Café liégeois (partie 1)
Café torréfié. Percolateur. Douce chaleur parfumée.
Expresso. Décaféiné. Cappucino.
Lait. Chantilly. Sucre. Cuillère à café.
Les mêmes gestes. Les mêmes habitudes. Il ne s'en lassait pas.
La vie battait son plein ici. Les réguliers savaient ce qu'ils voulaient. Les curieux hésitaient. Il y avait aussi ceux qui changeaient, ceux qui créaient des cycles en fonction du temps, du jour ou de la saison et ceux qui aimaient être surpris. Il y avait les pressés, les rêveurs, les travailleurs et les aimés. Des sourires par-ci, d'autres parfois par-là. Il n'y avait rien d'autres que le rendait heureux.
Esteban travaillait dans ce café depuis peu. Quelques mois à peine. Il aimait observer les battements de vie qu'il ne pouvait qu'apercevoir en quelques minutes. Deviner ce qui se cachait derrière une paire de lunettes, un appel ou un sourire. Des inconnus dont le nom l'était tout autant. Des morceaux de vie appartenant à un plus grand puzzle.
- Mon p'tit Esteban, tu pourras m'faire un d'tes dessins sur la mousse de lait.
Mme Meldie était une habituée. Elle passait beaucoup de temps assise dans un fauteuil installé à côté de la fenêtre. C'était une vieillle dame adorable qui donnait toujours un petit bonus au jeune serveur. Parfois, elle venait avec son petit-fils qui raffolait du gâteau au chocolat. D'un clin d'œil, elle lui faisait signe de lui réserver une grande part pour la fois suivante.
Avec un sourire, elle lui déposait toujours un petit billet pour ses pourboires. Mme Meldie était une personne adorable, mais qui préférait toujours parler de la vie des autres plutôt que la sienne.
Esteban prépara la boisson avec plaisir et joua avec la mousse sur le dessus. Satisfaite, elle partit s'installer dans son coin à elle. Le serveur s'intéressa alors au client suivant, qui avait l'air d'être perdu sans pour autant perdre son aisance et sa confiance. Sans hésitation, il lui commanda la même chose que Mme Meldie.
- Est-ce que moi aussi je pourrais avoir un dessin ? demanda le client avec un sourire en coin et un rire caché derrière.
Esteban ne répondit pas et continua ce qu'il faisait. La douce odeur de café l'apaisa et il tendit le gobelet. Le jeune homme en face eut une moue déçue quand il ne vit pas de barbouillage sur le sommet de sa boisson.
- Mon Esteban, intervint Mme Meldie, tu pourrais me donner une cuillère.
Elle offrit un sourire rayonnant au client qui la suivait. Tandis qu'il attrapait un paquet neuf de cuillère, elle glissa quelques mots au garçon qui attendait pour payer son café. Lorsqu'il se retourna, elle avait disparu, laissant dans son sillage un rire dans la voix du jeune homme.
Esteban ne comprit pas et ne chercha pas à le faire. Il se doutait que la vieille dame n'était pas aussi innocente qu'elle le laissait paraître, et que le rire du client n'était pas sans raison.
- Vous savez quoi, ce n'est pas grave. Je me contenterai de mon café sans plus.
Il arbora une moue déçue qui fit céder Esteban : il détestait les visages tristes. Il attrapa le gobelet brûlant et s'arma de patience pour faire quelque chose de joli. Sans le vouloir, il renversa la boisson sur son tablier. Il ne jura pas. Il aurait pu, mais il garda son calme et recommença. Le regard dans son dos le perturbait, lui et sa concentration. Après trois tentatives ratées, le jeune homme attendant son café se racla la gorge.
- Vous savez quoi, ne vous cassez pas la tête pour ça. Je me contenterai de chantilly. Je vois bien que je vous rends nerveux.
Pas une once d'amertume, juste de la compassion et de l'empathie. Instantanément, Esteban se décrispa. Il ne dit rien et attrapa la bombe de crème fouettée vanillée. Pour se faire pardonner, il en mit plus que d'ordinaire. Il tendit le café au jeune homme qui souriait. Le client prit une cuillère de chantilly et, au lieu de la mettre en bouche, il l'étala sur le nez du serveur.
- C'était trop tentant, se justifia-t-il en riant.
Il sortit avec son gobelet et son bonnet enfoncé sur ses cheveux attachés.
Mme Meldie se leva et Esteban lui demanda ce dont elle avait besoin.
- Rien mon p'tit Esteban. Mais lui, j'crois bien que tu lui plais. Bon, moi j'te laisse, tu sais pourquoi.
Elle lui fit un clin d'œil et sortit à son tour du café.
De nouveaux personnages, de nouveaux liens.
Voici le fameux Café liégeois.
J'espère que ça vous a plu et moi je vous dis à demain pour un nouveau jour.
Joyeux 2 décembre
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