(Chapitre 1 -  Retour à la ville)

Encore un homme avec un somptueux regard. Encore un qui, même s'il est physiquement bien équipé, ne me fait aucun effet. Quatre mois... Quatre mois et c'est le même schéma. Je vois que le retour dans ma ville n'y change rien. Il n'y en a qu'un qui m'obsède, et c'est lui. Ce beau brun que je n'ai vu qu'une seule fois dans ma vie et dont je ne sais absolument rien.

— Mademoiselle ? Vous pouvez monter dans la voiture si vous le souhaitez.

— Ah oui. Je vous remercie.

Je souris timidement à l'homme au physique parfait qui m'aide à porter mes valises. Il s'agit en réalité du taxi qui doit m'emmener de l'aéroport jusqu'à chez moi. Avant, j'aurais peut-être tenté une approche, ou j'aurais au moins battu des cils comme une biche... Mais là, rien... Aucune envie de le séduire... Je me contente juste de regarder la route de plus en plus familière à travers la fenêtre.
Après avoir suivi une formation professionnelle de 4 longs mois, je n'ai qu'une seule hâte, c'est de rentrer chez moi !
Actuellement, je me plais bien dans le poste que j'occupe, c'est-à-dire vendeuse dans une boutique de prêt-à-porter pour homme (je suis devenue incollable sur la mode masculine)... mais je ne pouvais pas rater cette occasion de monter en grade.
Madame Fashelle, ma responsable, semble satisfaite du boulot que je fais, car c'est à moi qu'elle a offert cette opportunité. Et puis comme j'adore voyager, cela m'a aussi permis d'assouvir mon côté aventurier. Cela explique pourquoi certains m'appellent Lara Croft. Sans compter que j'ai souvent visité des lieux anciens et mystérieux et que je possède le même prénom que l'héroïne en question.

En tout cas, la formation s'est bien passée. J'avoue que c'était parfois un peu ennuyeux, néanmoins, le temps passait plus vite en compagnie de Kristen. Nous avons partagé cette aventure côte à côte et, même si nos différences sont palpables, il y a eu un bon feeling entre nous. Kristen est une femme franche, sincère et convaincue par ses opinions. C'est ce qui m'a d'ailleurs plu chez elle. Ça, ainsi que ses blagues auxquelles je riais, même si entre nous, elles n'étaient pas toujours drôles. Elle a cette petite intonation dans la voix qui peut déclencher chez moi, un fou rire incontrôlable. Comble de tout, nous n'habitons pas très loin l'une de l'autre, alors nous risquons de nous revoir très souvent.

Après 30 kilomètres, le beau gosse à la chevelure mi-longue me dépose devant chez moi.

Je me hâte, direction ma chambre, sans prendre le temps de m'attarder dans les autres pièces de la maison. Plongée dans l'obscurité, j'ouvre les volets pour aérer la pièce, tire un peu le rideau et balance mes valises sur le lit. Sauf qu'au lieu de les vider, je m'affale sur la couette juste à côté. Qu'est-ce qu'il m'a manqué ce matelas... Puis ces oreillers... C'est décidé, je ne bouge plus d'ici !
Détendue, je glisse mes mains sur le molletonné de plume et presse mon visage éreinté dessus. Sous cette délicieuse sensation, mes pensées s'envolent très vite vers l'homme auquel je pense tous les jours depuis notre rencontre. Si c'est le destin qui m'a amené à lui, il y a forcément un moyen de le retrouver, non ?

Quand je repense à notre rencontre...

C'était il y a 4 mois. Plus précisément, 2 jours avant mon départ pour suivre la formation. Ce soir-là, Alessia, ma meilleure amie, m'a proposé une sortie nocturne.
J'ai rencontré Alessia il y a cinq ans, alors que je venais de perdre mes parents. Elle m'a soutenue et aidée à chasser les idées noires qui me hantaient. C'est pour cette raison, que je fais l'impasse sur son caractère parfois égoïste et capricieux. Malgré tout, elle est toujours là pour moi. D'ailleurs, nos sorties du samedi soir sont presque des rituels.

Avec plaisir, j'ai donc accepté son invitation et nous nous sommes rendues au 'Pierre de lune', un club qui se trouve juste en bas de chez moi. Bien décidées à nous éclater, nous y sommes surtout allées pour profiter de notre dernière sortie avant mon départ.
Seule ombre au tableau, Alessia, venait de se disputer avec son petit ami. Même si c'était presque une habitude chez eux, elle était furieuse, et elle passait son temps à boire ou à lui envoyer des sms, la tête baissée sur son téléphone. Quelques heures plus tard, malgré toutes mes tentatives pour lui faire oublier sa prise de bec avec son mec, elle m'a dit :

— Lara, je peux te laisser seule un instant ? Le temps de téléphoner à Justin. S'il te plaît... ?

Est-ce que j'avais vraiment le choix ? Peu importe, je me suis assise sur un tabouret en cuir, et j'ai attendu...

À peine le temps de commander, que je l'ai vu. En une seconde, il m'a bouleversé.
L'homme qui me troublait tant, était habillé de noir et se tenait debout avec un air nonchalant, les mains dans les poches. Il écoutait l'un de ses amis parler quand ses yeux ont croisé les miens.
L'espace d'une seconde, son visage s'est figé, puis il s'y est dessiné un léger sourire. Sourire, que j'ai essayé de rendre, mais sans succès. À la place, je suis restée là, hypnotisée par sa beauté.

Honteuse, j'ai sorti mon téléphone pour regarder, sans aucun intérêt, mon fil d'actualité... mais très vite, j'ai relevé la tête. En toute discrétion, j'ai voulu le revoir encore un peu... Sauf qu'il n'était plus là.

J'ai tout de suite regretté d'avoir été lâche et d'avoir baissé mon regard. Pour le coup, je n'ai pas été courageuse pour un sou. Puis soudain, j'ai vu une main tendre un billet juste à côté de moi. Elle m'a frôlé et a interpellé le serveur de l'autre côté du comptoir. Lentement, j'ai tourné la tête vers cette personne qui semblait bien proche de moi. C'est alors que j'ai senti mon cœur faire un triple salto arrière. Il était là, tout près de moi, avec un air totalement détendu. L'inconnu aux traits bel et bien parfaits, venait de me demander ce que je voulais boire.

Cerveau OFF. Câbles déconnectés. Court-circuit. Pression sanguine irrégulière. Voici les symptômes que j'ai ressentis, lorsqu'il m'a adressé la parole.

— Je... Ce que tu veux.

— Un Cosmopolitan ? Tu aimes ?

— Oui, ai-je répondu sans vraiment savoir ce que c'était. Merci.

Voilà ce que c'est de toujours boire la même chose. En effet, les Mojitos et les Téquila Sunrise n'ont plus de secrets pour moi.

— Tu es toute seule ?

Aux mouvements de ses lèvres, j'ai bien compris ce qu'il me disait, mais je n'ai pas entendu le son de sa voix à cause du volume de la musique.

— Ma copine est au téléphone, je l'attends, j'ai dit en mimant bêtement un téléphone.

Il a hoché la tête et a payé le serveur. Pendant ce temps, j'ai bien pris le temps d'observer ses cheveux bruns sur lesquels se reflétaient les lumières du club. Il avait une grande masse relevée, le tout en bataille. Son T-shirt noir moulait son buste sur lequel j'avais envie de m'attarder... mais j'ai vite remonté les yeux, car de nouveau, son regard se plongeait dans le mien. Il avait une expression intense et pourtant si douce. Son sourire presque enfantin et ses lèvres bien dessinées me donnaient envie de tout partager avec lui. Comment peut-on se sentir complice avec quelqu'un que l'on ne connaît pas ? Toujours coincée par ma timidité, je n'ai rien dit de plus.
Ce n'est pas de moi, d'habitude, j'ai plus de caractère. Cette fois, je me suis contentée de poser la paille à travers ma bouche teintée de rose et de goûter le cocktail offert par cet homme si sexy.

Je ne sais pas si c'est la saveur fruitée qui m'a donnée du courage, mais après quelques gorgées, un élan de séduction s'est enfin emparé de moi. Je me suis mordue la lèvre et je me suis approchée de lui. Quelques centimètres à peine ont suffi pour électriser tout mon corps, comme des sortes de pulsions qui me traversaient de part et d'autre.
Puis, il m'a dit quelque chose d'incompréhensible. N'ayant rien entendu, j'ai profité de cette excuse pour me rapprocher encore un peu plus de lui et sentir son parfum mentholé de plus près. Les yeux pétillants, il a répété sa phrase, mais impossible de partager son excitation, je ne comprenais rien. Quand il a vu que j'étais totalement perdue, il a fini son verre cul-sec et m'a pris par la main.

Ce premier contact physique m'a achevé. C'était comme lorsqu'on entre dans une piscine et que l'eau est tellement froide que notre souffle se coupe. Pourtant, quelques autres hommes m'ont déjà touchée, que ce soit émotionnellement ou physiquement... mais pas de cette manière. Non, pas comme ça, pas avec cette sensation unique que j'ai ressentie ce samedi soir. Je crois bien que pour la première fois, j'ai été victime d'un coup de foudre.