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16- Une valse pour secourir les miséreux




« J'ai longtemps vu les hommes mais jamais l'humanité ».

@Qatarissim

« La vanité et l'orgueil sont choses différentes, bien qu'on emploie souvent ces deux mots l'un pour l'autre ; on peut être orgueilleux sans être vaniteux. L'orgueil se rapporte plus à l'opinion que nous avons de nous-mêmes, la vanité à celle que nous voudrions que les autres aient de nous. »
Jane Austen

Point de vue de Nour Sadiyah Sarr

Je suis seule. Affreusement seule. Il fait noir, on peut entendre tous les sons lugubres que porte le silence de la nuit, et par dessus tout, mon cœur battre à vive allure.
Pourquoi ai-je si peur? Je l'ignore, tout ce que je sais c'est que je dois courir...
Tout est ténèbres autour de moi pourtant je continue à avancer, fuyant je ne sais quel danger...
Au cours de mon trajet, mes vêtements s'accrochent à des branches ça et là et ma peau est écorchée par quelques racines et épines folles. Je parle de végétations endiablées mais je ne suis pas vraiment sûre qu'il s'agisse de cela tant je baigne dans l'obscurité.

Soudain je trébuche, je rampe, j'essaie de me relever, en vain, il semblerait que l'intensité de la gravité est triplée sur terre: je suis clouée au sol. Il apparaît alors au sein des ténèbres un halo de lumière rouge qui éclaire désormais le sinistre paysage. Je suis dans une forêt horriblement laide à vous en faire vomir vos tripes.
Attendez! Qu'acoustiqu'ai je? Une voix au loin, grave et terrifiante scande mon nom « Nour, Nour, frêle petite lumière, approche! » puis un rire digne d'un disciple de Nicolas Machiaveli se fait entendre . Ce rire rempli de cynisme , je le reconnaîtrais entre milles... Je me retourne et tombe sur ses satanés iris bleu-grises qui brillent d'une lueur diabolique, son visage est dénaturé, méconnaissable, quasi-inhumain.

« Nour, lève-toi et cours! » me dit ma conscience. Et j'ai beau prendre appui sur le sol, crier et hurler, mes pieds demeurent ankylosés. Mon bourreau s'approche, lentement, et savoure ma terreur. Arrivé à mon niveau, il se penche vers mon visage avec cet éternel sourire sadique.

Lui- Je vous avais bien dit que je finissais toujours par obtenir tout ce que je désire Mlle Sadiyah, tout! Et vous aurez beau me défiez, et lorsque vous vous rendrez compte de votre médiocrité, me fuir, jamais vous ne vous échapperez de moi tant que désirerai que vous soyez mienne!

Le monstre saisit mon bras d'une poigne puissante puis approche davantage son visage du mien. Sa figure perd petit à petit cette apparence monstrueuse pour revêtir sa forme habituelle: une gueule d'ange. Cependant il subsiste toujours cette même lueur démoniaque dans son regard. Il est tellement près que je sens nos souffles se mêler, que nos nez s'effleurent, que nos lèvres sont à deux millimètres... Au moment où nos lèvres allaient se toucher, je tombe dans un gouffre sans fin comme si je venais de chuter d'une montagne.

__________________________



Je me réveille en sursaut, le front en sueur, tremblant de tout mon être. Cheikh Ahmed Tidiane Chemsseddine Aïdara, pourquoi faut-il que vous me tourmentiez jusque dans mes rêves? Je devrais songer à demander au juge une injonction d'éloignement contre sa personne...

Je me lève de mon lit toute bouleversée, bercée entre la terreur, la honte, l'incompréhension et la colère. Je me tiens face à mon miroir, les cheveux en bataille, vêtu en pyjama, au bord de la névrose. Comment ai-je pu rêver de ce personnage immoral et cruel, et surtout rêver de l'embrasser?   Et pourtant je le hais et encore haïr c'est encore peu dire mais le fait qu'il se soit mis en tête la « merveilleuse » idée de m'épouser me fait affreusement cogiter. Aller lui apprendre que la vie n'est pas une chronique de kidnapping où la fille finit dans les bras de son geôlier, je suis encore loin d'avoir le syndrome de Stockholm. Il a complètement pourri mon existence, je n'arrive pas à comprendre ce qu'il me veut de plus!

Peut-être que pour lui, tout ceci est un jeu. Peut-être qu'à force de tout avoir la vie lui paraît monotone; il cherche donc l'inaccessible pour pimenter son existence.Peut-être qu'il se sent invincible et qu'il ne me voit que comme une faible petite lueur qui, sotte, a essayé de se dresser sur son passage et qu'il s'amuse en me tourmentant...
Je ne suis que divertissement pour l'impétueux milliardaire qu'il est.
Cela doit être ça!

De plus, il  maîtrise à merveille l'art de me faire passer pour une cruche devant lui. Comme la dernière fois à AMC lorsqu'il faisait ses bails de psychopathe nymphomane et que je n'ai pas bougé d'un poil...
Je dégage mes cheveux de mes épaules, et passe ma main sur ma clavicule, je me souviens toujours de la pression de sa main sur ma peau et de l'effluve de son parfum envahissant mes narines. J'en frissonne toujours et pourtant je le hais tant; ce ne sont que les premières sensations d'une chaste jeune fille face à l'appel de la chair qui parlent. Rien de plus, rien de moins susurre ma conscience, honteuse.

Je souffle un bon coup avant de quitter la chambre pour aller prendre ma douche. Je passe une demi-heure sous l'eau froide pour reprendre mes esprits; hier encore j'ai eu un entretient d'embauche, tout s'était passé à merveille. J'allais enfin avoir de quoi trouver une école adaptée à Djibril et de quoi reconstruire ma vie tout simplement.
Tout s'était passé à merveille, j'allais enfin signer un contrat, devenir à nouveau cadre dans une entreprise et cette fois-ci dans une compagnie pétrolière américaine mais il a fallu au dernier moment que le Directeur des ressources humaine, celui qui me faisait passer l'interview se rende compte que mon visage lui était quelque peu familier. Tout allait bien jusqu'à ce qu'il sache que j'étais cette fille qui avait fait la une des médias le mois dernier et qui avait eu un litige avec la famille Aïdara. Allez savoir pourquoi, même les américains n'ont pas assez de cran pour lui faire tête. Ah, Chemseddine, tu n'as même plus besoin de bouger le petit doigt pour faire de mon existence un enfer!

Je me suis alors résignée, même dans la plus précaire des supérettes on n'accepterait pas mon CV comme-ci mon diplôme décroché à Stanford ne revêtait plus aucune crédibilité. J'étais piégée dans un triste engrenage alors je n'espérait plus, ni n'essayait plus davantage. Tous les matins, comme aujourd'hui, je me réveillais la mort dans l'âme et allait travailler dans la boutique de ma mère. Je ne vendais que très peu mais ça me donnait quand même l'impression d'exister et de servir à quelque chose parce qu'à la villa Sarrène depuis que j'avais perdu mon titre d'ingénieur et le salaire qui y sied, je n'étais plus personne. Les insultes et les actes injurieux pouvaient donc à nouveau aller bon train. De toute façon, on n'a vraiment jamais cessé de me mépriser...

Je quitte la maison encore silencieuse, Mactar était parti en ville pour signer un contrat avec le groupe français qui devait financer son projet. Tous le reste des habitants de la villa étaient endormis.Je me suis réveillée très tôt aujourd'hui car chargée de faire l'inventaire. Il est sept heures et le soleil de Gibraltar ne dégage alors que de faibles lueurs.

Après quelques minutes de marche j'arrive devant la bijouterie de ma mère, la scène que j'y trouve me plonge dans un état de choc profond. C'est quoi ce bordel?!

Devant la boutique est garé un camion de déménagement dans lequel des jeunes gens jettent sans délicatesse aucune les meubles qui autrefois se trouvaient à l'intérieur de la boutique. Pire, ils entassent les colliers en or et les parures d'argent avec le maximum de brutalité dont ils puissent faire preuve. Je cours vers le véhicule comme une furie en les hélant:

- Hé! Vous là, qu'est ce que vous faites ? Pour qui vous prenez vous? Reposez mes affaires tout de suite!

Les quatre ouvriers du haut de leurs mètres quatre vingt m'ignorent royalement en continuant leurs activités. Je suis à bout de nerfs et au bord de l'explosion. Très bien, vous voulez jouez à l'âne, vous allez voir !

Je m'avance vers l'un des hommes qui sortait alors une table basse de la boutique. Je tire le meuble vers moi de toutes mes forces en criant:

- Vous n'avez pas le droit bandes de rustres! Lâchez ça! Je vais appeler la police.

Le jeune homme, ne comprenant pas pourquoi une folle hystérique se jette sur lui de cette manière lâche sa prise sur le meuble et je tombe par terre.Quel goujat celui là!

Lui- Écoutez Mademoiselle, nous ne faisons que notre travail! Alors s'il vous plaît laissez nous continuer en paix.

- Votre travail? C'est bien la meilleur celle là! Vandaliser et cambrioler les commerces des honnêtes gens, c'est donc cela que vous appelez un travail! Un grand gaillard comme vous, à votre grand âge! Tchim! Diouguelene fi bala malene di Andil scandal. Sou sama yarram tangué reubeuss guene di fanane li ngene di gnak foula yeup! *Retirez vous avant que je fasse un scandale. Si vous continuez à m'importuner vous passerez assurément la nuit en prison! Sans personnalité va!*

Lui- Madame y'a ngi gnouy beugueu traversée nak. * Madame vous commencez à dépasser les bornes.* On vous donne la main, vous prenez le bras. Veuillez nous parler avec respect!

Il fait le gros dos et hausse la voix. Il n'a même pas honte de faire étalage de sa force devant une femme, son visage volumineux ...

- *rires nerveux* Vous vous réveillez un bon matin, garez votre voiture, vandalisez ma boutique et vous osez me parler de respect! Vous croyez que je vais me laisser faire sous prétexte que je suis une femme et vous avez quelques muscles?! Niet! Vous avez intérêt à déguerpir avant que je n'appelle le responsable de l'immeuble ainsi que la police!

Lui- *appelant ses compagnons* Wa yene do lene gneuw wakh akh ndaw si ndakk, dama beugg nga bayi sa khel bi ngay fowé te dellou fi nga djougé. *Venez donc lui parler. Arrête de jouer à la petite folle et vas t'en!* On va régler ton cas ici sans que personne n'ai le temps d'intervenir, petite impolie!

Un autre jeune homme que je présume être son collègue dépose la caisse qu'il était entrain de charger dans le camion pour venir vers nous.

Lui, calmement- Abdoulaye, ne sois pas si dure avec elle! Elle n'a pas l'air de comprendre la situation. Soxna si ma nga def? * Comment allez vous?!*

Il a l'air plus posé que son acolyte et essaie de tempérer la situation cependant je ne suis pas du tout d'humeur à discuter.

- Mouy yow! Boulma né na nga def!  *Eh ne me demande pas comment je vais!* Vous avez vu  ce que vous avez fait à ma boutique?

Abdoulaye- Ousmane, Djiss nga ki dafa yabaté, djaroul wakhal. Attends je vais appeler Mr Sow. Elle va bientôt débarrasser le plancher!

-Appelez le donc! Vous lui expliquerez en même temps la cause de votre comportement irrévérencieux !

Le fameux Abdoulaye s'en va ensuite la face toute renfrognée derrière l'immeuble tenant un Tecno dans sa main.

Ousmane- Madame, vous feriez mieux de vous en aller et d'arrêter ce scandale avant que le propriétaire de l'immeuble n'arrive. Mon ami Abdoulaye a des manières un peu brusque de faire mais il a raison, nous ne faisons que faire notre boulot!Mr Sow nous a demandé de débarrasser l'immeuble de vos bagages car il devait le vendre et que vous étiez une locataire récalcitrante. Deug leu né loyer Dakar da chère, wayé demeul outti fenene te bayi histoire. Li darra djaroukofi, cela n'en vaut pas la peine!En plus le responsable avait déjà averti tous ses locataires...

Et tout d'un coup tout devient clair dans ma tête. On est vendredi, le délai de Mr Sow est passé. Moi qui avait minimisé ses dires et avertissements, cet homme n'a vraiment aucun scrupule!

- Je n'ai aucun intérêt à squatter bêtement l'immeuble des gens, quand je suis en tord je me résigne cependant ce mois-ci je l'ai déjà payé à Mr Sow et il a encaissé l'argent. Comment peut-il me demander de quitter les lieux sans pour autant me rembourser? De plus, il ose indemniser tous les autres locataires en n'omettant? Li dafa gnaw! * C'est petit de sa part!* Ça fait combien d'années que je lui loue cet endroit miteux qui ne vaut même pas le loyer que je lui verse?

Ousmane- Je ne savais pas que les choses étaient ainsi! Wayé demal rekk, so gnibé nga woko nga wokhtane si all mom! * Mais pars et tu l'appelleras pour lui en parler une fois chez toi!* Regarde, les voisins commencent à s'attrouper autour de nous. Ce n'est pas convenable...

- Et ce qu'il me fait, est-ce convenable? Je ne vais pas l'appeler mais plutôt l'attendre ici de pied ferme pour qu'il sache de quel bois je me chauffe.

Ousmane- Bon, comme vous voudrez!

- Dites plutôt à vos amis d'arrêter de jeter mes affaires aussi brutalement dans ce véhicule. Lorsque Mr Sow sera là, vous avez intérêt à tout remettre à sa place et vous remboursez certainement toute chose endommagée!

Ousmane*rires*- Je me demande comment une si jolie femme peut avoir une langue aussi tranchante!

- Tchipp, djougele fi la wakh, *dégage de là!*

Il me jeta un dernier regard avant de rejoindre ses deux collègues qui chargeaient des cartons dans leur camion. Il leur parle quelques secondes et ils se stoppent sur leur lancée . Je m'assois sur les escaliers qui se trouvent à la devanture de la boutique en attendant l'arrivée de cet escroc de Mr Sow. Je passe ma main sur mon visage.
Dieu! Je vais mourrir d'anxiété...

Je passe d'un problème à l'autre comme piégée dans un cercle infernal. Et tout ça, encore une fois à cause de Chemsseddine Aïdara. Il a racheté l'immeuble à Mr Sow exactement pour me mettre dans cet état.
Après tout nous ne sommes tous que des pions pour agrémenter sa vie monotone de milliardaire. Qu'est qu'il en a à foutre que je souffre? Qu'est qu'il en a à foutre que ma famille crève la dalle et que je perde ce pourquoi ma défunte mère s'est toujours battu? Qu'est qu'il veut prouver? Il veut vraiment que je le vois comme un monstre, comme mon bourreau, celui qui m'amènera à la guillotine, celui qui décide de ma vie et de ma destinée. Oui, nous ne sommes que des pions pour l'amuser dans sa chienne de vie.
Je suis sûre que pendant que je pleure de rage, il rit bien cet enfoiré posé sur son fauteuil de cuir. Oui je le hais et même haïr c'est peu dire, parce qu'il joue un rôle d'ange au grand cœur à la télé puis s'attèle à faire de ma vie un enfer en catimini. Il est parfaitement comme le monstre de mon rêve, il a deux faces , une angélique et une autre profondément démoniaque.

Quelques minutes plus tard, une petite Suzuki noire se gare devant l'immeuble et ce vaurien de Mr Sow en sort arborant un sourire sournois.

Pourquoi a-t-il besoin d'enfourcher sa 4X4 alors qu'il habite à deux pas?

Mr Sow- Ah c'est donc vous qui pertubez le travail de ces jeunes gens? N'avez vous donc aucune vergogne? Combien de fois vais-je vous répéter de quitter les lieux? LEVEZ VOUS! PARTEZ DE CHEZ MOI! Ces hommes vous déposeront vos affaires où vous voudrez mais je ne veux plus vous voir ici!

- Veuillez baissez d'un ton vieil escroc! Je n'irais nulle part!

Lui- Quoi?! À qui parlez vous? Même votre défunte mère n'osait pas me parler ainsi, vous êtes vraiment insolente!

- Ça, c'est parce qu'elle ignorait quel type de pourriture vous êtes!

Lui- Continuez à m'insulter, peu importe! L'essentiel c'est que vous vous en alliez !

- Et que faites vous du loyer pré-payé? De la caution?

Lui *rictus*- Et qu'allez-vous faire, me coller un procès? N'oubliez pas que mon acheteur a les meilleurs avocats du pays!

Il a raison, si je me lance sur un procès contre lui alors qu'il est sous la tutelle de Chemsseddine, je vais perdre à coup sûr . Je n'avais donc aucune autre issue que d'accepter mon sort.

- Vous n'avez pas le droit... Après tout ce que ma mère a fait pour vous... ( elle lui avait prêté de l'argent dix ans au paravent alors que les affaires allaient mal pour lui).

Lui- Oh je lui ai remboursé tout ce que je luis devais! Laissez le passé où il est, je n'ai pas d'ami, encore moins de souvenirs, je n'ai que des intérêts! * s'adressant aux ouvriers* Abdoulaye, Ousmane, Modou, Salif, Veuillez continuer votre travail!

J'avais beau crier, leur demander d'arrêter, on ne m'écoutait pas. J'étais une voix dans un monde de sourds , une lumière dans un monde d'aveugles où on ne voit ni n'entend que le pouvoir et l'argent. C'est bien cela notre monde, un monde où les faibles se font écraser. Et à crier et à pleurer, je ne donne que du spectacle à mes voisins. Que cela fait sourire de voir la petite fille maudite de Gibraltar en larmes et en sanglots! Après tout, je le mérite bien car chaque bonne femme de ce quartier me croit responsable de son lot de malheur. Je suis alors retournée m'asseoir sur les escaliers, regardant ce triste spectacle, regardant ces hommes voler à cette bijouterie toute son âme.

Tous mes souvenirs d'enfant liés à cet endroit défilent dans ma tête, je revois ma mère assise derrière le comptoir, le sourire aux lèvres. Je revois les hommes se précipiter en masse la Saint-Valentin, je ressens l'odeur unique de l'or battu dans les forges du terroir. Et ces femmes , venant emprunter quelques bijoux les veilles de mariages et cérémonies, endettées jusqu'au coup mais assoiffées de parures lourdes et étincelantes. Il y'a encore sept ans , quand ma mère était encore là, cet endroit était empli de vitalité, de bonheur et de sénégalaises affairées en quête de coquetterie.

Et maintenant cet endroit est vide, austère, froid. Vide, comme moi à cet instant-ci. Vide, comme le sens de ma vie qui n'était que ramassis d'échec.
La boutique n'était plus que carrelage, murs en bétons froids et spectre de mélancolie, une entité vide, austère et froide rendant son dernier souffle devant un voisinage figé et attentif contemplant sa douloureuse agonie. Il y avait même quelque chose de plus noir dans leur regard que de la simple curiosité malsaine, ils pensaient que la petite fille maudite de Gibraltar n'avait pas volé ce qui lui arrivait. Et moi, face à mon seul héritage qui partait en fumée ; je n'ai que mes larmes comme lot de consolation. Au diable le stoïcisme, lorsque le sort s'attelle comme pour effectuer un travail minutieux d'orfèvre à vous accabler de malheur!


Soudain une présence se fait sentir à côté de moi, ainsi qu'une fragrance vanillée et ambrée: Mactar. Il s'assit silencieusement à coté de moi, je fixai le vide, les yeux embrumés de larmes sans rien dire. On se terre ainsi dans un silence pesant, aucun d'entre nous ne voulant abdiquer et rompre ce calme énervant. J'étais à bout de nerfs et même sachant qu'il n'était là que pour me soutenir, je n'ai pu m'empêcher de rétorquer un peu agressivement:

- Qu'est que tu fais là?! Tu ne devrais pas être à ta réunion de geeks?

Mactar* sans s'emporter*- C'est à toi que je devrais poser cette question. Qu'est ce que tu entrain de faire Nour? Tu tiens vraiment à devenir le sujet de commérages de toutes les femmes du quartier?

Sentant le reproche dans sa voix, je me suis offusquée:

- Ah parce que c'est de ma faute maintenant!

Lui- J'ai pas dit ça mais tu ne devrais pas te mettre dans un état pareil. D'accord, c'est difficile de perdre ta dernière source de revenu à cause de l'autre connard et d'être impuissante face à ça mais tu penses sérieusement que faire une crise d'hystérie en public va arranger quelque chose?

- Ce n'est pas juste une question d'argent mais cette boutique c'était l'une des dernières choses qui reliait à ma mère et j'ai tout foutu en l'air!

Je passe ma main nerveusement dans mes cheveux.

Lui- Ne dis pas ça! Tu as la mauvaise manie de vouloir tout porter sur tes épaules. Nour, nous sommes humains, il faut accepter que certaines choses nous échappent. Cette boutique était déjà sur le chemin de la faillite quand tu es partie en Californie. Ce n'est pas de faute...

Il passe sa main sur ma joue pour essuyer une larme. Je dégage légèrement mon visage.

- Tu pense qu'elle m'en veut?

Mactar- Qui elle? Ta mère?

Je hoche doucement la tête.

Mactar- Non, je ne crois pas qu'elle t'en veuilles. Je suis même sûr qu'elle est très fière d'avoir une fille aussi courageuse que toi!

- Je ne me sens pas si courageuse que ça...

Mactar- Bah, si! La preuve, tu es la seule qui a eu les épaules de t'attaquer au « grand méchant Chemsseddine Aïdara ».

Il dit son nom en mimant des guillemets et faisant de grands gestes.

- *rire faible* Les autres appellent ça juste de la bêtise.

Mactar- Chut! C'est les autres qui sont bêtes.

- Sinon, ça c'est passé comment ta réunion? C'est bon, tu vas devenir le prochain Mark Zuckerberg?( inventeur de Facebook)

Lui*rires nerveux*- Pas vraiment non! Finalement je n'ai pas signé de contrat.

-*surprise* Mais pourquoi ?! Je pensais que tout était déjà carré.

Lui- Tu sais, les investisseurs occidentaux sont comme ça. Ils clignotent à gauche et tournent à droite. Au lieu de se limiter à financer mon projet et devenir actionnaires, ils veulent tous les droits de production. J'ai pété les plombs et je me suis tiré au cours de la réunion.

J'ai sincèrement de la peine pour lui. Il ne mérite pas de vivre cette désillusion.

- Je suis vraiment désolée pour toi, Mactar. T'as bien fait de ne pas signer. * je soupire* T'as tout ça à gérer et je suis là entrain de te faire perdre ton temps avec mes problèmes...

Mactar- Je t'ai déjà dit d'arrêter de te croire responsable de tout! C'est pas grave, je vais bien trouver autre chose. Yallah bakhna...

Il passe furtivement ses mains sur son jean et se lève en me tendant la main.

Lui- Allez, retourne à la villa! Djibril est réveillé et il te réclame.

- Et on fait quoi du camion?

Lui- J'ai un pote qui a un entrepôt libre. Je vais décharger tes bagages là bas le temps qu'on trouve un autre local. Vas-y , je vais m'occuper de tout.

- Sérieux? Je ne voudrais pas te déranger avec ça!

Lui- Me déranger? Nour, c'est un plaisir de pouvoir être là pour toi.

- *sourire* J'ai de la chance de t'avoir... d'avoir un ami comme toi.


—————————



Le lendemain, villa Sarrène, 4h45

Cette lumière rougeâtre, puis ses yeux bleu-gris dans lesquels brillent quelques chose de maléfique... Les plus belles iris du monde portés par le plus exécrable des diablotins, le baiser, ses lèvres qui effleurent à peine les miennes puis la chute...Et cette voix qui raisonne à tue-tête, cette phrase, cette promesse. Encore le même rêve que la veille qui vient hanter mon repos et finalement qui me réveille en sursaut totalement déboussolée.

On dit que la nuit porte conseil, mais quels enseignements peut-on tirer de la nuit lorsque vos plus sombres appréhensions viennent vous troubler jusque dans votre sommeil. Je fixe le plafond, ma chambre éclairée par la lumière tamisée que produit ma veilleuse. Morphée me guette, il veut me reprendre sous sa joute mais j'ai peur de m'abandonner à lui. Je ne veux plus me retrouver dans cette affreuse forêt comme une brebis blessée face à un loup affamé, impuissante, craintive mais surtout condamnée. Deux nuits de suite que je fais ce curieux rêve, est ce un signe? Et si c'en est un, qu'est ce que cela veut dire.? J'aurais bien aimée que ma grand-mère soit avec moi à cet instant-ci, elle sait très bien s'y faire en interprétation des rêves mais vu son état actuel je préfère ne pas l'importuner avec les sales tours que me joue ma conscience.

Les heures passent, le silence de la nuit m'étouffe et pourtant je ne suis prête à affronter le jour.  Aujourd'hui je dois accompagner Khadija faire ses dernières courses pour son mariage et aller chez le couturier pour qu'il prenne les mensurations adaptés à ma robe de demoiselle d'honneur. Le mariage est dans une semaine, elle irradie de bonheur. Et moi... moi, sans vouloir être rabat-joie, je suis d'une humeur de chien et pas du tout disposée à endurer tous ses bavardages remplis de niaiseries, d'amour, de plénitude et d'euphorie de futur-mariée. Je vais décommander. Oui je vais lui dire que je ne sens pas bien, ce qui n'est pas totalement faux car les anglais sont là (j'ai le melon fendu ou en d'autre terme je subit une mini-hémorragie lié à un décollement de l'endomètre). Je me retourne paresseusement dans mon lit ignorant tous des multiples péripéties qui m'attendaient durant cette journée.


11h30, villa sarrène

Je suis toujours sur mon lit à fixer le vide lorsque mon téléphone se met à sonner à tue-tête: c'est Khadija! Purée, il faut que je sois crédible.
Je sais que ça ne se fait pas de lâcher sa meilleure amie pour l'organisation du meilleur jour de sa vie -connaissant Malik Ndao, ce sera plutôt sa descente aux enfers mais une femme avertie en vaut deux- cependant je suis au bout du gouffre là! Je n'arriverai pas à déambuler dans tous les magasins du centre-ville avec une future-mariée surexcitée à mes crochets. Je prends alors une voix enrouée avant de décrocher:

Je m'éclairci la voix bruyamment

- Allo, Khadija ça va?

Khadija Aw- * excédée* Mais bon sang Nour, ça fait une demi-heure que je t'attends pour aller faire du shopping! T'es où là?

- Euuh, chez moi mais (...)

Khadija Aw- QUOI?! Meuf, là je suis littéralement entrain de crever de stress, d'appréhension, c'est la panique totale, rien est prêt et le mariage est pour la semaine prochaine alors Nour Sadiyah Sarr n'en rajoute pas une couche, okay?!

Je force une toux.

- Khadija, je suis un peu malade c'est pour ça. Arrête de crier comme une cinglée, tu veux?

Khadija* sceptique*- Sérieux? T'as quoi?

- Euh, *toux*, j'ai mes règles, du coup j'ai mal au ventre. Tu sais, je vais pas te faire un cours sur la dysménorrhée!

Khadija*rires*- Ah, je suppose que c'est ton excès d'hormone qui te fais tousser là?!

Ouh la conne...

- Non, j'ai aussi un, euh, rhume.

Je suis une piètre menteuse!

Khadija-  Okay, et la grippe avière aussi tant que t'y es... Quand j'arriverai chez toi, tu m'expliqueras ta passion soudaine pour la mythomanie!

- Oh, tu viens chez moi? T'es en route?

Khadija- Oui et tu as intérêt à être prête.

- Oh vas-y mollo sur les ordres. Et puis quoi encore?!

Elle me raccroche au nez. Je me résigne et entreprends de me rendre vers ma salle de bain.Dieu seul sait à quel point je ne suis pas disposée à me lever de mon lit et affronter le monde extérieur! J'essaye de lutter contre ma paresse mais mes membres se font lourds.

La sonnerie retentit. Elle est déjà là! Je souffle d'exaspération et rabats ma couverture sur tout le long de mon corps afin de profiter de mes derniers instants de quiétude. On tape à la porte de ma chambre, je ne réponds pas. C'est loin d'être suffisant cependant pour faire déguerpir mes envahisseurs. Quelques secondes plus tard Mactar et Khadija franchissent le pas de ma chambre.

Je continue à faire la morte mais cette dernière n'est pas de cet avis car elle retire violemment ma couverture. Je me redresse en lui adressant un sale regard ainsi qu'à Mactar. Khadija est vêtue d'une robe couleur émeraude s'arrêtant un peu avant les genoux avec des manches assez bouffantes et centrée à partir de la taille. Sa tenue est agrémentée de sandales à talon argentées et sa full lace brune s'arrêtant aux épaules rendait son visage très harmonieux. Certes harmonieux mais aussi très renfrogné...

Khadija- Nour, je peux savoir quel est ton problème !

- Je te l'ai déjà dit Khadija, je suis un peu souffrante. Vas faire ton shopping avec ta cousine Alima, j'irai chez le couturier dans la semaine.

Khadija-* faisant la moue* Mais tu m'avais promis! En plus, je ne la gobe pas du tout ton histoire de règles douloureuses.

Je lui fais les gros yeux et désigne Mactar du regard. Elle est née avant le « soutoura » cette fille là ...

Mactar- C'est absolument faux. Elle n'est pas malade, juste profondément dépressive. Emmène la avec toi, sortir un peu lui fera un grand bien!

- La ferme sale traître !

Khadija- Euh, dépressive? Il se passe quoi encore, Nour? J'avoue que tu commences à me faire peur. Je suis ta meilleure amie, je peux tout entendre!

- *lançant un scarface à Mactar* Tu vois, au lieu de se concentrer sur son mariage, elle va vouloir jouer au psychologue en herbe avec moi. Ce n'est rien Khadija, là j'ai juste besoin d'un peu de repos...

Mactar- Par repos, elle entend bien sûr s'enfermer dans sa chambre, broyer du noir et maudire ce sale con de Chemsseddine Aïdara du matin au soir !

Il dit cela sur un ton sarcastique.

- Évite de me parler de lui de bon matin, tu veux...

Khadija- Attends, donc le geek est au courant, mon patron est lié à cet histoire et moi ta meilleure amie, je suis sur le banc de touche! Tu vas toute de suite me ravaler cette face de zombie en pleine phase de « mental break-down » et me suivre en ville comme tu me l'avais promis. Tu as intérêt à m'expliquer tout ce remue-méninges durant le trajet!

Mactar-*triomphant* Bien dit!

Je suis partagée entre l'envie de l'étriper et de la prendre dans mes bras. Après tout, elle se fait juste du souci pour moi et je lui avait bel et bien fait la promesse d'aller faire ses dernières courses pour la cérémonie avec elle. Je tente de bafouiller une dernière excuse mais elle reste intransigeante.

Khadija- Je n'accepterai aucun refus!

Bien, peut-être qu'ils ont raison. Peut-être que j'ai besoin de changer d'air pour ne pas étouffer de rage et de mélancolie.

- *blasée* Okay, je capitule mais ne vient pas te plaindre si je suis d'humeur exécrable toute la sainte journée.

Mactar- *les yeux rieurs* Ce n'est comme si nous n'étions pas habitués. Bon, je retourne jouer à Call of duty!

- Sûrement pas! Khadija, je pense que Mactar sera ravi de nous servir de chauffeur au cours de cette longue et harassante journée de Shopping.

Je ne vois pas pourquoi je serais là seule à trinquer. Je m'en vais lui apprendre la loyauté.

Mactar- Et puis quoi encore? Ma moto ne prends que deux places et vous êtes bien lourdes!

Khadija- *malicieuse* C'est vrai que ça fait lourd tous ses sacs de vêtements pour deux jeunes filles sans défense, puis nous prendrons un taxi, merci Mactar de vouloir être notre preux chevalier! Nour grouille toi de te changer!

Mactar- face déconfite * Je vois à quel point mon avis compte dans cette maison ...

Je lâche un petit rire, sélectionne quelques vêtements dans ma penderie avant d'aller prendre une douche. L'eau chaude ruisselle sur ma peau marron, je clos mes yeux pour mieux savourer l'instant mais la première chose que je vois, c'est ce bleu profond, ses lèvres, puis la chute. Est-ce possible de voir un cauchemar éveillé où suis-je semblable à ces soldats souffrant de stress post-traumatique, horriblement balafrés par la cruauté de la vie? J'ouvre mes yeux pour couper court à ce moment affreux et ferme la chasse d'eau.

Après ma toilette, je me vêts rapidement d'une robe en matière épaisse jaune moutarde, assez prêt du corps et s'arrêtant au mollets ainsi que d'un manteau marron à motif beige que j'ai ramené de Californie. Je porte un léger maquillage et agrémenté d'un highlight parfaitement dosé.
J'ai toujours aimé bien m'habiller, c'est comme une sorte de cure, un moyen d'exalter son estime de soi quand elle est au plus bas.

Je retourne ensuite dans ma chambre pour choisir des chaussures.

Khadija- Eh bah t'as sorti le grand jeu.  C'est sexy tout ça!

- Ah bon? Tu crois que je devrais me changer?

Khadija- Mais non! T'es hyper classe comme ça. Si tu rentres célibataire ce soir, tu peux m'appeler Moussa Aw le reste de l'année!

Mactar- *rires*Alors je peux déjà renommer ton contact...

Khadija- Tu crois quoi toi ? Ma pote est convoitée deh!

Lui même il fait partie du convoi, il vient parler ici!

Je me baisse et enfile mes talons de couleur Camel.

- *légèrement vexée* De toute façon j'ai pas la tête à me mettre en couple. Je vais dire au revoir à Djibril puis on y va.

Lorsque j'arrive dans la salle de séjour, je trouve mon petit frère lové dans une couverture bleue, regardant avec attention un animé japonais au côté de son père. Je m'assois sur le fauteuil à ses côtés et lui fait un bisou sur le front. Il pose sa main sur mon visage et le repousse avant de se concentrer à nouveau sur la télé.
Mon pauvre petit bébé...

- Salam aleykoum pa'

Il me répond à peine.

Je passe ma main sur les cheveux de Djibril, le cœur meurtri et battant fort.

- Bonjour chéri, j'espère que tu as bien dormi. Tu es si beau dans ton t-shirt Batman!

Il ne me répond pas. Il est dans sa bulle. Des fois, j' aimerais qu'il m'emporte avec lui. Le monde extérieur est si cruel, le monde ne mérite pas un ange aussi innocent que lui.

- *faible sourire* Maman aurait été tellement conquise par ton beau visage si elle pouvait te voir. T'inquiète pas Chéri, je vais bientôt trouver une solution et tu vas retourner à l'école. Je te le promets!

Lui- (...)

- Là je dois y aller mon grand, mais papa va veiller sur toi. Reste sage, je t'aime!

Je lui fais un petit bisou sur la joue avant de m'adresser à mon père.

- Papa, je dois accompagner Khadija pour ses c...

Père- Eh! Ne me fatigue pas! Vas où bon te semble. Ah, je vois! Maintenant que tu as fait l'idiote jusqu'à faire fermer la boutique, tu as trouvé une nouvelle excuse pour traîner dans les rues! Yaw, djarro sakh kham! Djapp sa tank ndeyelé ko talli bi rek! * Je regrette de t'avoir connu. Ton pied que tu as dédié à la rue!*

Je reste sans-voix face à ses accusations déplacés. Est-ce mon père qui parle ou bien un inconnu? Je me terre dans mon silence pour éviter de m'élancer dans une dispute vaine de sens et quitte la pièce. Mes talons claquèrent tristement sur le sol de la pièce.

—————————






Centre commercial/ 12h05

Après être passés chez le couturier, nous marchons dans les grandes allées du centre commercial à la recherche d'un magasin de chaussures. On s'arrête devant Aldo.

- Je ne vois pourquoi tu tiens tant à faire tes achats ici. Tout est tellement cher à sea plazza. On aurait trouver notre compte à moitié prix en ville!

Mactar- Malik est devenu sa vache laitière!

- *rires* Toute ta vie tu fais des blagues foireuses!

Khadija- Ça se voit que vous ne connaissez pas la famille des Malik, ils sont tout le temps tirés à quatre épingles! Déjà que sa mère me prends pour une arriviste, si je me présente avec des chaussures bas de gamme, ce sera le summum de l'humiliation.

- En quoi faire chauffer la carte bleu de ton fiancé prouve le contraire? Sa mère aura de quoi se conforter dans son idée.

Khadija- Nour, je n'ai pas le choix si je veux m'intégrer dans sa famille. Sa mère et lui, ont une sorte de relation « hyper fusionnelle», Malik est un vrai « fils à Maman » et sa mère veut régner sur le cœur de son fils sans partage. Si je n'arrive pas à rentrer dans ses bonnes grâces, ma vie de couple sera un calvaire! Et puis, je me marie avec un millionnaire, autant rentabiliser...

Nous nous mîmes à rire avant d'entrer chez Aldo. Nous fûmes superbement accueillis par la vendeuse qui connaissait la belle-mère de Khadija, Adja Ndoumbé Ndao et la réputation de leur famille. Elle était au petit soin s'assurant vraiment de notre bien-être. C'est fou comment l'argent a le pouvoir d'assujettir les gens. Khadija se prit trois paires et insista pour m'acheter des escarpins qui allaient divinement bien avec le tissu de ma robe de demoiselle d'honneur. L'addition fut terriblement salée. Wayé borome dollé khamoul nank.

On dirait que Khadija commence à se faire à son nouveau statut social. J'espère juste que tout cela ne lui montera pas à la tête et qu'elle n'aura pas de problème à s'intégrer dans sa belle-famille. Je suis contente pour elle.
Au moins l'une de nous n'est pas entrain de foirer misérablement sa vie.

Nous sortons de la boutique et circulons dans une autre allée remplie de grandes enseignes internationales. Nour marchons jusqu'à un magasin victoria's secret. Khadija nous y devance tandis que Mactar et moi la suivons innocemment.

Khadija *à Mactar*- Oulah, tu n'as pas vu le nom de la boutique?! Ils ne vendent que de la lingerie fine à Victoria's secret. Je pense pas qu'ils aient ta taille...

Mactar à l'entente du nom de cette marque de lingerie dont la réputation n'est plus à refaire semble défaillir. Il se recule même pour observer ce « V » et ce « S » enchevêtrés, son expression faciale est alors épique. S'il était blanc à l'instant, la plus rouge des tomates aurait beaucoup à lui envier. Partagée entre l'hilarité et le besoin d'aider mon cousin à sauver la face, je m'écris, un demi-sourire naissant sur ma bouche:

- Khadija, toi aussi! Ne vas pas nous le mettre mal à l'aise, tu sais bien qu'il n'a pas fait exprès.

Khadija- * haletante à force de se marrer* Mactar, respire, je plaisante! De toute façon, il nous charrie lui aussi à longueur de journée. Pourquoi serait-il le seul à s'amuser? Ohlala, qu'est ce qu'il aime jouer les enfants de chœur celui là!

Mactar visiblement toujours plongé dans l'embarras bafouilla d'une voix quasi-inaudible quelque chose comme: « Euh, désolé, je n'avais pas remarqué que ... Euh » et « Hum, je n'avais pas vu le logo ... Je vais aller au casino à l'étage pour acheter, euh des Oreos! »

Khadija *rires*- Je ne pense pas que des Oreos puissent te rassasier. Vas plutôt nous attendre au restaurant à l'entrée, nous te rejoindrons dès que nous aurons fini.

Sûrement toujours contrarié, il répondit les mains dans les poches:

Mactar- Ouais, mais ne prenez pas tout votre temps aussi!

Khadija *sur un ton moqueur*- Ne t'en fais pas. Si tu t'ennuies texte nous et on t'enverra une photo de nos essayages.

Ne pouvant plus contenir sa frustration, il lâcha un « Ehh! Ta gueule, tchipp » sans douceur ni tendresse aucune puis s'en alla au pas de course. Le voilà parti! J'en profite pour mettre un léger coup de coude dans les côtes à Khadija qui était alors entrain de glousser.

- Tais-toi, drôle! Tu n'as donc aucune limite ?

Khadija- Pourquoi parles tu comme la femme de Louis XIII et non, je suis né avant la gêne.

- Cela se voit bien! Mais dis moi, que foutons nous ici?

Khadija- Eh bien, à ton avis... Je marie dans quelques jours donc les pyjamas Disney, il va falloir les éradiquer!

- T'as toujours pas jeté ton pyjama Raiponce? Et puis ce ne sont pas des courses que tu devrais faire avec tes tantes ou ta mère normalement?

Khadija- Mouk! Jamais! Pour qu'elles m'emmènent chez la laobé du quartier et qu'elles m'achètent leurs pagnes ressemblant à des filets de pêche et leurs autres trucs déphasés ... Malik préfère (...)

- Woaw, cette discussion n'a que trop duré ! Choisis vite tes trucs qu'on s'en aille balla niouy tassék ken kou gnouy khamé dougnou mey riir.* Avant que notre présence ici face échos.*

Elle rit avant de jeter son dévolu sur un autre rayon, choisissant des déshabillés ça et là.

Khadija- Vu qu'on est débarrassées de l'autre boulet, tu peux m'expliquer ce qui t'arrives?

Je soupire et passe ma main sur mon visage.

- D'abord, je veux que tu me promettes de pas te mêler de mes problèmes, je me suis mise dans ce pétrin toute seule! Je veux qu'à l'aube de tes noces, tu ne penses qu'à savourer tes derniers jours de célibat car tu mérites d'être heureuse!

Khadija- Merci beaucoup Nour! Je te le promets. Maintenant, raconte tout à tata!

Je mets alors à lui faire l'inventaire de mes malheurs de la veille allant de la perte de la boutique à mon altercation avec Mr Sow. Je lui décris comment à travers un spectacle hollywoodien j'ai fait profiter tout le voisinage de ma décadence en n'oubliant pas de lui conter le geste d'altruisme de Mactar qui était venu encore une fois me ramasser à la petite cuillère.

Khadija- *tristement* Oh ma chérie, je suis vraiment navrée! Je sais à quel point cet endroit comptait pour ta mère et toi.  Ton bailleur n'est qu'un salaud obnubilé par l'argent! Mr Aïdara ne vaut pas mieux mais je ne comprends pas pourquoi il continue à autant s'acharner sur toi. Juste à cause de cet article? D'habitude il se lasse assez rapidement de ce genre de rapport de force.

Je souffle d'exaspération.

- Si seulement ce n'était que l'article Khadija, si seulement! Mais non il a fallu que germe dans son encéphale cette détestable idée. Il a fallu qu'il atteigne le summum de la bêtise, le paroxysme de la connerie, la consécration de son exécrabilité en décidant de m'épouser vaille que vaille.

Suite à cette dernière révélation, elle sembla tomber des nues.

Khadija- Quoi? T'épouser, toi? Parlons nous du même Chemsseddine Aïdara? Certes j'ai entendu des rumeurs de fiançailles à son sujet au bureau mais cet homme, courtisé par les fleurs les plus belles et les plus influentes du monde irait-il épouser la seule qui l'exècre et à qui, de surcroît il voue de l'inimitié ? Est ce que tu ne serait pas un tantinet sadomasochiste? Cette demande en mariage doit être le fruit de tes songes.

- Si nous ne parlions pas que de cet homme affable, je serais limite vexée. Je ne suis pas comme ces filles dénuées d'honneur qui s'attachent à leur bourreau, je ne lui voue que de la haine. Et puis que représente un mariage pour lui dans l'immensité de sa richesse? Je ne suis qu'un pion comme un autre pour le distraire dans sa vie. Et si tu voyais à quel point, il est obstiné dans son idée! Khadija je n'en dors plus de la nuit depuis qu'il m'a fait cette sombre promesse. Je le sais puissant mais je ne ploierai jamais!

Khadija- Tu me trouveras peut-être folle, tu auras peut-être envie de m'insulter mais je te prie d'accepter!

- Quoi?! As-tu perdu la tête?

Khadija- Oh non! Elle est bien sur mes épaules. Je le connais mieux que toi, avec lui, on fini toujours par ployer. Soit on se soumet d'emblée soit on souffre puis on se soumet!

- Autant mourir que d'épouser ce sinistre individu!

Khadija- Sinistre? Personne ne sait vraiment qui il est! Depuis que je le connais, je n'arrive à le cerner. Avec ses ennemis c'est le diable incarné, dans les médias l'enfant prodige, la bonté! Puis il y'a toute ces vies qu'il détruit, puis il y'a tous ces avenirs qu'il construit. Les mosquées dans les banlieues, les logements sociaux, le financement de CMU, tous ça en sourdine, il n'y a que moi qui soit courant car je gère ses finances.

-Cesse de faire l'éloge de ce faux messie, veux-tu? Il est mauvais, je le vois dans ses yeux ...

Khadija- Je ne dis pas que c'est un homme bon, juste qu'il n'est pas totalement pourri de l'intérieur. Nour ce n'est pas une honte de refuser de se battre lorsqu'on sait que ce n'est pas le choix le plus judicieux qui s'offre à nous. Et si pour une fois la bonne décision était de lâcher prise, de l'épouser un temps, d'arranger la situation de Djibril, de redorer ton nom dans le secteur pétrolier et puis de divorcer un an plus tard si ça te chante. Si tu te lances dans un bras de fer avec lui, tu risques d'y laisser des plumes!

- Tu crois vraiment qu'il a du cœur ? Ce n'est qu'un piège grotesque! Si je lie ma vie à la sienne alors ça en sera fini de moi.

Khadija- Mais c'est ta seule issue chérie. Promets moi d'y penser!

- D'accord Khadija, même si je trouve tout cela parfaitement saugrenu. Faisons donc ce pourquoi nous sommes là, Mactar doit commencer à s'impatienter.

khadija- *sourire* D'accord. Que penses tu de ça?

Elle dit cela en me montrant une nuisette en dentelle noire.

- 25000! Pour si peu de tissu, c'est vraiment du gâchis! De plus ton fiancé, égaré qu'il est a déjà tout vu, plus rien ne peut l'étonner.

Bizarrement elle ne rit pas à ma blague ( qui n'est pas une contre-vérité en passant) et prend plutôt une expression inquiétante.

Khadija- Ne fais pas de gestes brusques mais il y'a un pervers qui ne fait que de te regarder depuis un bon bout de temps.

Sans tenir compte de sa remarque, je me retourne de manière spontanée. Mon regard s'arrête sur un homme élancé et de stature moyenne d'une noirceur d'ébène et portant des habits de la même couleur. Une cicatrice traverse son arcade sourcilière. Il est carrément trop flippant!

Il se rend compte que je l'observe et soutient mon regard. Son visage d'assassin me donne froid dans le dos.
Je baisse les yeux mais il s'approche de nous avec nonchalance, comme un lion s'apprêtant à bondir sur sa proie.

Il accentua son regard sur la nuisette que je tenais entre mes mains et avec un sourire salace lançant :  « Elle vous irait mieux en rouge » avant de quitter la boutique.

Khadija- Je t'avais demandé d'être discrète , maintenant ça se trouve,il nous attend dans le hall pour nous kidnapper.

- Allons vite rejoindre Mactar. Fi woratoul! Cet endroit est dangereux!

—————————






Point de vue de Chemsseddine Aïdara

La réunion vient de s'achever. Chef de compagnies pétrolières, ministres d'Etats et directeurs de banques nationales quittent la pièce une expression grave figée sur leurs visages. Ils viennent de se faire remonter les bretelles par le directeur de la FMI, Manoel De Azevedo, qui leur à reprocher leur incapacité à payer, à eux tous, la caution pour un bateau pour la prospection de nouveaux sites pétroliers sénégalais. Je dis « leur », car moi, au lieu de baisser la tête face à ce néocolonisateur, ce donneur de leçon, j'ai passé la réunion un sourire au coin des lèvres, rêvassant et l'écoutant à peine. Oui, cette réunion était un spectacle de comédie et ce Manoel une ridicule bête de foire car moi contrairement à tous ces putains d'hommes d'affaires incapables, ces misérables pantins, stratèges que pour l'enrichissement illicite, j'avais non seulement de quoi payer la caution pour le bateau mais aussi sa location pendant toute la durée des trois ans nécessaires.

Je n'ai rien dit cependant. J'ai écouté Mr Manoel verser en remontrance, et jouer le Messie venant sauver les terres d'Afriques avec quelques Dollars. Il joua aussi le moralisateur qui je cite, affirme : « les africains ont fragilisé l'économie de leurs banques à cause de la corruption généralisée, des mesures doivent être prises! Vos 6% de croissance fictive avec lesquels vous leurrez vos citoyens ne seront que davantage plus vains  si vous ne réglez pas ce problème. La corruption freine l'émergence d'un pays. »

Suite à cette remarque, je n'avais pu m'empêcher de rétorquer, l'air désinvolte:

- Comme le votre, le Brésil, durant le tollé de l'affaire petrobras? N'est ce pas Mr Manoel, cela doit vous donnez une belle impression de déjà vu, ça?!

Mr Manoel devint d'abord pâle, puis rouge pivoine. Puis il feignit l'incompréhension, et dans un élan de sentiment d'inquiétude mêlé de dédain pour le petit Africain qui osa lui couper la parole , il avait alors rétorqué : « Qu'est ce vous voulez dire Mr, hum, quel est votre nom déjà ?! je ne vous suis pas . »

Un des ministres, alors affolé à l'idée de se faire limoger dans le cadre d'un échec des négociations, essaya de tempérer la situation. Et mon cher cousin plus exécrable, plus dépourvu d'encéphale et plus incompétent que jamais, renchérit alors:

- Mr Manoel, en tant que nouveau PDG d'AMC, je vous prie d'excuser mon subordonné. Il ne faisait que relater quelques faits, veuillez poursuivre s'il vous plaît...

Mr Manoel poursuivit alors son monologue comme un maître d'école donnant sa leçon de « civilisation » sous l'oreille attentive de ses élèves encore immatures pour pouvoir réfléchir d'eux-mêmes. Il parlait mais son regard ne pouvait se défaire de moi, il savait. Il savait que je connaissais les parties occultées de l'histoire, que je savais beaucoup plus que je ne le laissais transparaître. Et moi je me délectais de cette situation, tapis dans un coin, les lèvres s'étirant dans un sourire inquisiteur.

Maintenant que c'est la fin de l'entrevue, Mr Manoel se lance dans une dernière série de salutations et d'embrassades avec le ministre des mines, comme preuve de leurs négociations concluantes. Pendant ce temps je traîne des pieds pour sortir de la salle de conférence. Il va m'interpeller, je le sais! Il a été fortement intrigué par mes insinuations et lui comme moi savons très bien que je ne parlais pas dans le vent. Lorsque je commence à franchir la porte pour sortir de salle conférence et rejoindre le hall de l'hôtel, il écourte sa discussion avec le ministre pour me rattraper.

Lui- Mr Aïdara, veuillez-vous joindre à moi à l'étage s'il vous plait!

Je me tourne et lui jette un regard insolent.

- Oh, vous connaissez mon nom maintenant! Bien, cependant je suis momentanément indisponible compte tenu de longue journée de labeur qui m'attends. Toutefois vous pourrez prendre rendez-vous avec ma secrétaire!

Il reste interdit face à ma rétorque. Le ministre qui nous a rejoint a les yeux exorbités tandis que Mr Manoel fulminait de colère.

Mr Manoel- J'ai longtemps ouïe dire de votre audace à tout épreuve mais là vous vous comportez tel un insolent plein de gloriole!

- Parfaitement, je suis un insolent! Pourquoi devrais-je me montrer courtois alors que c'est vous qui avez besoin de moi? Je ne suis pas tous ces affairistes africains souffrant d'un complexe d'infériorité que vous matez.

Mr le ministre- Mr Aïdara, cela suffit! Savez vous à qui vous vous adressez?

Mr Manoel- *essayant de tempérer* Ce n'est rien! Laissez nous quelques minutes, nous devrions arriver à nous entendre. * à son garde du corps* Vous aussi, vous pouvez y aller!

Ils sortirent de la pièce la queue entre les jambes. Une fois seuls, le quinquagénaire en costard reprit:

Mr Manoel- Que savez vous de l'affaire Petrobas?

- *rieur* Moi? Comme tout le monde, juste ce que CNN en a dit voyons!

Les nerfs sont tendus. Le ton haussa:

Mr Manoel- MR AÏDARA, VEUILLEZ CESSER CETTE IMPERTINENCE!

- NE JOUEZ PAS À LA FORTE GUEULE AVEC MOI! VOUS SAVEZ BIEN QUE VOUS N'ÊTES PAS DANS LA PUTAIN DE BONNE POSITION POUR ÇA! Un mot de travers, et tout le Brésil saura que vous êtes un corrompu. Maintenant, parlons plutôt de mes exigences!

Mr Manoel-* offusqué * Mr Aïdara, serait-ce du chantage?

Je ne peux retenir un rictus face à sa réaction.

-Non, un simple retour sur investissement! Demandez à cette chère Carla De Azeve (...)

Mr Manoel- Vous connaissez ma fille?!

- *sourire narquois* Ah ouais! Je la connais elle mais aussi chaque parcelle, chaque centimètre carré de son corps.

Il devient encore plus énervé que tout à l'heure.

Mr Manoel- Salopard! Comment osez vous?! Vous êtes vraiment incroyable, je vais vous apprendre moi (...)

- En levant les yeux* C'est exactement ce que Carla disait en gémissant sous mon corps. Attendez ne partez pas! Écoutez d'abord toute l'histoire. Il y'a quelques années alors que l'affaire Petrobras commençait à faire un tollé, Carlita m'a abordé lors d'une soirée privée à New York. Vous étiez impliqué dans cette merde jusqu'au coup et vous alliez bientôt couler! Elle ne voulait pas perdre son train de vie luxueux, elle m'a alors demandé ma protection de manière si gentille que j'étais obligée de céder. Elle m'offrit en échange la plus torride des nuits. Quoi?! Ne me regardez pas comme ça! Je ne lui ai rien demandé, elle a même insisté!

Il était vraiment surpris par mes révélations mais ne pouvait les réfuter. Il savait bien qu'il n'avait pas échappé à la justice brésilienne par magie.

Mr Manoel- Vous voulez dire que c'est vous qui m'avez couvert tous ce temps! Mais , ce n'est pas possible. Carla est un ange, elle ne ferait jamais ça!

- Carla? Un ange? *rires* Osez rêver ... Voyez vous, j'ai effacé toutes vos traces et votre bienfaiteur demande aujourd'hui compensation!

Mr Manoel- Et que puis je faire pour vous? Si vous êtes arrivé à faire ça, vous devez être déjà très puissant.

- Eh bien, des sources m'ont informées que vous avez conclu un accord avec le président pour confier 45 % des nouveaux sites pétroliers aux américains en échange de ce prêt. Vous avez la Maison Blanche derrière vous, c'est évident! Je vous demande donc de garantir 39% aux américains et 6% à AMC.

Mr Manoel- Quoi? Vous êtes fous! Allez en parler avec Trump vous même. Ils ont payé cher pour ça, ils n'accepteront jamais ...

- Eh bien, trouvez le moyen d'être convainquant ainsi je ferai de vous un ami et aucune de vos malversations ne sera divulguée. Sur ce, passez mes salutations à cette très chère Carlita!

Mon cellulaire se met à vibrer dans ma poche ce qui coupe court définitivement à ma discussion avec Mr Manoel: c'est Noireau. Je me dirige dans le hall central du Radisson Hôtel. Djamil et Arane m'attendaient à la porte, je leur fais signe de me suivre en décrochant:

- Allo! Dis-je d'une voix stricte.

Noireau- Bonjour Monsieur! J'ai un problème avec (...)

- Noireau! Je t'ai déjà dit de ne pas me faire de compte rendu au téléphone.

Noireau- Mais Mr, c'est très urgent! J'ai suivi Mlle Sarr en filature pour en apprendre plus sur elle comme vous me l'avais demandé mais elle (...) elle a fini par s'en rendre compte.

Bordel! Ce monde n'est fait que de roublards et d'incapables.

- Quoi? Comment ça? Que s'est-il passé?

Noireau- Elle était au Victoria secret du centre commercial avec une de vos employés, Khadija, je crois. Elle a vu que je les observais au loin, je me suis donc fait passer pour un voyeur pour brouiller les pistes. Elles ne se doutent de rien mais elles doivent être paniquées et sur leur garde donc ce serait donc périlleux de continuer la mission aujourd'hui.

- Noireau, penses-tu que j'aime faire de la charité?!

Noireau- Pardon?

- Me prends tu pour une âme charitable? Je reprends sèchement.

Noireau- Euh je ne sais pas... Enfin, non!

- Bah alors cesses de toujours tout foutre en l'air et tache de gagner le putain de salaire que je te verse chaque mois! Elle est toujours là bas?

Noireau - Non, elles sont au restaurant qui se trouve à l'entrée du centre commercial.

- Bien, dégage! Je ne suis pas loin, je vais prendre le relai.

Je raccroche ensuite. Arane se poste devant moi, remet ma cravate en place avant de me susurrer doucement à l'oreille d'une voix langoureuse:

Arane- Pourquoi tu es si énervé, Chemsseddine? Puis où va t-on?

Djamil- Prenez-vous une chambre s'il vous plaît. Arrêtez de faire ça dans le hall!

- Arane, espace personnel s'il te plaît et toi ferme là Djamil. Nous partons manger dans un restaurant au centre commercial !

Arane- Quoi? Dans ces endroits bas de gamme? Ce serait un attentat à mes papilles gustatives!

- Soit tu ramènes ton cul où tu retournes à AMC. Personne te force à faire un outrage à tes goûts de gourmets.

Arane- *en s'éloignant de moi* toujours aussi aimable...

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Quelques minutes plus tard, après avoir enduré moult caprices de diva, nous arrivons devant le saveur d'Asie de Sea plazza. Ce lieu est tout bonnement exécrable, ça sent la friture jusque dans l'air qu'on inspire et les êtres humains y pullulent comme de misérables mouches. Je mets mes RayBan de soleil pour ne pas me faire reconnaître de l'assistance et pénètre dans l'enceinte du fast-food. Il y'a deux entrées dont une qui mène à des escaliers donnant accéder à la partie supérieure du restaurant réservée «  à de plus grandes bourses ».

J'arpente les escaliers en la cherchant du regard dans la masse d'humains qui se trouvait au rez-de-chaussée mais il fallut bien que cette radio sur pattes vienne troubler ma concentration :

Arane- *plaintive* Chemsseddine, tirons nous de là, tu vas ruiner mon diet!

Djamil- *taquin* De toute façon, même mince tu ressembles à un derrière de mammouth!

Arane- *lasse d'entendre Djamil piailler* Je n'ai pas besoin de ton agrément pour me sentir sublime!

Il perd tout d'un coup intérêt à la discussion comme captivé par une curieuse découverte:

Djamil- Eh mais ça ne serait pas ma charmante belle-sœur là bas?!

Je suis la direction pointée par son index du regard. Mes yeux s'arrêtent sur elle. La voilà! Elle est assise à une table en compagnie de Khadija et d'un misérable dont j'ignore jusqu'au nom, les yeux plissés, riant jusqu'aux larmes. Ce sourire, c'est un affront!
Comment ose t-elle encore rire?
Comment, alors qu'elle est accablée de toute part ? Cette dentition d'un blanc écarlate, ce son sincère et cristallin, ce rire que je me suis tant acharné à faire disparaître, la voilà aussi triomphant que jamais. Voilà un nouvel outrage. Elle me défie sans le savoir mais bientôt elle oubliera comment sourire!

Son manteau est accroché à sa chaise, il ne lui reste plus qu'une robe toute de jaune faite mettant en exergue chaque courbe de son corps. Faut dire ce qui est, elle est super bien roulée!
Arane me parle mais je n'entends rien. Je crois qu'elle me demande d'avancer mais je me suis perdu dans la contemplation du galbe de ses hanches et de son derrière plus que jamais bombé. Elle passe sa main dans ses cheveux lentement, innocemment comme si elle ne saisissait rien de la sensualité de son geste. Et il lui suffisait de sourire pour captiver le regard plein de langueur de tous les hommes présents.
Moi y compris, sombre con que je suis!
Mais que pouvais-je faire? Derrière son apparente innocence, cette fille n'était qu'une vicieuse aguerrie!

Djamil- Cheikh, ici la terre! T'es hypnotisé ou c'est comment?
Je sortis de ma stupeur, agacé de m'être fait prendre comme un ado en pleine puberté.

Arane- Qu'est-ce qu'elle fait là cette hystérique ?!

- * d'un ton franc* Hypnotisé? Moi? Et puis quoi encore? J'en ai connu de plus belles et de plus bonnes.

Djamil- Bah ça n'a pas l'air d'être l'avi de l'homme qui l'accompagne! Tu ne te serais pas fait doubler par hasard?!

Je jette une vue panoramique à sa table, il semblait ébloui, le couillon! Khadija parlait au téléphone tandis qu'il faisait la conversation à Nour Sadiyah. C'est donc à lui qu'elle riait.
Ce con de Noireau ne m'avait pas parlé de petit ami.

- Pour pouvoir me doubler, il faut d'abord m'arriver à la cheville, je ne m'insulterai pas en me comparant à ce gamin. Allez, allons à table!





Omniscient

Nour souriait, à nouveau son cœur fleurissait et ainsi elle pouvait recommencer à respirer... enfin pour quelques secondes au moins avant que la lugubre réalité vienne la rattraper . Elle versait en railleries et discussions futiles avec Mactar et Khadija et puis sa main gourmande vint se loger jusqu'au cœur des frites, innocemment, ignorant qu'une paire d'iris grises, au loin l'observait.

Pris d'un fou rire, Mactar posa sa main sur sa frêle épaule. Tout doucement elle frissonna avant de lui jeter un regard insistant. Son cousin comprit que son geste était inapproprié et retira aussitôt sa main.
Les iris grises s'assombrirent et le téléphone de Nour vibra. Un numéro privé lui avait écrit:
« Demande à cet enflure de retirer ses salles pattes, je n'aime pas que l'on touche à mes affaires. »

L'expression guillerette avait alors quitté le visage de Nour pour faire place à l'incompréhension et l'indignation, elle répondit alors:

« Qui êtes vous et comment osez vous me parler comme si j'étais votre chose? »

La panique l'avait envahie.Était-ce le voyeur de tout à l'heure qui avait continué à les épier? Cela ne tenait pas debout: comment aurait-il fait pour avoir son numéro?
Mactar remarqua qu'elle était tourmentée et lui demanda quelle sorte de message avait-elle reçu tout d'un coup.

- Oh rien! Juste les promotions d'orange! Mentit-elle sans crédibilité aucune.

Ses yeux étaient remplis de frayeur. Il la voyait, il était là. C'était sur! Il avait parlé de sa robe jaune et puis de ses courbes... Elle ne put empêcher son esprit de s'égarer jusqu'aux sombres souvenirs du contact de ses mains sur son corps. Elle se senti souillée, rabaissée au rang d'objet mais surtout prise au piège.

- Vraiment? Où est-il? Je ne le vois pas. Tu ne deviendrais pas un peu parano sur les bords? Lui répondu Khadija.

Nour passa sa main nerveusement dans ses cheveux. Le fait de ne pas être prise au sérieux par son amie ne fit que croître son désarroi.

- Mais non! insista Nour d'une voix anxieuse, il est là. Regarde, c'est lui qui m'a envoyé ce message. Il doit forcément être ici!

- Quoi? Ce con dépasse les limites! Appèle-le que je lui refasse le portrait, il te foutra enfin la paix. Et d'où tient-il ton numéro d'ailleurs ? Qu'est-ce qu'il te veut à la fin? intervint Mactar, coléreux et complètement paumé.

Qu'est-ce qu'il lui voulait? La réponse était claire pour Nour: la détruire. Ses yeux balayèrent l'ensemble du restaurant, en long et en large, pas l'ombre de sa silhouette. Et l'appareil infernal, à nouveau vibra, portant la prochaine commission du Diable:

« Tu cherches dans la mauvaise direction chérie! » avait-il écrit.
« Chérie » , cette appellation affectueuse n'était que cynisme et moquerie de la part de Chemsseddine.
La crispation régnait à table. Une serveuse s'approcha des jeunes gens, dans sa main un smoothie à la banane, la boisson préférée de Nour et une gaufre au nutella.

- Je n'ai pas commandé ça ! s'empressa de dire cette dernière

Toute sourire, la serveuse rétorqua : « Oh je sais Mademoiselle. Mais un charmant jeune homme vous a offert ce dessert. »

- Euh, c'est de la part de Mr Chemsseddine Aïdara , vous savez le Mr qui a plein d'entreprises ? Demanda Nour.

- Oh je ne sais pas ! Je ne saurai le reconnaître dit-elle, avec un sourire presque complice.
Nour soupira

- Okay , il se trouve où ce charmant jeune homme ? Demanda-t-elle excédée

- Oh dans le coin VIP à l'étage ! Vous avez énormément de chance d'avoir un fiancé aussi attentionné... lança la serveuse avant de poser sur la table le plat et de s'en aller, un sourire rêveur scotché sur son visage.

- C'est tout bonnement grotesque ! Ce gars n'en manque pas une pour se donner en spectacle ! Un coup il gâche ta vie, un coup il t'offre un smoothie !!! Tirons-nous de là. S'énerva Mactar

Khadija ajouta quelque chose mais sa fidèle amie ne perçut que des bribes de son discours. Elle analysait la gaufre. Comment Chemsseddine pouvait-il savoir des choses aussi personnelles ? Est qu'est ce que cela signifiait-il ?

Chemsseddine , de sa forteresse , ne quittait pas Nour des yeux. Elle était tourmentée, au bord de l'explosion , bientôt elle craquerait! Bientôt , elle allait devenir sienne. Ignorant le regard plein de rancoeur d'Arane , il se remit à faire pianoter ses doigts sur son IPhone 11 Pro .

« Qu'est ce qu'il pouvait bien lui écrire pour sourire autant ? » songea Arane
Elle commençait à avoir peur pour son statut , elle venait d'évincer Victoria et une concurrente encore plus misérable se présentait.
« Peu importe , elle ne m'arrive pas à la cheville » se persuada-t-elle tandis que le petit jeu entre les deux promis continuait , bien que l'engagement ne fut pas de toute part consenti.

« Mange donc ta gauffre. Une surprise t'attend »

« Je ne veux rien de vous , espèce de gros malade ! »

L'échange était houleux. Toutefois Mademoiselle Sarr souleva son dessert avec sa fourchette.
Un minuscule sac en soie rose rose gold se trouvait en dessous avec les caractères « les petits trésors de Camille ». La forme d'une bague se devinait sous le sachet. Il lui avait offert une bague et pas n'importe laquelle , elle venait d'une des plus grandes bijouteries de luxe. Elle avait déjà vu leur siège, à New York. Le bijou était un anneau en or verrue d'une grosse pièce étincelante.
Ainsi le message était clair , Chemsseddine n'en avait cure de son acceptation pour la marier, elle était sienne , déjà acquise. Elle fut toute de suite blessée dans l'honneur, c'était l'ultime affront. Elle bouillonnait de l'intérieur, elle bouillonnait si ardemment qu'elle n'aurait pu s'empêcher d'aller voir Chemsseddine pour lui dire ses quatre vérités.

- Nour , calme-toi , murmura Khadija ...
Elle savait à quel point son amie pouvait être impulsive sous les affres de la colère. Chemsseddine était toujours au courant de tout, il allait forcément faire le rapprochement avec elle, et allait perdre son travail. Cependant son cœur ne lui permettait pas de freiner son amie dans sa lancée, quoi qu'elle puisse faire, Chemsseddine l'aurait bien mérité. Son amie avait tant souffert.

Nour s'élança dans les escaliers à toute vitesse, suivie par Khadija. Elle débarqua comme une furie, en plus de la table de Chemsseddine, il y avait deux familles et un couple. Elle se dirigea devant Chemsseddine , avec tant de colère et de hargne que tous les yeux la fixèrent.

- Qu'est-ce qu'elle a ta meuf bro? Elle a l'air très ravie de te voir! chuchota Djamil à Chemsseddine ironique.

- Appelle la encore « ma meuf » et je te crève un œil ! Répondit ce dernier à voix basse

- C'est pas que je veuille gâcher l'ambiance mais cette folle va encore nous foutre la honte, cracha Arane d'un ton dédaigneux .

Faisant fi de toutes ces messes basses et de l'assistance qui la dévisageait, Nour entama son monologue en mettant en évidence la bague à quelques décimètres des yeux de Chemsseddine :

- Ça, ça ne représente donc rien pour vous? L'argent et le pouvoir vous
auraient-ils fait perdre la notion sacrée du mariage? Comment osez vous? Cruel! Prétentieux! Salaud! Comment osez après m'avoir ainsi humiliée devant 16 millions de personnes ne serait-ce que songer à m'épouser? N'ai je pas assez de problèmes pour que vous y ajoutiez cette idée sotte de m'épouser? Cracha Nour avec des mots sortant du fond de son cœur.

Chemsseddine croisa ses jambes avec désinvolture et l'écoutait parler avec une pointe d'amusement dans le regard.
Oui, c'était comme ça qu'il aimait la voir: la voix tremblante, les nerfs à vif, troublée, frêle et pitoyable malgré toute sa rage.
Un rictus mauvais s'échappa de ses lèvres rosées et il répondit:

«  Que veux-tu Mlle Sadiyah? La vie n'est pas un long fleuve tranquille! »

Le temps s'était figé. Le monde autour n'existait plus, il n'y avait plus qu'eux et cette haine intense et partagée.
Nour n'en pouvait plus, les larmes menaçaient de couler et comme un animal blessée poussa un gémissement désespéré et envoya le diamant sur Chemsseddine. La bague ricocha sur un torse musclé avant de tomber au sol. Personne n'osa cependant le ramasser, l'ambiance était électrique:

- Assez! Cria Nour, assez d'entendre ce ton cynique. J'espère que tu sais à quel point tu es une pourriture Chemsseddine Aïdara! J'espère que tu sais que tu contribues chaque jour à avilir cette terre davantage. J'espère qu'avant de te coucher, chaque soir, tu es rongé de culpabilité. Non! Mieux encore, j'espère que tu ne trouve jamais le sommeil en pensent à ces gens du fouta que tu as lésés avec ton projet! À mon petit frère déscolarisé par ta faute! Est-ce que la honte te ronge lorsque tu songes à la bijouterie de ma mère que tu as faite fermée alors que c'était l'œuvre de toute sa vie? J'espère que ta conscience souffre lorsque tu me vois à ce point détruite! Mais de conscience hélas, toi tu n'en a point, tu n'es qu'une tache dans l'humanité! As-tu une mère Chemsseddine? Bah saches qu'elle n'est pas fière d'être son fils!

Chemsseddine supporta et bu chacune de ses insultes avec le plaisir malsain de la voir à fleur de peau jusqu'à ce que sa mère fu évoquée. Ah là, elle avait touché une corde sensible. À cette mention, Arane et Djamil avaient cessé de respirer et l'assistance était transie devant l'houleux échange.

Chemsseddine s'était levé de sa chaise et d'une voix grave et tranchante, il avait dit: «  Sécurité, dégagez moi cette chose! ».

- Est-ce donc moi que vous appelez chose? S'offusqua Nour.

- Nous retournons donc au vouvoiement! De plus, il y'a t-il d'autres qualificatifs appropriés lorsqu'on sait que mal nommer les choses, c'est rajouter à la misère de ce monde! rétorqua Chemsseddine acerbe.

Nour n'eut pas le temps de s'offusquer davantage car de gros  «  macaques » vinrent chacun la saisir méchamment par un bras. Chemsseddine s'était donc rapproché d'elle la surplombant de son mètre quatre vingt dix-huit. Nour se mit donc à choisir l'emplacement de sa tombe en gardant la tête baissée.

- Regarde-moi! Avait-il ordonné.

Elle tourna sa tête de la gauche vers la droite mais n'osa pas la lever. Chemsseddine saisit alors son menton entre l'index et le pouce puis plongea son regard dans le sien.

- Je t'ai demandé de me regarder, reprit-il d'une voix plus sévère. Je t'ai écouté verser en injures et en accusations mais saches que tu vas payer! Chacun de tes mots ...

Son pouce caressa légèrement la joue de Nour puis il reprit:

- Chacun de tes mots, chacun de tes regards effrontés, chacune de tes pensées affreuses dans un futur proche l'œuvre d'une sévère correction. Ah, cet orgueil je te le ferais ravaler et... il s'approcha de son oreille et lui dit tout doucement « tu seras ma soumise ».

Il s'écarte pour voir la peur dans ses yeux noirs.

- As-tu une mère Nour? Non? C'est bien dommage qu'elle ne puisse pas voir sa pauvre fille se marier car ma décision est irrévocable: je vais t'épouser!

Puis comme pour sceller son horrible promesse, il déposa un bisou sur le front de la jeune fille. Il s'adressa ensuite aux vigiles:
- Faites la sortir par la porte de servie. Tu vois, je suis gentil au fond! Je t'évites de te taper la honte!

Chemsseddine reçut un appel. Après avoir écouté son interlocuteur, elle devint livide.
- D'accord Imane! J'arrive tout de suite.

Puis il fit signe à ses compagnons qu'il était temps de s'en aller
Nour quant- à elle se fit escorter jusqu'à la sortie la rage au ventre.
Cet homme se foutait vraiment d'elle.
Arane,elle avait trainé des pieds pour pouvoir quitter le restaurant en dernière et ramasser la bague. Certes Chemsseddine pouvait lui en offrir d'autres mais ce bijou était sa consolation pour avoir vu son trône être dérobé et là d'où elle venait on savait apprécier la valeur des choses matérielles. Elles ne connaissait pas tous les détails de l'histoire mais une chose était sûre, elle allait tout faire pour empêcher ce mariage. Elle ne pouvait pas se faire annexer par une concurrente aussi lamentable.


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Point de vue de Chemsseddine Aïdara

Ma BMW se gare devant la résidence familiale des Aïdara. Quelques minutes au paravant, j'étais encore dans ce restaurant, avec elle et ses yeux remplis d'effroi. J'aurai aimé pouvoir prolonger ce moment encore quelques instants mais j'ai reçu un appel assez inquiétant de ma sœur, je cite: «  Chems! J'en ai marre de cette baraque où personne ne me respecte. Papa ne m'aime pas, c'est sûr! Tu vois le gala de charité que j'ai eu l'idée d'organiser, tu sais qui est sur les affiches pour la promotion de l'événement? Ta Ndella! Je lui ai reproché et elle m'a collé une claque et notre père s'est rangé de son côté. J'ai fais mes valises, et je m'en fou de l'avis de papa, je viens déménager chez toi! »

Elle était dévastée. Ça fait un bout de temps qu'elle désire organiser ce gala de charité et tous ses rêves lui ont étés arrachés pour satisfaire les ambitions d'une belle-mère insatiable. Ndella n'en avait cure de venir en aide à quelques
va-nu-pieds, elle voulait m'atteindre. Elle est alors passée par Imane, ma faille la plus béante, la seule créature pour qui crever comme un malpropre serait un honneur. La prunelle de mes yeux blessée, cette sorcière ne perdait rien pour attendre.
Attends ton tour Ndella, je vais t'exterminer! Bientôt ton lot de souffrance viendra et ton cœur s'en voudra d'avoir était si sot.

Je pénètre dans la grande salle de séjour où deux voix s'élèvent: le maître et la maîtresse de maison se livraient dans une autre discussion houleuse. Mon père batifolait avec une bonne, Ndella voulait la renvoyer. Elle avait bien-sur appris à ses dépens que Babacar Aïdara n'aimait personne d'autre que Babacar Aïdara, et puis elle n'a jamais vraiment était amoureuse. À vrai dire ces deux là n'étaient soudés que pour faire le mal.

- Qu'avez vous fait à Imane? Dis-je en éclaircissant ma voix au préalable.

Le patriarche de la maison s'avança vers moi d'une démarche impériale, une véritable figure d'arrogance. Je le toise à mon tour.
Il n'est pas question qu'il brise Imane comme il l'avait fait avec moi!

Père- Si c'est pour plaider la cause de cette gamine capricieuse, tu sais déjà où se trouve la sortie!

Ce regard froid et méprisant, je le tenais de lui. Je le dévisage sans ciller, je suis loin d'être intimidé.

- « Gamine capricieuse »! Tu te rends compte que c'est de ta propre fille dont tu parles avec tant de détachement! * je jette un sale regard à Ndella* Tu détruit les rêves de ta fille pour satisfaire ta sorcière de femme, le pire c'est que tu ne l'aimes même pas. Tu sais depuis combien d'année Imane prévoit ce gala caritatif? Tu sais au moins à quel point ça lui tient à cœur? Non t'en a rien à foutre tellement t'es occupé par ton putain d'argent!

Ndella- C'est comme ça que tu parles à ton père Chemsseddine ? Il a fait le bon choix en me confiant l'organisation du gala. Imane est bien trop immature pour ça (...)

- Mêles-toi de ton cul toi! Imane aura son gala, ça j'y veillerai personnellement!

Babacar Aïdara- Fais donc! Mais hors de chez moi et pas avec mon argent.

- Je vais me gêner! Cet argent c'est moi qui le produit pendant que tu passes tes journées à glander et à signer des chèques alors j'en ferais ce que bon me semble.

Babacar Aïdara- De toute manière, vu que tu n'es plus PDG ton accès sur nos comptes sera limité!

Oh, je l'avais presque oublié cette foutue histoire de fiançailles.

- Bien je débrouillerai autrement mais garde ta femme en laisse car la prochaine fois qu'elle touchera un seul cheveux de ma sœur, elle perdra sa motricité en son intégralité!

Sans écouter les insultes que profère Ndella et ainsi souiller mes oreilles par sa voix aiguë, je me rends au premier étage.
Lorsque je pénètre dans la chambre de ma sœur, je suis accueilli par l'insupportable son de ses sanglots. Elle est là, comme une fragile petite chose, assise à même le sol, recroquevillée sur elle même et tremblotante. Une cascade de larme coule sur ses joues couleurs caramels.
Ses longs cheveux bouclés, eux, sont dans une pagaille inhabituelle et à côté d'elle, trône une grande valise remplie et quelques vêtements qui jonchent le sol.
Elle vraiment sérieuse dans son délire de débarquer chez moi?
Je m'approche d'elle en faisant attention à ne pas piétiner ses affaires.

- Kamisokho!

Imane- (...)

- Imane kamisokho, c'est Chemsseddine !

Elle lève la tête vers moi, ses yeux marron brillant d'une triste lueur. Ensuite, elle me fait un faible sourire.

Imane- Je sais, il n'y a que toi qui m'appelle comme ça!

- Kamisokho, pourquoi te mets-tu dans des états pareils? Tu sais bien que je n'aime pas te voir comme ça!
Elle se jette dans mes bras en sanglotant. Je grimace légèrement. Je n'apprécie pas trop ce genre effusion mais bon... C'est ma Imane! Je lui caresse le dos pour qu'elle se calme. Je me sens tellement coupable, je lui avais promis enfant que je la protégerai quoi qu'il arrive et la voila maintenant brisée.

Je me défais de son éteinte :

- Combien de fois je t'ai dit de ne pas laisser cette vielle salope te faire pleurer?

Imane- Ils... ils sont tellement injustes avec moi Chemsseddine ! Ta Ndella je comprends encore, mais papa, je suis censée être sa fille merde!

- Imane qu'est ce qu'on avait dit sur les injures? C'est indigne d'une jeune femme de ton rang!

Elle essuie ses larmes en levant les yeux au ciel. Tellement impolie cette petite. À vingt et un an, elle se croit déjà grande!

Elle me prend la main en faisant une tête de chien battu:

Imane - Dis moi que t'es venu pour m'amener loin de cette baraque de dégénérés ! S'il te plaît Chemsouu, je vais devenir tarée si je reste là. Mon cycle menstruel en est même boulversé! Je t'en pris je me ferais toute petite, je te dérangerai pas. Regarde mes valises sont déja prête!

- Déja ne m'appelle plus Chemssouu! En plus c'est impossible, je n'aime pas qu'on envahisse mon espace personnel.

-Vas te faire croquer par les caïmans du Cap-Vert dans ce cas et laisse moi crever dans mon chagrin dit- elle avant de se rouler dans en boule dans son lit.

- Imane, on ne règle pas ses problèmes en fuyant! Je vais l'organiser ton gala, c'est bon?

- Mais père a dit...

- On s'en torche de ce que père a dit. Je vais louer un hôtel, et contacter une agence d'événementiel. Tu verras avec eux les détails de l'organisation et la liste d'invité. Il faut convier le gratin de la société, je veux que ce soit parfait maintenant que je suis impliqué !

- * la voix rempli d'émotion* T'es sérieux Chemssou, tu ferais vraiment ça pour moi?

- * à voix basse* Je ferais cramer cette putain de terre pour toi ...

- Owwwwn Chemssou t'es trop cute! Tu peux me le redire que je Snap ça pour mes abonnés.

- Abuse pas salle folle! J'ai une petite condition par contre...

Imane- Tout ce que tout ce tu veux grand frère!

- Change le thème du gala et verse les dons récoltés aux enfants autistes au lieu des paralysés de Fann.

Imane- L'autisme? Mais pourquoi ? Tu sais bien que c'est pour trouver une solution pour Azzedine que j'organise cette levée de fond!
Je la prends par les épaules et la regarde droit dans les yeux:

- Tu sais bien que si c'était juste un problème d'argent, notre frère serait sur ses pieds.

Imane- Mais je veux aider d'autres gens dans sa condition vu qu'il n'y a plus rien à faire pour lui.

- Si c'est juste pour aider on s'en fou un peu de la cause non?

Imane- C'est vrai que les autistes eux aussi ont de grave problèmes d'intégration dans la société sénégalaise. Mais je ne comprends pas pourquoi diable tu insistes tant!

- Imane kamisokho Aïdara!

Imane-* en riant* Cheikh Ahmed Tidiane Chemsseddine Aïdara, vos désirs sont des ordres. D'ailleurs je vais invité plusieurs artistes et influenceurs qui défendent la cause des enfants pour rendre le gala viral.

- Je t'en pris pas Victoria Biko! Ni Elena Carter, encore moins Maroc 2016 et miss Maroc 2017, Seynabou Sakho, Alimatou Wade, AWA benzekry, et ....

Imane- Si je dois black lister toutes tes anciennes conquêtes, il n'y aura personne d'invité.

- Mais non, tu peux inviter la nouvelle égérie de Dior!

- Qui ça? Carla De azevedo? Elle me donne même pas l'heure cette snob. Elle m'a même pas follow back sur Instagram!

- Dis lui que c'est de ma part, elle se fera un très grand plaisir de venir. Bon j'y vais, il me reste du travail! Et retiens un truc, avoir un grand cœur dans un monde de charognard pareil ça ne sert qu'à étouffer la cage thoracique.

Elle se mit à rire d'un rire franc, des fossettes se formant sur le coin de ses joues. Je pense vraiment ce que je lui ai dit mais elle est trop immature pour comprendre. Elle repris sa tête de chien battu en ouvrant grand ses yeux marrons clairs:

Imane- Chemsseddine me laisse pas là s'il te plaît! J'arrive plus à supporter cette maison de barges.

- Bon d'accord, mais tu ne restes qu'une semaine! Et pas la peine de me regarder comme ça ...

                 Omniscient

C'était le lendemain matin à AMC. Khadija était venue travailler aux aurores, soit quarante minutes plus tôt qu'à l'accoutumée et avait enfilé son tailleur le plus sobre. Elle n'avait pas reçu de lettre de renvoi, ce qui était d'ailleurs très étrange. Mr Chemsseddine Aïdara
avait pour coutumes de remercier ses employés à la moindre bavure. Il l'avait vu, se tenir là, derrière Nour et regardant son amie l'insulter sans rien dire. Elle était associée à cet affront, elle connaissait bien l'homme, il avait puni tant d'autres pour moins pire.

Mais voilà, il était déjà onze heures et Khadija n'avait encore reçu aucune remontrance ni mis à pieds de la part de son patron.

Peut-être qu'il ne m'a pas reconnu ... où qu'il a décidé de faire preuve de clémence!

Elle secoua sa tête pour se défaire de ses espoirs quelques peu utopiques et se concentra à nouveau sur les rentrées faites par l'entreprise.

Lorsque l'aiguille se posa sur la douzième division de l'horloge, on vint sonner à sa porte. Son sang ne fit qu'un tour et elle sentit ses jambes devenir en coton.

C'est vraiment ma fin!  S'était elle convaincue qu'on était venu la déloger par la déloger par la peau des fesses. Elle lâcha un « entrée » à peine audible et la porte s'ouvrît sur l'assistante de Mademoiselle Arane Sall. (Ouais la secrétaire du patron ne manquait pas de culot).

- Mr Aïdara vous demande de vous rendre dans son bureau et cela dans les plus brefs délais. Lança sans respirer la jeune femme vêtue de la même manière que Khadija mais dans des tons bleus marines.

- Vous... savez vous ce qu'il me veut?! Hésita Khadija

- Non mais vous devriez vous dépêcher!

La porte se referma. Khadija tressailli. Elle passe sa main dans son tissage brésilien avant de sortir la mort dans l'âme de son bureau. Et puis quoi? Elle ne regrettait rien! Son amitié avec Nour était l'une des choses les plus précieuses de sa vie. L'ascenseur la fit arriver deux étages plus haut et au fond de ce long couloir se trouvait la porte des enfers. Elle toqua à peine priant pour qu'on ne lui réponde jamais.

Mes ses veux ne se réalisèrent pas et une voix rauque et calme l'invita à ouvrir la porte. Elle s'abandonna à son destin et entra. Elle s'avança jusqu'à l'homme au regard froid positionné dans son fauteuil de cuir puis le salua respectueusement. Khadija avait cependant toujours la boule dans le ventre.

- Mademoiselle Aw, vous m'avez l'air fort tendu? Quoi? Nos finances se portent mal? Demanda Chemsseddine Aïdara, un point d'amusement dans sa voix.

Elle lissa des plis imaginaires sur sa jupe et essaya de balbutier quelque chose:

- Nos finances se portent à merveille Mr Aïdara et le prochain trimestre risque d'être encore meilleur! Récitât- elle comme une chanson, un sourire forcé figé sur ses lèvres.

- Alors pourquoi êtes vous si crispée Mlle Aw, auriez vous fauté ses derniers temps? Lança le jeune milliardaire sur un ton acerbe.

- Fauté? Si vous parlez de ce qui s'est passé à saveur d'Asie, sauf votre respect, je crois pas devoir m'en excuser étant donné qu'il ne s'agit pas du cadre professionnel. Avait-elle dit dans un élan de courage et puis tout de suite regretté.

Diantre, pourquoi ne savait-elle jamais la fermer?

Mr Aïdara au lieu de s'énerver laissa échapper un rire suave.

- C'est que vous me cherchez ces derniers temps Mademoiselle Aw! Devenir la fiancée de cet irresponsable de Malik Ndao vous aurait-il fait pousser des ailes?

- Il en ai rien Mr Aïdara. Veuillez m'excuser ! se reprit-elle.

- Oh ne vous excuser pas,cela est d'un ridicule... Si vous ne voulez pas être foutue à la porte, il va falloir qu'on trouve un terrain d'entente!

- Je ... je ne comprends pas. Rétorqua Khadija, confuse.

- Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai quelques petits différents avec Mademoiselle Nour. Et je voudrais votre aide pour arranger ça. Tenez, dit-il en lui donnant une enveloppe, c'est une invitation pour le gala de ma sœur. Votre belle-famille devrait en recevoir dans la semaine mais ce n'est pas ça le sujet. Je veux que tu convainques Nour Sadiyah Sarr d'y aller.

- Comment voulez vous que je fasse une chose pareil? demanda t-elle offusquée. Et puis elle ne voudra jamais avoir un lien avec quelque chose qui soit liée à vous!

- Oh mais je ne vous demande pas grand chose. Nour vient rentrer au Sénégal, elle n'est pas trop sur les réseaux sociaux donc il n'y a aucun moyen pour qu'elle sache que Imane Kamisokho est ma soeur. Je m'arrangerai pour qu'elle soit tentée de venir, j'ai juste besoin que vous donniez un petit coup de pouce au destin et que vous fassiez en sorte qu'aucun incident ne vienne l'en dissuader! dit simplement Chemsseddine comme s'il s'agissait d'une mince affaire.


- Je ne peux pas faire ça! Tout ce que vous voulez, mais pas ça. Nour m'en voudrait terriblement!

Chemseddine se redressa sur sa chaise, l'air plus redoutable que jamais. Il était vraiment intimidant.

- C'est ça où rien Mlle Aw, répondit l'homme d'affaire sans tenir compte des états d'âme de Khadija. De plus, vous êtes une femme intelligente, vous savez bien que votre amie finira par être mienne. Autant régler ça à l'amiable avant que tout ça dégénère. Ce jeu du chat et de la souris commence à vraiment me laisser, alors si Mlle Sadiyah n'est pas là le soir du gala vous serez renvoyée et je cesserai définitivement de prendre des gants avec elle.

Khadija se mit alors à peser le pour et le contre. La menace de Chemsseddine l'avait fait tressaillir. Elle ne s'inquétait pas tant que ça pour son boulot, elle allait bientôt épouser un riche héritier mais son amie elle, risquait de beaucoup souffrir... Chemseddine allait finir par l'avoir et cet homme, aussi démoniaque soit-il était sa seule porte de sortie contre la misère et sa famille qui l'exploitait sans cesse.

- Promettez moi que vous ne lui ferez pas de mal! demanda t-elle comme l'on formule une prière.

- Quel mal pourrais-je lui faire en présence de deux cent cinquante invités parmi la crème de ce pays et de ce monde?

- Très bien Monsieur Aïdara, alors nous avons un accord!

- Bien, alors prélève cinquante millions de mon compte et envoi ça à l'agence d'événementiel qui organise le gala. Je prends tout à ma charge.

- Dois je retirer cela de la zakat que vous versez chaque année? s'enquit Khadija Aw

-Point du tout, rien ne se passera fi sabilliLah durant cette soirée!







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Au même moment Nour Sadiyah Sarr, dans le salon de la villa sarrène, était installée. Elle était très en colère, totalement envahie et absorbée par la rage. Non, ce n'était pas à cause de la boutique, ni de Chemssedine Aïdara, ni d'aucune de ses galères passées. Il s'agissait plutôt de son père, c'était lui qu'elle attendait ainsi de pied ferme. Cette fois-ci, c'était la fois de trop, il l'avait trop cherchée. Aujourd'hui elle allait laisser éclater ce que son coeur résigné avait si longtemps tu. Aujourd'hui plus que jamais, il l'avait profondément déçu. Alors au Diable ce droit d'aînesse que les africains invoquaient sans cesse, aujourd'hui son père entendrait brimades et réprimandes.

Alors elle avait attendu, longtemps, sans bouger de son fauteuil. Tante Nafi lui avit dit un plus tôt dans la journée: " wa yaw loy melni kouy fottowou. Vas donc aider la bonne c'est mieux que de rester figée comme une image!". Elle n'avait pipé mot tant son cœur était rongé par la rancœur et ses lèvres alourdies par l'amertume.

Nour avait patienté toute la journée et ce n'était que vers vingt-et-une heure que son père avait jugé bon de débarquer. Il avait l'air bien heureux ce vieux fou et portait dans sa main une petite boite mauve. Sans prendre le temps de saluer sa fille ni de rattraper ses prières, il se mit alors à scander: "Fatou, Fatou, viens voir ce que je t'ai apporté!". La belle-mère de Nour ainsi que tous les habitants de la maison se rendirent dans le salon sauf Djibril qui n'aimait pas beaucoup le bruit.

- Ma chérie, vois donc ce que je t'ai acheté! dit Ousseynou Sarr en tendant la boite à Fatou.

Lorsque la boit s'ouvrit, un joli collier d'or et deux boucles d'oreilles brillaient à l'intérieur. Fatou fondit en remerciement, Mactar était stupéfait, Farmata et sa mère regardaient d'un air envieux comme à l'accoutumé et Nour qui jusqu'à là n'avait pas parlé laissa éclater toute la colère qu'elle avait si longtemps dissimulée.


- Yaw yay Djam, Tu es moins noble qu'un esclave!

Tout le monde retint son souffle ne sachant pas à qui elle s'adressait.

- C'est à toi que je parles père, d'ailleurs je ne sais même pas si tu mérites qu'on t'appelle ainsi! Vois comment ton foyer est sur le point de s'écrouler, à quel point nous vivons au jour le jour, à quelle rythme les factures s'entassent! Toi, pareil à toi même, tu n'investis pas un rond pour ta propre famille. Sans honneur! Sans personnalité! Dieu t'a retiré ma mère car elle ne méritait pas un vaurien pareil! Quoi? N'as tu pas honte quand tous les enfants vont à l'école et que le tien reste cloîtrée à la maison? Comment oses tu te montrer en société? dit -elle d'une voix tranchante sans même ciller.


- Petite impolie! Je m'en vais te corriger, enfant du péché. Aussi ingrate que sa mère! Est-ce pour toi qui part coller ton visage sur chaque journal où pour ton frère l'attardé que je vais me décarcasser ?Misérable!

Nour lacha un petit rire nerveux.

- C'est incroyable comment tu trouves rétorque à tout alors que ce matin encore tu me faisais avoir honte de porter ton nom! Pendant que tu était parti trainer je ne sais où, des hommes sont venus demander après toi! Tu as une dette de quatre cent cinquante milles à un casino et tu oses encore parler. C'est ainsi que tu passes tes soirées, dans ces endroits remplis d'alcool et de hram! Ta bêtise faite, tu as l'audace d'acheter de l'or à cette petite idiote que tu appeles « femme »! Je suppose que tu t'es dit que cette conne de Nour allait à nouveau se casser le dos pour tout arranger.

- Continues ainsi, tu n'auras jamais la bénédiction de ton père! répondit-il encore plus remonté que sa fille.

- Ah un père comme toi, tes prières ne feraient que me porter malheur!


Sur ces paroles, elle s'était retirée dans la chambre de Djibril qui s'était roulé en boule à cause du bruit. Elle s'assit à côté de lui en lui caressant les cheveux aspirant au jour où tout ceci ne serait plus que de douloureux et lointains souvenir. Depuis la mort de sa mère, l'orage n'était pas passé.





Quelques secondes plus tard son téléphone s'était mis à sonner. Il s'agissait du Docteur Alassane Kane, le psychiatre de son frère. Au début elle ne voulu pas répondre car elle ne savait quoi dire et puis elle avait terriblement honte mais le médecin insista tellement qu'elle du se résigner à décrocher.

- Allo docteur! soupira t-elle

- Mlle Nour, quelle bonheur de pouvoir enfin vous joindre! Comment allez vous?

- Bien grâce à Dieu! mentit-elle. Et vous?

-Bien, même si je dois admettre être quelque peu en colère contre vous. Cela fait deux séances que rate mon petit bonhomme, comment cela peut-il arriver avec vous qui êtes si prévenante? s'inquiéta Dr Kane.

- Euuh, pour tout vous avouer; ce n'est pas de gaieté de coeur que j'ai agi ainsi et même si Djibril veniez vous voir, je n'aurais de quoi vous payer.

Ah, je me doutais bien qu'il devait y'avoir un souci mais souriez vous avez Alassane Kane! J'ai la solution qu'il vous faut, dit-il d'un ton enjoué comme pour me rassurer.

- Vraiment docteur? demanda Nour sans grand espoir.

- Mlle Imane Kamisokho, plus connue sous le surnom de Camille tiendra un immense gala de charité au King fahd palace dans quelques jours pour les enfants autistes. Il y'aura toutes les grandes familles invitées, des hommes d'affaires et des hommes d'Etat, quelques uns feront même le voyage pour y assister. Camille nous a fait l'honneur de cibler les enfants de notre clinique n'ayant pas assez de moyens pour se soigner pour recevoir une parti des dons au cours de cette soirée. J'ai fait ajouté votre nom sur la liste d'invité afin que vous puissiez bénéficiez d'une subvention pour Djibril.

- Si je comprends bien, vous me de demandez d'allez mendier chez les riches, Docteur? Et puis cette Camille, d'où elle sort?

Camille, vous ne la connaissez pas? C'est une influenceuse qui fait souvent des campagne avec de grande marque. Une fille de bonne famille qui a très grand coeur, ne vous inquiétez pas, elle est fiable. Et puis ne voyez pas les choses ainsi, c'est chance inouïe pour votre frère. Ecoutez, je vais vous faire envoyer une carte d'invitation. Je suis sure que vous saurez prendre la bonne décision! dit-il avant de raccrocher.

Le médecin ne fera le lien entre Chemseddine, Camille et Nour que quelques heures plus tard. Il avait peur d'empirer sa bourde en espérant l'expier.

Perdue et pensive, Nour envoya un message à Khadija pour lui demander de l'éclairer. Cette dernière ne tarda pas à lui répondre:

" Tu serais folle de refuser une chance pareille puisque c'est la seule solution pour Djibril. Et puis c'est « the event » de la saison, c'est le gala que personne ne veut rater! Ma belle-famille et moi sommes invités d'ailleurs, ça tombe bien. On ira ensemble!"



Le lendemain, toute la maisonnette fût réveillée par des hurlements stridents. Les cris provenaient de la chambre de Fatou et Ousseynou Sarr. Ne pouvez t-on jamais avoir la paix dans cette villa?

Nour, Mactar, Farmata et Ta Nafi se précipitèrent vers l'endroit d'où provenaient les cris. Devant le pas de sa chambre, comme prise d'une crise d'épilepsie, Fatou gesticulait:

- Ma parure en or, on me l'a dérobé! Abomination! Ah, juste parce que son père ne lui offre pas autant d'attention qu'à moi cette envieuse se permet de me la subtiliser! Oh mais, elle verra...

Vu que sa belle-mère parlait à la troisième personne alors qu'elle était présente, et qu'elle venait de se réveiller d'un sommeil profond, Nour ne comprit pas tout de suite que c'est elle qu'on accusait.

- Ah, cela ne me surprend pas!lança Ta Nafi acerbe, c'est dans le sang des bijoutiers. Mais elle bien eu raison cette fois-ci, Ousseynou Sarr a eu tord de dilapider tout son argent pour les gros yeux d'une arriviste comme toi!

- Vois-tu celà Ousseynou, vois comment ta famille me traite! Mais si ton insolente de fille ne me rend pas ma parure alors je devrais la corriger de mes propres mains! Menaça Fatou doutant elle même de sa propre crédibilité.

Nour n'en croyait pas ses yeux! Comment était-elle devenu le suspects principal de cet affaire de vol sans qu'il y ai aucune preuve.

-Mais de quoi m'accuses tu? J'ai passé tout le reste de la soirée dans le salon familial avec vous tous. Quel moment aurais-je eu pour dérober quoi que ce soit si ce n'était que quelques secondes pour vérifier que Djibril s'était endormi! En voilà de la mauvaise foi! Rétorqua la jeune fille en essayant de ne pas s'énerver.

- Qui penses tu berner? La chambre de ton père se trouve celle de Djibril, tu as bien eu là l'occasion de commettre ton méfait, argumenta Ta Nafi.

- Mais non, demandez donc à Farmata, elle était près de ma chambre elle aussi. Elle a bien vu que j'ai rien pris!

En prononçant cette phrase tout devint clair dans la tête de Nour. Hier soir, elle l'avait vu rôder à côté de la chambre de « son père » et lorsqu'elle lui avait demandé ce qu'elle faisait là, elle avait prétexté récupérer son chargeur. Farmata ne prit pas son parti, elle resta là sans rien dire, la regardant droit dans les yeux avec un air maléfique dans le regard. Elle n'arrivait vraiment plus à reconnaître sa cousine, depuis quand se livrait-elle à de telles bassesses? Et pourquoi?

Alors Nour demeura stoïque et renforça les forteresses de son cœur, restant là debout à écouter les remontrances de cette assistance qui voulait l'incriminer vaille que vaille. Elle ne dit rien et retenu ses larmes car son père commença lui aussi à exposer ses doute à son sujet. On lui criait : « où se trouvent les bijoux?! » mais elle ne pouvait répondre que « je ne sais pas ». Mactar lui lançait des regards compatissants mais elle en avait marre qu'il doive toujours la regarder avec pitié.

Quand son jugement fut terminé, elle se retira sans rien rajouter et attendit sagement le moment opportun pour aller s'expliquer avec Farmata. Elle entra dans sa chambre sans toquer, Farmata sursauta comme si on allait la prendre entrain de faire quelque chose de répréhensible.

- Que fais-tu là?! Demanda t-elle dédaigneuse.

- Pourquoi as-tu fais ça? L'interrogea Nour calmement. Et n'ose pas nier, je sais bien que c'est toi qui a subtilisé cette parure. Je n'ai rien dit au nom de l'amitié qui nous a un jour liées mais ce que tu as fait est injuste. Tu ferais mieux de retourner les bijoux à leur place quand tous le monde aura le dos tourné.

- Oh là, tu cherches ton égale mais ici, tu es la seule voleuse donc épargnes moi tes discours moralisateurs! Se mit-elle presque à crier.

- Soit, dis ce qu'il te plaira. Je te laisse avec ta conscience, conclu Nour avant de s'en aller.

Farmata ferma la porte de sa chambre à double avant de glisser la parure au fond de son armoire, sous un pagne de soie. Suite au discours de sa cousine, la honte et les regrets avaient commencé à la tourmenter cependant elle ne pouvait reculer. Si elle voulait un jour se tirer de cette léthargie, elle n'avait le droit de reculer. Si elle ne voulait plus vivre sous l'ombre des ambitions de sa mère ou de sa haine pour Nour, elle devait taire cette fichue conscience. C'était peut-être là sa seule clé pour enfin accéder à la haute société.

Il y'avait ce gala organisé par la prestigieuse famille Aïdara qui se tiendrait dans deux jours. Cet évènement, tout le monde en parlait mais le sénégalais lamda lui ne pouvait que se contenter de quelques bribes sur les préparatifs en regardant les stories de Camille. Mais elle, elle ne pouvait se comporter ainsi. Même si les conditions financières de sa famille n'étaient pas optimales, Farmata avait un cercle d'ami uniquement formé de membres de la jeunesse dorée de Dakaroise. Deux de ses amies, Awa  aussi une connaissance de Camille ( qui se ventait sans cesse d'avoir eu une histoire avec Chemsseddine même si cette dernière n'a duré que le temps d'un orgasme) et Sophia ( aussi vaniteuse que la première) avaient réussi à lui dégoter une invitation pour ce fameux gala caritatif. Mais voilà, c'était un peu plus un cadeau empoisonné qu'une preuve d'amitié...

Farmata avait elle même conscience que ses amies étaient un peu vicieuses et toujours promptes à l'humilier, mais elle, aussi hypocrite qu'elles, se les coltiner depuis le lycée pour profiter des avantages de leur richesses. Pour se faire valoir, toutes les grandes familles du pays allaient verser des sommes astronomiques. Sofia et AWA savaient bien que Farmata n'avait rien à offrir. Mais ça elle ne pouvait l'admettre alors elle allait se démener tant bien que mal pour sauver les apparences.

Elle avait déjà reçu une robe assez coûteuse de la part de son « Mbarane », un prof d'université de cinquante ans
- dont elle n'aimait que le porte feuille - et vingt milles de son actuel copain qu'elle commençait à vraiment apprécier mais s'il était aussi beau que prolétaire. Bien sûr, elle n'osait demander plus au cinquantenaire pour qui tout cadeau méritait compensation, et qui exigerait sûrement qu'elle couche avec lui. Non, son cœur était pour Moussa, ce jeune homme qui n'avait pour fortune qu'une petite cantine en ville. Sa mère la tuerait sûrement si elle avait eu vent de cette liaison. Elle même qui nourrissait tant d'ambitions ne savait pas comment elle avait fini dans un pétrin pareil.

Face à l'impossibilité de coucher avec le professeur et l'indisponibilité financière de son amant « titulaire », voler cette parure d'or semblait demeurer l'unique solution. Elle allait la vendre comme ça elle pourrait au moins faire un don de cent milles voir plus.

Tandis que Farmata se perdait dans ses pensées, sa mère qui avait le double des clés de leur chambre ouvrit soudainement. Ainsi elle trouva Farmata la main dans le sac ou plutôt les doigts sur la parure. Ta Nafi paraissait à peine choquée, elle s'empressa de fermer la porte avant de retirer violemment les bijoux des mains de sa fille.

- Farmata, es tu folle ?! Chuchota tante Nafi. Veux tu attirer la honte sur nous? Ne m'as tu pas vu avec verser avec tant d'ardeur en remontrances contre Nour alors que c'est toi, enfant du péché, l'horrible malfaiteur! Que fais tu avec celà ?!

- C'est à dire, tu vois ... euh le gala caritatif, bafouilla t-elle.

- Malheureuse! Tu fais toi même pitié et tu veux faire des dons. Quelle sorte de cerveau as tu pour voler aux pauvre et offrir aux riches?S'énerva sa mère mais n'osant hausser la voix.

- Alors nous allons rendre la parure?

- Sûrement pas! Nous avons quelques comptes à régler ...




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Point de vue Nour Sadiyah Sarr

Deux jours plus tard ...

D'une main tremblante, j'applique sur mes lèvres pulpeuses un liquide rouge mat puis d'un geste hésitant, un soupçon d'highlighter.
L'angoisse lorsqu'elle nous contrôle nous bouffe tout entier et ce soir, particulièrement, je me sentais mourrir d'anxiété.
C'est un de ces jours où toute la Nature semblait concourir à vous nuire. Ces jours où vous avez l'impression, l'intuition et même l'intime conviction que quoique vous fassiez, quoique vous disiez, les choses allaient inéluctablement mal se terminer.

Mes cheveux sont attachés dans un sleek bun savamment réalisé et je suis vêtue d'une robe porte feuille toute satin et de jaune moutarde faite. La robe est ouverte jusqu'aux cuisses dans une fente sensuelle mais loin d'être vulgaire. C'est la tenue que je portais lorsque je graduais de la fac de pétrochimie. Cette robe me donne des allures de femme fatale au point que je me sente capable de pouvoir dompter le monde.
Bien-sur, ce ne sont que des utopies.

Pendant que j'enfile mes talons de couleur champagne, la porte s'ouvre sur Khadija. Elle incarne la grâce dans une somptueuse robe bleu digne de Chanel

- Woaw, ce truc doit coûter un rein...Toutefois, tu es ravissante dedans!

Khadija-*sans grande joie* Merci, c'est un présent de ma future belle-mère.

- Cette femme serait-elle lunatique ou vous êtes vous rabibochées en si peu de temps au point qu' elle t'offre un cadeau?

Khadija- Peut-on vraiment appeler cela un cadeau si la phrase qui l'accompagne est: «  Tiens, ainsi tu ne t'habilleras pas comme les filles de basses conditions. Déjà qu'il a fallu que tu nous accompagnes, ne nous afflige pas davantage! » ?

- Quelle vielle mégère celle là! Moi je n'en ai pas fait tout un plat, ce n'est pas comme si nous allions au Med Gala. Je plaisante pour détendre l'atmosphère.

Khadija- Hmm, dans ce genre d'évènements les apparences comptent beaucoup. Tout n'est que vanité et parure. Mais de toutes façons, tout ce que tu portes te mets en valeur!

- C'est vraiment aux antipodes de ce que je représente !

Khadija* l'air angoissée*- Tu ne veux donc plus venir?!

- Si, j'ai déjà pris ma décision. Et puis je ne pourrais risquer de faire quelque chose susceptible de porter préjudice au futur de Djibril.






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Le trajet se fait calme et court. La Mercedes s'arrête devant un bâtiment des plus colossaux mais aussi des plus luxueux. Nous étions tout bonnement bouché-bée, nous qui n'étions pas de ce monde et qui de toute notre vie n'en avons perçu que des échos.

Sur le parking de l'hôtel se produit un défilé de voitures de haut standing. En descendent des hommes et des femmes dont les tenues raffinées traduisaient bien la fortune. Je me sentais comme une tache au milieu de tant d'ornement.

À l'entrée de l'hôtel se trouvaient deux vigiles aussi hauts que des basketteurs et aussi larges des boxeurs vérifiant les invitations et les listes d'invités. Nous aussi, nous nous plions à la procédure et les deux mastodontes nous laissent pénétrer dans l'enceinte du King Fahd Palace.

Le hall a été décoré avec minutie, l' hôtel entièrement loué pour le bon déroulement de l'évènement. Un somptueux tableau là se dresse: de gigantesques lustres au plafond sont fixés, terminés par de petites perles qui diffusent la lumière telles de majestueuses constellations. La salle est vaste, les couleurs harmonieuses, l'organisation de la salle semblait avoir été conçue par un géomètre tant la disposition des tables, du buffet et de l'estrade était bien pensée. Des hôtesses et serveurs vont ça et là. C'est le paroxysme du raffinement, une véritable exposition de robes et costards nés sous les coups de ciseaux de couturiers de renom.
Tout n'est plus que beauté et ostentation. C'est à qui mieux mieux pourra faire le plus étalage de sa richesse. C'est vraiment tout ce que déteste. Vile société! Vile hypocrisie! Est-ce donc comme ça que l'on vient en aide aux miséreux?

Un orchestre tout droit sorti de l'opéra de Paris se produit sur scène et la salle s'emplit du gratin de la société sénégalaise sous une douce et enivrante symphonie.
Je reconnue même le visage de quelques gens mondialement connus. Khadija regarde tout avec des yeux de merlan frit, elle laisse même glisser d'une voix émerveillée: « Tout est si parfait... ». Tout est si parfait que c'en devenait presque laid. Triste paradoxe...

Une hôtesse s'avance vers nous, nous salue avec sollicitude et indique à Khadija une table où est déjà installé toute sa futur belle-famille. Madame Adja Ndoumbé Ndao nous dévisageait déjà de loin!
Elle me conduit ensuite à une autre table réservée pour les familles devant recevoir les dons se trouvant au centre de la salle. Là, tout le monde peut voir les bêtes de foire que nous sommes. C'est donc ansi qu'on nous isole du grand monde comme si nous étions des pestiférés.

Tout d'un coup l'orchestre se tut et le maître de cérémonie annonça Imane Kamisokho Aïdara . Ainsi une jeune d'une beauté sans pareille monta sur l'estrade et se place derrière un pupitre muni d'un micro. Elle est accueillie par une véritable « standing ovation » auquel elle répond avec un sourire radieux. Imane, donc Camille, doit avoir mon âge ou être un peu plus jeune. Elle reste petite même sur ses hauts talons, de long cheveux marrons très bouclés viennent tomber jusqu'au milieu de son dos. Des joues rondes, de belles fossettes et des yeux marrons noisettes donnent à son visage une apparence quasi-angélique cependant une somptueuse robe grise décolleté vient casser cet air virginal en soulignant ces courbes.

La jeune femme au teint métissé après avoir remercié l'assistance se lança dans un discours des plus poignants. Bizarrement sa voix n'est pas habité d'un ton impérieux et on ne distingue aucune fausseté dans ses iris marrons. Je ne crois pas qu'elle joue un jeu, elle a l'air vraiment sincère. Elle parle de la stigmatisation des enfants autistes à l'école ou dans la société en général et de l'importance de la solidarité avec tant d'émoi qu'on ne peut tomber sous le charme.

Après son élocution, un retentissement d'applaudissement se fait à nouveau entendre et chacun se presse pour faire preuve de générosité. Des sommes qu'il serait limites indécent de prononcer dans un pays en développement se font distribuées. Le nom de chaque donateur ainsi que le montant est bien sûr prononcé haut et fort par le maître de cérémonie.

« Grotesque » et « gênante » sont les seuls mots que je puisse employer pour décrire cette soirée toutefois les autres à ma table ont l'air de bien s'amuser.
Les violons recommencent leur musique et une chanteuse venant d'Amérique latine vient se produire. Je la reconnais vaguement mais l'écoute à peine, trop profondément prise dans mes pensées. Soudain une voix familière vint me sortir de ma torpeur:

?- Nour?! Que diable fiches-tu là?!

Je me retourne vers une Farmata aussi bien vêtue que stupéfaite à côtés de deux pouffes qui se trouvaient autrefois dans mon lycée.

- *surprise* Je te renvoie la question chère cousine, que fais tu là?

Son visage passa de l'étonnement à la colère.

Farmata- D'accord, je n'ai pas besoin de savoir ce que tu fous là mais tu peux me dire comment tu peux être autant en manque d'attention? Pourquoi as-tu ce besoin d'entendre ton nom dans toutes les bouches de manière perpétuelle? Tu sais bien que ça fera polémique d'être aperçue dans un même endroit Chemsseddine Aïdara donc il a fallu que tu te pointes! N'as tu donc pas de vergogne?

- Évite de m'insulter Farmata et puis qu'est que Chemsseddine a à voir avec tout ça? Il est là?!

Farmata- Tu sais bien qu'il ne va pas rater l'évènement de sa propre sœur, Camille! Pourquoi feindre l'incompréhension?

Sous le choc, je laisse glisser mon verre de ma main. Comment j'ai fait pour ne pas m'en rendre compte plutôt?  Cette peau caramélisée, ces fossettes au coin de la bouche, tout cela m'était quelque peu familier. Pourquoi n'ai je pas fait le lien plus tôt alors qu'il s'agit tous deux de personnages publiques très fortunés ayant le même nom de famille et surtout pourquoi Khadija ne m'avait rien dit?

Et puisque dans ma misérable vie, un malheur ne vient jamais seul mais toujours accompagné d'un autre bien plus affreux, le loup en question décida de pointer sa queue.


Laisser moi vous dépeindre la situation: le maitre de cérémonie avait appelé Chemssedine Aïdara sur scène et à la mention de son nom, toute la salle s'était levée pour l'acclamer comme un seul homme. Ainsi il apparu, vêtu d'un ensemble costume d'un noir profond et d'une chemise blanche ouverte aux deux premiers boutons laissant découverte la naissance d'un torse ferme. Des petites boucles marrons tombaient sur son front de manière sensuelle. Ses yeux étaient plus bleus que jamais et ma mémoire me faisait percevoir son odeur sempiternelle musquée et mentholée telle un jardin oriental. Il irradiait la salle de son charisme et sous des acclamations, il commença son discours. Voilà comment je me suis retrouvée là, statique, figée, muette écoutant mon bourreau donner à l'assistance un cours d'éthique sur l'importance de l'entre-aide.


Mon rythme cardiaque a triplé d'intensité et mes mains sont devenus moites, vous voyez cette sorte de torpeur qui m'habite lorsque Chemsseddine Aîdara se trouve à moins de dix mètres.
Cet homme était devenu ma hantise.
En faisant sa prestation de grand orateur, il semble chercher quelque chose ou plutôt quelqu'un du regard. Soudain ses iris rencontrèrent les miennes, il esquissa alors un sourire satisfait qui eu le don de me glacer le sang. Il ne me quitte plus du regard et moi je perds toute capacité motrice. Nous nous engageons alors dans un échange visuel des plus intense, ses lèvres rosées ne perdant pas leur sourire narquois. Bon sang, je tombe à nouveau dans son piège: ce qu'il veut, c'est me voir ainsi.


Il faut que je bouge de là avant que la diable ne fasse qu'une bouchée de moi! Animée d'un instinct de survie, je mets me faufiler à travers la foule pour sortir de cet endroit infernal. C'est d'autant plus difficile car chacun de ces « bourgeois » que je bouscule prend le temps de geindre à suffisance. Chemseddine Aïdara écourte son discours et je l'aperçois accélerer ses pas vers moi en quittant l'estrade.


La musique change et fait place à " I don't wanna be you anymore " de Billie eilish. Sous cette mélodie sombre et fragile, je joue ma dernière ma dernière carte. Il est à ma poursuite et risque  de me rattraper très vite si je ne me presse pas.

Fall apart twice a day

J'ai l'impression d'être dans cet horrible cauchemard que je fais en boucle depuis plusieurs jours.

Show, never tell. But i know it too well ...
Montre, ne dis jamais. Mais je te connais trop bien

Sauf qu'ici on était pas dans cette forêt horrible même si l'atmosphère restait tout aussi oppressante . Et comme dans ce lugubre rêve, je ne pouvais indéfiniment le fuire.

Got a mood that you wish you could sell
Tu as une humeur que tu aurais aimé pouvoir revendre

Une main assez large se pose sur mon épaule et me stoppe dans ma course. Cette odeur de musque et de menthe poivrée se répend jusque dans ma gorge. Les larmes me montent aux yeux, j'ai envie de chialer.

If teardrops could be bottled...
Si les larmes pouvaient être embouteillées

Il s'approcha de moi, me surplombant de toute sa longueur et me susurra doucement à l'oreille d'une voix rauque à souhait: " Bienvenue dans l'antre du diable".

- Vous ... Encore et toujours vous. murmurai-je difficilement.

"There'd be swimming pools filled by model."
Il y aurait des piscines remplies par des modèles

Il rit jaune puis dit  exerçant en exerçant une pression sur ma taille: " retourne-toi".

- Je ne veux pas vous voir, dis -je d'une petite voix , à chaque que je rencontre vos yeux ma vie n'en devient que plus exécrable. Vous voulez faire de moi votre petite chose fragile mais je ne vous laisserais pas faire. Je ne suis pas aussi faible que vous le croyez!

Told "that tight dress is what makes you a whore"
à qui on dit "une robe moulante est ce qui fait de toi une putain"

If I love you was a promise
Si je t'aime était une promesse

Would you break it if you're honest?
La briserais-tu, si tu es honnête?

Tell the mirror what you know she's heard before
Dis au miroir ce que tu sais qu'il  a déjà entendu.

I don't wanna be you anymore
Je ne veux plus être toi

D'un geste simple de la main, il me fait pivoter. Je suis presque contre lui, et sa main vient doucement se poser sur ma joue.

Chemseddine- Tu sais cette chanson me rappelles tellement toi. Cet être torturé qui déteste se savoir faible, mais qu'il est quand même... Cette frêle petite lumière c'est exactement toi!

Hands getting cold
Mes mains deviennent froides


Il m'entraîne ensuite vers le centre de la pièce malgré mes contestations. Je lui donne un coup sur le torse pour qu'il lâche ma main mais il trouve cette situation plutôt hilarante.

- Qu'est ce vous faites Mr Aïdara? Lachez moi!

Chemsseddine Aïdara- On ouvre le bal très chère. Tu ne comprends donc pas?

Nom de Dieu!

- Mais vous êtes vraiment atteind? On va se mettre à valser comme le prince et la princesse du royaume; et puis quoi encore?  Vous ne voyez pas tous les journalistes qui sont là, tous à l'affut d'une simple erreur de votre part! Vous et moi sommes connus pour être ennemis et ...

Chemseddine Aïdara- * espiègle* Peut-être c'est ça que je veux? Faire la une à tes cotés, que le monde s'interroge sur ma futur fiancée.

Losing feeling's getting old
Perdre les sentiments devient banal. Vu vu vu

Il me prit à nouveau par la taille et rapprocha nos deux bassins. Je suis obligée de bouger au rythme de la musique. Nos yeux se perdent, son regard est presque hypnotique.

- * déboussolée* Ne m'appelez plus ainsi ! Comment osez vous être là et me parlez de mariage après tout le mal que ...

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase qu'il me fait à nouveau tournoyer puis  mon dos se colle sur son torse. Je sens son souffle chaud sur mon coup, je frémis à ce contact.

Was I made from a broken mold
Ai-je été créée dans un moule cassé?
Hurt, I can't shake
Blessée je ne peux pas oublier
We've made every mistake
Nous avons fait chaque erreur

Je pousse un hoquet de surprise quand je sens sa main glisser sur ma jambe nue comme si nous effectuons un tango argentin. Je suffoque, je suis ailleurs. J'ai l'impression qu'il n'existe plus que nous sur terre.

Only you know the way that I break
Seulement toi connais la façon dont je casse

Chemseddine Aïdara- *ironique* Change disques Même Billie est d'accord avec moi! Je connais toutes tes failles, *il me fait pivoter pour que je le regardes dans les yeux, *tu ferais mieux de céder. Tu n'as pas d'autre choix que de céder. Jamais tu ne m'échapperas tant que je désirerai que tu sois mienne!


If teardrops could be bottled
Si les larmes pouvaient être embouteillées
There'd be swimming pools filled by my models
Il y aurait des piscines remplies par mes modèles
Told "that tight dress is what makes you a whore"
à qui on dit "une robe moulante est ce qui fait de toi une putain"

Sa main se déposa à nouveau sur mon visage, et son pouce sur la comissure de mes mes lèvres.

Chemseddine Aïdara- Tu as l'air préoccupée petite lumière...

 

If I love you was a promise
Si je t'aime était une promesse
Would you break it if you're honest?
La briserais-tu, si tu es honnête?

-  Si jamais je cède, je ne te demande pas de m'aimer mais si ne pas me détruire était une promesse, la briserais tu , si tu es honnête?

IL fit un de ses sourires ravageur avant de nous faire basculer en avant.

Chemseddine Aïdara- La seule chose que je puisse te promettre c'est la haine.


C'était vraiment la bal des hypocrites. On tenait une soirée caritative où juste une de ses robes hautes coutures, un de ses lustres majestueux, aurait pu payer la scolarité annuelle de trois enfants autistes. les belles-mères et les belles filles se souriaient pour mieux se detester intérieurement. Les bienfaiteurs ne donnaient que si la  caméra leur accordait un zoom et lucifer en personne appelait à la bonté.

Deux ennemis jurés s'étaient donc lancés dans une langoureuse et intense danse. Ils tournoyaient comme si le monde n'était plus, comme si le temps s'était tu, tels les plus fougueux des amants. Et dans la froideur de la nuit, la foule subjuguée par une valse si torride.












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L'ostentation consiste à solliciter l'agrément des êtres humains, et non pas celui d'Allah (exalte soit-Il) par l'accomplissement des œuvres pies. Une autre forme d'ostentation consiste à accomplir ces mêmes œuvres par amour pour le prestige, la célébrité ou la place de vedette dans les cœurs des créatures. Une troisième forme consiste à s'abstenir de faire une œuvre pie quelconque par crainte de tomber dans l'ostentation.
L'imam Al-Foudheïl Ibn Iyadh a dit : « S'abstenir d'accomplir une œuvre de peur de plaire aux gens relève du domaine de l'ostentation et l'accomplir pour plaire aux gens relève du polythéisme. La sincérité est qu'Allah vous préserve des deux. » Rapporté par Al Bayhaqi. Allah exalté soit-Il, dit à son sujet (sens des versets) :
« Il ne leur a été commandé, cependant, que d'adorer Allah, Lui vouant un culte exclusif, ...» (Coran : 98/5)
« Ô les croyants ! N'annulez pas vos aumônes par un rappel ou un tort, comme celui qui dépense son bien par ostentation devant les gens sans croire en Allah et au Jour dernier. Il ressemble à un rocher recouvert de terre; qu'une averse l'atteigne, elle le laisse dénué. De pareils hommes ne tireront aucun profit de leurs actes. Et Allah ne guide pas les gens mécréants. » (Coran : 2/264)
« Et ceux qui dépensent leurs biens avec ostentation devant les gens, et ne croient ni en Allah ni au Jour dernier. Quiconque a le Diable pour camarade inséparable, quel mauvais camarade ! » (Coran : 4/38)
« Et ne soyez pas comme ceux qui sortirent de leurs demeures pour repousser la vérité et avec ostentation publique, obstruant le chemin d' Allah... » (Coran : 8/47)

Alors que pensez vous de la relation entre Chemsseddine et sa sœur?

Qu'est-il vraiment advenu d'Azzedine?

Qu'attendez-vous pour la suite?

( dedicasse @fatoukine2003
la plus belle ❤️)

By suzyass

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