Chapitre 12 - La Fêlure
Après avoir prononcé la dernière phrase, le dernier mot, avoir tu le dernier point final, je me levais soudainement. Je n'avais qu'une envie c'est rentrer chez moi pour prendre un bon bain chaud. De toute manière je ne voulais pas rester là, j'avais besoin d'être en sécurité et seule. Non pas que la promiscuité avec ce loup me dérange, mais je ressentais le besoin de m'isoler.
« À plus beau brun ! » dis-je en direction du loup tout en lui faisant un clin d'œil.
Je lui tournais le dos et allais partir quand je me rendis compte que je n'étais pas dans un film pour retrouver mon chemin instinctivement. Je dégainais alors mon portable pour qu'il m'indique la voie vers le centre-ville. Bien sur qu'en plein milieu d'une forêt il n'y a pas de réseaux, mais il y a un truc formidable qui s'appelle les « maps hors connexion ». Quand on a du réseau l'appli, télécharge les cartes des alentours de chez nous comme ça si le scénario d'un film d'horreur se dessine... Hop sauvée ! Par contre aucune solution miracle pour le manque de batterie. Dommage. Quand mon application m'indiqua la route à suivre, je commençais à marcher prudemment avant d'entendre des pas derrière moi. Je me retournais vivement remarquant que mon gros loup me suivait. J'avançais un peu, il avançait. Je m'arrêtais, il s'arrêtait. Étrange... Je me décidais finalement à continuer ma route après tout il avait eu, plus d'une occasion de me croquer alors s'il ne l'a pas fait je suppose que je peux lui faire confiance. Si tant est qu'une confiance quelconque puisse exister entre un homme et un très gros loup sauvage. Le loup me suivait toujours à la trace alors que je me retournais plusieurs fois m'amusant avec lui. Mon regard croisa systématiquement le sien avant qu'il ne détourne le regard comme pris en faute ou occupé à regarder la cime des arbres ou les étoiles. Il continua de jouer à ce petit jeu avec moi autant de fois que je me retournais c'était marrant surtout qu'il s'asseyait mécaniquement provoquant mon rire. Je jouais à un deux trois soleils en plein milieu de la forêt de Salem avec un loup qui pèse 2 voir 3 moi il n'y a aucun problème, je suis parfaitement saine d'esprit.
Quand même à force je me demandais vraiment si je ne devenais pas folle. Ce n'est pas moi, ce loup est particulièrement expressif, n'est-ce pas ? Au final j'arrêtais mon petit jeu avant de me faire réellement peur. Après plusieurs minutes de marche, j'arrivais enfin à l'orée des bois où je me retournais une dernière fois pour remarquer que mon loup s'était assis se cachant derrière les derniers arbres. Je m'éloignais un peu plus et il disparut en courant dans la forêt d'où nous venions.
Le lendemain matin, j'étais torturée par ce qui s'était passé la veille. J'étais complètement à l'ouest. J'avais l'impression que tout ça n'était qu'un rêve ou que j'étais saoule et que j'avais pris un mec un peu costaud pour un loup, mais non j'étais certaine de moi. Catégorique même. J'ai raconté ma vie à un loup. Je marais rien qu'à imaginer la tête de mon coup de fil avec mon père s'il se décidait à prendre de mes nouvelles ce qui est fort probable.
« Allo Papa ? Oh oui ça va. Écoute j'ai passé la soirée à discuter dans les bis avec un loup anormalement gros et noir c'était sympa. Je lui ai raconté ma petite vie tout ça. Quoi ? Je n'ai jamais voulu en discuter avec toi ? Tu ne dois pas avoir assez de poil c'est pour ça, je ne me sens pas assez en sécurité. Ah non non je suis sérieuse. Sinon je vais très bien mentalement parlant j'ai les pieds sur terre ! »
Y'a moyen de décrocher un aller simple pour l'hôpital psychiatrique à mon humble avis. J'enfilais un pantalon large, taille haute, avec un simple tee-shirt blanc que je mis à l'intérieur et une paire d'escarpins. On vise simple aujourd'hui. Je laissais mes cheveux détachés, j'avais tout sauf envie de me prendre la tête avec quoi que ce soit aujourd'hui j'étais déjà assez nerveuse et mes pensées étaient suffisamment obsédantes. Niveau maquillage, je m'unifiais, comme d'habitude, le teint, mais cette fois, je rajoutais du blush et un rouge à lèvres rose matte suffirait. Ce serait bien que je ressemble à un être humain pas trop mal pour mon âge et potentiellement attirant pour faire oublier mon côté un poil borderline. Si si je suis désolée à partir du moment où tu te casses d'un me fête entre collègue pour aller discuter 8 h avec un loup, y a inévitablement un petit côté borderline qui se crée. Disons qu'il suffit de voir la vérité en soit même. Question de bon sens.
Une fois prête je descendis prendre un café en bas, mais un classique aujourd'hui rien ne servait de tendre encore plus la corde, déjà fine, de mes nerfs irrités et irritables. Puis je marchais en direction de l'université tranquillement mon café à la main. L'air frais me dit du bien et la brise chaude de cette journée particulièrement chaude pour un automne réchauffa mon cœur au passage. En arrivant à l'université, j'évitais soigneusement de rester trop longtemps en salle des profs, j'ouvris la porte, dis bonjour à tout le monde avant de la refermer et accélérer vers ma classe. Simple, rapide, efficace. OK. Oui j'avoue. Je parle plus aux animaux qu'aux humains, il n'y a pas de problème je suis réaliste. J'accepte la critique !
En y arrivant dans ma salle, je fermais derrière moi et m'affalais au fond du dernier rang la tête entre mes mains. Un long soupir m'échappa avant que j'entende la porte s'ouvrir et quelqu'un se glisser à mes côtés. Je pivotais légèrement, ma tête toujours soutenue par mes mains pour me renseigner sur l'identité de cet intrus qui souhaitait sociabiliser avec moi.
« Bonjour ! » lui dis-je avec un faible sourire en reconnaissant Luke.
Il me retourna ma politesse, mais ne me demanda pas comment j'allais, il voyait parfaitement que quelque chose n'allait pas et ça me fit plaisir. Je n'avais honnêtement pas envie d'en reparler pour le moment. Je veux dire j'y pense, je rigole toute seule dans ma tête, mais le dire à voix haute ne m'intéressait pas. Déjà je n'avais pas envie de passer pour une demeurée et je me sentais suffisamment bête comme ça. Malgré tout je restais bloquée sur le regard doux qu'il me dédiait. Je remarquais immédiatement que quelque chose avait changé entre nous, l'atmosphère était bien plus intime. Sous l'impulsion du moment, toujours mes yeux bien ancrés dans les siens, le cœur battant à tout rompre, je me dis que ce serait une bonne idée... Mais mon cerveau se traitre me contrôla totalement et me fit passer pour la dernière des imbéciles.
« Tout le monde croit que mon parfum de glace préféré c'est vanille alors que c'est menthe-chocolat. » Lui chuchotais-je rougissante devant la proximité nouvelle de son visage.
Il se mit à rire doucement avant de passer une main dans mes cheveux tout en détaillant son geste méticuleusement. Il effleura ma joue, ma pommette et arrangea une mèche derrière mon oreille. Je fermais les yeux, surprise par ce geste si tendre.
« Moi c'est la glace plombière, une spécialité française qui tend à disparaître... Tellement dommage... » me murmura-t-il.
Il s'était rapproché un peu plus de moi imperceptiblement, je pouvais désormais sentir son souffle chaud sur mon visage et ses effluves de parfum. Luke a cette odeur si particulière et intense que l'on retient. Je ne saurais dire si c'est l'odeur propre de son parfum ou si sa propre odeur corporelle en fait le charme, mais ce qui en résulte est une senteur de cuir avec des touches de patchouli et de cèdre. Si je devais décrire son parfum, je dirais qu'il sent la selle de cheval qui aurait traîné dans les bois tout simplement. Ça sent le cow-boy y pas à dire. Bien évidemment comme ça c'est bizarre, mais une odeur si forte de cuir lui allait parfaitement bien en plus de sentir divinement bon. Ça allait avec le personnage en quelque sorte.
Il caressa du bout de son doigt mon bras qui réagit tout de suite par d'intenses frissons. Il détaillait toujours ses gestes comme s'il était lui-même surpris de ce qu'il faisait. Alors quand son regard remonta sur moi pour jaugeait mon expression ou l'effet qu'il me faisait probablement, son autre main qui n'a jamais quitté mes cheveux pressa légèrement ma tête vers lui. Je me laissais faire pleinement consentante alors qu'à son toucher je pouvais ressentir les mêmes émotions que j'avais senti avec le loup la veille. Mais comment se peut-il... ? Nos lèvres se rencontrèrent enfin dans une douceur infinie et chaste. Un tourbillon d'émotions naquit en moi tandis que j'eus l'impression de ne jamais avoir ressenti ça de ma vie. À l'unisson nous avons appuyé un peu plus notre baiser comme si nous étions connectés et que nous pensions à la même chose au même moment. Cet échange langoureux se transforma rapidement en un besoin, plus avide, plus suave, plus sauvage. Nous étions complètement dans notre bulle faisant abstraction de toute la vie autour de nous, notre boulot, ce banc, cette salle... C'est la sonnerie qui nous rappela soudainement à l'ordre et arrêta notre échange subitement.
Après un réveil brutal, nous avons regagné ensemble mon bureau en bas de l'amphithéâtre pour commencer notre cours. Je redoutais un peu ce moment, au vu des remarques que j'avais entendues lors de notre première rencontre avec cette charmante classe. Mais je choisis de voir au-delà de l'apparence, au-delà des remarques et de l'ignorance pour toucher l'être humain en eux. Et puis finalement mes craintes s'envolèrent, notre cours-débat se passa très bien, à ma grande surprise tout le monde participa et les échanges étaient très intéressants, voire même instructifs, pour moi. Les enfants faisaient toutes seules, très à l'aise, de vrais politiciens ! Luke et moi n'avions qu'à regarder et faire les arbitres quand cela s'avérait nécessaire.
Je ne pus que remarquer également quelques regards appuyés venant de Luke. Son attitude nonchalante me désarçonna, il respirait la confiance en lui. Ces mains croisées sur son torse pour preuve, il en profitait pour cacher ses doigts derrière moi afin de me caresser le bras en toute discrétion. Cette marque d'affection me fit plaisir tout en me rendant légèrement perplexe sur notre statut. Je n'avais jamais entendu parler de relation interdite entre professeurs d'ailleurs à la fac mon prof de philo était avec une autre prof de philo, mais notre position à nous en tant qu'individu s'étant embrassé une fois. Parce que je n'embrasse pas si mal j'ai quand même confiance en moi sur ça, mais reste à savoir ces objectifs à lui. Son but ultime. C'est un peu délicat et peut être même que je me prenais un peu trop la tête, mais je ne pouvais m'empêcher de penser à tous les scénarios possibles. Cependant joueuse comme je suis je me dis que la seule manière de lui montrer ma réceptivité c'était de tenter. Je commençais par lui répondre par un sourire franc avant que ma main ne se dérobe sur son dos... J'observais chacune de ses mimiques pour essayer de deviner ses pensées et au vu de son sourire en coin j'avais visé juste. Puis je laissais traîner ma main un petit peu plus bas jusqu'à la chute de ses reins, coup d'œil amusé de sa part. Il jouait à mon jeu c'est évident. Puis comme dans une partie d'échecs j'essayais de faire échec au roi, en laissant ma propre main se promener dans la poche arrière de son jean. Il ne me regarda pas cette fois, peut être se retenait-il de peur d'avoir un geste un peu trop démonstratif devant notre classe, mais son sourire en disait tellement long.
« D'habitude les filles sont plus attirées par mes yeux, mais pourquoi pas... » me chuchota-t-il son sourire bien accroché et tellement craquant.
Je jetai un coup d'œil en arrière appuyant mon regard pour mater sans vergogne ses fesses. Les jeans ont ce je ne sais quoi qui met en valeur les fesses des hommes de manière parfaitement singulière et irrésistible. C'est vrai en plus en y mettant ma main je ne touchais que le tissu sans vraiment avoir toute la fesse, mais ça a toujours été mon point faible sans que je ne puisse me l'expliquer. Il plongea son regard dans le mien. Arquant un sourcil rieur puis je me résolus à arrêter ma contemplation avec un haussement d'épaules soulignant toute la déception que m'inspirait le lieu, l'endroit et la situation qui se prêtait trop peu à mes petits jeux.
Quand la classe se finit, Luke partit rapidement en s'excusant, car il avait une classe juste après alors nous nous sommes quittés toujours avec cette aura de complicité. Cependant quelque chose me trottait en tête et je n'arrivais pas à m'enlever l'idée de la tête telle une mauvaise herbe je ne pensais qu'à ça. Alors après mes classes, je me rendis à la bibliothèque, il devait être 12 h. Il fallait que je me renseigne un peu plus sur les loups-garous, trop de choses me semblaient étranges avec cet animal pas si sauvage. Peut être que je fantasmais totalement sur cette situation et que je perdais la raison, mais j'avais besoin d'en avoir le cœur net. Je me dirigeais vers l'étage de la bibliothèque, là où les plus vieux bouquins étaient exposés.
Après des recherches qui me menaient à tout et rien à la fois c'est Luke qui me sortit le nez de mes livres, il me sourit en me voyant grignoter mon sachet de noix et fruits secs, mon grignotage favori. Quand je m'ennuyais, noix, quand je bossais, noix. En fait je mangeais ça à longueur de journée et Luke m'avait déjà charrié sur mon encas préféré me traitant de petit rongeur. Dis comme ça c'est pas hyper classe, mais dans sa bouche ce n'était pas une insulte au contraire.
« Tu bosses sur quoi ? » me demanda-t-il en passant sa tête au-dessus mon épaule.
Sa tête effleura mon épaule et ce contact aussi simple soit il m'électrisa et me rappela à mon doux souvenir ne datant pas plus de quelques heures auparavant.
« Luke... ? Je sais que la plupart des mythes s'inspirent de vérités, mais qu'est ce que tu penses des loups-garous ? Je crois savoir que le mythe vient d'une maladie mentale la lycanthropie clinique qui selon moi est un auto anthropomorphisme poussé à l'extrême, mais je voudrais votre avis. »
« Qu... C'est mon boulot les créatures mythiques » me rétorqua-t-il avec un petit rire gêné.
Soudain il se posta devant moi le visage totalement fermé.
« Pourquoi n'êtes-vous pas simplement venu m'en parler à table professeur Hicks ? Écoutez si c'est notre baiser qui vous perturbe, il ne faut pas parce que ça ne voulait rien dire. Vous n'étiez pas bien et je pensais que vous auriez besoin d'un peu de réconfort. »
Son aveu s'abattit sur moi avec la puissance et la rage de la foudre. J'étais sous le choc, il avait brusquement creusé un fossé immense entre nous comme si soudain je revenais tout au début. Ma respiration se coupa une seconde avant que mon sang ne fasse finalement qu'un tour.
« Je ne voulais juste pas t'embêter avec des recherches personnelles, c'est tout. Comme tu peux le voir, la moitié des bouquins sur lequel je m'appuie sont les tiennes preuves que je considère ton travail à sa juste valeur, mais j'ai été stupide. J'ai pensé pouvoir profiter du fait que cet auteur génial soit mon ami pour pouvoir avoir son avis personnel, mais je crois que je me suis trompée. Sur toute la ligne. À présent, si tu le permets ou vous je ne sais plus trop. Je vais voir ailleurs si j'y suis. » Lui dis-je tristement en me levant à la hâte.
J'allais vraiment partir, mais je me retournais à mi-chemin pour finalement faire demi-tour. Il ne pouvait pas s'en sortir comme ça alors une fois à sa hauteur je pointais un doigt sur son torse. S'il pensait me lourder aussi facilement... Moi aussi j'avais essayé de faire le numéro de la connasse pour que les gens me laissent tranquille avec ma grossesse et je savais pertinemment la solitude qu'on ressent. Solitude qu'on ne peut que s'attribuer à soi-même en plus...
« La prochaine fois qu'il te vient l'idée de me prendre pour un chien et me donner de l'attention, quand tu le juges opportun abstiens-toi. »
Une expression passa sur son visage, si rapide que je n'eus pas le temps de l'identifier, mais j'en étais sûre maintenant, il resta silencieux me dévisageant.
« C'est bien ce que je pensais. Peu importe ce que tu me caches, je le découvrirais, tu n'es pas le seul à avoir des secrets Luke et je t'assure que porter ça tout seul ça ne fonctionne qu'un temps... »
« Tu ne découvriras rien du tout. » Me répondit-il en partant d'un pas furibond.
Je ne revus pas Luke de la journée, mais je croisais Margaret dans les couloirs avant la fin définitive des cours de la journée.
« Tiens comment ça va toi ? Tu vas mieux depuis hier soir ? Au fait tu sais pour Luke ? Il part au Chili pour je ne sais combien de temps apparemment un site archéologique a été découvert. »
« Wôw attends moins vite. Luke quoi ? » lui demandais-je de répéter pas certaine d'avoir bien compris.
« Ouais Luke est parti en début d'après-midi un prof va le remplacer le temps qu'il étudie ses fossiles. Le proviseur lui passe vraiment tout genre des fouilles démarrent et hop en 1 h il est dans l'avion. »
Alors là je tombais de haut. Foutu pour foutu je fis appeler Cara dans ma classe, je savais qu'elle aussi en savait bien plus qu'elle ne voulait l'avouer et il fallait que je découvre pourquoi Luke était parti si vite. Pete était aussi dans ma ligne de mire pour avoir des informations, mais je le sentais beaucoup moins ouvert sur la discussion que Cara. Elle semblait me faisait penser à une herbe robuste, on a du mal à l'arracher, mais à peine lui souffle-t-on dessus quelle se met à parler. Peu importe ce que Luke croit être, bien je ne le laisserai pas tomber, je connais cette douleur et je ne supporterais pas que les personnes que j'apprécie la subissent.
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