♡ partie 1 ♡
Chan lâcha un long bâillement quand il referma le coffre de sa voiture après y avoir jeté un sac contenant quelques vêtements pour les quatre jours à venir. Le réveil avait été difficile, la soirée de la veille avait eu raison de lui et lui faisait déjà regretter de s'y être rendu. Peu adepte de ce genre de sortie où les gens s'agglutinaient dans un minuscule espace pour boire et danser, il avait pourtant fait l'effort pour Minho, son meilleur ami. Il n'était pas rentré tard, mais tout ce monde l'avait épuisé. L'agitation et le bruit de la foule pompaient son énergie à une vitesse folle, et il avait beaucoup de difficulté à rester longtemps dans un tel environnement. Lui, il aimait le calme, le silence, une escapade en nature avec le chant des oiseaux et la brise pour l'accompagner. Tout le contraire de Minho qui adorait se fondre dans une masse d'autres étudiants pour s'amuser, rire et boire.
Là, installé au volant de sa voiture, il se sentait revivre et en sécurité. Il ne lui manquait plus qu'une seule chose pour qu'il soit totalement comblé : la présence de son ami. Mais cela ne saurait tarder puisqu'il devait aller le chercher à son appartement. Chan avait du pain sur la planche, et tout naturellement le jeune homme lui avait proposé son aide. En effet, ses parents avaient un chalet en montagne et en prévision des beaux jours, il avait été missionné pour y mettre un peu d'ordre. Ça ne le dérangeait pas, bien au contraire, car il adorait ce lieu perdu en pleine nature, gorgé de souvenirs heureux, où il pouvait se ressourcer. Même si c'était pour travailler, il y trouvait son compte et s'en réjouissait. Et puis cela signifiait qu'il allait passer quatre jours coupés du monde avec Minho. Seulement Minho.
Il ne put s'empêcher de sourire à cette pensée. Les deux jeunes hommes se connaissaient depuis longtemps, presque depuis toujours à vrai dire, et ils avaient noué des liens très forts au fil du temps. Inséparables, toujours présents l'un pour l'autre, dans les bons moments comme dans ceux plus difficiles. Même s'ils étaient différents sur beaucoup de points, Minho soutenait Chan, et inversement. Il était là pour lui, dès qu'il l'appelait pour tout et n'importe quoi, dès qu'il avait besoin de parler ou même de sa présence, il n'hésitait jamais à venir passer du temps avec lui, quitte à remettre ses propres projets à plus tard. Chan, n'étant pas la personne la plus sociable, avait beaucoup de difficultés à aller vers les autres, à se faire des amis et surtout à trouver quelqu'un avec qui entreprendre une relation plus intime. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas, mais il n'y arrivait pas. Depuis qu'il avait compris qu'il n'était attiré que par les hommes, il faisait un véritable blocage. Sauf avec son meilleur ami. Avec lui, tout était tellement plus simple, tellement plus naturel.
Alors, un jour, tandis qu'ils plaisantaient sur le sujet — car Chan avait beaucoup d'autodérision — Minho lui avait proposé d'être son premier baiser. Tout était clair entre eux, il n'était pas question de sentiments romantiques, mais plutôt d'un plus qu'ils s'autorisaient en tant qu'amis. Les baisers s'étaient vite transformés en longues étreintes, puis en caresses discrètes, pour s'orienter ensuite vers des gestes plus intimes. Même s'ils couchaient ensemble, ils étaient seulement amis et toujours libres d'avoir des relations en dehors de ce qu'ils vivaient à deux. Au départ, Chan pensait que cela l'aiderait à voir d'autres personnes, qu'il serait moins timide et plus ouvert. Mais il s'était totalement planté.
Minho, quant à lui, cumulait les conquêtes comme avant. Il était plus populaire que lui à l'université, il engageait la conversation facilement et savait comment draguer. Mais il ne faisait jamais passer Chan au second plan. Ce dernier pouvait bien l'appeler au beau milieu de la nuit alors qu'il se trouvait dans le lit avec une jolie fille, il accourait s'il avait besoin. Et lui seul savait ô combien Chan avait parfois besoin de sa présence, de ses bras rassurants et de ses mots réconfortants. Il avait besoin d'amour. De son amour. Mais ça, il ne lui avait jamais dit. Il se contentait de son amitié et de leurs moments d'intimité, parce qu'il avait conscience qu'il ne pouvait pas lui demander plus. Il ne pouvait pas garder Minho rien que pour lui, il ne pouvait pas être égoïste.
Ce fut avec une pointe de tristesse tachant son cœur que Chan arriva en bas de l'immeuble de son meilleur ami. Il se gara mais laissa le moteur tourner. Pendant qu'il attendait l'arrivée de Minho, il observa son reflet dans le miroir du pare-soleil et en profita pour replacer quelques mèches brunes qui tombaient disgracieusement sur son front. Il n'avait pas vraiment pris le temps de se coiffer correctement, et dompter sa chevelure ondulée relevait du défi, surtout lorsque l'atmosphère était aussi humide. Voyant que les minutes défilaient et que son camarade n'arrivait pas, Chan décida qu'il était peut-être temps de l'appeler.
— Hm ? Qu'est-ce qu'il y a ?
La voix rauque de Minho laissa penser qu'il venait de se réveiller. Avait-il oublié qu'il devait partir avec Chan ? Le concerné esquissa une moue de déception et pensa tout de suite au fait que son ami avait dû s'amuser jusqu'à très tard, et qu'il était peut-être même rentré avec quelqu'un.
— T'es tout seul ?
— Oui ? Avec qui tu veux que je sois ?
— Une fille.
Un silence s'installa et un lourd soupir échappa à Minho.
— Je suis rentré seul, j'allais pas commencer à baiser alors qu'on doit partir. T'es déjà là ?
— Oui, il est l'heure.
— Oh merde... J'ai confondu le 9 avec un 8 sur mon téléphone ! Désolé, je suis encore défoncé, je me magne le cul et j'arrive.
Minho raccrocha et Chan lâcha un rire. Ça ne l'étonnait pas plus que ça, son ami n'était pas très à cheval sur la ponctualité et il suffisait qu'il eût un peu trop bu pour être complètement à l'ouest.
Il patienta quelques minutes avant de le voir débarquer avec un gros sac de sport plein à craquer. Chan descendit du véhicule pour accueillir Minho et le débarrasser de ses affaires qu'il rangea dans le coffre. Une fois installés à l'avant de la voiture, les deux jeunes hommes s'échangèrent un regard, puis un sourire. Minho avait encore de petits yeux vitreux et ensommeillés, mais Chan le trouva encore plus beau avec le doux rayon orangé qui caressait sa peau légèrement hâlée. L'hiver se terminait tout juste mais contrairement à lui, son ami avait toujours un teint éclatant peu importe la saison. Et avec ses cheveux noirs et ses yeux d'un marron noisette, tout ressortait encore plus.
— T'as rien oublié ? demanda Chan d'une voix basse.
Minho se pencha vers lui pour déposer un bref baiser sur ses lèvres avant de se repositionner dans son siège. Il laissa son vis-à-vis un peu surpris par l'attention.
— Ça ?
— Euh, je... je parlais de tes affaires.
— Oh.
Minho jeta un coup d'œil en arrière avant de reprendre :
— Non, je crois que j'ai tout.
Chan déglutit en acquiesçant, puis il redémarra. Le baiser de son ami n'était pas inhabituel, ils s'en faisaient souvent depuis qu'ils étaient devenus sex friends, mais là, il avait vraiment été pris de court. Cependant, ce n'était pas déplaisant, bien qu'à chaque fois, il ressentait une pointe de douleur dans son cœur. Peut-être parce qu'il aurait aimé que ces échanges soient plus romantiques. Qu'il aurait aimé être plus qu'un ami aux yeux de Minho. Ce dernier soupira encore, expirant tout l'air de ses poumons.
— Dure soirée ? s'amusa Chan.
En lui jetant un rapide regard, il le vit hausser les épaules.
— T'es pas resté longtemps, alors...
— Je sais, mais j'aime pas du tout l'ambiance. J'y trouve pas ma place.
— C'était pas un reproche.
— T'es sûr ?
Minho hocha la tête avant de venir lui tapoter la cuisse.
— C'est pas ton truc, j'ai fini par l'assimiler. Et tu sais que je respecte tes goûts et tes envies.
Cette fois, Chan esquissa un sourire satisfait. Ça avait toujours été le cas, Minho ne le forçait jamais à faire quoi que ce soit qui pouvait le mettre mal à l'aise, dans leur amitié comme dans leur intimité. Ils étaient différents, et ils s'acceptaient et se respectaient. Minho aimait boire et faire la fête, Chan préférait rester chez lui à lire un bon roman. Minho était du genre taquin quand ils couchaient ensemble, Chan avait tendance à être on ne peut plus sérieux. Ils se connaissaient par cœur et pouvaient tout se dire. C'était bien pour cela que Chan n'avait eu aucune crainte d'annoncer à Minho qu'il était homosexuel. Il se sentait en confiance, il savait qu'il ne le jugerait jamais et qu'il accepterait tout de lui. Leur relation était basée sur un puissant sentiment de sécurité, ils n'avaient aucune crainte d'être eux-mêmes.
— Je suis étonné que tu sois rentré seul hier, lança Chan.
Minho tourna la tête sur la droite. Le paysage urbain avait laissé place au relief, aux champs et aux montagnes.
— J'avais juste pas envie en fait.
— Ça te ressemble pas.
— Hm, je crois que je suis lassé en ce moment.
Chan fronça les sourcils. Il était vraiment étonné par cette réponse et par le ton qu'il avait employé. Minho aimait plaire et constater qu'il plaisait. Il aimait séduire, puis il aimait le sexe sans lendemain. Il ne s'en cachait pas, tout le monde le savait et c'était peut-être pour cela qu'il avait tant de facilité à trouver un ou une partenaire. La plupart des gens savaient qu'il était bisexuel, et Chan rêvait presque d'être aussi à l'aise avec son orientation sexuelle que lui. Quand il voyait Minho agir, ça lui paraissait si simple et pourtant, quand c'était à son tour de faire un pas, tout semblait insurmontable.
— T'as revu Jeongyeon ?
— Pas envie d'en parler, marmonna Minho.
— Oh...
— Et toi, toujours pas de mec à l'horizon ?
Nerveusement, Chan passa une main dans ses ondulations brunes.
— Je cherche pas vraiment.
— Inscris-toi sur un site de rencontres.
Il pouffa de rire et Minho lui asséna une tape sur la cuisse.
— Pourquoi tu ris ? Je te donne des pistes, soit content.
— C'est pas mon truc de rencontrer des gens sur internet. Je préfère les voir en vrai.
— Bah faudrait déjà sortir un minimum de ta tanière pour ça.
— Je sors.
— J'appelle pas ça sortir quand on va à une soirée tous les trente ans et qu'on y reste une demie heure. Je te dis pas de te bourrer la gueule tous les week-ends ou d'aller dans des clubs, juste... pas rester cloîtré chez toi tout le temps.
Chan soupira. Il devait bien admettre que Minho avait raison, mais ça ne l'intéressait pas. Il aimait sa tranquillité, et peut-être se complaisait-il dans sa situation actuelle. Au final, il recevait tout l'amour dont il avait besoin avec son ami, même si ce n'était pas un amour comme il l'aurait souhaité.
— Je suis très occupé en ce moment avec les cours.
— Chan. Je suis pas stupide. Si on couchait pas ensemble tu serais encore puceau de partout.
Minho marquait un point supplémentaire, et celui-là faisait bien mal. C'était comme enfoncer son doigt dans une plaie ouverte. Il s'était plus d'une fois plaint qu'il ne trouvait pas chaussure à son pied et Minho avait été là pour lui donner des conseils. Cependant, il était aussi vrai qu'il ne se donnait pas les moyens de rencontrer des gens. À quoi bon quand il avait son meilleur ami à ses côtés et avec qui il partageait des moments plus intimes ? Nul besoin de convoiter autre chose quand tout ce qu'il désirait se trouvait là, à portée de main.
— J'ai pas la tête à ça de toute façon, j'ai trop de... problèmes. Puis j'ai le temps de trouver quelqu'un y'a pas urgence.
— C'est ce que tu crois. Un jour tu vas te réveiller et réaliser que t'as pas fait tout ce que t'avais envie de faire par peur ou par honte.
— C'est pas facile, je suis pas comme toi à batifoler à droite et à gauche, à réussir à nouer des liens. J'y arrive pas.
— Tu n'essayes pas.
Chan soupira.
— Peut-être parce que ça me ressemble pas.
— Alors qu'est-ce que tu veux ? Que tout te tombe dans le bec ?
Cette fois, il déglutit et leva les yeux au ciel. Ses mains se cramponnèrent avec force sur le volant.
— C'est pas ça.
Un silence s'installa avant qu'il ne reprenne la parole :
— J'aimerais bien quelqu'un qui m'accepte comme je suis.
— Tu trouveras. Mais faut être au bon endroit, au bon moment.
Il jeta un regard vers Minho et son cœur serra. À ses côtés, il avait toujours l'impression que c'était le bon endroit, et le bon moment. Car en réalité, c'était lui qu'il voulait, mais il ne pouvait pas se permettre de lui faire part de ses sentiments les plus profonds, au risque de tout perdre.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro