Deux filles dans le vent : Noëlle
Non, porter un nom de fête n'était pas joyeux et encore moins une idée géniale trouvée par des parents inovants.
On ne choisit cependant pas, et on doit faire avec. Mais, on peut toujours le détourner et en rire.
Elle était plutôt douée avec ça par ailleurs. Elle s'était habituée et aujourd'hui se moquait des regards de travers lorsqu'elle se présentait.
L'accommodation n'avait pas été des plus rapides. La sensibilité peut-être. Les moqueries rieuses qui devenaient blessantes quand trop répétées.
Le temps avait fait son affaire et ses amis avaient compris en devenant moins nombreux. La quantité n'a jamais fait la qualité.
Elle, c'est Noëlle. Un joli jeu du sort pour lui faire rencontrer les douceurs de décembres et les conversations où son prénom est mentionné un peu partout.
Elle le vit plutôt bien, et arrête de se retourner après trois jours de répétition quotidienne.
Sa meilleure amie trouve cela amusant. Elle la taquine toujours un peu à ce sujet, sans jamais insister.
Tout peut être dit dans sa bouche. Noëlle ne le prendra jamais mal et se contentera de sourire.
Après, sa meilleure amie connaît les mêmes déboires avec son prénom tout aussi poétique : Ève.
Mais le destin fait bien les choses et les a réunies autour de cette magie. Celle des parents originaux et parfois un peu trop.
On dira que c'était le hasard. On dira que c'était volontaire. En attendant, elles s'étaient trouvées depuis plusieurs années et partageaient ce point.
Une belle matinée d'hiver venait de se lever. Le vent soufflait dans les branches des sapins enneigés.
Rien qu'un instant à l'extérieur suffisait à faire rougir les nez et rafraîchir les bouts des doigts.
Elles se tenaient pourtant au sommet d'un arbre, les pieds dans le vide et les mains serrées sur le bois. Assises sur leur branche.
Un duo qui observait la nuit se lever aux premières lueurs de l'aube. Laissant sa place au soleil discret derrière les nuages chargés de neige.
Secondes suspendues entre deux moments. Silence doux et délicat perdu parmi quelques regards. Couleurs pastels plaisir des yeux.
Enfin, le jour offrit sa présence et un coup de vent fit voler les mèches découvertes.
Derrière ses lunettes couvertes de buée, Noëlle regarda le sourire d'Ève lorsque le froid caressa ses joues rougies.
Elle ferma les yeux et expira avant de sauter de branches en branches et aterrir dans la neige fraîche de la nuit passée.
Ève la suivit puis la poussa la tête dans l'eau gelée. Noëlle se releva et courut après son amie pour se venger.
Vivantes dans ce froid mordant, elles se chamaillaient en se roulant dans le sol enneigé.
Elles se retrouvèrent couvertes de blanc et de flocons. Leurs rires furent portés par le vent et l'écho.
Mouillées jusqu'aux orteils, elles rentrèrent pour petit-déjeuner et se réchauffer.
Abritées, elles ne virent la nouvelle neige que depuis l'intérieur. Sans en sentir la fraîcheur sur leurs joues rougies.
Il neigeait doucement et poétiquement. Les flocons dansaient dans le ciel et tombaient en tourbillonnant.
Sans prévenir, et en chaussettes, Ève se précipita sur la terrasse pour attraper au creux de sa main une poignée de flocons perdus.
Elle s'extasiait des petites choses de la vie. Des détails pour la plupart des gens qu'elle chérissait sincèrement.
Les flocons et la neige cachaient quelque chose qu'elle seule pouvait saisir. Qu'elle seule comprenait, car elle leur donnait un sens spécial.
La magie de l'hiver la passionnait et Noëlle adorait son sourire lorsqu'elle s'attardait en silence dans le froid.
Elle ne comprenait pas toujours, alors elle attendait sous le porche qu'Ève décidât de rentrer pour se réchauffer.
Noëlle admirait sa nonchalance et sa façon d'ignorer les soucis causés par les regards. C'était grâce à elle, que maintenant, elle pouvait faire de même.
Oui, elle pouvait l'affirmer : Ève avait changé sa vie. Sans elle, qui sait si Noëlle aurait coupé ses cheveux pour être celle qu'elle voulait être.
Sans elle, la vie qu'elle vivait aujourd'hui n'aurait certainement pas le même goût. Celui de la joie et des rires.
Enneigée et mouillée, Ève déposa la neige accumulée dans sa paume sur le visage de Noëlle. L'une grimaça, l'autre rit.
Potentiellement, Ève aurait pu s'enfuir pour éviter les foudres de Noëlle. Mais elle se planta fièrement devant elle, sans craindre les représailles.
A force, elle connaissait les réactions de sa meilleure amie par cœur. Elle savait pertinemment qu'elle ne se vengerait pas. Qu'elle était immunisée.
Si Ève était persuadée de prédire les moindres gestes de Noëlle, cette dernière décida de changer ses habitudes. Une volonté soudaine.
La neige les recouvrit quand Noëlle poussa Ève sous les nuages. Leurs chaussettes furent vite détrempées et leurs pulls ne suffirent pas à les tenir au chaud.
Un instant d'oubli où Noëlle se retrouva au dessus d'Ève. Une seconde hors du temps où pas une ne bougea.
Il fallut une bourrasque de vent pour les sortir de leur torpeur. Noëlle se redressa précipitamment et tendit sa main à Ève qui était affalée sur la neige.
Après une bonne douche, Noëlle retrouva le salon où la chaleur embrassait les murs et réchauffait les extrémités frigorifiées.
Vivre dans l'instant était son mantrat du jour, pourtant elle n'arrivait point à l'appliquer. Il y avait des choses qu'elle rêvait de faire, sans y parvenir.
Oublier n'était pas possible. Depuis le temps que ces idées tournaient dans sa tête en boucle.
Une seconde sans y penser lui aurait suffi, mais elle n'y arrivait tout simplement pas.
Elles étaient obsédantes et entêtées. Si elles sortaient, c'était pour revenir plus fortes qu'avant.
Ritournelles insupportables qui dansaient dans ses pensées constamment. Pourquoi ne voulaient-elles pas disparaître comme d'autres avant elles ?
Suffisait-it d'y croire ? Suffisait-il d'en parler ? Aucune idée. Noëlle essayait seulement de les faire taire dans un coin de sa tête.
Elle s'emballa dans un plaid coloré, les genoux contre sa poitrine repliés et sa tête en leur sommet.
Souffler, effacer, recommencer. Tout finirait par s'en aller. Il fallait être patiente.
Sauf que sa volonté n'était pas celle de son cœur et encore moins la plus vraie. À force de renier, elle ne faisait qu'amplifier la vérité et la réalité.
Elle sirota son chocolat chaud et pensa à autre chose en voyant Ève sortir de la douche, ses mèches trempées tombant sur les épaules.
Nul ne pouvait ignorer sa beauté. Personne n'y était insensible et elle-même le savait.
Timidité et gêne prirent Noëlle de plein fouet. Elle avala de travers sa gorgée de chocolat chaud et toussa.
Inquiète Ève s'approcha pour lui offrir un verre d'eau et passa sa main sur son visage pour s'assurer que tout allait bien.
Marmonnant quelques mots pour signifier que ce n'était pas grave, Noëlle serra les doigts de son amie un peu trop fort, un peu trop longtemps.
Etonnées, autant l'une que l'autre, elles ne dirent rien et détâchèrent leurs mains. Ce n'était pas la première fois.
Nulle ne pouvait expliquer ce qu'il venait de se passer, mais toutes deux avaient senti que ce n'était pas habituel.
Traces de malaise et doutes naissants venaient encombrer leurs esprits d'ordinaire si pétillants. Quelque chose n'allait pas, mais quoi ?
Se levant, Noëlle tourna le dos à Ève et l'incompréhension qui l'avait assaillie. Que se passait-il ? Pourquoi rien n'était-il comme avant ?
A trop se poser de question, elle en oublia la réalité. Ève aussi semblait confuse et elle ne pouvait pas la laisser ainsi.
Sauf que sa meilleure amie venait de partir. Sans prévenir, sans un mot. Qu'est-ce qu'il n'allait pas ? Pourquoi tout avait-il changé ?
Oublier semblait l'option la plus naturelle et la plus instinctive. Pourtant, ce n'était pas la bonne, Noëlle le savait. Mais était-elle prête à l'affronter ?
Ne pas savoir quand on était prêt restait la plus grande crainte de toute personne. Noëlle n'était pas la seule à douter et à avoir peur.
En quelques mots, tout pourrait changer. Pour le pire, comme pour le meilleur. Tant de dualité que c'en était effrayant.
Gauche, déstabilisée, elle se leva. En tremblant, elle replia le plaid d'Ève et le reposa sur le canapé. Le regard perdu, elle s'installa derrière la baie vitrée.
A l'extérieur, la neige continuait de tomber. Douce symphonie silencieuse de blanc tombant sur le sol déjà recouvert.
Rien qu'un instant, elle imagina les choses d'une autre manière. Si elle prenait son courage et parlait, qu'est-ce que cela donnerait ?
Différent. Cela résumait bien la situation idyllique qu'elle créait. Mais en attendant, la neige tombait et rien ne changeait.
Le fameux texte mystère vous ayant causé quelques questions sans réponse.
Peut-être que vous aurez compris en lisant. Sinon, je vous propose un petit conseil.
Il y a deux façons de lire ce texte.
Joyeux 3 décembre
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