Un mois, un mois s'était écoulé sans que Chan n'ait de nouvelles de Changbin. Un mois passé dans l'appréhension et l'inquiétude. Il ne savait pas si Changbin était bien arrivé en Chine, il ne savait pas s'il y était encore ou si la milice chinoise l'avait renvoyé en Corée du Nord. Il ne savait pas s'il était encore en vie.

Pour certain, un mois n'était que quatre pauvres semaines, pour Chan cela semblait être une éternité. Ses sentiments étaient nouveaux, vifs et non ternis par les années et s'en était que plus douloureux. Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire, on lui disait de garder espoir, que tout n'était pas perdu, qu'il y avait sûrement une raison derrière un si long silence. Mais rien n'y faisait, il relisait sans cesse les quelques mots du dernier message que Changbin lui avait envoyé, dans l'infime espoir d'en voir apparaître des nouveaux.

Je t'aime. Ces mots restaient ancrés dans sa tête comme un parasite, ils tournaient en boucle encore et encore, ils résonnaient dans son cœur d'une telle puissance qu'il le sentait parfois chavirer. Je t'aime. C'étaient les derniers mots du message du Nord-Coréen. Je t'aime. C'est ce qu'il rêvait de pouvoir lui dire de vive voix, de lui murmurer comme de lui crier. Je t'aime. C'était aussi beau que meurtrier.

Il était encore coincé dans cet enfer du champ de bataille bien que cette guerre semblait toucher à sa fin. Hyunjin avait été mis au courant de tout et bien que très sceptique face à l'idée, il n'en avait pas voulu à Chan de ne pas lui en avoir parlé avant. Il avait préféré soutenir son frère d'armes et de cœur plutôt que de le juger d'essayer de sauver des vies. Minho aussi venait de temps en temps s'enquérir de l'état de son lieutenant et était devenu plus clément avec lui. On pouvait d'ailleurs noter un certain rapprochement entre le colonel et Hyunjin mais ils se gardaient bien d'en parler à qui que ce soit.

Et pourtant, un soir, Chan reçut un message sur son petit téléphone usé, un message qui ne pouvait provenir que d'une seule personne. Un message de Changbin. Il était tout aussi court que le précédent, quelques lignes à peine, mais qui suffirent pour apaiser l'esprit tourmenté du militaire. Changbin quittait le Chine pour la Thaïlande avec Jisung. Ils se rapprochaient de plus en plus de leur but.

Changbin lui, venait d'éteindre son téléphone après avoir envoyé son message. Il ne voulait pas voir la réponse de Chan car il ne voulait pas accentuer le manque qu'il ressentait déjà. C'était aussi la raison qui l'avait poussé à ne pas contacter son aîné durant tout le mois, il savait que de lui parler sans pouvoir le voir tout de suite ne leur ferait plus de mal qu'autre chose, enfin dans sa théorie. Il avait eu peur de tout précipiter à cause de l'empressement et de griller des étapes importantes. C'est pour ça qu'il ne voulait pas lire les messages de Chan, il savait qu'ils lui briseraient le cœur.

Durant ce mois passé en Chine, les deux nord-coréens avaient enchaîné les petits boulots pour pouvoir accumuler un peu plus d'argent pour financer les derniers trajets qu'ils avaient à faire ainsi que leur petit séjour en Thaïlande. Ils avaient dû tout recommencer à zéro alors l'argent était vite venu à manquer, mais ils étaient parvenus à amasser une somme suffisante pour la dernière ligne droite.

Le noiraud traînait toujours la plaquette militaire de Jeongin partout avec lui. D'une certaine façon, il avait l'impression qu'une part de lui les accompagnait dans ce long périple et c'était sa manière de faire son deuil. Il lui serait éternellement reconnaissant de lui avoir permis de vivre, de goûter à sa liberté.

Et à présent, Jisung l'attendait pour embarquer dans l'avion qui leur ferait quitter la Chine. C'était la première fois qu'il prenait ce genre d'engin et il avait bien du mal à cacher son stress. Mais il rejoignit son meilleur ami, après tout ce qu'il avait traversé, ça ne serait pas un stupide moyen de transport qui allait l'arrêter, pas maintenant.

Ils avaient réussi à passer les contrôles sans problèmes malgré leurs faux papiers et ils se retrouvèrent rapidement dans l'avion prêt à décoller pour un autre pays. Ils en avaient pour trois heures de vol mais ça paraissait tellement minime comparé au reste. Une fois arrivés sur le sol thaïlandais, ils devraient sûrement rester encore quelque temps, histoire de trouver les places pour leur dernier vol et préparer leur arrivée en Corée du Sud.

Le stress laissait petit à petit place à l'excitation, celle de se rapprocher de ce dont il avait tant rêvé. Et savoir que quelqu'un l'attendait, mourait d'impatience de le revoir, lui réchauffait le cœur. Il avait l'impression qu'une fois arrivé, il serait chez lui, à la maison avec Chan sans qui rien n'aurait été possible. Le lieutenant n'en était peut-être pas conscient, mais il avait sauvé la vie de Changbin de bien des manières.

Quand la solitude le rongeait, il était présent pour lui. Quand il perdait espoir, il lui redonnait goût en ses rêves. Si au début il profitait un peu de la gentillesse de Chan, il était rapidement devenu l'un des piliers qui l'avait empêché de se faire sauter la cervelle. Il s'était accroché à lui comme à une bouée de sauvetage, sans se rendre compte qu'il en était une aussi pour le brun.

Bien sûr, il redoutait un peu le moment où ils allaient se retrouver en face-à-face, sans frontières ni menaces. Il craignait que ça soit différent, que Chan se rende compte qu'au final ça n'en valait pas la peine, que sans l'adrénaline, leurs sentiments paraissent plus fades. Tout un tas de questionnements tournaient dans sa tête et Jisung avait parfois envie de le secouer pour qu'il se rende compte qu'il se faisait des films.

Tout le monde ne prendrait pas autant de risques pour sauver quelqu'un par amour si les sentiments n'étaient pas aussi forts. Bien sûr Jisung ne connaissait pas Chan, il ne l'avait jamais vu, mais rien que le fait que le soldat l'ai aidé aussi sans lui avoir parlé et simplement car Changbin lui avait demandé ; lui prouvait que qu'il ne laisserait pas tomber le noiraud si facilement. Et il ne croyait pas si bien dire...