Chapitre 11 - La Culpabilité
« Quand j'avais 17 ans j'ai rencontré mon ex, on était fou amoureux, jeune et fougueux. Tu la connais l'histoire ? Enfin non parce que tu es un loup. Mais c'est l'histoire éternelle de la jeune et belle star de promo avec le gars le plus beau de sa promo voir peut-être même du lycée entier. Le roi et la reine de promo tous les ans, à chaque bal les couronnés... Ils n'ont jamais eu qu'eux deux et refont le monde ensemble. La seule différence avec les films à l'eau de rose pour adolescente c'est que le mien était intelligent et ambitieux. Il savait ce qu'il voulait et je crois bien que c'est ça qui m'a fait craquer. Après le lycée on est resté ensemble, on a choisi nos universités à deux et les tentations n'ont pas eu raison de nous. Après l'université nous avions déjà notre avenir de tracé, son parcours professionnel était en bonne voie... Alors à 20 ans, j'étais sur le point de passer mes concours pour être professeure, lui était déjà assistant dans la boîte que dirigeait son père. Alors on a décidé de fonder une famille. Il m'a demandé en fiançailles et j'ai accepté. Pourquoi refuser ça faisait 6 ans que nous étions ensemble et j'avais l'impression d'avoir toujours et tout vécu avec lui. Le pire comme le meilleur enfin ça c'est ce que je pensais... Peu après nos fiançailles, son père est décédé donc il a repris les rênes de l'entreprise familiale et son comportement a changé du tout au tout. Ça a commencé par des sentiments masqués. Il a complètement intériorisé la mort de son père et à doucement commencer à devenir hermétique à tout et tout le monde. Je me suis dit que chacun avait sa manière de faire face au deuil, mais il n'a eu aucune étape type de l'être humain. Tu sais les humains ont 7 phases de deuil. Le choc d'abord or il n'a même pas été choqué quand il l'a appris il a dit ;
"Ça devait bien arriver un jour. Bon qu'est-ce qu'il m'a laissé ce vieux fou ! Le notaire passe dans la journée parce que je risque d'être overbooké."
Le déni vient ensuite, mais lui s'est enfermé dans le travail. Il était même heureux de ces nouvelles fonctions ! Il me souriait tout le temps quand je venais le voir au travail. Puis viens la colère et le marchandage or au début il semblait content enfin c'est ce qu'il me montrait quand il le voulait bien parce je me suis vite rendu compte qu'il ne laissait filtrer que les sentiments qu'il voulait bien. Alors quand je m'en suis rendu compte je me suis dit encore une fois qu'il avait sa manière de faire son deuil. La tristesse est la 4e phase encore une fois je n'ai vu aucune tristesse aucune larme, entendue aucune plainte même lors de l'enterrement. Son éloge funèbre était froid et sans émotion, c'était glaçant. Ensuite la 5e phase la résignation puis l'acceptation et ensuite la reconstruction. À cette époque je ne connaissais pas en détail ses phases de deuil alors je ne pouvais pas me rendre compte de son état, tout le long j'ai juste pensé qu'il faisait du mieux qu'il pouvait alors qu'au contraire il était en train de devenir un monstre. Au fil des semaines, je ne le voyais presque plus, il prétextait des dîners, des signatures de contrats, des voyages pour le boulot. C'est simple en l'espace d'un an nous étions devenus quasiment des étrangers l'un pour l'autre et puis quelques mois plus tard à l'aube de mes 21 ans... »
Les sanglots menacèrent encore et le loup posa sa tête sur mes mollets croisés comme un signe d'encouragement. Son regard était tout ce qu'il y a de plus expressif, c'était toujours aussi étrange, mais je me sentais en confiance ce qui est tout aussi surprenant, je dois bien l'admettre.
« Je me suis rendu compte que j'étais enceinte. Pour moi c'était une super nouvelle c'était l'accomplissement même de ce que je pensais être notre rêve commun. D'abord l'appartement qu'on avait acheté ensuite les fiançailles et en même temps le bébé, c'est ce qu'on nous apprend en tout cas à nous les filles. Trouve d'abord la stabilité ensuite la bonne personne et construit ta vie. Alors je lui ai avoué lors d'un déjeuner où j'ai quand même dû prendre rendez-vous pour l'avoir 1 h pour moi ! On est allé manger dans un bistrot et je lui ai avoué. Il semblait content de mon initiative, le repas se passait bien jusqu'à ce qu'il l'apprenne. Sa réaction fût un réel coup de massue : "Waouh alors déjà qu'on baisait plus trop alors là te voir te transformer en grosse vache ça va pas aider. Oh et puis j'ai du travail alors il faudra que tu restes à la maison pour t'en occuper." Ce sont ces mots exacts. Je m'en souviens comme si c'était hier. Je voyais sa bouche bougeait, j'entendais, je comprenais, mais mon cœur était en morceaux. Il faut savoir que j'étais amoureuse de lui, bien évidemment c'était une déception sa réaction, mais seulement une de plus parmi tant d'autres. Les mois ont passé et on s'éloignait de plus en plus. Je regrettais cette situation, mais je me consolais avec mon bébé, mes échographies, les boutiques ! Ce bébé n'était même pas né qu'il était pourri gâté par toute ma famille. Qui elle était heureuse et me soutenait, c'était le principal finalement. Mon père ne cessait de me répéter que s'il se passait quoi que ce soit je pourrais prendre mes affaires et revenir vivre chez eux sans problème. Mais à part des humiliations, et un harcèlement moral, il ne faisait rien... Ce n'était que des mots... Vers 5 mois de grossesse, j'ai découvert que c'était une petite fille. Là encore déception pour mon compagnon qui voulait un garçon pour que ce bébé "serve au moins à lui succéder". Encore une fois ce sont ces mots exacts sans filtre. Le jour de cette échographie, il m'a hurlé dessus toute la journée parce que d'après lui c'était ma faute je lui avais fait perdre son temps avec ce bébé, qui ne servira qu'à m'occuper pendant qu'il travaille. Qu'à pleurer, qu'à lui faire dépenser de l'argent qu'il n'a soi-disant pas. Et pendant qu'il me hurlait dessus je pouvais sentir mon bébé bouger comme réagissant à la voix de son père. C'était tellement insensé et à la fois si innocent... Mon bébé reconnaissait la voix de son père et y répondait avec tout ce qu'il savait faire... Un écrin de pureté et d'amour. »
Je passais une main devant mon visage. Bon sang ! Ce que c'est dur de reparler de tout ça ! De replonger dans mes souvenirs les plus douloureux de toute ma vie.
« Ce même jour dans la soirée, une fois dans mon lit, j'ai eu du mal à dormir à cause de mon ventre qui commençait à bien être arrondi et aux coups du bébé. Alors je me suis levée, je ne savais pas trop quoi faire pour me détendre alors j'ai été sur l'ordinateur commun pour essayer de trouver une série, un film sur lequel je pourrais m'endormir sur le canapé. Quand soudain une notification en bas à droite de l'écran attira mon attention. Le contact était "Amour". J'ai ouvert ce mail et j'y ai vu des photos nues d'une femme avec pour seule légende : "Pour te faire patienter jusqu'à ce week-end...". J'ai tout de suite fait retour comme si c'était ma faute, qu'on venait de me prendre en flagrant délit, mais c'était trop tard j'étais dans sa messagerie et j'ai vu toutes ces notifications de sites pour adultes... C'était dingue j'en revenais pas. Je dis un rapide calcul et il dilapidait littéralement son argent sur des sites de Cam. En fait sur ces sites tu payes de la monnaie virtuelle qui te permet ensuite de "demander des faveurs" à la fille qui est de l'autre côté de l'écran et qui se montre... J'étais folle. J'ai regardé notre compte commun, il n'y avait plus un sou, ses comptes à lui pareil, nos économies, nos placements tout avait disparu à part ma petite paye que j'avais gardée sur mon compte perso... Alors je l'ai réveillé et je l'ai mis face à ses actes, mais il n'a pas vraiment apprécié. J'hurlais comme jamais je n'ai hurlé dans ma vie, j'avais des envies violentes en le regardant. Il me dégoûtait à un point... »
Je fermais les yeux en inspirant profondément retenant du mieux que je pouvais mes sanglots même si quelques larmes s'échappaient parfois. Cette partie-là était encore la plus facile à raconter étant donné que je n'ai plus qu'une haine viscérale pour lui par contre la dernière partie... C'était l'enfer... Mon pire cauchemar et un épisode de ma vie que je ne souhaiterai même pas à ma pire ennemie.
« Il m'a laissé parler, hurler et quand je lui ai frappé le biceps avec ma main il a vu rouge. J'ai tout de suite remarqué le changement de teinte dans ses yeux et quelque chose s'alluma dans mon cerveau. Une sorte de gyrophare énorme. J'ai vu dans ses yeux que je n'avais plus en face l'homme dont j'étais tombée amoureuse et celui que je voulais épouser, non. J'avais un monstre qui n'avait plus aucune limite. Alors il m'a prise par la gorge et m'a soulevé, mes pieds ne touchaient plus le sol. J'essayais de gigoter pour atteindre quelque chose, une chaussure, une sacoche ou même un livre qui pourrait me donner un peu de mou pour respirer, mais je n'avais rien... Quand mes yeux commencèrent à virer au rouge, il m'a secoué, tellement longtemps et fort qu'à un moment j'ai cru que j'allais tomber dans les pommes. J'avais l'impression peut-être véridique que mon cerveau cognait contre ma boîte crânienne, ma vue était complètement brouillée par mes larmes et par les secousses. Je n'avais plus aucun point de repéré sur cette Terre. Mon cerveau était difficilement irrigué à cause de sa poigne sur mon cou. J'étais comme pendue entre ses mains tandis qu'il hurlait, mais j'étais ailleurs étrangement déconnectée, je ne sais pas si c'est dû au manque de sang, d'oxygène ou à la violence de la dispute, mais je vis soudain la scène comme si j'en étais la spectatrice, public de cette scène de violence conjugale extrême dont j'étais l'actrice principale... C'est ça en fait j'étais à la fois l'actrice et la réalisatrice. Devant mon mutisme et mon manque de réaction général, il m'a jeté sur le lit si violemment que j'ai traversé les lattes pour venir m'écraser lourdement au sol. C'est le flanc qui a absorbé tout le choc contre le parquet et soudain une douleur intense m'a comme réveillé. Je n'avais plus peur pour ma vie, mais pour mon bébé, quelque chose s'était réveillé en moi comme un instinct primitif presque sauvage. Bah tu dois connaître toi, l'instinct de protéger d'abord ses petits. Bon toi tu les as par dizaine, mais nous on en a deux ou 3 avec beaucoup de chances, mais sinon c'est qu'un seul. On a qu'un seul bébé à protéger à tout prix... Et je n'ai pas réussi... À ce moment j'ai crié de tout mes poumons face à cette douleur incommensurable et cette petite voix qui me hurlait qu'il fallait que je parte d'ici que je me sauve au plus vite, que je garde en vie mon bébé cependant je me rendis vite compte que mon corps ne suivrait pas... J'ai analysé mon état général en quelques secondes et j'étais certaine de m'être au moins démis l'épaule, une côte et ma hanche me faisaient terriblement souffrir. Les voisins m'ont entendu et ont tout de suite réagi en appelant la police. Évidemment je ne l'ai su qu'après, mais je leur en serais éternellement reconnaissante parce que sans eux je ne sais pas si je serais encore là tout court. Il était dans une telle rage que je ne crois pas que tuer deux êtres humains lui pose un quelconque problème de conscience ou de morale. La police est donc arrivée avec une ambulance moins de 10 minutes après ma chute, mais je baignais déjà dans mon sang. Je m'y revois maintenant, toujours avec autant de détail en le racontant et dans mes pires cauchemars, il y avait tellement de sang c'était comme si j'avais plongé dans une rivière... »
Les yeux dans le vide je me remémorais cette scène comme si je la revivais en boucle. La sensation d'étouffer, de manquer d'air, de sang, de temps... Cette fois-ci je ne pus retenir un sanglot et collais ma tête à celle du loup. Il s'échappa malgré tout de mon emprise pour frotter sa tête contre ma joue. J'avais un peu oublié que les animaux préfèrent le contact visuel en particulier quand on parle d'un gros loup d'au moins 100 kilos. Bon peut être que j'abusais d'une dizaine de kilos, mais pas plus, c'était vraiment un gros tas et surement pas que de poils. Quand je repris un peu mes esprits je finis mon histoire qui méritait d'être racontée jusqu'au bout parce que je n'étais pas la vraie victime dans tout ça.
« Quand j'ai été transporté à l'hôpital le cauchemar à continuer, dans l'ambulance personne ne pouvait rien me dire, à l'hôpital les internes ne pouvaient rien me dire, les médecins ne pouvaient rien me dire, ils m'ignoraient même en pleines discutions entre eux. Je me sentais seule et invisible. J'avais l'impression que personne ne s'occupait de moi, de ma personne, de l'être humain à l'intérieur quand une infirmière est venue. Elle a déposé sa main sur mon épaule et je me suis sentie enfin visible. Elle m'a demandé s'il y avait quelqu'un d'autre à contacter en cas d'urgence pour venir me soutenir alors je lui ai donné le numéro de mon père. Comment savait-elle que mon futur mari n'était pas la personne à contacter en cas d'urgence ? J'entendais dans les couloirs les chuchotements du corps médical qui ne faisait que se répéter inlassablement que j'étais "la fille que son fiancé a massacrer." Avant que l'on père n'arrive je savais que quelque chose de grave venait de se passer. Après avoir subi une césarienne, on est revenu me voir pour me dire que le choc avait provoqué l'ouverture de l'utérus trop tôt. Tout simplement. En l'espace de quelques heures, ils m'avaient tout enlevé. Mon père est resté à mon chevet pendant des jours. Juste assis à côté de moi à me lire des livres sans parler de quoi que ce soit. Pas de questions stupides, pas de banalités il était juste là devant mon moi mutique et éteint et il lisait. Chaque semaine il venait avec un livre différent et rien qu'avec sa voix rocailleuse il m'a emmené vers d'autres univers. D'autres univers où j'étais une sorcière surpuissante, une héroïne ou simplement une femme qui surmonte la vie avec humour et tendresse. À l'époque il a tout fait contre lui, il a payé les avocats les plus chers, gagner procès sur procès seul contre tous, mais le mal était fait et rien ne me ramènerait jamais mon bébé. Je n'ai même pas participé à un seul des procès... Malgré tout j'ai pu la voir ce fameux jour... La sage-femme l'a déposé sur mon ventre, elle était si petite, c'était une petite crevette... 402 grammes pour 24 centimètres. J'ai pris sa main dans la mienne, on aurait dit une poupée endormie j'en tremblais d'émotion... Je l'ai appelé Sheryl parce que depuis mes 5 ans j'avais décidé que ma fille s'appellerait comme ça. »
Le silence se fit autour de nous. La lumière de la pleine lune transperçait les bois et nous éclairait d'une lueur presque surnaturelle. Ça y est j'avais fini mon histoire était enfin dite à haute voix et je soufflais un bon coup renouvelant l'air dans mes poumons plus que l'émotion c'était une nécessité. Comme pour expier tous ces sentiments négatifs, toute cette colère, cette tristesse, ce chagrin immense qu'a laissé la perte de mon premier bébé... La fulgurance de ce choc m'a laissé un profond sentiment d'impuissance également. Un jour je la voyais, je l'entendais, je la sentais et le jour d'après elle était morte et j'étais aussi vide qu'une coquille.
« Quand je suis sortie de l'hôpital, j'ai été vivre avec mes parents, mais j'avais l'impression de ne plus avoir ma place. C'est vrai j'étais adulte maintenant avec un travail à plein temps alors malgré mon jeune âge et le choc que je venais de subir je me suis acheté des fringues, j'ai prévenu mes parents et je suis partie à l'aventure. J'ai visité le Mexique et l'Argentine, des pays sublimes remplis d'histoires et en revenant j'ai appris ma mutation ici à Salem. J'ai pris ça vraiment comme un nouveau départ parce que cette ville est quand même mondialement connue pour son histoire ce qui me passionne bien entendu, c'était aussi une opportunité inouïe de sortir de chez mes parents de cette ville asphyxiante et d'aller le plus loin possible de mon ex-fiancé. Qui doit encore aujourd'hui, d'ailleurs se battre en procès contre mon père, mais il le mérite, il méritera toutes les peines possibles pour ce qu'il nous a infligé et s'il doit aller en prison, j'espère pour lui qu'il gardera les fesses fermées. Parce que les hommes en prison méprisent particulièrement les tueurs d'enfants, les pédophiles et alors quand vous rajoutez violences conjugales sur une femme enceinte aillant entraîné la mort avec intention de la donner... Si mon père réussi à le faire inculper pour ces chefs d'accusation je n'ose même pas imaginer son enfer à venir. Et j'n'en aurais rien à faire. Sinon pour les points contre de cette ville c'est que je viens de la grande ville vois-tu et j'ai un peu l'impression de m'enterrer ici, mais il y a plus de points positifs que négatifs alors c'est bon signe non ? Et puis si j'arrive à survivre face à des loups comme toi et toute l'étrangeté qui entoure cette ville, je crois que je n'en serais que plus forte et confiante, n'est-ce pas ? »
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