00-Lugubre lumière
Stoïque, comme pour faire face à la cruauté du monde.
Stoïque, comme pour porter la voix d'une jeunesse, fougueuse et acharnée.
Stoïque, comme pour briser la malédiction d'être femme, Nour s'était toujours refusée aux sentiments et à la niaiserie.
Son nom lui venait de sa grand-mère Salimata Sarr, qui après un rêve prémonitoire avait prédit que sa petite fille, encore en gestation, serait la seule lumière dans des temps bien obscures, et qu'un avenir singulier lui était réservé. Qu'elle brillerait comme aucun Sarr de sa digne lignée n'avait brillé auparavant.
Avec prudence, on écouta la vieille et lui donna le nom de Nour Sadiya Sarr. Car, à vrai dire, on ne savait jamais quand il fallait rire ou exécuter les dire de Mame Salimata Sarr. En effet, elle représentait la frontière entre la sagesse et la démence, ses paroles toujours énigmatiques , évasives, couvertes d'un voile de mysticismes. Cependant, sa prophétie se réalisa, enfin presque...
Les ténèbres émergèrent dès que Nour naquît. Le destin comme pour donner raison à mame Saly fit que son père Ousseynou Sarr perdit son travail d'expert comptable accusé de multiples fraudes et malversations dans diverses entreprises. Il avait ainsi acquit une réputation d'escroc et peinait à retrouver un emploi dans son secteur. Les factures s'accumulaient, les fins du mois devenaient de plus en plus durs mais les Saar habitués à une vie de faste avaient du mal à se serrer la ceinture.
Puis, la villa Saarène fut cambriolée et Ousseynou Sarr vit s'envoler une bonne centaine de billets que l'avarice lui prohibait de placer à la banque. Et comme si la succession de tragédie n'était point assez conséquente, le cancer gagna Mame Saly, et la malédiction se répandit progressivement sur les frères, les cousins, les oncles, les tantes...
Petit à petit toute la famille fut ébranlée. Tout celà en un an. L'année où Nour Sadiya naquit.
Les ténèbres étaient bel et bien présents, mais à quand le temps des lumières...
Alors stoïque,il fallait l'être car elle entendait partout dire que sa mère Aichatou Agne, cette femme "aay gaf" était à l'origine de la décadence de la famille saarène. Après tout c'était connu, il ne fallait pas ajouter au sang des guélewaar aucun autre de rang inférieur. Encore moins celui d'une "teugg" qui est de mauvaise de mauvaise augure. Il y a certains êtres contre lesquels la vie s'acharne et se cramponne à détruire et celà Nour du le comprendre dès son plus jeune âge.
Un jour , à peine huit pluies au compteur, insouciante et innocente, Nour s'amusait dans la villa des Saarenes en compagnie de sa cousine Farmata Faye , qui était de deux ans son aîné. Mactar, avec qui elles avaient l'habitude s'amuser s'était lui envolé pour les Etats unis mais leur âmes d'enfants fougueuse avaient deja perdu toute once de nostalgie.
Nour et Farmata couraient et criaient ça et là avec une énergie démesurée et sous le feu de l'action , Nour bouscula sa compagne de jeu qui se retrouva aussitôt au sol, gémissante , sanglotant très fort comme un mouton à dix heures le jour de la tabaski.
Alertée par sa fille, tante Nafi fit éruption dans la pièce comme poursuivi par un félin. Le regard dédaigneux, la voix haute et la posture gracieuse de guelewaar, elle s'indigna en pointant l'index vers sa fille:
- wa yaaw Farmata Faye, tereewoumaleuwone ki . Thim! ya djoudou si gueuleme, namp si 'mame ! Ki ngeu khamné mokh ndeyam meu yaam, bona takh dagno djoud rek ayy gaaf.So sete ba seet sakh, leernama ne am negn ay mamou nokhoor. Wante Ousseynou Saar moko def môme mi bayi fi deretam , dém di takk Aïcha agne mou torokh mi. Wante djissaguoul daara, day gueundi dellou guinaw rek. Yaw nak Farmata, doumala bayikh ki nga khamne da djoudou rek torokhtangue douguougnou.
(toi, Farmata Faye, ne t'avais je pas interdit de la fréquenter?! Thim - son pour montrer le dégoût - , tu es née sur un chameau mais tu t'entête à téter une truie. Celle là est semblable à sa mère, elles sont tellement mauvaises qu'elles sont maudites de naissance. Je me demande même si elle n'ont pas des ancêtres vampires ! Cependant Ousseynou Saarr est responsable de son malheur, lui qui a préféré à son sang , cette misérable de Aïcha Agne. Mais il n'a rien encore vu, Il ira de mal en pis. Mais, toi, Farmata Ndiaye, je ne te laisserais pas avec celle là dont la naissance a été le début de notre décadence à tous)
Elle se tourna ensuite vers Nour, le regard plein de haine, retira sa sandale et lui la projeta sur la face avec l'agilité d'un lanceur de javelot.
La petite, choquée, tenant sa joue endolorie bégayait alors :
- Waah tante...
Tante Nafi- Ne me dis pas tante deh!Dima todjol fi!
Si tu retouches ma fille sorcière je te ferais bien pire, crois moi! Nga nane tante * tu m'appelles tante*, je n'ai aucun lien avec toi. Tu ne fais pas partie de notre noble lignée et tu demeuras toujours fille de bijoutière et maudite ba bess bi ngay sango souff. Domeram * jusqu'à ta mort. Enfant du péché. *
Ce jour elle pleura très fort, allongée sur le sol glacial, allongée sous le soleil de feu, devant autant d'injures et de haine injustifiée de la part de la cousine de son géniteur. Après tout, on ne l'avait jamais aimé dans cette famille. Ce sont des brimades, des corvées, des regards assassins à longueur de journée, mais jamais l'affront ne fut aussi grand. Tante Nafi lui vouait une aversion qu'elle ne se cherchait point à cacher.
Sa mère , Aïcha Agne rentrée d'une dure journée de labeur la trouva ainsi avachie.
Après avoir ouïe toutes les souffrances de son enfant, elle prit Nour dans ses bras et lui dit d'une voix de velours:
- sèches tes larmes Nour Sadiya, comme mame Salimata l'a prédit, l'aube de tes jours seront jalonnés de brumes et de ténèbres ; mais ton heure viendra , et tu rayonnera ma fille, tu rayonneras car tu es lumière !
Nour agacée, lançait alors :
- Mah toi même tu sais que mame salimata est complètement folle
- Ne dis pas ça, ma fille, derrière les plus grands fous se cache souvent une immense sagesse insoupçonnée. Soit stoïque , car tu ouïras certes le comble des horreurs. Cette famille se répugne de mon sang de bijoutière. Quel est donc mon tord, si ce n'est de gagner mon pain dignement en battant le fer, en battant l'or?! Eh bien je suis fière du sang qu'ils disent impure . Et arme toi de patience car tes larmes sont synonymes de victoires pour eux. Alors ne pleures pas ,plus jamais! Souries, brilles et montres leur que tu es bien plus qu'une lugubre lumière.
Alors Nour brilla, scintilla, sourit, sourit à la vie même si elle se montrait méchante marâtre au plus grand plaisir de ses détracteurs. La fortune des Saarenes s'amoindrissait années après années tandis qu' elle réussissait ses études avec brio. Les affronts ne cessèrent pourtant pas pour autant , Tante Nafi lançait souvent en souriant amèrement:
« Ah nos hommes, ces éternels insatisfaits, a-t-il fallut qu'ils s'entichent de teugg qui brûlent et consument tout comme le feu de leur forge consumme le métal? »
Ou bien:
"Al hamdoulliLah qu,'elle nous n'en a pondu qu'un pour l'instant . Juste avec une fille , nous voilà maudits pour dix générations à venir. Si elle en avait eu trois ou quatres .... Ah comble de malheur!"
Mame Salimata , après une violente toux lui répondait alors
- Ay !Si tu voyais ce que je vois tu traiterais ma Nour autrement, puis elle enchaînait avec une vague de charabia qui enlevait toute crédibilité à ses dires.
Le temps passa, les mois succédèrent aux jours, et les années succédèrent aux mois. La puberté se chargea alors de métamorphoser son petit corps frêle de fillette en une silhouette gracieuse agrémentée de courbes sinueuses. Des cheveux crépus tombaient en cascades sur ses fines épaules et sur son visage d'ange déchu tombé du ciel. Quel sort réserve le destin à cette nymphe au teint couleur café?!
L'adolescence arriva avec toutes ses joies et toutes ses furreurs ...
Le prophète ( paix et salut sur lui) a dit:
« faites cesser les gens de se vanter de leurs ancêtres décédés - qui sont simplement le combustible du Feu de l'enfer - ou ils deviendront sûrement plus insignifiants à Allah que le scarabée qui frotte des excréments sur son nez.
Allah vous a retiré l'esprit partisan des Jours de l'ignorance et la vantardise au sujet des ancêtres.
En effet, une personne est soit un croyant pieux, soit un pécheur misérable.
Tous les hommes sont les enfants d'Adam et Adam a été créé de terre. »
[ rapporté par Abu Dawud, At-Tirmidhi (n°4233) d'après Abu Huraira et authentifié par Ibn Taimiya dans Al-lqtida (p.35)]
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By suzyass
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