
Chapitre 60
Une semaine s'est déjà écoulée depuis notre retour à la colonie. Le moral des pensionnaires est mitigé, tiraillé entre la tristesse de la mort de Brice et le soulagement du retour de Valdez. Personne n'ose vraiment se réjouir de son retour, de peur de passer pour un égoïste insensible.
Léo quant à lui, n'a toujours pas repris connaissance, ajoutant un poids supplémentaire sur mes épaules. La culpabilité est désormais plus qu'un sentiment passager, devenant une confidente, toujours à mes côtés.
Je ne peux m'empêcher de me sentir responsable de tout ce qui est arrivé lors de cette quête et me contente de supporter le poids de tous ces remords sans en parler à personne. Je mérite au moins cette punition, ridicule en comparaison à ce qu'on dû subir mes deux amis.
Un grand banquet à eu lieu pour célébrer le retour de Valdez le soir dernier, source de joie, plus que rare ces derniers jours. Mais cette ambiance festive s'est vite dissipée, laissant place à la douleur du deuil et aux préparatifs de la cérémonie funéraire en l'honneur de Brice.
Je me tue à la tâche depuis ce matin, à aider au maximum les enfants d'Héphaïstos à préparer le triste évènement de ce soir. Tout ce travail me permet de penser à autre chose et rester en compagnie de personnes traversant la même chose que moi me réconforte quelque peu.
La journée passe plus rapidement que prévu et la cloche du réfectoire finit par nous forcer à arrêter nos préparatifs. Il ne reste que quelques minuscules détails à préparer avant ce soir alors nous nous empressons de finir avant d'aller diner.
Je mange en compagnie des frères et sœur de Brice, que je n'ai pas quitté de la journée.
Comme d'habitude, je me lève et pars brûler une partie de mon repas en offrande aux dieux, leur demandant de me donner la force nécessaire pour tenir ce soir. Je retourne m'asseoir et je me force à manger, le cœur aux bords des lèvres.
J'appréhende beaucoup la cérémonie, et ai de fortes chances de craquer à ce moment-là, bien que je me le soit interdit. Mais cela reste un passage obligé, une étape importante du deuil.
Le repas se termine rapidement et nous nous dirigeons dans un silence pesant vers le lieu de la cérémonie, à l'endroit de l'habituel feu de camp. Celui-ci n'est pas encore allumé et à quelques mètres se situe une grande étendue pouvant accueillir la quasi-totalité des pensionnaires. En face est dressé un pupitre, orné d'engrenages et d'outils en tous genre.
Des étendards sont dressés de part et d'autre de ce dernier, affichant fièrement les couleurs d'Héphaïstos.
Les demi-dieux s'installent petit à petit et s'assoient à même la terre, à quelques mètres devant le pupitre. Je reste auprès des frères et sœur de Brice, au premier rang.
Une fois tout le monde en place, Chiron entre en scène et se place devant le pupitre, qui lui arrive à peine à la taille. Il prend la parole d'une voix grave :
- Nous voici tous réunis non pas pour pleurer la mort de Brice, mais plutôt pour honorer son vivant. Je ne veux pas que ce soir soit plein d'idées noires, mais plutôt de mélancolie. Je suis le premier à penser que ce jeune garçon nous a quitté bien trop tôt, mais je ne veux pas que nous en restions là. Je propose donc que chacun prenne la parole pour témoigner, ou juste raconter une anecdote partagée avec lui. Je ne force personne, mais je pense qu'il s'agit du meilleur moyen pour accepter tout ça.
Chiron parcourt l'assemblée du regard avant de continuer :
- Brice est arrivé à la colonie âgé d'une dizaine d'année seulement et malgré les évènements tragiques dont il a été témoin, il a toujours gardé un sourire rayonnant. Tout le monde le connaissait étant donné qu'il était pensionnaire ici toute l'année. Il faisait partie du peu de personnes restant ici même durant les vacances. Je me souviens qu'il passait ses journées à réparer tout ce qui lui passait sous la main. C'est d'ailleurs lui qui a rénové une grande partie des bungalows ainsi que la grande maison. Toujours serviable, il n'hésitait jamais à se plier en quatre pour aider un pensionnaire, et je l'en remercie du fond du cœur. Il a laissé un vide à la colonie que nous comblerons difficilement, mais je suis convaincu qu'il sera tout autant rayonnant dans sa prochaine vie.
Je reste bouche-bée devant le discours plein d'espoir de Chiron. Moi qui pensait que cette soirée serait emplie de sanglots et de larmes. Je me retiens pourtant avec difficulté de ne pas craquer.
Chiron laisse sa place tandis que nous nous regardons tous, attendant que quelqu'un ai le courage de monter sur cette minuscule estrade.
Une longue minute passe dans le silence écrasant, sans que personne n'ose bouger.
C'est finalement Mary, une fillette d'à peine 7 ans qui se lève, la tête haute. Je la connais à peine, mais peut dire avec certitude qu'elle est elle aussi une enfant d'Héphaïstos.
Elle prend la parole d'une voix se voulant assurée et raconte avec innocence les moments passés avec son demi-frère, les yeux brillants. Elle semble plongée dans son souvenir et nous prête à peine attention, parlant plus pour elle-même. Son sourire s'agrandit un peu plus lorsqu'elle entreprend de nous raconter comment Brice a failli finir au fond du lac, en essayant de construire un minuscule sous-marin.
Je ne peux m'empêcher de sourire face au visage angélique de Mary. Une fois son histoire terminée, elle retourne s'asseoir en sautillant, laissant tout le monde attendri par son discours.
Les personnes s'enchaînent ensuite, motivés par la petite fille. En écoutant les anecdotes des pensionnaires, ma tristesse s'estompe petit à petit et ces souvenirs heureux font revivre Brice dans mon esprit. Je l'imagine tantôt dans l'atelier à fabriquer un énième gadget, menaçant de lui exploser à la figure, tantôt à s'occuper de ses frères et sœur avec amour.
Mon tour finit par arriver et je monte sur l'estrade, les jambes en coton. Bien que je connaisse quasiment toutes les personnes me faisant face, je ne peux m'empêcher d'être mal à l'aise face à tous ces regards, braqués sur moi.
- Avant toute chose, je veux insister une nouvelle fois sur le courage et la bravoure de Brice. Sans lui, je ne serais pas ici pour parler, j'en suis certaine. Il s'est sacrifié sans une hésitation pour nous sauver Léo et moi. Il a toujours été comme ça, à faire passer le bien des autres avant le sien.
Ma voix se fait plus confiante, et mes jambes plus solides tandis que je raconte comment Brice nous a aidé à piéger Rebecca, ou encore comment il a participé à la construction du bungalow du dieu Pan. Toutes ces petites anecdotes me reviennent en mémoire et je parle sans même chercher mes mots.
Je regarde la foule, guettant les réactions de chacun.
Je retourne m'asseoir après plusieurs longues minutes à parler devant une autant de personnes, chose que je n'aurais jamais imaginé faire avant mon arrivée à la colonie. Sur le chemin pour rejoindre mon siège, je remarque une tête brune dépasser de la foule, cachée au fond, que je m'empresse de rejoindre.
Ses yeux bleus me fixent tandis que je m'avance vers lui, un grand sourire accroché aux lèvres.
- Dieux merci tu t'en es sorti ! Ça fait longtemps que tu es réveillé ? Et pourquoi Will ne m'a pas prévenu ?
- J'ai repris connaissance il y a moins d'une heure et quand Will m'a parlé de la cérémonie je me suis dépêché d'y aller, je ne voulais pas rater ça.
- Tu n'es pas censé être debout dans ton état Léo, c'est un coup à te faire plus mal qu'autre chose !
Ce dernier me regarde, un sourire espiègle illuminant son visage :
- J'ai cru comprendre que tu ne t'es pas gênée pour faire pareil à ton réveil.
Ne pouvant rien répondre, je me contente de lui montrer mon plus beau majeur, encore sidérée par mon manque de répartie.
Au lieu de me répondre, le brun se contente de changer de sujet avec une question qui me prends au dépourvu :
- Est-ce que tu sais si Rebecca est venue me voir à l'infirmerie ?
Encore cette foutue Rebecca, il n'y en a que pour elle c'est impossible !
Je reste sans voix pendant quelques secondes, ne sachant pas vraiment quoi lui répondre.
J'opte pour la sincérité et garde pour moi ce sentiment de colère qui me gagne :
- Je ne crois pas, Will m'en aurait parlé si c'était le cas.
Un sourire béat illumine alors son visage. Je ne comprends vraiment pas ce qu'il se passe dans sa tête
- Pourquoi cette question ? Et c'est quoi ce sourire de débile profond ?
- Oh rien du tout ! Je...
Les pensionnaires se lèvent tous d'un bloc et se dirigent vers le feu de camp, mettant un terme à notre discussion. Léo profite de ce mouvement de foule pour disparaître. Je le cherche des yeux quelques secondes, sans succès.
Cette journée n'a vraiment aucun sens.
Je retrouve Percy, Annabeth et Piper devant le feu et m'assoie à leurs côtés. Je me sens presque coupable de les avoir abandonnés toute la journée.
Un nombre incalculable d'émotions se confondent dans ma tête, à la limite du supportable. La cérémonie était la goutte de trop, et je sens que le point de rupture est atteint.
Je tente de faire bonne figure et quitte mes amis, prétextant avoir besoin d'un peu de repos. Une fois hors de leur champ de vision, je cours jusqu'à la forêt, malgré la douleur qui pulse dans chacune de mes blessures en cours de guérison, et me réfugie dans mon arbre.
La cabane que j'ai construite est comme je l'ai laissé à mon départ de quête. A peine montée dans celle-ci, je m'effondre, à bout de force. Je ne tiens vraiment plus et j'ai besoin d'évacuer tous ces sentiments qui bouillonnent en moi.
Les larmes dévalent mes joues pour la centième fois ces dernières semaines. J'ai l'impression que je ne fais que ça, que je passe ma vie à pleurer et à m'écrouler.
Je résiste à une envie de passer mes nerfs sur le premier objet me passant sous la main et me contente de m'allonger à même le sol.
Je suis dans un état indescriptible, mélangeant la haine et la tristesse, les remords et la fatigue.
N'ayant pas la moindre idée de quoi faire pour me sentir mieux, je retrouve un carnet de dessin abandonné dans la cabane et m'y accroche comme si ma vie en dépendait. Cela faisait une éternité que je n'avais pas dessiné, et la sensation du crayon glissant sur le papier m'avait terriblement manqué.
Mon esprit s'apaise à mesure que le papier se noircit de graphite, dessinant tout ce qui me passe par la tête alors que les larmes continuent de couler. J'enchaine les feuilles et les croquis, les regardant à peine une fois achevés.
Alors que j'entame mon sixième dessin, j'entends des pas résonner dans la forêt et qui finissent par se stopper au pied de l'arbre.
Je prie pour que personne ne me voit dans cet état, assise par terre à dessiner, interrompue par de nombreux sanglots. Ma prière ne semble pas avoir été entendue, et l'indésirable escalade l'arbre.
Je me tourne de sorte à être dos à l'entrée et essuie grossièrement les larmes qui mouillent mes joues, aussitôt remplacées par de nouvelles.
La personne entre finalement dans la cabane. Je sens qu'elle reste sur le pas de la porte et son regard me brûle le dos.
- Je voudrais rester seule s'il te plais, je ne suis pas vraiment d'humeur à discuter.
Ma voix tremble et mes sanglots résonnent dans la cabane sans que je puisse contrôler quoi que ce soit.
- C'est justement dans ces moments-là qu'il ne faut pas rester une seul. C'est toujours plus simple de partager sa peine. Surtout que je t'en dois une.
Je me retourne, étonnée de le trouver ici.
- Qu'est-ce que tu fais là Léo ?
- J'étais sûr que tu serais là, et j'avais pas mal de choses à te dire.
Je le regarde et sans un mot, lui intime de continuer.
- Tout d'abord je voulais te remercier pour ce que tu as fais pour moi pendant cette quête. Je serais sûrement encore à l'infirmerie si tu ne m'avais pas aidé.
- Tu rigoles !? J'ai passé toute la quête à me faire sauver que ce soit par toi ou Brice. C'est toi qui nous a sorti du labyrinthe, c'est toi qui m'a sauvé des drakaina, tu veux vraiment que je dresse une liste ? Si je ne m'étais pas brisé la cheville, tu n'aurais pas toutes ces plaies au torse et n'aurais pas fini dans le coma. Donc à part t'avoir apporté des ennuis je ne vois pas en quoi je t'ai aidé.
Léo hausse les épaules comme si tout ceci n'était qu'un léger détail.
- En attendant je reste convaincu que tu m'as beaucoup apporté pendant cette quête. Surtout vis-à-vis de l'histoire Rebecca. J'ai été faible pour m'être fait manipuler aussi facilement, et ne pas avoir l'admettre. J'ai été ignoble avec toi à cause de ça et je tenais à m'en excuser. Pendant que j'étais inconscient j'ai eu tout le temps de m'en rendre compte. Je me suis surtout rendu compte à quel point je tenais à toi et à Brice.
Je repense aussitôt à ce que j'avais trouvé dans le placard de la fille d'Aphrodite.
'' Pour cela, il suffit tout simplement de trouver quelqu'un très sensible à l'enjôlement mais surtout qui possède des sentiments forts envers une personne (et de préférence qu'il ne s'en soit pas encore rendu compte, ou du moins qu'il ne les assume pas totalement). Il suffit ensuite de détourner ces sentiments et de se les approprier ! ''
Je repense aussi à sa réaction étrange lorsqu'il a appris que Rebecca n'était pas venu à son chevet.
Mes larmes redoublent alors que les dernières pièces du puzzle d'assemblent.
Je me contente de lui demander :
- Ça fait combien de temps ?
Ses joues prennent une teinte écarlate. Il passe la main dans ses cheveux et répond, gêné :
- Je ne sais pas vraiment, mais ça date sûrement du voyage pour te ramener à la colonie.
Il s'approche lentement vers moi, comme s'il avait peur que je m'enfuie. Ses yeux s'emplissent soudainement de larmes, sans que je comprenne quoi que ce soit.
Je suis complètement perdue et ne cherche même plus à comprendre ce que je suis en train de vivre, je me contente juste d'observer.
- Je suis convaincu que Brice s'en doutait, et pourtant il ne m'en a jamais parlé, il s'est contenté de rester spectateur et de ne pas interférer.
Un ange passe. Le silence semble durer une éternité.
- Il me manque tellement. Je n'arrive pas à réaliser qu'il est mort... Déclare Léo, difficilement.
Aucun son ne veut sortir de ma gorge. Je me contente de sangloter, comme je sais si bien faire ces derniers temps.
Ses bras m'enveloppent sans même que je m'inquiète de ne pas l'avoir vu s'approcher. Je m'apaise quelque peu, mais les larmes coulent toujours en abondance sur mes joues, état partagé par le fils de Poséidon.
Les mots semblent superflu dans cette situation, alors je me contente de profiter un peu de sa chaleur et de son réconfort.
Après quelques minutes, semblables à des heures, je lève la tête à la recherche de ses yeux d'un bleu envoutant et y plonge avec plaisir.
Nos regards se croisent de longues minutes avant que nos lèvres se scellent dans un baiser salé.
Je t'aime
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