Chapitre 6 : Champ de bataille.
Azazel, Méragogue et Métis foulaient la terre volatile et brune du champ de bataille. Le noiraud avait reçu des ordres de la part de son supérieur – celui à qui on ne pouvait rien refuser – et avait embarqué avec lui ses deux accolytes. Méragogue s'était retrouvé là par pur hasard, puisqu'il devait se rendre dans le monde des mortels pour affaire, et Métis n'avait pas vraiment eut le choix. Le général infernal l'avait traîné par le cou depuis son lit jusqu'à la porte de l'enfer pour l'obliger à venir et surtout, s'acquitter de la dette qu'il avait envers lui.
— Pourquoi tu as mis en rogne Crew ? demanda Méragogue.
— Putain, c'est vrai que tu as fait ça ! s'exclama Métis. Sans blague, tu n'aurais pas pu t'abstenir ?! Elle est infernale quand elle est en colère ! Et je ne te parle pas des autres connasses qui se battent avec elle pour avoir une chance d'être ta maîtresse ! Tu n'aurais pas pu faire semblant de la garder ?!
Azazel soupira. Il resta silencieux pendant que Métis se chargeait d'extérioriser sa colère, probablement puisque les femelles se disputaient souvent dans les appartements avoisinant le sien. Il aurait pu garder Crewanyne à ses côtés, mais la brune était devenue trop exigeante pour le rôle qu'il lui avait prêté. Elle avait fait comprendre qu'elle voulait être sa partenaire – une place qu'Azazel n'avait pas à offrir.
Alors que Métis râlait toujours, le regard orangé de Méragogue dévisagea son ami.
— C'est à cause de ta mate que tu l'as rejeté ?
Métis ferma enfin sa gueule. Le silence ne dura pas longtemps.
— Tu as une mate ? Bordel de merde ! Mais c'est pour ça que tu l'as dégagé !
Azazel roula les yeux.
— Je l'ai renvoyé parce qu'elle me pétait les couilles.
— Tu m'étonnes ! Surtout si elle a appris l'existence d'une rivale qu'elle ne pourrait jamais supplanter ! Ha ! La grosse blague !
Métis éclata de rire en pensant à l'humiliation qu'avait vécu la démone. Crew n'était pas idiote, elle ne menait pas des combats qu'elle ne pouvait pas remporter. Son orgueil était tel cependant qu'elle acceptait rarement les défaites. Et sa rancune n'avait d'égale que la fourberie de ses revanches. Azazel ne s'inquiétait pas : elle n'aurait aucun intérêt à essayer de l'atteindre. Elle savait parfaitement que le démon n'aurait aucun scrupule à l'envoyer sur l'échafaud.
— Je n'ai pas de mate, râla Azazel sous les rires de Métis. Je me suffis bien assez à moi-même. J'en ai simplement marre que des femelles croient que j'ai besoin d'elles parce qu'elles réchauffent mes draps.
— Personne ne te croit, sourit Métis.
Azazel tourna son regard vert glacé sur lui, et croisa les bras. Les parasites se mettaient petit à petit en place autour d'eux, rampant ou avançant à la vitesse éclair d'une roche sur l'autre. Les monstres étaient le prototype d'une nouvelle maladie, et Lucifer voulait qu'ils entrent dans le monde des mortels, vite.
— Tu crois vraiment que j'ai besoin de quelqu'un à mes côtés comme partenaire ?
— Beurk. Aucun immortel ne recherche ça. Si on avait besoin des autres, on serait là-bas, répliqua Métis en désignant du menton le plan terrestre.
— Je m'étonnais aussi que tu lâches quelqu'un qui accepte ta version de la sodomie, commenta pensivement Méragogue.
Azazel le fusilla du regard alors que Métis embraya immédiatement. Le brun avait un petit sourire aux lèvres, signe qu'il savait parfaitement ce qu'il faisait.
— Eh mais ouais ! Peu de femelles acceptent de le faire comme tu l'imposes. Tu as essayé avec ta nouvelle partenaire ?
— C'est pas une partenaire, râla Azazel.
— Vu comme tu as la rage, j'imagine que non. Tu l'as prévenu au moins, ou tu comptes la prendre par surprise ?
— Et toi, tu comptes continuer longtemps ton interrogatoire, ou tu veux mon poing dans ta gueule par surprise ?
Métis souffla bruyamment et croisa les bras en se renfrognant. Méragogue avait déjà disparu. Le démon de la curiosité profitait des parasites pour se frayer un chemin vers le portail – sa trace serait plus difficile à suivre au milieu des monstres. Azazel fit tout pour penser à ce que son ami allait faire dans le monde des mortels, plutôt que de laisser les images d'une Yelena sur son lit occuper ses pensées. Imaginer l'ange dans une posture plus qu'explicite et laisser dérouler son scénario idéal d'une bonne sodomie était un supplice. Pire encore, cela rajoutait sur sa liste de fantasmes interdits ce qu'il voulait faire à la blonde. Elle ne se laisserait probablement pas faire sans poser de question, et essayerait de prendre le contrôle de la situation, comme elle le faisait à chaque échange avec lui. Domination sur domination, jusqu'à trouver un équilibre fragile et électrique. Azazel sentit un frisson descendre le long de son dos. Merde. Il avait bel et bien un nouvel objectif en tête, désormais. Et il lui faudrait trouver de la patience – merde et merde – pour pouvoir assouvir ce désir interdit.
Sans écouter les râles du démon de la paresse, Azazel regarda les parasites avancer inexorablement vers leur objectif. Aussitôt que les humanoïdes avaient touché la fine couche qui entourait le plan intermédiaire, un insupportable crissement résonna dans ses oreilles. C'était un impact habituel, rien que l'annonciation d'une nouvelle bataille. Les deux démons n'y portèrent même pas attention tant ils étaient habitués. Ils étaient à peine plus sur leur garde, leurs instincts surveillant un autre genre de bruit pour se préparer au combat.
Automatiquement, Azazel leva le regard vers le ciel. D'autres démons étaient en place sur le champ de bataille : des inférieurs, pour la plupart, qui surveillaient que les parasites allaient dans la bonne direction. Le général infernal ne faisait pas de réunion avec ses soldats pour leur expliquer la marche à suivre. Après des siècles de pratique, tous connaissaient parfaitement leur place. Et ceux qui ne la connaissaient pas, Azazel se faisait un plaisir de leur arracher la colonne vertébrale. Devant tout le monde, bien sûr.
— Tu attends quoi de moi, au juste ? demanda Métis en regardant ses ongles.
Les beuglements des parasites grisâtres autour de lui ne semblait pas le déranger le moins du monde.
— Je veux que tu uses de ton humeur, évidemment. Qu'est-ce que tu accepterais de faire d'autre ?
— Rien, justement, rétorqua Métis. Je n'ai pas envie de me salir les mains en effleurant des plumes.
— Eh bien reste à l'écart. Et profites-en.
Un sifflement aigu résonna dans l'air. Métis lança vaguement un coup d'œil au ciel. Les anges n'allaient pas tarder à descendre. Le bruit caractéristique de leurs plumes contre le vent était trop familier pour qu'on le confonde avec autre chose.
— Putain de moralisateurs, lâcha-t-il entre ses dents.
— Essaye de les désorienter, plus que d'endormir leurs sens, dit Azazel sans quitter des yeux le ciel. On n'a pas besoin qu'ils soient inactifs. Juste que le maximum de parasites atteignent le portail.
— Mmmh.
Métis rejoignit le coin le plus proche de l'enfer, théoriquement le plus protégé, pour faire son œuvre. Azazel n'eut pas à attendre longtemps avant que le goût de l'humeur de l'oisiveté ne vienne se poser sur sa langue. Douce, lourde, engourdissant les membres et le cerveau, la paresse était un pouvoir redoutable si on savait bien s'en servir. Métis influençait tous les jours le monde des mortels avec ses talents, aussi Azazel n'avait-il pas de doutes sur ses capacités à faire chier les anges durant la bataille.
Le noiraud sourit. Il serait dommage que les êtres célestes se rendent compte du nouvel atout qu'il avait dans sa manche. Pour les distraire, le démon se mit en avant sur le champ de bataille. Alors que les silhouettes séraphines de ses ennemis apparaissaient à l'horizon, il déploya ses ailes démoniaques dans son dos. Grises et zébrées de cicatrices noires, elles étaient la preuve de l'impact de sa chute après la rébellion. Les ombres typiques de son pouvoir surgirent autour de lui. Aussitôt, le groupe d'ange se sépara en deux, probablement pour essayer de retenir la menace qu'il représentait. Azazel ne s'inquiétait pas. Ce n'était pas la première fois qu'il combattait seul au front.
Un sourire étira ses lèvres lorsqu'il reconnut la silhouette fine et les cheveux blonds d'un des guerriers. Yelena était en première ligne, évidemment. Ses yeux violets perçaient l'air comme des balles, sa lance était déjà déployée, prête à s'enfoncer dans son cœur. Il ricana. Des démons apparurent à ses côtés, prenant une forme monstrueuse et hurlèrent leur haine. Yelena serra les dents, plus en colère que jamais. Une partie de son groupe se précipita sur les monstres, sachant parfaitement que s'approcher d'Azazel était une grossière erreur.
Mais sa guerrière, elle, n'avait pas cette peur dans l'âme. Le sang bouillonnant sous sa peau, la rage illuminant son visage de porcelaine, l'ange de pureté lâcha un cri de guerre pour en abattant sa lance dans la tête d'Azazel.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro