16.
Après ça, la vie reprend son cours.
Lente. Obsédante.
Quand je rentre de mes cours, elle est souvent là, à son balcon. Elle me sourit, ses cheveux dorés par le soleil. On s'envoit des avions de papier par dessus le vide, pour rire. C'est con. C'est délicieux. C'est comme vivre un amour adolescent un peu suspect, une longue première fois qui n'a pas de nom.
Quelque chose de différent.
Je lui écrit sur les ailes des avions des morceaux de poème que je prends dans les livres. Elle dit « Je sais que c'est Eluard, je sais que c'est pas toi. » Je n'ose pas lui dire que la poésie, les mots, c'est moi aussi, c'est ce que je voudrais lui dire mais que je ne sais pas écrire assez bien.
Parfois, son appartement est vide, plongé dans le noir. Je passe mes soirées accoudée à la fenêtre de ma chambre et j'attends. Elle ne vient pas. Elle est comme disparue du monde entier. Pourtant, je sais qu'elle ne sort presque pas.
De temps en temps, je croise son copain dans l'escalier. On se dit bonjour sans se regarder. Je le déteste et je l'admire : c'est lui qui connaît ses secrets, lui qui a le droit de partager sa vie. C'est à lui qu'elle offre ses baisers, pour lui qu'elle rit.
Moi, je partage juste avec elle le souvenir d'une envie de mourir.
*
L'avion de papier vole au dessus du vide. Elle l'attrape, le déplie. Elle a toujours le cœur qui bat un peu dans l'attente des mots. Elle espère toujours que ce soit quelque chose de percutant, de plus fort que le reste.
Tu voudrais poser pour moi ? J'ai besoin d'un modèle pour mes photos.
Elle relève la tête. Charly l'a fixe sans un mot, à quelques mètres de là.
Elle sourit.
Oui.
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