Chapitre 8 : La plage
Point de vue de Luna Aguilera
Ash me raccompagna jusqu'au 10 rue des Lilas, sans dire un mot. Il ne disait pas un mot, et un air sombre était plaqué sur son visage. Quant à moi, j'essayai tant bien que mal d'enfouir mes douloureux souvenirs au fond de moi. Je me souvenais des longues semaines que j'avais passées enfermée dans ma chambre, dessinant encore et encore sans parler à personne. Lucia avait fini par entrer de force et avait commencé par me mettre une gifle. Je me souviendrai toute ma vie des jours qui avaient suivis.
Quelque part, j'étais aveuglée par Juana. Je ne regardais pas la monde, je ne regardais pas les gens, je ne regardais que Juana. Après cette nuit, j'avais décidé de me mettre au dessin... et à la composition. Quelques chansons, jetées sur des papiers enfouis au fond d'un tiroir.
L'odeur de la glycine me ramena à l'instant présent. Je levai la tête pour voir les fleurs pendues le long de la façade. Le soleil n'était pas tout à fait couché et baignait le village d'une magnifique lueur dorée.
- Que c'est beau... murmurai-je en me tournant.
Ash regarda dans la même direction que moi et sourit.
- Dommage que l'automne soit si proche, regretta-t-il.
J'acquiesçai en silence. Demain, j'irai à la plage. J'embrasserai les vagues et je me roulerai dans le sable. Je dessinerai les visages de ceux que j'aime. La marée les emportera, mais je reviendrai le lendemain.
Point de vue de Ash Ferrat
Je tournai légèrement mon visage pour la regarder. Elle était belle, éclairée par le soleil couchant, ses cheveux de jais s'agitant doucement sous une légère brise et ses beaux yeux verts fixés sur un paysage visible d'elle seule. Je me suis demandé comment elle avait fait pour rester aussi pure.
Une façade aussi solide et brillante qu'un diamant, une âme aussi fragile qu'une feuille de papier.
Point de vue de Luna Aguilera
Je le saluai et entrai. Paula m'attendait, assise à la table.
- Luna ! s'exclama-t-elle quand elle me vit. Je commençai à m'inquiéter ! Il se fait tard !
- Je suis navrée. Je n'ai pas fait attention au temps.
- Ce n'est pas grave, ne t'inquiète pas... Monte donc faire tes devoirs, on dîne dans une heure.
- Bien, répondis-je en inclinant la tête.
Je grimpai les escaliers, posai mon sac au pied de mon lit et m'assis sur ma chaise de bureau. La journée avait été riche en émotions. J'aurais voulu remonter le temps, rester quelques semaines plus tôt, lorsque nous allions cueillir des fleurs avec abuela. Mon regard tomba sur la petite croix suspendue au-dessus de mon lit. Je poussai un soupir de découragement. La religion était présente partout, même dans ma chambre. Je me levai, la décrochai et la rangeai dans un tiroir. Je n'étais pas particulièrement rebutée par la religion, et je respectai sincèrement les croyants. Mais j'avais du mal à croire en une personne qui laissait ses créatures souffrir de la guerre, de la famine, de la misère, etc.
Je sortis un stylo, une feuille et commençai ma dissert d'Histoire. Je ferai celle de français plus tard.
Après le dîner
Il faisait déjà nuit, alors qu'il n'était pas si tard que ça.
- Fichue saison, grommelai-je en regardant par la fenêtre.
Je fermai la lumière et ouvrit la vitre. Une bouffée d'air iodé s'engouffra dans la pièce. Je m'assis dans l'encadrement de la fenêtre et laissai mon regard se perdre dans la nuit. Le chant des cigales et le ressac de la mer étaient les seuls bruits que j'entendais. Je décidai d'appeler Lucia. Elle décrocha au bout de trois sonneries.
- Hola tu ! Cómo estás ?
(Salut toi ! Comment ça va ?)
- Hola Lucia ! Muy cansada, para ser honesta... Y tu ?
(Salut Lucia ! Très fatiguée, pour être honnête... Et toi ?)
- Estoy bien. ¿Qué significa para mí esta llamada repentina ?
(Très bien. Que me vaut ce soudain appel ?)
J'ouvris la bouche pour répondre, mais Paula déboula dans ma chambre.
- Luna, il me semble t'avoir déjà demandé de parler français ici !
- Mais ma tante, Lucia ne parle pas bien français... répondis-je, penaude.
La vérité, c'était que ma meilleure amie parlait français presque mieux que moi mais que j'avais juste envie de parler espagnol.
- Alors tu la rappelleras hors de la maison, rétorqua-t-elle d'un ton acide.
Je n'avais pas envie de batailler.
- Puis-je au moins lui dire au revoir en espagnol s'il-vous-plaît ?
- Bien, capitula-t-elle. Et ensuite, au lit.
Je hochai la tête.
- Bueno, ya lo has oído, tengo que dejarte... ¡Mañana te llamo, besos!
(Bon, tu l'as entendue, il faut que je te laisse... Je te rappelle demain, bisous !)
- Besos Luna.
Paula était déjà partie j'enfilai mon pyjama, qui était une sorte de longue chemise de nuit blanche vintage, et me mis au lit. Mais je n'avais pas envie de dormir. J'avais besoin de voir la mer. Toujours en chemise de nuit, je mis des coussins sous ma couette et sortis par la fenêtre. Heureusement, le deuxième étage n'était pas très haut. Une fois pieds nus dans la rue, seule, je me rendis compte que je ne savais pas où se trouvait la plage.
- Pero que idiota... marmonnai-je, le visage dans les mains.
(Mais quelle idiote...)
J'avançai dans les rues, ne sachant pas trop quoi faire. Puis, sans faire attention, je me retrouvai dans une impasse. Un bruit de verre qui se fracasse me figea sur place.
- Qui va là ? gronda une voix rauque.
Les pas s'approchaient de moi. J'étais coincée. Je reculai jusqu'à ce que mon dos soit collé au mur. Je ne pus distinguer le visage de la personne que lorsqu'elle fut à quelques centimètres de moi. La lune éclairait son visage. C'était un garçon.
Incroyablement beau, compléta la voix.
Pas faux, concédai-je.
Son regard me balaya.
- Est-ce qu'on pourrait m'expliquer pourquoi une jeune fille de ton âge se promène seule, de nuit, en chemise de nuit ?
Son haleine sentait légèrement l'alcool.
- Je voulais juste voir la mer, marmonnai-je. Mais je me suis perdue.
Il éclata de rire.
- Je vois, je vois. Eh bien, le gentleman que je suis va t'y conduire.
- Non, je vais...
- Je sais que c'est inquiétant, me coupa-t-il, de suivre un inconnu de nuit, mais je te promets que je ne te ferai rien. Et puis moi aussi, il faut que j'aille voir la mer.
Il me tendit sa main. Je la pris timidement. Il m'entraîna dans le dédale de rues. Quelques minutes plus tard, l'océan nous offrait son immense surface miroitante. Je courus jusqu'à l'eau pour y tremper mes pieds. Un bruit de vêtements me fit tourner la tête. L'inconnu était en train de se déshabiller. Mon regard revint aussitôt se poser sur l'eau.
À coup sûr t'as les joues toutes rouges, ricana la voix.
Tais-toi, lui intimai-je.
- Tu dois être bien jeune, pour être gênée par quelqu'un qui enlève sa chemise ! lança-t-il, ayant capté mon geste.
Je haussai les épaules.
- T'es pas causante, toi.
Je l'entendis s'approcher de moi.
- Tu t'appelles comment ? demanda-t-il.
J'ouvris la bouche, hésitai, la refermai.
- J'en sais rien, finis-je par souffler.
- Tu connais pas ton prénom ? s'étonna-t-il. Pas commun, ça.
- Si, je sais comment je m'appelle, mais...
Je soupirai et secouai la tête.
- C'est compliqué, terminai-je.
- Ok ok, pas de problème. Bon, je vais t'inventer un prénom alors, et je l'utiliserai quand on sera tous les deux. Alors, voyons...
Il shoota dans l'eau. Une algue s'accrocha à ma cheville. Je me penchai pour la retirer puis me tournai vers lui. Du coin de l'œil, je pouvais apercevoir mon reflet sur l'eau. Ma silhouette se découpait sur la Lune. Ses yeux se plantèrent dans les miens.
- Loar, murmura-t-il.
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