Chapitre 1 - Partie 1
La petite ville de Lonechurch s'illuminait doucement, le jour arrivait enfin après une longue nuit froide.
Une voiture grise accompagnée d'un camion de déménagement venait juste d'arriver dans le centre-ville. Une mère et sa fille étaient assises au devant de la voiture, et se dirigeaient vers leur nouvelle maison qui les attendait sagement, au milieu d'un lotissement non loin du centre.
La jeune fille, assise aux côtés de sa mère qui conduisait, somnolait en ouvrant de temps à autre ses yeux. La femme, au contraire, était toute excitée, sans doute grâce au thermos de café vide, qui roulait sur la banquette arrière au milieu de quelques petites valises. Elle jeta un œil à sa fille et fit un grand sourire :
"Cassandra ! Réveille-toi, on est arrivé."
La jeune fille rouvrit les yeux. Ils s'arrêtèrent enfin et elle pu admirer leur petite maison à travers la vitre embuée.
La mère tira le frein à main, rangea dans sa poche la clé de la voiture et sortit sur le trottoir. Elle s'étira sous le regard de Cassandra et des déménageurs qui descendaient de leur camion.
La jeune fille de 17 ans, au look plutôt gothique avec ses Rangers et ses mèches bleues aux milieux de ses cheveux d'ébène, hésita un instant à sortir de la voiture. Quand elle posera son pied sur le sol de Lonechurch, ce sera le signal d'un nouveau départ, loin des événements tragique de l'année passée.
Elle prit une grande inspiration puis, serrant la boîte en métal qu'elle tenait dans ses bras, elle ouvrit la portière et descendit sur le bitume. Elle faisait face à la maison beige aux volets bleus. Elle se souvenait des photos de cette maison, mais c'était la première fois qu'elle venait ici. La maison paraissait plus grande, et le cerisier dans le jardin était bien plus grand que sur les photos en noir et blanc.
Silvia, la mère de Cassandra, passa devant elle avec des bagages après avoir verrouillé la voiture. Elle ouvrit la porte du jardin et s'aventura dans ce monde nouveau. Sa fille la suivit en trottinant, tenant toujours la boîte dans ses bras.
Le jardin était plutôt vert, le cerisier et le houx étant biens feuillus. Beaucoup de mauvaises herbes avaient envahi la pelouse et ce qui ressemblait à un potager. La balançoire accrochée au cerisier semblait vieille, avec sa corde usée et sa peinture écaillée. Avec un peu d'entretien, et surtout beaucoup de désherbage, le jardin sera magnifique, avait dit Silvia en arrivant à la porte d'entrée. Elle chercha la bonne clé et ouvrit la porte assortie aux volets.
Encore quelques pas. Cassandre était enfin dans sa nouvelle maison, et elle se sentait déjà bien dedans.
Quelques heures plus tard, les déménageurs, Silvia et sa fille avaient sorti tous les cartons du camion et les avaient rangés dans les pièces de la maison selon les inscriptions que comportaient les cubes. Ceux avec écrit "cuisine" ou "bureau" étaient installé dans la pièce du même nom, tandis que tous ceux avec une croix dessus et les meubles étaient laissés dans le salon pour un rangement plus tard. Les cartons où étaient inscrit "Cassy" ou "mom" avaient été posés dans les chambres de la fille ou de la mère, et tous ceux où on pouvait lire "papa" ou "grenier" étaient empilés dans cette pièce, où Cassandra avait d'ailleurs découvert des vieilles malles et meubles, ainsi que beaucoup de poussière. Elle avait, par la même occasion, laissé sa boîte en métal dans le grenier, pour éviter qu'elle traîne ailleurs dans la maison.
Toute la journée, la mère et la fille rangèrent et déballèrent les cartons, dans l'optique de pouvoir vivre agréablement dans la maison d'ici deux jours, sachant que Cassandra reprenait l'école juste le lendemain. Dans la soirée, alors qu'elles étaient toutes les deux occupées par les cartons, quelqu'un toqua à la porte. Silvia étant au RDC, c'est elle qui ouvrit à l'homme qui attendait dehors. Cassandra descendit du grenier voir ce qu'il ce passait.
"Bonjour, Silvia. Je ne vous dérange pas trop ?" Demanda l'homme aux cheveux gris et au visage marqué par le temps. La femme eut un petit temps de réflexion avant de s'exclamer :
"Professeur ! C'est vous ? Je ne vous avais pas reconnu !
- Oh, ce n'est pas grave, vous savez. Cela fait longtemps que je ne vous ai pas vu."
Cassandra s'avança vers eux pour écouter la conversation. Elle fit un timide bonjour au visiteur qui lui sourit.
"Ça fait bien... 15 ans, non ? Continua la mère. Depuis que...
- Oui, c'est ça. 15 ans."
Le "professeur" regarda brièvement la jeune fille en répétant "15 ans".
"Vous voulez vous assoir, professeur ? Demanda la mère. Je viens juste de débâcher le canapé.
- Pourquoi pas ?"
Il s'assit sur le canapé en cuir usé, sous le regard de Cassandra, tandis que la mère allait dans la cuisine pour préparer des cafés en sifflotant.
La fille s'installa sur une chaise en face du canapé et détailla le "professeur". Grand et mince dans son long manteau, il portait une chemise blanche sous un veston sombre, un pantalon noir et des chaussures en cuir de même couleur. Ses cheveux poivre et sel étaient rejetés en arrière et ses yeux bleus brillaient. Il regardait Cassandra avec un léger sourire.
"Alors... Commença-t-il, tu es Cassandra, n'est-ce pas ?
- Euh, oui.
- Tu as bien grandi.
- Je ne me souviens pas de vous, nous nous sommes déjà rencontrés ?
- Je suis un ami de ton père, je suis Richard Conrad."
Cassandra baissa les yeux en réfléchissant. Son visage lui était familier et elle se souvenait d'avoir déjà entendu ce nom quelque part : quand son père parlait de ses études à l'université et de sa rencontre avec Silvia.
"Vous avez été le professeur de Physique de Papa, c'est bien ça ?
- Tout à fait. Et ta mère a rencontré ton père...
- En assistant à l'une de vos conférences sur les mondes parallèles, oui." Continua la jeune fille en se remémorant le récit de la rencontre de ses parents.
Le Professeur lui sourit en acquiesçant. Silvia arriva avec trois tasses et les distribua, pour aller s'assoir aux côté de Richard. Il se tourna vers elle et prit une grande inspiration pour annoncer :
"J'ai appris pour ce qu'il est arrivé à Philippe, je suis vraiment désolé..."
La mère de Cassandra tournait sa petite cuillère dans son café, sans le regarder. La jeune fille les regardait, un peu mal à l'aise. Le sujet de la mort de son père mettait toujours un froid dans la maison, même ici, après que Silvia ait décidé de déménager pour retourner dans sa ville natale. Philippe, le père de Cassandra, était mort depuis presque 1 ans, après un accident de voiture. Le père venait de déposer sa fille au Lycée et allait vers son lieu de travail quand un chat avait déboulé sur sa route. Ne voulant pas l'écraser, il avait donné un violent coup de volant qui l'a mené sur la voie de gauche, sans voir qu'un camion arrivait à toute vitesse.
D'après les médecins, Philippe etait mort sur le coup, l'impact avait été si violent...
Le choc avait été également très violent pour Silvia et sa fille. La mère était tombée en dépression et Cassandra avait arrêté d'aller à l'école, culpabilisant.
Toutes les deux suivies par un psychologue, elles ont "guéri" et ont décidé de changer de vie en déménageant dans l'ancienne maison des grands-parents de Silvia, à Lonechurch, la ville de sa jeunesse.
La mère cachait derrière son sourire et son énergie des blessures encore douloureuses quand on évoquait la mort de son époux.
"Ça va, maintenant, fit-elle finalement, on s'en est remise...
- Si vous avez encore besoin d'aide, je suis là...
- Ne vous inquiétez pas, Professeur, si nous avons besoin d'un soutien, nous viendrons vous voir..."
Elle lui sourit mélancoliquement puis but une gorgée de café.
"Où avez-vous enterré... Philippe ?" Demanda le professeur, en hésitant un instant.
Cassandra fronça les sourcils en répondant à la place de sa mère :
"On l'a incinéré. Il ne voulait pas être enterré."
Un sourire se dessina sur les lèvres de Richard.
"Je vois. C'est tout à fait lui, ça."
Il se retourna vers Silvia et lui demanda si elles avaient déjà répandu ses cendres. La mère se contenta de lui dire qu'elle les avaient gardées, ne sachant pas ou les disperser.
"Vous savez très bien où il aurait voulu que vous les dispersiez."
Le ton du professeur était ferme, ainsi que l'expression de son visage. Il fixait Silvia de ses yeux bleus gris.
"Vous le savez très bien, Répéta-t-il.
- Écoutez professeur, commença la mère en serrant la tasse de café dans ses mains, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il est impossible pour moi d'y aller."
Elle semblait beaucoup moins amicale qu'avant. Cassandra s'en étonna, se demandant de quel endroit ils pouvaient bien parler, mais elle n'osa pas le leur demander. Elle sentait que l'air devenait lourd, qu'une tension montait progressivement entre les deux adultes.
"C'est parce que vous n'avez ni la volonté ni le pouvoir d'y aller."
Richard Conrad finit sa phrase dans un sourire, puis il porta la tasse de café à ses lèvres. Silvia posa brusquement sa tasse sur la table. Sa fille sursauta. C'était la première qu'elle la voyait avec ce regard aussi noir envers quelqu'un. Il était très rare de la voir à la limite d'exploser. De la voir en colère. Pas depuis leur thérapie.
Le regard de Cassandra passa du professeur calme buvant son café à sa mère, fulminant. Cette dernière lâcha, presque en criant :
"Parce que vous, vous avez le pouvoir d'y aller ?
- Bien sur, répondit-il en lui souriant, tout en posant sur ses genoux la tasse presque vide.
- Écoutez, souffla la mère tout en essayant de se calmer, vous et Philippe étiez peut être différents de moi...
- Pensez-vous que Cassandra est prête ?"
Le Professeur coupa son ancienne élève en fixant l'adolescente, sans prêter attention à ce qu'elle disait.
"Quoi ?"
Cassandra fronça les sourcils. Prête à quoi ? pensa-t-elle en regardant Richard dans les yeux. Cet homme était énigmatique. Il parlait à demi-mot, pour que seule son élève puisse le comprendre.
Comme s'il cachait des choses.
Le regard intense et profond du professeur fixait la jeune fille. Elle avait l'impression qu'elle allait être aspirée d'un instant à l'autre dans cet abîme qu'était ses yeux. Elle se sentit mal à l'aise et eut l'impression de rapetisser progressivement.
Elle détourna finalement le regard et se concentra sur sa mère qui fixait de nouveau son café. Elle restait silencieuse, plus calme que tout à l'heure. Elle semblait presque aussi confuse que sa fille.
"Es-tu prête Cassandra ?"
La voix sereine de l'homme brisa le lourd silence. Mais cela ne répondit pas aux questions de Cassandra.
"De quoi parlez-vous, professeur Conrad ? Questionna la jeune fille, mal à l'aise de ne savoir quoi répondre.
- A entendre la vérité."
Elle frissonna. La vérité ? Mais quelle vérité ? De quoi parle-t-il ? Est-ce au sujet de mon père ?
Tant de questions sans réponses : Richard se leva et les remercia de leur brève hospitalité, puis il quitta la maison par des banalités. Assez perturbant pour quelqu'un qui avait posé une question et qui était parti sans attendre que l'une d'elle ne lui donne une réponse.
La confusion dans l'esprit de Cassandra l'empêcha de retenir le professeur. La mère ne bougea pas non plus. La jeune fille ne comprenait rien. Il avait à peine parlé, a peine prononcé quelques paroles, et tout s'embrouillait.
Dehors, une voiture démarra sourdement.
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