Deux filles dans le vent : Èvoëlle
D'un côté la porte, Noëlle. De l'autre, Ève. Toutes les deux pétrifiées de peur quant à la suite des événements.
Elles hésitaient. Elles doutaient et redoutaient. La réaction de l'autre surtout.
Un pas ou deux les séparaient. Presque rien. Un monde dans leur imaginaire. Une barrière entre l'aveu et la peur.
Xylophone fut le premier mot prononcé. Noëlle le perdit sans réfléchir et cela lui valut un sourcil arqué d'Ève qui le répéta sans comprendre.
Finalement, elle emporta son étonnement dans un rire et demanda si elle pouvait entrer.
Il faisait bon et Ève comprit le premier mot que Noëlle venait de laisser s'échapper par mégarde.
Le tapis accueillait en son centre en xylophone coloré. Comme un vieux jouet trop longtemps oublié, certaines s'étaient écaillées et laissaient apparaître le bois.
La jeune fille s'assit juste à côté et commença à libérer une mélodie douce et pleine de tendresse.
Ecoutant attentivement, Ève abandonna ses pensées compliquées. Jouant passionnément, Noëlle exprima ses sentiments en musique.
Sans un mot, juste un regard, elles comprirent en partie ce que cela signifiait.
Dans un murmure, Ève avoua ce qu'elle ressentait. Dans le silence, Noëlle entendit.
Avec surprise, doute et soulagement, elle attrapa la main qui tremblait sur le genou d'Ève. C'était maladroit.
Noués, entremêlés, enlacés, leurs doigts découvraient la main de l'autre. Ni l'une, ni l'autre ne parlait. Tout se faisait dans le silence, les mots étant trop loins.
Souffles calmés, sourires apaisés. Rires naissants, rougeurs colorées. Noëlle et Ève partagèrent une minute de contact nouveau, avant de s'y habituer et de s'y plaire.
Leurs paumes se recontrèrent. Leurs genoux se rapprochèrent. Leurs fronts se touchèrent.
Elles restèrent là un instant, dans le flottement de leurs sentiments. Elles ne bougèrent pas pendant un temps, attendant un mouvement.
Vision fermée par leurs paupières scellées bien que compensée par des sourires de plus en plus grands.
Elles expirèrent en même temps et séparèrent leurs fronts joints. Leurs regards se trahirent et elles comprirent des semaines de silence et de secrets.
Noëlle rit. Ève la suivit. C'était presque ridicule de n'avoir rien vu avant. D'autant plus quand on voyait le temps qu'elles passaient ensemble.
Toujours en riant, elles s'expliquèrent un peu. Les fils se démêlèrent, d'autres trouvèrent leur autre extremité.
Des situations devinrent claires. Des silences se comblèrent. Les mots remplacèrent des vides passés.
Elles parlèrent sans jamais quitter la main de l'autre, comme si elles craignaient un départ précipité après des doutes quotidiens et des peurs mères.
Un doigt après l'autre, ils rencontrèrent un nouveau toucher. Une découverte délicate tout en écoutant, en confessant ces sentiments.
Xylophone fut un mot récurrent qui créait des questions et des rires. Ève apprécia chaque morceau joué. Noëlle lui offrit des notes d'une main.
Finalement, n'y tenant plus, elles s'embrassèrent. Une nouvelle fois, c'était maladroit, imparfait et neuf.
Il y eut des mains perdues dans les cheveux et des caresses sur la joue. C'était magique.
La neige continuait de tomber dehors. Elle flottait hors du temps, comme ce baiser ardent.
L'extérieur les attira. Leurs mains liées, elles trouvèrent le soleil perçant les nuages neigeux.
Elles dansèrent sous les flocons. Elles tournèrent et tombèrent dans la couche blanche sur le dos.
Sous la neige, le visage sentirent le froid, mais pas leur cœur. L'amour leur tenait chaud et l'euphorie des premiers pas les éveillait.
Plusieurs questions furent posées et les réponses apportées conclurent des interrogations longtemps gardées.
Et les regards trouvèrent la vérité. Les signes étaient confirmés, l'imagination reflétait la réalité plus que des rêves éphémères.
Rien à regretter, tout à espérer. Ève comme Noëlle redoutaient un mur de glace, pour au final trouver une symphonie d'air et un tourbillon de vent les emportant.
Dans le vent, les mots s'échappèrent. Dans le ciel, leurs cheveux flottèrent. Dans la neige, elles s'embrassèrent.
Une poignée de minutes dans le froid. Un instant suspendu à deux. Personne à part elles.
Elles partagèrent un plaid au coin du canapé après une nouvelle douche pour se réchauffer. Le matin même, elles s'évitaient. La soirée approchait, elles ne se séparaient plus.
Sous les crépitements du feu, Ève admira les flammes danser dans la cheminée. Noëlle détailla chaque trait de son amoureuse.
Dans sa tête, elle n'arrivait pas associer toutes les idées que leurs sentiments impliquaient.
Avenir flou. Avancer pas à pas, main dans la main. Un pied devant l'autre et tout irait bien.
Ne pas s'inquiéter. Continuer à marcher. L'inconnu effrayait d'un côté, mais rassurait une part de soi qui savait toujours mieux.
Ses cheveux reflétés par le feu, Noëlle profita des doigts d'Ève se glissant dans les quelques mèches plus longues. Elle savait que tout irait bien.
Le temps saurait les guider et les amener là où il voudrait. Il fallait fermer les yeux et faire confiance à elles, plutôt qu'à elle.
Elles ouvrirent les yeux. Leurs regards se croisèrent comme ils l'auraient fait si cela avait été la première fois.
Une vision neuve d'une ancienne réalité. Les couleurs plus vives, les nuances plus marquées. Les détails apparaissaient sous un nouvel angle.
Rien que des petites choses caractéristiques de l'autre qui devenaient visibles et magnifiques quand le regard sur le monde changeait.
Savoir que ce n'était pas une relation brisée qu'elles obtenaient en parlant de leurs sentiments les réjouissaient.
Sincèrement, c'était mieux que cela. C'était un nouveau départ, un nouveau commencement. Une page qui se tournait pour laisser le blanc se remplir à son tour.
Evidement, il faudrait du temps car les histoires ne s'écrivent pas en un jour. La patience est une qualité essentielle pour créer quelque chose de beau.
Noëlle attrapa son xylophone et recommença à en jouer. Ève se contenta de l'écouter en jouant avec ses mèches dépassant derrière ses oreilles.
Timidement, elle glissa son bras autour de Noëlle pour la serrer contre son cœur.
Instinctivement, l'apprentie musicienne eut un frisson de sursaut, puis se détendit et laissa son corps se reposer contre celui d'Ève.
Mêmes sourires, même douceur s'affichèrent dans leurs traits et sur leurs visages. Elles étaient bien ainsi.
Elles ne bougèrent pas. Elles restèrent longtemps, assises dans cette position, à attendre que le temps passe, sans rien faire d'autre que d'écouter les battements de leurs cœurs.
Noëlle joua avec les doigts et les phalanges d'Ève. Les siens coururent le long de sa paume et remontèrent le long de son bras.
Tranquillement, Ève la regarda faire. Elles ne dirent rien. Elles laissèrent le silence parler à leur place.
Seconde après seconde, minute après minute, le temps s'échappa, le sommeil les emporta.
Grogies l'une contre l'autre, leur chaleur corporelle comblat celle du feu éteint. Les épaules tombées, les têtes dessus déposées.
Rien ne vint perturber leur nuit. Dehors, les nuages s'écartaient à quelques endroits pour laisser apercevoir les étoiles.
A l'aube, ils revinrent, chargés de neige. Les rayons du soleil se levèrent tard et traversèrent le ciel d'une lumière tamisée.
Noëlle s'éveilla en premier, plus sensible à la luminosité qu'Ève. Elle la regarda dormir paisiblement, un sourire au coin des lèvres.
Délicatement, elle passa ses doigts dans les mèches emmêlées de la dormeuse. Elle ne se réveilla pas.
Il lui fallut quelques dizaines de minutes de patience avant de voir s'éclore les paupières d'Ève.
S'ouvrir sur des yeux endormis et des iris brun clair. Elles les referma aussitôt, ce qui surprit Noëlle.
Souriant à moitié, elle lui demanda d'arrêter de la fixer. Cela la gênait. Elle appréciait ce regard délicat, mais elle n'y était pas prête, pas habituée.
Amoureuse fut le seul mot qu'elle retint quand la musicienne tenta de se justifier. Le reste et le co-texte n'avait plus aucune importance.
Noëlle se tut car Ève l'embrassa. À son tour, les yeux elle ferma. Elle perdit ses mots, ses explications et ses raisons.
Temps suspendu. C'était magique. C'était musical. Les papillons dans leur ventre dansaient au même rythme que leur cœur.
A l'extérieur, les flocons faisaient de même. Pourtant, Ève ne se leva pas pour les contempler. Sa fascination était ailleurs, bien trop occupée.
C'était délicat et fragile comme une plaque de glace. Pourtant, le briser n'était pas synonyme de fin.
Hurlements intérieurs, envie irrépressible. Lequel des deux les poussaient à continuer après chaque respiration essoufflée ?
A vrai dire, elles n'en savaient rien. C'était nouveau pour elle deux. C'était délicat, comme les ailes d'un rouge gorge.
Qu'importait à cet instant précieux. Elles étaient deux, mais ne voulaient être qu'une. Des semaines à refuser.
Une journée pour accepter. Une matinée pour le retard rattraper. C'était peut-être trop, peut-être rapide, mais peu leur importait.
Ensemble, c'était tout ce qui comptait. Elles s'étaient tourné autour pendant longtemps et maintenant, tout était clair.
Il avait fallu de la patience. Il leur en faudrait encore. Elle était la clé de tout : du passé amitié, du présent nouveau-né et du futur aimé.
Noëlle serra Ève contre son cœur. Elle refusait de la laisser s'échapper. Pas une seconde fois.
Sans hésiter, Ève lui rendit son étreinte. Elle posa son menton sur son épaule et la rassura. Elle ne partirait pas.
Toutes les deux comblées, le vent les avait guidées.
Avec le temps, il s'était mêlé pour les faire douter, tomber et s'aimer.
Nul doute, la magie avait opéré entre elles et l'alchimie s'était renforcée.
Toutes les deux en symbiose à l'aube d'une nouvelle journée enneigée.
Plus que quelques jours... en tout cas, je suis heureuse de vous présenter ce texte, que j'ai écrit il y a bien longtemps.
Je vous parlerai plus en détails de la création des nouvelles plus tard.
Joyeux 21 décembre
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