Une forte pluie tambourinait contre les carreaux du foyer Uzumaki alors qu'un groupe d'amis conversait joyeusement à l'intérieur, la fine pellicule de buée aux fenêtres témoignant de l'ambiance qui régnait dans la petite maison. Des tasses de thé fumantes, d'où s'échappait une voluptueuse fumée imprégnée de délicieuses effluves sucrées, reposaient sur la table basse en bois verni ou entre des mains quémandeuses de chaleur, alors que trois shinobis rigolaient à propos d'un énième souvenir évoqué. Réconfortés par l'atmosphère de l'habitation, ils ignoraient le contraste saisissant de température dont ils profitaient, en comparaison avec la tapageuse giboulée automnale qui rafraîchissait considérablement l'air extérieur de sa brise sibérienne. Le feu de cheminée illuminant la pièce de sa chaleureuse lueur orangée venait faire briller leurs pupilles rieuses, tandis que le craquement des bûches ardentes se mêlait aux éclats de voix, créant une harmonie des plus agréables. La commissure de ses lèvres amoureuses discrètement relevée, la douce Hinata couvait d'un regard tendre l'homme qu'elle avait épousé s'esclaffer avec l'unique membre féminin de l'équipe sept alors que ces deux là se remémoraient une des nombreuses fois où ils avaient essayé de découvrir ce qu'il se cachait sous le masque de Kakashi, chaque tentative s'étant conclue par un échec cuisant. Confortablement installés sur diverses fauteuils et canapés, étonnamment confortables malgré leur sobre apparence, qui ornaient le modeste salon du jeune couple, le trio avait passé une grande partie de l'après midi à rire en ressassant le bon vieux temps. Avachi sur le divan, un bras sur l'accoudoir, l'autre étendu sur le rebord de la causeuse, effleurant par la même occasion les chatoyantes mèches de la brune qui était installée à ses côtés, tandis que sa cheville gauche reposait sur son genou droit, Naruto se trouvait bien trop à son aise alors qu'il détaillait à Hinata quelques uns de ses anciens moments de gloire dont il ne lui pas encore fait part, sous le regard aussi nostalgique que taquin de Sakura. Cette dernière n'hésita pas d'ailleurs à renchérir, contant à la Hyûga des anecdotes, toutes plus croustillantes les une que les autres, dans lesquelles le sémillant petit garçon qu'il était s'était illustré par sa chaotique spontanéité, son inarrêtable impulsivité ayant bien failli faire tourner certaines missions au cauchemar. La jeune femme au teint de porcelaine ne pouvant empêcher un éclat de rire d'éclore dans la pièce, fleurissant l'espace de ses délicates résonnances, elle compensa sa légère moquerie en caressant affectueusement le bras de l'intéressé qui n'était alors plus glissé derrière sa nuque, alors que l'homme en question s'affaissait, soudainement moins jovial quant à l'idée que l'angélique être qu'il chérissait soit au courant de ces histoires où sa dévastatrice fougue était mise un peu trop en lumière à son goût.

- Je vais y aller, souffla Sakura, en recueillant sur son index une larme qui perlait au coin de son iris, tant elle avait rit en repensant à quel point ils avaient été stupides mais heureux. Sasuke doit être rentré depuis.

En effet, si la ninja médecin était venue passer l'après-midi avec le couple d'ami seule, c'était parce que le Uchiha était, encore et toujours, loin du village. Voilà plusieurs mois qu'il manquait à l'appel en raison d'une mission spéciale et, même si l'esprit de la shinobi était toujours très occupé par tout le travail que lui imposait son statut de jônin, vaguant à droite à gauche entre les requêtes du Sixième Hokage et son illustre responsabilité au sein de l'hôpital, elle trouvait toujours un moment dans la journée pour avoir une pensée à l'égard de l'homme qui était constamment loin d'elle. Sans avoir besoin de croiser le regard ébène du repenti, lever ses billes émeraudes vers les cieux majestueux, et savoir son bien aimé demeurant sous le même plafond astral qu'elle suffisait à la douce femme pour être réconfortée ; aujourd'hui, tout allait mieux. Malgré cela, le retour de l'éternel absent était prévu pour la journée - bien qu'elle n'ait aucune idée du moment précis - et elle devait avouer que, bien qu'elle ait énormément changé, le bonheur qu'elle ressentait à l'idée de voir Sasuke demeurait immuable, lui serrant l'estomac avec la même véhémence depuis toujours.

Alors qu'il s'apprêtait à insister pour que la jeune femme aux cheveux rosés reste, Naruto sentit la Hyûga doucement lui tirer la manche du bout de ses doigts délicats, la paume de ses mains aux nuances immaculées pressant imperceptiblement son avant-bras logé dans la manche de sa duveteuse veste, dans le but de le stopper dans son élan. Non pas que la brune voulait garder l'homme qu'elle aimait pour elle seule, ou que la présence de la Haruno la dérangeait, bien au contraire, mais elle percevait l'impatience qui régnait en Sakura, sachant que son amant n'était plus très loin à présent, et souhaitait ainsi la laisser filer. Comprenant le regard que lui lançait la ninja aux yeux de cristal, l'Uzumaki s'avisa et se contenta de suivre le mouvement des deux jeunes femmes qui s'étaient levées du canapé, en quittant le moelleux des coussins dans lequel il avait souvent l'habitude de somnoler. En voyant Sakura glisser ses bras dans son manteau avec l'empressement qu'aurait enfant, le blond eut un sourire tendre à son égard, et ne put s'empêcher de glisser son bras autour de la taille d'Hinata afin la rapprocher près de lui. Il enfouit brièvement, le temps que la Haruno se chausse, son nez dans la sublime chevelure ébène de celle qui faisait battre son cœur, savourant le bonheur qu'il ressentait en étant avec la plus douce des femmes en cet instant, au quotidien et pour l'éternité.

Une fois parée pour se protéger de l'averse s'échappant furieusement de la toile cendrée, la jeune femme les remercia vivement pour leur invitation et s'éclipsa sous les flots torrentiels qui firent ployer son parapluie dès l'instant où elle s'engagea dans le déluge. Les gouttes de pluie résonnaient contre la toile de l'objet, provoquant un vacarme aussi assourdissant que reposant, berçant la ninja lors de son trajet retour, alors que la fraîcheur du mois de novembre venait mordre ses joues, tandis que les flaques d'eau - qu'elle tentait vainement d'esquiver - s'attaquaient à ses chevilles découvertes de son eau glaciale. Une bourrasque de vent marmoréen la submergea au détour d'une ruelle, faisant brusquement virevolter ses longues mèches rosées, et elle dut raffermir l'emprise qu'elle avait autour du pommeau de son parapluie pour que ce dernier ne s'envole pas. C'est transie de froid que la ninja médecin atteint finalement son foyer qui semblait bien silencieux en comparaison de la maison de ses amis, étant donné qu'elle s'y retrouvait souvent seule. N'étant pourtant pas du genre à se lamenter quant au fait que sa moitié soit rarement à ses côtés pour combler le vide que causait son absence, il arrivait à Sakura d'avoir le foudroyant besoin de serrer ce dernier contre elle, particulièrement les nuits où la vacuité du logis devenait tout bonnement insupportable. Toutefois en cette fin de journée, elle sentit une présence - présence qu'elle aurait reconnu entre mille - venir réchauffer ces lieux. Comme elle s'y attendait, la jeune femme trouva les affaires de Sasuke disposées sur une chaise de la pièce principale. Elle laissa ses doigts glisser sur le tissu constituant la cape que portait en permanence son amant, redessinant du bout des ongles l'emblème du clan Uchiha brodé sur le dos du manteau - emblème qu'elle arborait humblement elle aussi - avant de se déchausser et de retirer sa veste trempée, le parapluie ayant été insuffisant face à l'océan que déversait le ciel en cette fin d'automne.

La femme aux pupilles béryllées emprunta le couloir qui la menait à la chambre où se reposait très certainement le brun lorsqu'elle s'arrêta, une poignée de secondes durant, afin d'observer à travers la fenêtre le rideau de pluie qui masquait toute vue possible sur l'extérieur. Agissant comme une sorte de barrière, ces flots opaques donnaient l'impression à Sakura que la petite maison était dans une bulle hors du monde, hors du temps, lui permettant de profiter de l'homme qu'elle aimait plus que tout sans quiconque pour venir briser cette paix éthérée. Sortie de cette brève hypnose, la shinobi se décida à pénétrer dans la chambre et un sourire échoua sur ses lèvres gracile lorsqu'elle aperçut le Uchiha paisiblement endormi sur les draps. D'un pas silencieux, elle se dirigea vers lui en sentant le tiède parquet légèrement grincer sous ses pieds, puis s'assit sur la place libre du lit.

Avec tout l'affection du monde, elle contempla le visage apaisé de son cher et tendre, alors que le torse de ce dernier se soulevait et s'abaissait à un rythme régulier, tandis qu'un léger souffle s'échappait de son nez, signes qu'il était probablement parti pour le monde des songes. En le couvant de son regard empli de tendresse, une main posé sur sa joue, elle caressa le visage de neige du Uchiha à l'aide de son pouce, tout en dégageant délicatement de sa main libre les mèches ébènes qui venaient masquer ses yeux clos. Rassurée face au visage serein de son mari, elle se décida à se glisser à ses côtés dans la plus grande des discrétions en espérant ne pas le réveiller, et l'entoura de ses bras fins tandis qu'elle reposait son visage contre les battements de son cœur. Ce dernier résonnait dans sa cage thoracique avec la plus grande des quiétudes, et lorsque Sasuke, qui au final ne s'était pas encore totalement assoupi, glissa son bras droit derrière le dos de la douce femme pour renforcer l'étreinte, celle-ci sentit une bulle d'amour éclater en elle et venir réchauffer son âme. Les deux amants s'endormirent dans la douceur de cette fin d'après-midi, et sans même s'échanger un mot, tout deux eurent le même sentiment d'être exactement à l'endroit où ils étaient censés être, mutuellement reconnaissants pour ce privilège d'être aux côtés de l'autre.