Ils s'étaient à peine quittés la veille qu'ils se retrouvaient déjà le lendemain. Ils avaient décidé de prendre le risque de se voir plus régulièrement pour avancer leur plan. Cette fois-ci, c'était Changbin qui avait pu récolter pas mal d'informations grâce à Jisung, son ami de la ville.

En effet, le père de celui-ci travaillait dans le ministère de la sécurité d'État. Il avait donc pu farfouiller un peu dans ses affaires pour trouver ce qui pourrait être utile pour son ami. Malheureusement, il ne pouvait fournir tout d'un coup, cela serait trop risqué pour tout le monde.

Rien que la tâche en elle-même paraissait irréalisable, mais Jisung savait que certains risques étaient écartés. Ses parents étaient séparés et son père 'en n'avait pas grand-chose à faire de lui. Alors, les fois où Jisung venait chez lui, il ne s'en préoccupait pas vraiment des rares moment où il rentrait.

Le jeune homme avait donc une marge de manœuvre assez longue pour pouvoir tirer des informations et tout remettre à sa place sans se faire choper. Et il savait que s'il fuyait avec Changbin et Jeongin, son géniteur ne risquait pas de partir à sa recherche.

Jisung et Changbin s'étaient rencontrés au collège, dans les premières années. Du point de vue de leurs professeurs, les deux garçons auraient pu ne jamais s'entendre. S'ils ne se volaient pas des affaires, c'était leur goûter ou leurs maigres repas préparés par leurs mères. Si l'un avait une bonne note, il s'en vantait auprès de l'autre, les poussant à se surpasser à chaque fois.

Comment leur petite guerre avait commencé ? Ça, eux seuls le savaient. Certains disaient que Jisung avait fait tomber Changbin. D'autres que Changbin avait abîmé le jouet préféré de son cadet. Mais ce n'était que de commérages de parents et de professeurs, qui, lassés, les laissaient se chamailler à la moindre occasion qui se présentait à eux.

Ils avaient beau se faire disputer quand ils rentraient avec des éraflures ou des vêtements abîmés, ils commençaient dès le lendemain. Mais ils s'étaient perdus de vue avant la fin de leur collège avant même d'avoir pu savoir lequel était meilleur que l'autre.

Les garçons avaient pourtant fini par se retrouver lors de leur lycée. Et si au début ils s'ignoraient, n'ayant plus rien à se dire, certains événements les avaient fait se rapprocher. En effet, avec le temps, Jisung s'était peu à peu renfermé sur lui-même, s'étant retrouvé obligé d'arrêter ses passions pour entrer dans les codes.

Il n'était plus aussi extraverti qu'au collège, pas très entouré et des garnements y avaient vu une forme de faiblesse, quelqu'un de seul et qui ne parlait pas beaucoup était forcément quelqu'un de faible. C'était la loi du plus fort qui régnait et beaucoup l'avaient très bien assimilé, n'hésitant pas à mettre plus bas que terre les défectueux. Une note en dessous de la moyenne et voilà votre réputation ruinée.

Et Jisung l'avait bien compris, mais trop tard. Pour lui, il ne pouvait plus compter sur personne, ils étaient tous matricés et il ne pouvait rien changer tout seul.

Mais en voyant ce qu'il lui arrivait, Changbin n'avait pas hésité à venir l'aider, quitte à se faire prendre pour un faible à son tour. Il ne savait pas ce qui c'était passé avec Jisung quand il a quitté le collège, mais il était sûr d'une chose. C'était un garçon adorable malgré leurs anciennes chamailleries.

C'était donc naturellement qu'ils avaient commencé à se rapprocher, faisant les quatre cents coups ensemble. Si quelqu'un voulait s'en prendre à l'un, il s'en prenait aussi à l'autre, faisant ainsi qu'ils n'étaient plus vraiment embêtés par le premier imbécile qui passait.

Quand Changbin parlait de cette époque, il arborait souvent un petit sourire fier, comme un grand frère qui parlerait de son petit frère. Leur enfance n'avait pas été toute rose, mais ils se sont toujours soutenus pour éviter que leur âme d'enfant ne s'effondre trop et qu'ils perdent les dernières traces d'innocence qui leurs restaient.

Chan aimait écouter le noiraud parler quand ils en avaient l'occasion. Il était toujours aussi admiratif devant ses récits et content de savoir que Changbin n'était pas non plus tout seul. Il avait Jisung, mais aussi Jeongin, rencontré bien après, lors de leur service militaire et qui avait rapidement rejoint le duo.

Jeongin, c'était le petit garçon qui avait grandi dans une famille de militaire et qui se retrouvait à devoir intégrer l'armée à la fin de son service. Et pourtant, le jeune garçon avait toujours voulu être médecin, pouvoir sauver des vies et non les prendre.

Mais à la place de bouquins d'étudiant, c'était d'armes à feu dont il avait hérité et même s'il les connaissait par cœur, elles le répugnaient toujours autant. Il n'avait jamais eu le courage de s'opposer aux choix de ses parents et s'en voulait toujours pour ça, mais être avec Changbin et Jisung permettait de se sentir un peu plus lui-même.

Jeongin n'était pas encore au courant du plan qui se profilait pour enfin goûter à la liberté mais ça ne saurait tarder. De toute manière, il était hors de question que les garçons s'en aillent sans lui en le laissant derrière.

Ils s'étaient juré de rester ensemble et ça n'allait pas s'arrêter maintenant, pas alors qu'un horizon plus clair se profilait au loin, au-delà des mers tourmentées et des nuages noirs de désespoir.

Alors même que cela pouvait rendre sa fuite plus compliquée, Changbin tenait absolument à ne pas partir seul et Chan respectait totalement sa décision. Et quitte à sauver une vie, pourquoi ne pas en sauver deux autres ? Les libérer de ses chaînes qui entravent leurs ailes depuis bien trop longtemps et qu'ils puissent enfin prendre leur envol vers un avenir meilleur.

Et c'est pour ça que Chan redoublait d'efforts pour mener à bien cette mission, il voulait voir ces oiseaux voler, même si lui devait rester à terre à les regarder partir au loin. Cela pouvait paraître idiot, pourquoi être prêt à un tel sacrifice pour des gens qu'il connaissait à peine ?

Peut-être parce qu'il se reconnaissait d'une certaine manière à travers eux et que l'un avait su se frayer une place plus importante qu'il ne l'aurait crû. Un vrai idiot sous le charme dirait-on, mais il s'en fichait bien, il se laissait de plus en plus porter par ce que lui disait son cœur et non sa tête. Mais il devait bien garder à l'esprit de ne pas trop se laisser envoûter par ce souffle si agréable et réussir à garder l'esprit un minimum clair.

____.•°*°•.____

Petits chapitres qui permettent d'introduire les autres personnages ;)