(Chapitre12 - Challenge de nuit)

Je le reconnais. Ces cheveux bruns légèrement plus longs sur le dessus, cette carrure... Cet homme est magnifique à la lueur d'un réverbère.

— Adam ?

Il se tourne doucement, me regarde avec surprise, et me répond à l'identique :

— Lara ?

Nous avons un petit éclat de rire simultané, puis il m'interroge :

— Mais, qu'est-ce que tu fais par ici toi ? Tu es si impatiente que ça ouvre ?

— Mais non, j'habite juste au-dessus, je réponds en gloussant.

— Au-dessus ? Tu veux dire, au-dessus du 'Pierre de lune' ?

— Oui, c'est ça !

— Ce n'est pas trop bruyant ?

— Parfois, mais, sincèrement, je pensais que ce serait pire... Et puis, c'est pratique quand on a une soudaine envie de boire un cocktail.

— Pas faux...

Je fais référence à mes derniers passages dans ce bar. Je n'ai pas oublié que je lui devais de réelles excuses. C'est vrai, j'ai agi irrespectueusement en partant sans lui dire au revoir.

— Adam, je suis vraiment désoléea pour la dernière fois.

Je m'approche de lui et perçois un peu mieux son visage. Sa bouche se tord et d'un léger froncement de sourcils, il fuit mon regard. Est-ce bon signe ?

— Je suis partie comme une voleuse... Tu me pardonnes ?

— Ce n'est pas très grave...

Il relève la tête vers moi et paraît surpris.

— Mais Lara, qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as pleuré ?

Merde ! Précipitamment, j'essuie mes joues avec mes mains et je peste d'avoir été découverte. Car oui, j'ai craqué. Seule dans ma voiture, juste avant d'arriver, mes nerfs ont lâché et j'ai versé des larmes de crocodile... Quelques larmes étaient pour Sam et notre fatal destin, les autres, pour la pression qu'exerçait mon ancien travail. Je devais évacuer toutes ces dernières heures. Mais tout va mieux maintenant.
Ma maman disait toujours qu'il n'y a rien de mieux que des larmes pour laisser sortir les émotions négatives, celles qui pourraient nous embuer le corps et l'âme. Elle avait raison.

— C'est rien...

— Non, dis-moi ce qu'il t'arrive ma belle...

Il pose son pouce sur mes pommettes. Délicatement, il essuie le reste de mascara noir qui a coulé. Normalement, à cette heure, la rue est déserte, mais nous entendons des pas lourds se manifestent.

— Ça doit être Max, mon collègue, dit Adam comme pris au piège.

Je l'entraîne vers ma cage d'escalier à quelques mètres pour terminer tranquillement notre discussion. Nous voilà enfermés dans 3m². La lumière a par chance été réparée entre temps...

— Alors Lara, que se passe-t-il ?

— J'ai démissionné de mon boulot. Mon amie Estelle, qui bosse avec moi, a été licenciée, alors ça m'a donné envie de partir aussi.

— Sérieux ? Merde... Mais si c'est ta décision, pourquoi tu pleures alors ?

— Ce n'était pas vraiment des larmes de tristesses. Je suis soulagée d'avoir quitté ce poste, je relâche juste la pression. Bon, et pour être honnête, je suis juste un peu paniquée pour mon loyer, mais je trouverai bien un moyen, je lui avoue avec un petit rire nerveux.

— Viens bosser avec moi !

Cette demande spontanée me surprend, je n'en reviens pas, je reste hésitante, partagée entre une bouche bée et un sourire idiot.

— Tu veux dire, au 'Pierre de lune' ?

— Oui ! Sois barmaid avec moi, au moins le temps que tu retrouves un job.

— Je ne sais pas, je n'ai jamais fait ce métier tu sais... Je suis vendeuse de prêt-à porter, pas de boisson.

— Je t'apprendrai. Ce n'est pas bien compliqué et je serai toujours à tes côtés. Laisse-moi juste en parler ce soir avec mon boss et si c'est ok, tu commences quand tu veux !

Il est si emballé qu'il arrive à me convaincre. Je regarde ses yeux sombres pétiller et je lui réponds :

— Bon, d'accord... Appelle-moi quand tu auras une réponse de la part de ton boss !

— Tu verras, en quelques jours, tu seras la reine des cocktails !

Adam ajoute mon numéro sur son portable, et pour prendre congé, il prend une expression qui me fait immédiatement penser au fameux doudou. Ça doit être son nez retroussé qui fait cet effet...

*

Dès le lendemain matin, j'ai une réponse d'Adam. D'ailleurs, c'est lui qui me réveille, car à 9h du matin, j'étais encore dans les bras de Morphée. Les yeux collants, le corps engourdi et la bouche pâteuse, je lis son message à voix basse.

'Coucou Lara, c'est Adam. On te veut bien dans notre équipe. Ça te dit de commencer ce soir ?'

Mon cœur a de petites palpitations. Serai-je à la hauteur de sa confiance ?

' Quoi, sans entretien ni rien du tout ?'

' Ça s'appelle du piston... '

Je n'ai jamais été pistonnée de toute ma vie, mais pourquoi pas... Je relève le défi.

' Ok, tu peux compter sur moi !'

' Viens une heure avant l'ouverture ;) '

Pour me préparer à cette nouvelle étape de ma vie, je passe l'après-midi à faire du shopping. Flâner seule, en tant que cliente et non vendeuse, me parait un peu étrange au début, mais en fin de compte, c'est tellement agréable.

J'ai envoyé un message à Alessia pour savoir si elle était libre, mais comme elle me l'avait dit, elle est occupée. Occupée à faire quoi ? Je ne sais pas... Peut-être qu'elle s'occupe de Sam, la garce...

Et voilà ! Comment puis-je être si méchante et insulter ma meilleure amie qui n'y est pour rien ! Elle n'est pas au courant qu'il s'agit de mon beau brun, comment puis-je lui en vouloir pour quelque chose qu'elle ignore ?

Par ailleurs, ce matin, je me suis surprise à écrire SAM avec mes petites pâtes alphabets... Juste après, j'ai trouvé son compte Facebook, où il ne publie pas grand-chose. Son compte Instagram lui, est un peu plus fourni. Ses photos à la salle de sport sont juste... disons qu'elles m'ont données assez chaud pour me faire ressentir de la frustration. En les regardant, j'ai même eu envie de libérer cette frustration en moi, en m'adonnant au plaisir solitaire... Mais non ! Je ne sais pas comment j'ai fait, mais j'ai réussi à stopper mes pensées salaces. Enfin, disons que j'ai trouvé une autre source d'inspiration...

Et là, j'essaye tant bien que mal de me reconcentrer ; priorité à mon nouveau job. Il n'est que temporaire, car je ne survivrais pas aux horaires de nuit, mais pour l'instant, travailler avec Adam me tente bien.

Dans ma chambre, je me prépare pour ce premier soir. Je déchire l'étiquette de mon nouveau débardeur noir et enfile une jupe courte de la même couleur. Elle comporte de jolis croisillons sexy sur le côté. Adieu chignons et chemises luxueuses, c'est l'avantage de bosser dans un club ! Je peux laisser parler mon imagination pour un style un peu plus glamour.
J'ai bien dû essayer une dizaine de tenues avant de me décider, du coup je n'ai plus le temps pour ranger tous ces habits qui traînent par terre...
Je troue mon collant chair sur le dessus de ma cuisse, juste avant de partir... Tant pis aussi !

Enfin, je descends les escaliers et me retrouve en quelques secondes devant le bar.

— Wow, tu es canon Lara, me gratifie Adam.

— Mince, j'en ai trop fait ?

— Tu plaisantes ? Le patron va être ravi quand il va te voir. Et puis, ça ramènera des clients.

Je reste mitigée par ce compliment un brin machiste. Je suis ici pour travailler, pas pour être traitée comme un objet !

— Je plaisante, me dit Adam en me bousculant l'épaule.

— Ah.

J'essaye de me dérider, mais le stress me rend stoïque.

— Tu es très bien comme ça, tente-t-il de me rassurer.

— Ok, merci, je souffle soulagée. J'ai pensé à remonter chez moi pour me changer tu sais...

Il pouffe de rire et retrouve son visage si adorable.

— Allez viens, je vais t'expliquer les bases de notre métier.

Pour la première depuis que je fréquence ce bar, je me trouve derrière le comptoir. Pour un début, je ne me débrouille pas trop mal. Au cours de la soirée, je fais la connaissance de mes nouveaux collègues et de mon boss temporaire...