8.
A nouveau, cinq jours et elle n'est plus là.
Je passe des heures à la fenêtre. Assise par terre sur mon balcon, je trie les photos pour mon book, je les assemble, et j'observe par dessus la rambarde si elle ne sort pas dehors. Mais rien. Les rideaux sont tirés. Je n'arrive même pas à apercevoir de la lumière.
J'en viens à imaginer que tout était faux, que j'ai inventé son corps nu, que j'ai inventé la lumière blanche sur sa peau. Je m'épuise. Je n'arrive pas à dormir, mes nuits ne sont qu'elles en apesanteur, elle tapisse mon plafond, elle me sourit, j'ai peur des obsessions et elle en est une, j'ai l'impression que ses bras m'agrippent comme des lianes, qu'ils ne me laissent plus respirer. J'ai peur de me réveiller dans le noir et de me rendre compte que tout ça n'avait rien à voir avec la réalité.
Le samedi je n'en peux plus et je décide d'aller directement chez elle. Je n'ai qu'un palier à traverser mais je reste plantée devant la porte d'entrée, à fixer son prénom au-dessus de la sonnette, pendant un temps infiniment long. Sayo M. et Mathéo L. C'est son copain je crois, je l'ai déjà croisé plusieurs fois. J'espère qu'il n'est pas là.
Je sonne.
Mes doigts tremblent un peu alors je glisse mes mains dans les poches arrières de mon jean et j'évite de me balancer d'avant en arrière. Il y a un bruit de pas rapide et la porte s'entrouvre. C'est elle. Ses sourcils se froncent un peu en me voyant et elle se mord la lèvre, rapidement. Je ne sais pas quoi dire. Ses yeux m'examinent de bas en haut puis elle murmure :
-Oui ?
Je cligne des yeux.
-Euh... Je... Je vous dérange ?
-Un peu. Qu'est-ce qu'il y a ?
Ah. Merde. J'ai envie de mourir. De disparaître sous terre, très très loin d'elle. Elle me fixe avec tellement d'intensité que je finis par bégayer :
-Hm, en fait, je suis en train de faire un gâteau et je me suis rendue compte que je n'avais plus de lait. Vous pourriez me dépanner ?
-D'accord.
Elle referme la porte. Je ferme les yeux très forts. J'ai mal dans les tempes, un battement sourd et oppressant. Dans le silence, j'entends des éclats de voix provenant de son appartement. Son copain doit être là. C'est peut-elle pour ça que je la dérangeais. Si ça se trouve, il est en train de travailler ou de se reposer ou...
La porte s'ouvre à nouveau et cette fois elle sort de l'appartement et referme derrière elle. Elle tient la bouteille de lait contre son ventre et me regarde avec cet air que je ne comprends pas, ses grands yeux noirs pleins de nœuds. Et puis, d'un geste brusque, elle me tend la bouteille et dit très vite :
-Si tu veux venir, fais-le dans l'après-midi s'il-te-plaît.
Je n'ai même pas le temps de répondre qu'elle disparaît déjà derrière sa porte d'entrée.
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