Chapitre 20 - La Relativité du Cerveau
Les yeux grands ouverts encore dans le lit je repensais au mois qui venait de s'écouler avec Luke. Rien n'avait vraiment évolué entre nous durant cette période aussi longue puisse-elle paraître, mais on s'était rapproché, renforçant chaque jour un peu plus ce sentiment d'indispensabilité l'un envers l'autre. Et que dire de cette soirée suivie de cette nuit de Thanksgiving parfaite ? Mon regard se perdit sur Luke qui dormait à point fermé. J'ai toujours eu quelque chose de spécial avec le sommeil quand j'étais petite il était impossible pour moi de dormir avec les autres enfants et ça ne s'est pas arrangé avec l'âge. J'ai toujours eu peur de cette fragilité et vulnérabilité qu'on a quand on dort. Je veux dire c'est quand même un moment particulier que je n'ai jamais pu partager avec plus d'une personne et encore il faut qu'elle soit de confiance. C'est vrai on est là sans vraiment l'être, il peut nous arriver de parler, faire des bruits étranges, baver, taper c'est comme si soudain d'une minute à l'autre notre inconscient prenait le dessus. Il y a toujours eu pour moi quelque chose d'effrayant dans cette idée. Bien sûr quand j'étais petite je ne voulais juste pas dormir avec les autres sans que je ne puisse me l'expliquer, c'est venu au fil du temps.
Je sortis du lit doucement avant d'enfilais la première chose qui me tombait sous la main à savoir un tee-shirt à lui qui trainait sur mon chemin. L'odeur toute particulière du tissu intrigua mon odorat alors que mon cœur et mon cerveau le reconnu immédiatement. Ce vêtement sentait l'odeur si singulière de Luke. J'avais presque l'impression d'être dans ses bras tellement sa senteur était présente. J'en profitais prendre de longues inspirations à même le tissu comme pour que mon cerveau n'oublie jamais ce parfum si propre à Luke. J'en souris d'un air béat avant de partir à la conquête de la cuisine pour préparer du café.
Le soleil m'effleura agréablement l'épiderme et je le rendis compte que je n'avais pas fait attention à la grande baie vitrée du salon qui donnait directement sur les rues du centre-ville de Salem. Les gens déambulaient avec véhémence sur les pavés de la ville probablement à la recherche de cadeaux de Noël. Ou pour les plus en avance de supplément de présents pour une tante plus aimable à Thanksgiving ou un grand-père qui a enfin arrêté de fumer et qui méritent des cadeaux supplémentaires. Qui sera, bien sûr, passé sous le manteau pour ne pas faire de scandale. Je souris du fil de mes pensées qui volaient au gré des vies avant que mon regard ne soit attiré par une table d'architecte vers la chambre.
Je fis quelques pas en arrière et un plan était posé dessus. C'était vraisemblablement les plans d'une maison. Un code couleur était indiqué pour les parties et choses de la maison que peuvent faire Luke lui-même et celles où il a besoin d'un coup de main comme la plomberie et les poutres du toit. Alors le voilà ton rêve et ce qui te prend le plus de temps dans vie monsieur Jackson... En bas de la feuille, je caressais sa signature du bout des doigts avant de me diriger définitivement vers la cuisine. Je voulais garder ce petit moment où j'ai aperçu son petit jardin secret pour moi. C'est vrai après tout il ne m'en avait pas parlé alors le connaissant c'est que ça devait être assez important pour ne pas être abordé dans un couloir ou lors d'un interclasse.
Une fois devant les rangements de sa grande cuisine, je cherchais des tasses que je trouvais bien évidemment, mais tout en haut d'un placard à peine a portées de doigt. Alors avant de trop réfléchir je pris le café moulu à côté de la cafetière, un filtre et lance la machine à bonne humeur. Bon ensuite concrètement deux options s'offraient à moi. Soit, je vais chercher mes escarpins donc là j'ai une chance d'attraper la tasse, mais de le réveiller ensuite avec le bruit des talons sur le parquet sans parler des rayures que je pourrais faire. Deuxième option que je choisis tout de suite c'est me mettre sur la pointe des pieds pour gagner quelques centimètres, un échec cuisant cela va sans dire. J'allais lever la jambe pour m'agenouiller sur le plan de travail quand je sentis deux mains enserrer ma taille et me soulever pour que j'atteigne cette fameuse étagère trop haute. Je ris en attrapant bien plus facilement l'objet de ma convoitise. J'avais un petit peu l'impression d'être une ferraille transportée par une grue, mais c'était rigolo.
« Bonjour mon sauveur de bonne humeur. » Lui dis-je en me retournant.
Il m'avait posé au sol, mais je me contentais de rester contre lui. Mes bras enserrant sa taille.
« Je n'ai pas pu résister on commençait à voir tes fesses à force. Ça devenait bien trop suggestif pour que je me contente de regarder. » Me répondit-il avec un petit sourire carnassier.
Je l'embrassais en souriant avant qu'il ne me porte à nouveau pour me déposer sur son plan de travail cette fois. Assise, j'enserrais son bassin de mes jambes tout en nous servant 2 cafés, remarquant au passage qu'il avait eu le temps d'enfiler un pantalon, mais pas de tee-shirt pour mon plus grand plaisir. En même temps il ne suffisait pas de regarder trop loin pour découvrir le voleur responsable d'une statue grec dès le matin. Je bus une gorgée de café en me rinçant l'œil sous le regard amusé de Luke avant de déposer ma tasse et poser ouvertement mes mains sur ce corps d'apollon. Si les Grecs étaient vraiment comme ça, je comprends pourquoi les sculptures se sont tuées à la tâche durant des siècles. Ce genre de corps mérite qu'on le détaillé et qu'on l'admire jusqu'à la fin de nos jours. Il me regarda faire en souriant avant que ses yeux ne deviennent plus sérieux, plus profond.
« Lucy, tu sais j'étais sérieux hier soir. Si tu te sens prête alors moi aussi... »
« À quoi donc... ? » lui demandé-je complètement perdue.
« Je t'aime Lucy, et ça fait quoi quasiment 3 mois qu'on est ensemble. On est des adultes consentants enfin du moins pour ma part. On a tous les deux une situation stable et on a l'âge idéal. Je veux dire qu'est qui nous empêche de commencer notre horde de louveteaux. Enfin on n'est pas obligé de se prendre la tête sur sa non plus. On a qu'à juste jouer sans filet... »
J'éclatais de rire avant de comprendre qu'il était sérieux.
« Donc j'arrête ma contraception... ? Mais tu sais c'est des contraintes un bébé, je ne veux pas qu'on prenne cette décision à la légère et qu'on le regrette une fois devant le fait accompli... Ne te méprends pas je suis totalement prête à voir plus loin avec toi et ça me fait vraiment plaisir que tu m'en parles, mais je veux être sûr que tu ne vois pas que les bons côtés de la paternité. »
« Concevoir ça prend quoi, 6 mois ? 1 an ? Peut-être plus alors je me renseignerai comme j'ai toujours fait ! Je le sais très bien qu'un bébé va nous changer la vie, mais ce que je sais aussi c'est que tu es la femme de ma vie et il ne sera qu'un peu plus de toi. Et comme je t'ai dit on ne se focalise pas sur ça on enlève juste les filets de sécurité et on passe nos journées au lit. Rien de désagréable pour le moment. » S'amusa-t-il.
« Il va falloir que tu m'aides dans ce cas Luke parce que ça va être dur, tu sais par rapport à ma précédente grossesse... »
Je penchais la tête en arrière prête à pleurer quand Luke prit ma tête en coupe entre ses grandes mains, les yeux étincelants.
« Je te promets que je ne te lâcherais pas d'une semelle et je vivrais ça avec toi, tu pourras toujours compter sur moi... Je ne suis plus un adolescent Lucy, je sais ce que je veux et je sais surtout avec qui j'ai envie de le vivre et un futur je n'en vois un, qu'avec toi. Mais ça veut dire que c'est un oui dans ce cas... ? »
« Oui ! » m'enthousiasmé-je.
Il allait falloir qu'on en discute un peu plus sérieusement, mais ces paroles m'avaient pour le moins rassurée sur le fait que ce n'était pas une lubie ou un caprice. Il voulait vraiment avancer avec moi. Je l'embrassais en caressant ses joues étonnement plus mal rasé, qu'à son habitude ce qui est plus que rare chez lui, mais je n'eus pas vraiment le temps d'y penser plus.
« Alors ça commence maintenant ! » m'affirma-t-il en me soulevant pour me ramener sur son lit accompagnant mes éclats de rire.
Je me fichais bien de combien de temps ça faisait nous deux, je ne comptais pas les jours. Seulement j'étais sûre de mes sentiments, ma vie était stable comme il me l'a fait remarquer, la sienne aussi, nous étions majeurs et vaccinés et franchement l'idée d'avoir un mini nous me comblait de joie. C'est vrai que depuis ce qui m'était arrivé je voyais la vie différemment. J'essayais de vivre plus intensément parce que c'est ce qui se passe quand la mort vient vous voir pour vous dire que ce n'est pas encore votre tour, mais qu'elle prend une partie de vous avec elle. Notre point de vue change, les priorités sont revues et les désirs souvent plus bruts. Quoi qu'il en soit je m'étais déjà préparé à être mère alors j'étais dans un état d'esprit assez serein pour le moment je savais dans quoi je m'embarquais et c'était avec plaisir. Surtout avec le bon homme à mes côtés.
Nous avons finalement passée notre journée dans sa petite chambre de fortune et en fin de soirée Luke faisait le hanneton sur le matelas pendant que je commandais des pizzas. Un peu plus tard la sonnette de son appartement se fit entendre, je me levais pour aller les chercher comme si j'étais chez moi. Un peignoir fit l'affaire tandis que nous les avons mangés comme des sauvages à même son lit, complètement défait par notre journée pyjama. Il continuait de me faire rire, mais quelques questions me restaient en tête par rapport à notre discussion de ce matin.
« Minou, je voudrais qu'on discute de quelques détails au sujet de la grossesse. OK, elles ne se ressemblent pas toutes, mais je voudrais te rassurer et te prévenir sur deux trois petites choses. Déjà je ne veux pas que tu te mettes trop la pression c'est pas grave si au début tu ne réalises pas, même si tu en as très envie. Il arrive que dans certains cas la paternité ne vous saute pas au visage. Certains parents ne réalisent qu'après avoir vu ou entendu les battements de cœur, d'accord ? »
Il m'écouta avec attention se calmant immédiatement en hochant la tête pour me pousser à continuer.
« Ensuite je suis désolée, mais je risque d'être la pire femme du monde et la meilleure en même temps, avec les hormones. Je pourrais pleurer parce que je n'arrive pas à enfiler ma chaussure ou te crier dessus comme une mégère que tout ça, c'est ta faute, mais c'est pas vrai minou, d'accord ? »
« Si un peu au fond, mais je pense que je peux gérer une lionne ! »
« Tant mieux. Ah et je n'ai jamais accouché, et ça me fait très très peur alors est ce que tu voudras bien rester avec moi pendant l'accouchement ? »
« C'est promis ! C'est plutôt moi qui aurai peur pour toi, je n'ose même pas imaginer par quelles souffrances tu vas passer alors être avec toi ça me rassurera aussi. Mais c'est étrange j'ai comme l'impression que ce n'est pas moi que tu veux rassurer, mais toi. »
Oui il n'a pas tort. Peut-être que j'appréhendais un peu plus que je ne voulais bien l'admettre. Comme d'habitude il avait toujours les mots justes et je me sentais tout de même bien plus légère.
Le dimanche j'ai dû quitter le cocon douillet de l'appartement de Luke. Il m'a dit avoir des choses à faire donc on ne se verrait que le lendemain. Ça ne me dérangeait pas plus que ça puisque de mon côté je devais passer chez moi afin de travailler mes cours pour mardi étant donné que l'école était fermée lundi. Ce week-end prolongé commençait en fait le vendredi de Thanksgiving durant jusqu'au mardi pour laisser le temps aux élèves de profiter pleinement de leurs moments en famille.
Le lundi dans l'après-midi, j'étais encore sur des cours, mais Luke était venu me rejoindre et regardait un documentaire sur l'Égypte ancienne à la télévision quand des coups à la porte se firent entendre. Je levais un œil surpris sur lui, mais d'un seul coup d'œil je compris qu'il s'interrogeait autant que moi.
Je me levais pour aller accueillir mon mystérieux invité, mais en ouvrant la porte je crus m'effondrer. Mon teint devint soudainement livide et je crus sentir le sol se dérober sous mes pieds. Dans une tentative de me donner une certaine contenance j'avalais bruyamment ma salive et emmenais mon intrus dans la pièce la plus proche. J'étais terrorisée par une seule idée, il fallait que je garde la tête haute parce que chaque geste pourrait être retenu contre moi. Chaque peur que chaque geste soit mal interprété, j'en tremblais. Le policier me suivit jusque dans ma cuisine où Luke nous rejoignit restant légèrement à l'écart pour me laisser un petit peu d'intimité tout en me gardant à l'œil.
« Bonjour, mademoiselle Hicks, je suis l'inspecteur Erik. Je suis chargé de recueillir votre déposition au sujet de la plainte pour meurtre qu'a déposée votre mari. Je vous écoute. »
Je commençais à lui raconter difficilement mon histoire, sous ses commentaires méprisants, accusateurs et rabaissant, mais je faisais face, il le fallait pour qu'il me croie parce que c'était capital pour tirer définitivement un trait sur mon ancienne vie.
« S'il y avait des preuves de violences ou d'infidélités de la part de votre mari pourquoi n'avez-vous pas porté plainte ? Et l'absence de preuves peut être interprétée à son avantage si je puis dire, c'est-à-dire que vous ne vouliez plus de ce bébé et vous avez tout fait pour le tuer. Alors pourquoi ? Éclairez-moi sur votre mobile. C'est un cas fréquent que la conjointe ne dise rien, mais vous ne nous facilitez pas le travail, franchement. »
Les larmes que je retenais devinrent des sanglots puis un torrent, j'avais tellement de mal à respirer comment pouvait-il m'accuser du meurtre de mon bébé ? Je pensais tenir j'ai fait de mon mieux, mais je n'en pouvais plus. Soudain j'entendis Luke au loin s'approchait à grande enjambée il se plaça juste derrière l'inspecteur en tenant violemment ses épaules si fortement, que ses jointures en étaient blanchies. Alors qu'il approcha sa tête de son oreille en lui grognant au creux. Ma respiration se coupa sous l'effet de la surprise et je restais impuissante devant la scène qui se jouait devant moi.
« Qu'est-ce qui tourne actuellement dans votre petite tête étroite ERIK ? » lui demanda-t-il calmement en insistant soigneusement sur son prénom.
« Voulez-vous qu'un vulgaire professeur vous éclaire sur ce qui se passe juste là dans ce tout petit cerveau ? Vous connaissez l'amygdale ? C'est une partie du cerveau primitif, pas plus gros qu'une baie qui s'occupe depuis la nuit des temps de nous garder en vie par un mécanisme de défense basique. Comme une seconde personne, un guide qui hurleraient à vos oreilles qu'il faut que vous fassiez tout pour survivre. Il se peut que dans certains cas cette espèce de sirène hurle tellement que ça couvre une autre partie du cerveau qui contrôle la raison. Savez-vous quelle zone c'est ? Voulez-vous que je vous éclaire encore une fois robuste inspecteur ? C'est le cortex responsable de votre logique. Par exemple là en ce moment même votre cortex vous parle. Il résonne, il communique avec vous par petites questions semées par-ci par-là dans votre esprit. Je lui fais peur. Je le terrorise parce que lui sait que je pourrais vous étrangler d'une seule main et personne n'en saurait rien parce que vous n'avez rien à faire là. C'est ce qui se passe dans votre minuscule petite boîte crânienne n'est-ce pas ? Vous avez été probablement payer pour faire peur à la merveilleuse femme que je fréquente, mais manque de chance pour vous Érik je suis là, n'est-ce pas ? Mais vous savez l'amygdale c'est de l'instinct primal, c'est primitif comme je vous disais. Il n'y a aucune logique associée à cette partie de votre cerveau. Ce qui fait que quand la situation vous paraît trop périlleuse vous entendez seulement l'amygdale, le cortex semble être comme désactivé. Cette petite baie est en fait là sans communiquer vraiment avec votre cerveau, comme les Anglais et l'Europe voyez-vous. Ils en font partie, mais ont leurs propres règles. Tout ce que cette partie donc votre amygdale sait c'est que mes mains vous paraissent si grosses que si j'utilisais même les deux je vous casserais la nuque en une demi-seconde. C'est cette peur viscérale qui déclenche votre archéocervelet, oui parce que ça s'appelle comme ça aussi parce que c'est la partie la plus ancienne d'un point de vue évolutif. Donc c'est quand nos sentiments négatifs deviennent trop forts, que la situation nous échappe comme vous en ce moment cher inspecteur et qu'on se demande si notre vie est en danger, nous sommes comme un ordinateur. Programmer pour ne faire que le strict nécessaire pour survivre. Exactement comme vous à cet instant... Vous ne faites rien et c'est exactement ce qu'il convient de faire selon votre amygdale et je suis sûr que si vous interrogez également votre cortex il sera d'accord. »
« Je crois que j'ai compris. » Murmura le jeune inspecteur en avalant bruyamment sa salive, de la sueur perlant sur son front comme s'il revenait d'une après-midi en plein soleil.
Luke lâcha tranquillement sa prise et vint se poster derrière moi avec un regard assassin avant de passer un coup de téléphone qu'il tendit ensuite à l'inspecteur. Celui-ci hocha plusieurs fois de la tête, penaud, et sortit de la maison sans demander son reste.
« Je suis là. » Me rassura Luke.
Il me prit dans ses bras en caressant mes cheveux tandis que j'étais secouée de violents tremblements, comment est-ce possible ? Pourquoi continuait-il à me terroriser d'où il était ? Pourquoi s'acharnait-il... ?
« J'ai appelé un bon ami, c'est un des meilleurs avocats de New York, il va s'occuper de tout je te le promets. Plus personne ne viendra ici en te manquant de respect. Tout passera par cet avocat. » Me dit-il entre la tendresse, son ton encore dur sous le coup de la colère.
Je savais que la pleine lune de ce soir expliquait en partie son geste, il était à fleur de peau, mais mon sentiment de sécurité augmenta. Maintenant je savais qu'il ne pourrait rien m'arriver, pas avec lui. Plus jamais.
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