Chapitre 2
Trois jours, trois longs jours que les attaques duraient. Les hostilités avaient rapidement recommencé et des détonations résonnaient dans l'air jusqu'à tard dans la nuit. Les soldats couraient de partout, des blessés se faisaient évacuer, des douilles tombaient dans tous les sens, s'effondrant au sol dans des bruits métalliques peu rassurants.
Chan n'avait que très peu dormi, devant diriger ses hommes d'une main de maître. De plus, le colonel n'était pas très tendre avec lui non plus. Tout le monde était en stress, les nerfs à vif et il n'était pas rare qu'une embrouille commence au sein de leur rang. Et bien sûr, c'était sur Chan que tombait la tâche de calmer les tensions.
Encore une fois, des broutilles naquirent à cause d'un faux pas et les deux soldats ne prêtaient presque plus attention au combat qui se déroulait autour d'eux. Chan intervint pour la énième fois, hésitant fortement à leur coller une belle paire de baffes. Mais le brun se retrouva un peu trop à découvert.
Une balle perça l'air bien trop rapidement pour capter l'attention des trois hommes et elle érafla la pommette droite de Chan, emportant avec elle une petite partie du haut de son lobe d'oreille en un sifflement aigu. Un trou en demi-cercle sanguinolent avait pris place sur le pavillon, lui faisant perdre sa forme originelle. Le même liquide vermeil coulait le long de sa joue, tâchant sa peau pâle.
Les deux soldats cessèrent immédiatement leurs enfantillages et regardèrent, apeurés, leur supérieur porter la main à sa joue avant de regarder ses doigts tachés. Comme si voir le sang lui permit de réaliser ce qu'il venait de se passer, il ressentit une vive douleur lui brûler l'oreille et lui piquer la joue avant d'adresser un regard noir à ses soldats.
Alors c'était comme ça. Les soi-disant frères d'armes qui s'étaient juré d'être toujours présent pour les uns pour les autres, se retrouvaient à se montrer les crocs à leurs risques et périls. Toute communication était biaisée par ces tensions qui régnaient. Même le meilleur des amis devenait un ennemi. On en venait à se méfier de son voisin de couchette.
Chan fit signe aux deux hommes de se replier le plus rapidement possible avant qu'il ne s'énerve. Il les suivit de près pour s'assurer qu'ils ne recommençaient pas et aussi pour aller calmer la douleur lancinante de ses blessures.
***
C'est comme ça que Chan se retrouva avec quelques points de suture sur la pommette et un pansement à l'oreille. La douleur était encore présente, mais au moins le sang ne coulait plus. Le combat avait enfin cessé dans la soirée, un peu avant l'heure du dîner. Les rations avaient été distribuées il y a quelques minutes et certains soldats commençaient à manger dans un silence pesant.
L'incident de Chan avait circulé dans tout le camp et les hommes avaient commencé à prendre conscience de l'absurdité de la situation. De plus, le colonel Lee Minho n'y était pas allé de main morte avec eux, voulant leur faire comprendre leur bêtise.
L'ambiance commençait à devenir trop lourde pour le brun, il n'avait même plus envie de manger sa ration, regardant le riz lyophilisé reprendre un aspect normal dans son sachet. Mais en croisant le regard sévère de son supérieur, Chan commença à manger du bout des dents.
Le sachet de riz bien au chaud dans son estomac, Chan pris les quelques snacks donnés avec sa ration et quitta discrètement le camp pour aller respirer un air moins lourd. Il se demandait s'il allait réussir à dormir ce soir, ça faisait trois nuits qu'il dormait très mal et ça commençait à se faire ressentir.
Après un bon quart d'heure de marche, le jeune homme réussit à trouver un petit coin assez éloigné de la zone de combat et donc plutôt sans risque, du moins, il espérait. Il s'adossa contre un arbre et commença à grignoter les petits gâteaux secs qu'il avait emmenés.
Il s'était perdu dans ses pensées en mâchonnant, ses yeux fixant un point imaginaire au loin. Il se demandait quand est-ce que cette mascarade allait s'arrêter, ça commençait à devenir long et malgré ses quelques jours de permission, sa famille et ses amis lui manquaient.
En général, il était plutôt confiant en ses capacités mais, après l'incident d'aujourd'hui, il commençait à se demander s'il allait en sortir vivant.
Un bruissement de feuilles retentit derrière lui, le tirant de ses sombres pensées. Le brun se redressa et commença à regarder les environs. Tous ses muscles étaient tendus, prêt à réagir au moindre mouvement.
Soudain, une branche se brisa juste derrière lui et Chan se retourna brusquement, se retrouvant avec le canon d'un pistolet contre la tempe alors que sa propre arme était chargée contre la gorge de l'autre.
Les deux hommes se regardèrent en chiens de faïence, le doigt sur la détente, prêt à appuyer. Chan était assez surpris de reconnaître le petit soldat nord-coréen de la dernière fois mais ce n'était pas pour autant qu'il ne se méfiait pas. Un ennemi reste un ennemi malgré tout, rien ne pouvait l'empêcher de le descendre ici et maintenant.
Et pourtant, ce fut Changbin qui baissa son arme le premier, non sans surveiller le moindre de ses faits et gestes. Chan hésita un peu avant d'en faire de même, gardant quand même le cran de sécurité enlevé.
- Lieutenant.
- Soldat.
Un silence pesant s'installa entre les deux hommes. Ils ne se connaissaient pas et ne devaient pas trop en dévoiler au risque de se faire trahir la seconde d'après. Et Changbin remarqua le pansement ainsi que l'éraflure sur la joue du brun en face de lui.
- Le combat a été rude ces derniers jours...
- Avec ce temps le terrain était bien plus glissant et ça ne va pas aller en s'arrangeant...
- Ouais.
Un ange passa et Chan se reposa sur le tronc de son arbre avant de tendre un de ses snacks au noiraud qui hésita avant de le prendre. Ils grignotèrent tous les deux en silence, regardant la forêt des alentours reprendre doucement vie.
Être un moineau ou une biche avait l'air tellement plus simple par moment, ils n'avaient pas à se soucier de la politique, des impôts ou de comment s'habiller. L'animal avait faim, il mangeait, il avait soif, il buvait, ça avait l'air si facile.
Mais Chan n'était pas un moineau et Chan avait un devoir à accomplir pour sa patrie alors Chan faisait de son mieux pour rester debout. Si quelqu'un lui avait demandé à quoi se résumait sa vie à cet instant, il aurait répondu que c'était un remake un peu nul du film Il faut sauver le soldat Rayan.
Mais c'était sans se douter que pour Changbin, Dernier train pour Busan était plus le film qui lui correspondait. Mais il restait à savoir en quoi cette œuvre pouvait résumer sa vie.
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