La tension s'était légèrement relâchée chez les Nords-Coréens, ils avaient eu l'autorisation de boire un verre de Kaesong pour le jour de l'an ainsi que de se reposer un peu. Mais il devait toujours avoir des soldats prêts à l'attaque en cas de besoin. En ce jour, Changbin était terriblement stressé, c'était le jour J et il ne pouvait plus faire machine arrière.

Lui et Jeongin avaient vu et revu le plan pour s'assurer de ne laisser aucune faille et avaient préparé des affaires le plus discrètement possible. La nuit commençait à tomber et l'heure du grand départ approchait lentement, mais sûrement. Plus les minutes s'écoulaient, plus Changbin réalisait qu'il allait quitter définitivement son pays natal. Enfin, si tout se passait bien.

Le moment propice finit par arriver, les soldats célébraient le nouvel autant qu'ils le pouvaient et personnes ne s'occupaient des deux soldats. C'était cet instant et pas un autre. Ils devaient fuir maintenant.

Sac sur l'épaule, Jeongin et Changbin se faufilèrent dans des passages très peu utilisés pour quitter leur camp. Leur respiration était contrôlée et chaque pas était posé avec précaution pour faire le moins de bruit possible. Ils arrivèrent enfin sur une grande plaine qui s'étendait devant eux, ils avaient maintenant plus qu'à courir, courir pour sauver leur vie.

Et c'est ce qu'ils firent, ils avaient enfin l'impression de pouvoir toucher à cette liberté tant désirée. Mais c'était sans compter sur un soldat qui faisait sa ronde plus tôt que prévu. Si seulement il n'avait pas fait feu, si seulement il était arrivé quelques minutes plus tard...

Un coup de feu. Un bruit sourd. Un cri.

- Des déserteurs !

Changbin s'était retourné, stoppant sa course, pour se précipiter vers Jeongin effondré au sol toujours conscient, une balle dans le ventre. Les mains tremblantes, il essayait de couvrir la plaie, retenant un maximum ses larmes. Mais Jeongin l'arrêta dans ses gestes pour arracher sa plaquette d'identification autour de son cou avant de lui confier, la respiration sifflante.

- Pars...

- Je vais pas te laisser derrière...

- Vas t'en, il le faut, fait le pour moi.

- Je t'abandonnerai pas !

- Putain mais dégage ! Laisse-moi crever ou tu vas mourir aussi !

- Jeongin...

- Casse-toi ! Cours ! Pour ta liberté !

La voix de Jeongin s'était brisée à la fin de sa phrase, ses forces s'épuisaient et les autres soldats se rapprochaient. Alors Changbin s'était penché pour embrasser le front de Jeongin avant de se relever.

- Pour la liberté.

Et il courut, sans se retourner une seule fois, il courut jusqu'à la première ville où l'y attendait Jisung, Pyonggang. Sa gorge le brûlait à cause du froid, ses jambes le portaient sans réfléchir, il trébuchait plusieurs fois mais se relevait toujours, serrant la plaque métallique de Jeongin dans sa main, des larmes roulant sur ses joues.

Il finit par arriver aux abords de la ville, essayant de repérer le pick-up de Jisung. C'est après plusieurs minutes qu'il parvient enfin à le retrouver et il balança ses affaires dans la benne avant de monter aux côtés de son ami.

- On dégage.

- Et Jeongin ?

Pour toute réponse le noiraud ne fit qu'ouvrir la main pour révéler l'objet tâché de sang à l'intérieur et Jisung compris. Il démarra sans un mot, un peu sous le choc de la nouvelle et conduisit le plus rapidement possible vers leur destination, ils ne devaient pas louper la traversée. Bien vite, plus aucun lampadaire n'éclairait la route les plongeant dans une obscurité angoissante, les phares n'étant pas très puissants.

Changbin fixait l'extérieur comme si des soldats pouvaient surgir de l'ombre à tout moment pour les descendre, mais rien ne se produisit et ils arrivaient progressivement jusqu'au fleuve qui les séparait de la Chine. Juste avant de descendre, Changbin alluma son petit téléphone pour envoyer un message à Chan. Il l'avertissait du fait qu'ils continueraient la route à deux et qu'ils allaient traverser la frontière.

Chacun prit ses affaires et ils marchèrent plusieurs minutes dans la cambrousse avant d'apercevoir une embarcation avec quelques personnes. C'était le passeur avec d'autres nord-coréens.

- Vous deux, le paiement se fait avant.

Jisung sortit une grosse liasse de billets de son sac pour la tendre à l'homme au fort accent face à eux.

- C'est suffisant ?

- Montez.

Les deux garçons ne se firent pas prier et montèrent rapidement sur l'embarcation. Quelques personnes dévisageaient Changbin qui n'avait pas eu le temps d'enlever son treillis, d'autres fixaient les alentours, inquiètes.

L'heure du départ fut annoncée et l'embarcation commença à glisser sur les eaux du fleuve frontalier. Ils en avaient pour plusieurs heures de navigation et Jisung conseilla à Changbin de dormir un peu, il le réveillera si besoin. Alors, Changbin se laissa aller dans les bras de Morphée espérant pouvoir effacer le visage de Jeongin de sa tête ne serait-ce que quelques instants.

Son sommeil ne fut pas très réparateur, entre le froid et les mouvements des flots, mais c'était toujours ça de gagné. Il faisait encore nuit quand ils arrivèrent au camp de réfugiés tenu par des volontaires. Cela fit du bien à Changbin d'enfin retrouver la terre ferme, mais il avait encore du mal à réaliser qu'il se trouvait à présent sur les rives chinoises, que petit à petit son rêve devenait réalité.

Ils furent emmenés vers une grande tente qui abritait une sorte de cantine. Tous se firent enregistrer avant de pouvoir aller manger, ce n'était pas grand-chose mais ça faisait quand même du bien d'avoir quelque chose dans l'estomac. Jisung et Changbin mangeaient face à face dans un silence pensant. Chacun réalisait petit à petit tout ce qui s'était passé et ce qui les attendait encore après pour enfin atteindre la Corée du Sud.

Changbin se sentait mal pour Jeongin, il y avait peu de chances qu'il soit encore vivant, il était soit mort de sa blessure, soit achevé par les soldats. La Corée du Nord ne pardonnait rien aux déserteurs, ils n'étaient que des traîtres envers le pays et leur dirigeant qu'il fallait exécuter.

Le jeune garçon avait toujours rêvé de devenir chirurgien, mais ses espoirs avaient été brutalement réduits en cendres. Le noiraud espérait au fond de lui que dans une autre vie, son cadet puisse poursuivre son rêve en toute sérénité, loin de la violence de la guerre.

Après avoir mangé, Changbin avait pu se changer et rejoindre la tente qu'il partageait avec Jisung. Il était tellement content que son meilleur ami soit avec lui, rien ne l'obligeait car ses conditions de vie n'étaient pas mauvaises grâce au post de son père mais pourtant, il l'avait suivi sans hésiter. Et ça, il lui en serait éternellement reconnaissant.

Juste avant de s'endormir, le noiraud se fit la promesse de se battre jusqu'au bout pour arriver à destination. Il se battrait pour Jeongin, pour Jisung et pour Chan qui lui manquait. Oui, il se battrait coûte que coûte.____.•°*°•.____

Vous allez bien ? Toujours en vie ?
Je fournis les mouchoirs...