairement quelqu'un.
C'est ensuite son visage à l'air libre. Sérieux, le regard déterminé, et ses cheveux qui virevoltent sur le côté. En un battement de cils, un bruit d'éclair accompagné d'un flash aveuglant nous bloque la vue partiellement, et s'ensuit les cris de douleurs des impériaux.
Une fois que l'on peut voir, les imépriaux étaient sous couchés, ensanglantés, avec au milieu la femme qui a son bras tendu sur le côté avec son arme.
-Capitaine, un bateau se rapproche !
J'ai parfaitement entendu mon camarade, mais je ne peux pas m'empêcher de regarder cette femme, car son visage ne m'est pas inconnu. Notre bateau entre en collision partielle avec un autre, et quand je tourne la tête, je reconnais immédiatement les chevaliers d'Avillon, avec la monarque qui arrive avec eux.
***
-Mikhail, Aurore, surveillez les environs. à l'attention de ces derniers.
Les concernés hochent la tête et partent à deux points opposés du bâteau des pirates, alors que je fais face à Ricardo, le chef des pirates de Lodoss. Il me reconnaît et plaque son poing dans son autre main devant lui.
-Ravi de te revoir, monarque d'Avillon !
-Moi de même, Ricardo de Caleccia.
Le demi-félidé abaisse ses poings et prend un air intrigué.
-Honnêtement, je ne pensais pas que vous seriez encore debout. J'avais même théorisé sur le fait que votre nation soit tombée sous la force de l'Empire, quand j'ai eu vent du chaos en Occident.
-J'ai dû rester sur la défensive pendant longtemps, car j'attendais du renfort.
En disant ces mots, je lance un regard vers Mona qui range son épée pour retourner à mes côtés. Je remarque Ricardo qui lance un regard étrange vers la guerrière qui se place à ma droite.
-Je ne l'ai jamais vu, c'est une nouvelle chevalière ?
-Pas exactement. je lance un regard à l'attention de Mona. Tu veux te présenter ?
La concernée me lance un bref regard en hochant la tête, puis avance d'un pas.
-Je suis Mona Olkelda. Je viens de Crieji, une nation alliée à Avillon et je fais partie des Héros de l'Aube, les guerriers les plus forts de notre nation.
Ricardo ne réplique pas encore, croisant ses bras et étant dans une profonde réflexion, malgré son regard méfiant.
-Tu viens de dire Crieji ?
-En effet. Je ne suis pas la seule à être venue. Elle indique Aurore du regard, sur le pont supérieur du bâteau. Aurore, là-bas, est avec moi. De base nous sommes venus à 4, mais on a été dispersés.
Ricardo me redonne son attention, et il aborde un visage que je n'ai jamais vu chez lui.
-Tu peux demander à Aurore de venir ?
-Bien sûr.
J'appelle Aurore, et elle nous rejoint rapidement sur le pont principal. Elle se présente à Ricardo, et ce dernier fait de même. Suite à cela, il se gratte la tête.
-Du coup, vous venez toutes les deux de Crieji, mais votre navire s'est fait intercepter par l'Empire ?
-Précisément. Ils ont eu recours à l'une des calamités, celle appelée le fléau des océans. réplique Aurore.
-Pourquoi nous demander cela ? enchaîne Mona.
Ricardo laisse un silence assez malsain, avant de se gratter la tête.
-Il y a deux semaines, quand on attaquait un navire, un étranger nous a confondu avec l'Empire, mais a rapidement entendu raison. Il disait venir de Crieji, et qu'il était l'unique survivant du bâteau qui a sombré. Pendant une semaine, suite au naufrage, il a poursuivi le dieu de la mer avant de nous trouver.
-Qui c'était ? demande l'elfe.
-Un lycan qui maniait un fusil. Il s'appelait Eluard.
En écoutant ce nom, je mets une main vers mon menton.
-{Mu m'avait dit que Eluard était présent à Itren mais qu'il n'avait jamais posé le sol sur une des nations... C'est donc car il était resté sur la mer.}
Je remarque Mona et Aurore qui affichent une mine surprise, et c'est bien normal. Mona fait un pas en avant.
-Où est-il ?
Un nouveau silence de Ricardo, et il baisse la tête ainsi que les oreilles.
-On s'était fait une promesse : s'il nous aidait contre l'Empire, on le déposerait en Occident, car il voulait se rendre à Avillon. Le lendemain même, le dieu de la mer nous a encore attaqué. Eluard est resté sur le navire impérial qu'on a arrêté pour distraire le dieu de la mer pour que l'on s'échappe... Nous ne l'avons plus revu depuis.
Ricardo fait un signe de main particulier à l'attention d'un de ses pirates, et il arrive avec une arme à feu dans les mains : un fusil à pompe qu'il donne au capitaine.
-Il a envoyé ce fusil dans notre direction avant que le dieu de la mer détruise le bâteau où il était resté. Vu que c'était un de vos amis, c'est tout naturel qu'il vous revienne.
Je peux voir Mona et Aurore qui sont attristées, et je leur demande de s'écarter pour qu'ils puissent faire leur deuil. Une fois qu'elles sont un peu éloignées, je redonne mon attention à Ricardo.
-En parlant du dieu de la mer, est-ce vrai qu'il est plus calme ces derniers temps ?
Le demi-félidé se gratte une nouvelle fois la tête.
-Ouaip... Je ne sais pas si c'est une coïncidence, mais c'est depuis le sacrifice de cet Eluard. Nous n'avons même plus rencontré d'ondines depuis ce jour.
-Je vois...
Ricardo reprend une posture adéquate.
-J'aimerais t'amener à la planque des pirates pour que l'on parle de la stratégie à adopter.
Je connais très bien Ricardo, et quand il fait ce genre de demandes, c'est pour une seule chose.
-Tu ne dis pas cela car tu as peur de Bianca ?
Il affiche un bref sourire sur ses lèvres.
-Elle a été rappelée à Isola suite à l'Empire qui faiblit à cause de leurs routes d'approvisionnements que je bloque avec mes compagnons. Ce n'est pas sur les Îles Ballar que nous allons la revoir.
-Je comprends. Dans ce cas, on va te suivre.
[11h, à la planque des pirates]
Une caverne située dans la partie nord des îles, avec une arrivée par la mer et un début de port pour abriter les bateaux. C'est dans un lieu comme celui-ci que Ricardo nous a guidés, après que l'on ait stoppé deux navires d'approvisionnements appartenant à l'Empire.
On s'amarre à un emplacement libre, et on descend chacun notre tour, et les pirates ne tardent pas à fêter le retour de leur capitaine. Une personne se rapproche davantage, avec des caractéristiques de chats sur le visage, que ce soit la bouche où la fourrure qui englobe ses joues et son front.
Il y a même une épaisse fourrure orange dépassant du haut de sa tenue de pirate, et il observe son capitaine avec un cache-œil qui couvre son œil gauche.
-Bon retour, chef !
-Enchanté, Morgane. J'ai ramené Avillon avec moi, la monarque est avec eux.
Morgane me remarque, mais son regard se fait d'un coup très hostile, avec une expression plus sérieuse.
-Avillon... Bon retour parmi nous.
Suite à ces mots froids, elle redonne son attention sur Ricardo pour lui susurrer quelque chose à l'oreille. Pendant ce temps, j'observe les autres chevaliers, et Mona a dans ses mains le fusil de Eluard, tandis qu'Aurore observe les environs avec Mikhail et Astrid. Mei se rapproche de moi, en ne quittant pas du regard Morgane.
-L'hostilité dans ces mots était vraiment puissante.
-C'était comme avec Krom à Rhodon, il nous tenait pour responsable de ce chaos.
-Capitaine ! Capitaine ! s'exclame un pirate.
Tout le monde donne son attention au pirate qui court assez vite mais dont il manque de perdre l'équilibre à chacun de ses pas. Il finit par s'arrêter face à Ricardo, en reprenant son souffle avec de grandes bouffées d'air.
-Du calme et explique ce qui se passe. enchaîne le capitaine.
-Il... Il est là !
D'un coup, la tension dans l'air se fait écrasante. Le pirate fusille du regard une certaine direction, ce que tout le monde se met à suivre. Cependant, là où mes chevaliers restent indifférents, ce n'est pas le cas de Ricardo qui ne cache pas sa surprise.
Je suis également surpris, bien que cela soit la première fois que je le rencontre. A ma droite, Aurore et Mona avancent lentement, silencieuse et les yeux grands ouverts. Vêtu de son armure noire un peu épaisse, avec ses cheveux blancs en épi, sa peau métissée et son regard qui peut tuer n'importe qui.
-Alors vous êtes en vie...
Le fusil dans les bras de Mona se met à briller pour rejoindre celui qui arrive, qui le saisit avec une seule main par le canon. Avec son autre main, il place ses doigts vers la détente et pose le canon sur son épaule droite, le bout incliné vers l'arrière.
-Mes camarades.
-Eluard. réplique Ricardo.
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